Cass. com., 10 février 2021, n° 18-25.722
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme Lefeuvre
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Sevaux et Mathonnet
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 13 septembre 2018), aux termes d'un protocole d'accord transactionnel conclu le 5 février 2002, M. D... a cédé à M. C... l'intégralité des parts qu'il détenait dans le capital de la société de Bourbon, société mère de la société 1855. L'article 1.4 de ce protocole prévoyait que « le prix sera susceptible d'être augmenté si les actions de la société 1855 deviennent liquides soit par leur admission aux négociations à la cote d'un marché réglementé, soit par leur cession. »
2. Les titres de la société ont été introduits sur le marché Alternext le 21 décembre 2006 et ont été admis à la négociation en continu sur le marché de Nyse Euronext le 4 avril 2011.
3. Estimant que la condition posée par la convention du 5 février 2002 pour le versement du complément de prix était remplie, M. D... a assigné M. C... en paiement.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. M. D... fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes, alors « qu'il appartient aux juges du fond d'interpréter les clauses ambiguës d'un acte ; que la clause de l'acte du 5 février 2002, qui, subordonnait le paiement au cédant d'un complément de prix à la liquidité des actions "soit par leur admission aux négociations à la cote d'un marché réglementé, soit par leur cession", pouvait désigner tous les marchés soumis à une réglementation donc les marchés régulés qui n'existaient pas à la date de conclusion du contrat en excluant uniquement leur cotation sur un marché libre, soit les marchés désignés par le terme légal "réglementé" ; qu'en retenant que cette clause ne nécessitait aucune interprétation et en s'abstenant par conséquent de rechercher comme elle y était invitée si les parties n'avaient pas entendu viser tous les marchés soumis à une réglementation conformément au sens commun des termes employés, ce qui incluait les marchés dits régulés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
5. Après avoir énoncé, d'un côté, que s'il incombe au juge d'interpréter la commune intention des parties, il ne saurait dénaturer les termes clairs de leur convention et, de l'autre, qu'en vertu de l'article L. 424-1 du code monétaire et financier, dans sa version alors applicable, la reconnaissance de la qualité de marché réglementé d'instruments financiers était décidée par arrêté du ministre chargé de l'économie sur la proposition du conseil des marchés financiers et après avis de la commission des opérations de bourse ainsi que de la Banque de France, l'arrêt relève que le marché Alternext, créé en mai 2005, est un système multilatéral de négociation organisée et que ni lui, ni le marché Nyse Euronext ne sont des marchés réglementés au sens de la législation française et de la directive n° 2004/CE dite MIF.
6. En cet état, la cour d'appel, qui n'avait pas à interpréter les stipulations d'une clause dépourvue d'ambiguïté, a exactement retenu, sans avoir à procéder à la recherche, inopérante, invoquée par le moyen, qu'aucune conclusion quant à l'exigibilité d'un complément de prix ne pouvait être tirée de la cotation des actions de la société 1855 sur le marché Alternext, de la signature, par cette société, d'un contrat de liquidité et de l'admission des dites actions à la négociation en continu sur le marché Nyse Euronext.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
8. M. D... fait le même grief à l'arrêt, alors « que dans ses conclusions d'appel, il avait également soutenu que la condition de "liquidité par cession" des actions était, en toute hypothèse, également réalisée dès lors qu'une partie d'entre elles avait été cédée sur un marché régulé ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
9. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
10. Pour rejeter la demande en paiement d'un complément de prix formée par M. D..., la cour d'appel a retenu que la condition de liquidité des actions par leur admission aux négociations à la cote d'un marché réglementé n'était pas remplie.
11. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. D... qui soutenait que la condition de liquidité des actions par leur cession était remplie, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.