CA Amiens, 1re ch. civ., 6 décembre 2022, n° 21/02253
AMIENS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Aréas Dommages (Sté), Colas Nord Est (SAS), Colas (SAS), Compagnie Allianz IARD (SA), Compagnie d'assurance SMABTP (Sté), SMA (SA), Lhotellier Travaux Publics (SAS), Eurovia Picardie (SAS), Bertrand (SAS)
Défendeur :
Colas France (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Brillet
Conseillers :
Mme Segond, M. Adrian
Avocats :
Me Verfaillie, Me Page, Me Lorthiois, Me Lopes, Me Ehora, Me Fenay, Me Zanati, Me Yahiaoui, Me Dubus, Me Claeys, Me Déchelette, Me Denys, Me Derbise, Me Woimant, Me Peschiatta, Me Vermont, Me Selosse-Bouvet, Me Evrard, Me Dubus, Me Dhonte
FAITS ET PROCÉDURE
Dans le cadre de la réalisation de la ZAC Paul Claudel à [Localité 17], la société anonyme d'économie mixte Amiens Aménagement (la SAEM) s'est vue confier par la Ville d’ [Localité 17], une concession d'aménagement.
La maîtrise d'oeuvre a été confiée à un groupement d'entreprises composé des sociétés suivantes :
- BET O.T.H., devenu Egis Bâtiment Nord, (mandataire), assuré auprès de la compagnie Gan Eurocourtage (désormais Allianz Iard),
- société Massimiliano Fuksas Architecture, assurée auprès de la MAF,
- SARL Florence Mercier, assurée auprès d'AXA France Iard.
Pour l'aménagement de la première tranche de cette ZAC, la SAEM a, le 20 juin 2003, passé un marché pour la réalisation du lot 1 « voiries, assainissement, réseaux divers et espaces verts. » avec un groupement d'entreprises composé des sociétés suivantes :
- Screg Nord Picardie (Mandataire), devenue Colas Nord Est, assurée par la SMABTP,
- Eurovia, assurée par la Sagena,
- Stag, devenue Lhotellier Travaux Publics, assurée par la SMABTP.
Les prestations du lot n°2 à savoir "contrôle du réseau d'assainissement" incluant une inspection vidéo des réseaux ont été confiées à la société Bertrand et Fils, assurée auprès d'Areas.
Le lot n°3 « électricité et éclairage » a été confié à la société Lavielle.
La réception sans réserve des ouvrages est intervenue le 15 janvier 2009, avec effet au 9 juillet 2008.
Courant 2009, la SAEM a allégué l'existence de désordres affectant les canalisations (eaux pluviales et eaux usées), qui se sont révélées non étanches, et les réseaux électriques, certains d'entre eux, qui devaient être placés sous les voiries, ayant été implantés sous la propriété privée de particuliers.
En l'absence de règlement amiable, et par ordonnance du 2 mai 2012, la SAEM a obtenu du juge des référés du tribunal administratif d'Amiens la désignation de M. [K] [B] en qualité d'expert judiciaire, lequel a déposé son rapport le 8 février 2016.
Par requête en date du 28 juillet 2016, la SAEM a saisi le Tribunal Administratif d'Amiens d'une demande de condamnation des divers constructeurs à indemniser ses préjudices au titre des désordres affectant les réseaux d'eau et d'électricité. Par jugement en date du 30 novembre 2018, le Tribunal Administratif d'Amiens s'est déclaré incompétent au profit de l'ordre judiciaire.
Parallèlement, la SAEM a fait assigner par actes d'huissier de justice du 17 janvier 2017 les sociétés AXA France Iard (recherchée en qualité d'assureur de la SARL Florence Mercier Paysagiste), SMABTP (recherchée en qualité d'assureur des sociétés Screg et Lhotellier), MAF, ( recherchée en qualité d'assureur du cabinet Fuksas Architecture), SMA (recherchée en qualité d'assureur de la société Eurovia Picardie), Allianz Iard (recherchée en qualité d'assureur de la société Egis), et Areas Dommages (recherchée en qualité d'assureur de la société Bertrand et Fils) devant le tribunal de grande instance d'Amiens.
En suite du jugement d'incompétence précité du tribunal administratif d'Amiens, la SAEM, par actes d'huissier de justice des 15 et 23 janvier 2019, a fait assigner devant le tribunal de grande instance d'Amiens la SAS Colas Nord Est, la SA Colas, la société Egis Bâtiment Nord, la SA Lhotellier Travaux Publics, la SAS Eurovia Picardie et la société Bertrand et Fils.
Les deux instances ont été jointes par ordonnance du juge de la mise en état du 6 juin 2019.
Dans le dernier état de ses écritures, la SAEM a principalement demandé au tribunal de :
- concernant les désordres affectant les réseaux d'assainissement, condamner solidairement les sociétés Colas et Colas Nord Est venant aux droits de la société Screg Nord Picardie, Eurovia Picardie, Lhotellier Travaux Publics, Egis Bâtiment Nord, SMABTP, SMA SA, Allianz à lui payer la somme de 99 108 € TTC (41 508 € au titre de la reprise des réseaux d'eaux pluviales + 57 600 € au titre des travaux de reprise des réseaux d'eaux usées),
- subsidiairement, si les désordres étaient considérés comme étant apparents à réception, condamner solidairement les sociétés Egis Bâtiment Nord, et Fils, Allianz et Areas Dommages à lui payer la somme de 99 108 € TTC au titre de leur responsabilité contractuelle,
- concernant le défaut d'implantation, condamner solidairement les sociétés Colas et Colas Nord Est venant aux droits de la société Screg Nord Picardie, Eurovia Picardie, Lhotellier Travaux Publics, Egis Bâtiment Nord, SMABTP, SMA et Allianz, à lui payer la somme de 10 450 € HT, soit 12 540 € TTC au titre du déplacement des réseaux empiétant sur la parcelle HT [Cadastre 12],
- subsidiairement, si les désordres étaient considérés comme étant apparents à réception, condamner les sociétés Egis Bâtiment Nord et Allianz à lui payer la somme de 12 540 € TTC au titre de la responsabilité contractuelle.
Par jugement rendu le 25 mars 2021, auquel la cour renvoie pour une présentation plus complète des faits et de la procédure antérieure, le tribunal judiciaire d'Amiens a :
- déclaré irrecevables les appels en garantie de la SAS Lhotellier Travaux Publics dirigés contre la SARL Florence Mercier et la SARL Massimiliano Fuksas,
- constaté que la SAEM se désiste de sa demande dirigée contre la MAF,
- constaté que la SAEM se désiste de sa demande dirigée contre la SA AXA France Iard,
- constaté que ces désistements sont parfaits,
- dit que la SAEM conservera le coût des assignations délivrées contre la MAF et contre la SA AXA France Iard,
- condamné la SAEM à payer à la SA AXA France Iard la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- mis hors de cause la SA Colas,
- reçu la SAS Colas Nord Est en son intervention volontaire,
- débouté la SAEM Amiens Aménagement de sa demande de condamnation solidaire au paiement de la somme de 99 108 € au titre de travaux de reprise du réseau d'assainissement dirigée contre la SAS Colas Nord Est, la SAS Lhotellier Travaux Publics, la SAS Eurovia Picardie, la SMABTP et la SA SMA, la Egis Bâtiment Nord et la SA Allianz, la société Bertrand et Fils et la SA AERAS Dommages,
- condamné la SAEM Amiens Aménagement à payer à la société Bertrand et Fils la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SAEM Amiens Aménagement à payer à la SA Areas Dommages la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum la SAS Colas Nord Est, la SAS Eurovia Picardie, la SAS Lhotellier Travaux Publics et SA Allianz à payer à la SAEM Amiens Aménagement la somme de 10 450 € indemnisant le défaut d'implantation du réseau électrique,
- dit que cette condamnation est indexée à l'évolution de l'indice du coût de la construction BT 01 entre février 2016 et le jour du jugement,
- dit que les intérêts dus pendant une année entière produiront eux-mêmes des intérêts,
- dit que la SA Allianz est fondée à opposer sa franchise contractuelle à la SAEM,
- dit que la société Egis Bâtiment Nord supportera définitivement la moitié de cette condamnation,
- dit que le groupement d'entreprises constitué de la SAS Colas Nord Est, de la SAS Eurovia Picardie, et de la SAS Lhotellier Travaux Publics supportera l'autre moitié de cette condamnation,
- condamné in solidum la société Egis Bâtiment Nord, la SA Allianz, la SAS Colas Nord Est, la SAS Eurovia Picardie et la SAS Lhotellier Travaux Publics au paiement des dépens dont le coût de l'expertise, 35 370,34 € et à l'exception des assignations délivrées contre la MAF et la SA AXA France Iard,
- dit que la SAS Egis Bâtiment Nord supportera définitivement la moitié des dépens,
- dit que le groupement d'entreprises constitué de la SAS Colas Nord Est, de la SAS Eurovia Picardie, et de la SAS Lhotellier Travaux Publics supportera l'autre moitié des dépens,
- dit que la SAS Colas Nord Est supportera 22,60% de la moitié de la condamnation indemnitaire et de la moitié des dépens,
- dit que la SAS Eurovia Picardie supportera 44,80% de la moitié de la condamnation indemnitaire et de la moitié des dépens,
- dit que la SAS Lhotellier Travaux Publics supportera 22,60% de la moitié de la condamnation indemnitaire et de la moitié des dépens,
- rejeté les demandes des autres parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
La SAEM Amiens Aménagement a interjeté appel le 26 avril 2021 en ce en ce qu'il :
- l'a déboutée de sa demande de condamnation solidaire au paiement de la somme de 99 108 € au titre de travaux de reprise du réseau d'assainissement,
- l'a condamnée à payer :
- à la SA Bertrand et Fils la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- à la SA Areas Dommages la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- a dit que la société Allianz est fondée à lui opposer sa franchise contractuelle,
- rejeté ses demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile,
Par ordonnance en date du 8 décembre 2021, le conseiller de la mise en état a :
- constaté l'intervention de la société Colas France venant aux droits et obligations de la société Colas Nord Est,
- constaté que l'incident concernant l'irrecevabilité des demandes de la SAEM Amiens Aménagement, en ce qu'elles tendaient à demander à la Cour, s'agissant de l'indemnité liée au défaut d'implantation du réseau électrique, de revaloriser les condamnations prononcées en première instance jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir et à faire courir les intérêts et la capitalisation à compter de l'assignation, est désormais sans objet, lesdites demandes ayant été abandonnées,
- déclaré irrecevable devant le conseiller de la mise en état l'incident tendant à voir déclarer irrecevables les demandes de la SAEM relatives au défaut d'implantation du réseau d'alimentation électrique de l'éclairage public pour défaut d'intérêt à agir,
- rejeté les demandes formées en application l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que les dépens l'incident suivront ceux de l'instance au fond.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 septembre 2022.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions récapitulatives de la SAEM notifiées par voie électronique le 16 septembre 2022 aux termes desquelles elle demande à la cour de :
- réformer le jugement en ce qu'il :
- l'a déboutée de sa demande de condamnation solidaire au paiement de la somme de 99 108 € au titre de travaux de reprise du réseau d'assainissement
- l'a condamnée à payer à la SA Bertrand et Fils la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- l'a condamnée à payer à la SA Areas Dommages la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- a dit que la société Allianz est fondée à lui opposer sa franchise contractuelle,
- a rejeté ses demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile,
En conséquence, faisant droit à son appel et statuant sur cet appel :
Concernant les désordres affectant les réseaux d'assainissement,
- condamner solidairement les sociétés Colas Nord Est et Colas France venant aux droits de la société Screg Nord Picardie, Eurovia Picardie, Lhotellier Travaux Publics, Egis Bâtiment Grand Est, SMABTP, SMA SA, Allianz à lui payer la somme de 99 108 € TTC (41 508 € au titre de la reprise des réseaux d'eaux pluviales +57 600 € au titre des travaux de reprise des réseaux d'eaux usées)
Subsidiairement, sur la responsabilité contractuelle,
- condamner solidairement les sociétés Egis Bâtiment Grand Est, et Fils, Allianz et Areas Dommages à lui payer la somme de 99 108 € TTC au titre de leur responsabilité contractuelle en précisant que cette condamnation devra être revalorisée selon l'évolution de la série de prix du coût de la construction BT 01 intervenue depuis l'évaluation à laquelle a procédé l'expert (février 2016) et le jour de l'arrêt à intervenir et que l'ensemble de ces sommes revalorisées produira intérêt depuis l'assignation avec capitalisation annuelle à compter de cette date.
Concernant le défaut d'implantation, confirmant le jugement :
- condamner solidairement les sociétés Colas Nord Est et Colas France venant aux droits de la société Screg Nord Picardie, Eurovia Picardie, Lhotellier Travaux Publics, Egis Bâtiment Grand Est, Allianz, à lui payer la somme de 10 450 € HT au titre du déplacement des réseaux empiétant sur la parcelle HT [Cadastre 12] en précisant que cette condamnation devra être indexée à l'évolution de l'indice du coût de la construction BT01 entre février 2016 et le jour du jugement,
- débouter les intimés de leurs appels incidents.
- condamner solidairement les sociétés Colas Nord Est et Colas France venant aux droits de la société Screg Nord Picardie, Eurovia Picardie, Lhotellier Travaux Publics, Egis Bâtiment Grand Est, SMABTP, SMA SA, Allianz et la société Bertrand et Fils à lui payer la somme de 10 000 € TTC au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner solidairement les sociétés Colas Nord Est et Colas France venant aux droits de la société Screg Nord Picardie, Eurovia Picardie, Lhotellier Travaux Publics, Egis Bâtiment Grand Est, SMABTP, SMA SA, Allianz et la société Bertrand et Fils aux entiers dépens en ce compris les frais de première instance, de référé et d'expertise s'élevant à 35 370,34 € ordonnés le 2 mai et 15 octobre 2012.
A ces fins, en substance, elle allègue le caractère caché des désordres affectant les réseaux d'eaux de pluie et d'eaux usées au moment de la réception Les désordres affectant des réseaux enterrés n'étaient pas visibles pour le maître de l'ouvrage au moment de la réception. Le premier juge a opéré une confusion entre désordre préexistant et désordre apparent. Elle met en avant le caractère partiel et inexploitable de l'inspection vidéo de 2004 de la société Bertrand et plus généralement l'absence d'information du maître d'ouvrage quant à l'existence de désordres affectant les réseaux d'assainissement. En tout état de cause, l'ampleur des désordres et leurs conséquences lui étaient cachées.
Elle met en avant son absence de choix délibéré et éclairé du maître d'ouvrage au moment de la réception et insiste sur la distinction à opérer entre un professionnel de l'immobilier, tels que les promoteurs/aménageurs, et un professionnel de la construction.
Elle prétend que les désordres affectant les réseaux (défaut d'étanchéité laissant s'infiltrer les eaux usées dans le sol et le risque pour la solidité de l'ouvrage) étaient donc cachés au moment de la réception, ce qui entraîne la responsabilité décennale des constructeurs. Subsidiairement, il s'agit de dommages intermédiaires engageant leur, responsabilité contractuelle de droit commun en raison des fautes commises.
En toute hypothèse est engagée la responsabilité contractuelle de la société Bertrand, qui n'a pas réalisé de passages caméra dans les réseaux d'eaux pluviales qui se sont pourtant révélés être les plus concernés par les désordres et qui n'a pas fourni de plan de récolement et n'a pas fourni de rapport d'analyse de ses inspections vidéo.
A titre subsidiaire, elle met en avant la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre. Elle prétend que le maître d'oeuvre, qui assiste le maître d'ouvrage dans le cadre des opérations préalables à la réception doit notamment signaler à ce dernier les désordres apparents devant faire l'objet de réserve.
Elle sollicite la confirmation du jugement s'agissant du désordre d'empiétement du réseau électrique, tant en ce qui concerne son intérêt à agir que sur le fond de sa demande indemnitaire, ce principalement sur le fondement des désordres intermédiaires et subsidiairement sur celui de la garantie décennale.
Vu les dernières conclusions récapitulatives des sociétés Colas, Colas Nord Est, venant aux droits de la SA Screg Nord Picardie, et Colas France venant aux droits de la société Screg Nord Picardie notifiées par voie électronique le 15 septembre 2022 aux termes desquelles elles demandent à la cour de :
- constater que la société Colas France vient aux droits de la société Colas Nord Est,
- en conséquence, accueillir l'intervention volontaire de la SAS Colas France,
- mettre hors de cause la société Colas Nord Est,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il est entré en voie de condamnation à l'encontre de la société Colas Nord Est aux droits de laquelle vient la société Colas France, tant au titre de l'implantation du réseau électrique que pour l'article 700 et les dépens,
Statuant de nouveau,
- déclarer irrecevable ou à tout le moins débouter la SAEM de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la société Colas Nord Est aux droits de laquelle vient la société Colas France,
- condamner in solidum la SAEM et toute partie succombant à payer à la société Colas France la somme de 5 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum la SAEM et toute partie succombant aux entiers dépens,
- confirmer pour le surplus,
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où l'appel principal était accueilli,
- débouter la SAEM de ses demandes en ce qu'elles sont formulées TTC,
Vu l'article 1240 du code civil,
- constater que l'expert judiciaire indique que les désordres dénoncés sont imputables pour moitié à un défaut de coordination et de contrôle des travaux imputable à la maîtrise d'oeuvre,
- en conséquence, condamner la société Egis Bâtiment Nord Est, et son assureur Allianz Iard à garantir et relever indemnes les membres du groupement d'entreprises en ce compris la société Colas France venant aux droits de la société Colas Nord Est à hauteur de 50 % des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle,
Vu l'article 1134 ancien du code civil, Vu la convention de groupement,
- condamner la société Eurovia, et son assureur SA SMA, à garantir et relever indemne la société Colas France venant aux droits de la société Colas Nord Est à hauteur de 44,80 % des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle,
- condamner la société Lhotellier Travaux Publics, venant aux droits de la société STAG, et son assureur SMABTP, à garantir et relever indemne la société Colas France venant aux droits de la société Colas Nord Est à hauteur de 26,60 % des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle,
- débouter l'ensemble des parties de leurs demandes dirigées à l'encontre la société Colas France venant aux droits de la société Colas Nord Est.
À ces fins, elles soutiennent en substance qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire que les désordres existaient avant la réception des travaux et qu'ils étaient visibles dès lors qu'était prévue une inspection vidéo des ouvrages. La SAEM a choisi de réceptionner les travaux sans avoir eu de rapports d'inspection complets (pas d'inspection du réseau des eaux pluviales, pas d'essai de compactage, pas d'essai d'étanchéité à l'air et à l'eau) et concomitants à la réception (les rapports produits datent de 2003 pour une réception en 2009). Les désordres apparents n'ont pas été réservés à la réception ce qui prive le maître de l'ouvrage de tout recours contre les constructeurs.
Subsidiairement, s'agissant des indemnités, elles affirment que les sociétés d'économie mixtes sont autorisées à déduire la TVA qui leur est facturée dans le cadre de leur activité.
Il en résulte qu'il ne pourrait être prononcé que des condamnations hors taxes, puisque in fine seul ce montant hors taxe est susceptible de rester à la charge du demandeur.
S'agissant du désordre d'empiétement du réseau électrique, elles contestent l'intérêt à agir de la SAEM au motif que la parcelle n° HT [Cadastre 12], victime de cet empiétement, a été vendue par elle à aux époux [C]. La SAEM n'allègue pas que les propriétaires de la parcelle l'ont assignée pour solliciter le déplacement, ces derniers n'étant pas fondés à le faire compte tenu des clauses de leur acte de vente. Sur le fond, elles contestent le caractère décennal du désordre. Elles soutiennent que le réseau a été posé par la société Lavielle, que c'est donc l'ouvrage de cette dernière qui est impropre à sa destination mais que la SAEM a fait le choix de ne pas la mettre en cause. Elles affirment que la SAEM ne justifie d'aucun préjudice tiré de la mauvaise implantation des réseaux. Elles ajoutent que l'invocation à titre subsidiaire de la théorie des dommages intermédiaires ne peut pas permettre de contourner cette difficulté, la faute invoquée au soutien de cette théorie étant encore la mauvaise implantation de l'ouvrage. L'ouvrage mal implanté n'est pas celui du groupement assigné.
Vu les dernières conclusions récapitulatives de la société Eurovia Picardie notifiées par voie électronique le 22 septembre 2021 aux termes desquelles elle demande à la cour de :
- déclarer recevable mais mal fondé l'appel interjeté par la SAEM à l'encontre du jugement rendu le 25 mars 2021 par le tribunal judiciaire d'Amiens,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il constate que l'ensemble des désordres affectant les réseaux étaient antérieurs à la réception de l'ouvrage intervenue le 15 janvier 2009 avec effet rétroactif au 06 juillet 2008, et qu'eus égard à la mission d'inspection incombant à la société Bertrand & Fils, ils étaient visibles à la réception et n'ont pas été réservés et en ce qu'il a débouté la SAEM de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre au titre de la reprise des réseaux d'assainissement,
- pour le surplus, faire droit à son appel incident,
- constater que la SAEM n'est plus propriétaire de la parcelle HT [Cadastre 12] et qu'elle n'a donc pas qualité à agir pour le compte des propriétaires [S],
- constater que les réseaux d'alimentation de l'éclairage public à l'origine de la mauvaise implantation l'ont été par la société Lavielle laquelle n'a pas été attraite aux opérations d'expertise ni à la présente procédure,
- en conséquence, débouter la SAEM de ses demandes concernant l'implantation du réseau électrique,
- subsidiairement, dire et juger que les condamnations retenues par l'expert sont HT et que les condamnations doivent donc être Hors taxes, étant relevé que le désordre concernant le déplacement des réseaux empiétant la parcelle HT [Cadastre 12] est imputable à la société Lavielle qui est à l'origine du désordre,
- condamner la société Egis Bâtiment à garantir et relever indemne les membres du groupement d'entreprises, elle-même comprise, à hauteur de 50 % des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle,
- rejeter toutes demandes de condamnations solidaires,
- dans l'hypothèse d'une condamnation solidaire avec les sociétés Lhotellier et Colas Nord Est, sa part de responsabilité ne pourrait pas dépasser 44,80 %,
- laisser à la charge de la SAEM les frais d'expertise à concurrence de 90 %,
- condamner la SAEM ou toutes autres parties succombant aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700.
Elle prétend, en substance, s'agissant Réseaux d'eaux EP et EU, que les désordres étaient apparents au jour la réception. Il appartient au maitre d'oeuvre et au maître d'ouvrage d'assumer les conséquences juridiques d'une telle réception prononcée sans réserve alors que le défaut d'exécution imputable à telle ou telle entreprise n'est pas rapportée. La SAEM maître d'ouvrage, ne peut être considérée comme un « profane » alors qu'elle est un aménageur privilégié dont l'activité consiste notamment à faire réaliser des travaux d'assainissement, et elle disposait des moyens pour déceler, avant la réception, les défauts pouvant affecter les réseaux d'assainissement eaux usées et eaux pluviales. Sa négligence tenant au fait qu'elle n'a pas jugé utile de s'assurer de l'état des canalisations avant de les réceptionner sans réserve ne peut qu'entraîner la confirmation du jugement. En toute hypothèse, il ne peut être fait droit à la demande de condamnation solidaire en application des articles 1523 et 1525 (sic) du code civil.
S'agissant du désordre empiétement du réseau électrique, se pose le problème de l'intérêt à agir de la SAEM dès lors qu'elle n'est plus propriétaire du terrain depuis 2010 et n'est donc pas fondée à solliciter un déplacement de réseau. C'est l'entreprise Lavielle qui a posé le réseau électrique et c'est donc cette société, qui n'a pas avoir été appelée tant devant le Tribunal que devant la cour, qui est à l'origine de l'empiétement physique sur le domaine privatif et qui a engagé sa responsabilité. L'empiétement constaté était manifestement apparent lors de la réception et relève d'un manquement du maître d'oeuvre qui a failli dans sa mission de suivi d'exécution du chantier. Il ne s'agit pas d'un désordre de nature décennal, la garantie décennale ne trouvant à s'appliquer qu'en l'état d'un désordre rendant l'entier ouvrage impropre à sa destination.
Vu les dernières conclusions récapitulatives des sociétés Egis Bâtiment Nord, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société Egis Bâtiment Nord Est, et Allianz Iard notifiées par voie électronique le 16 septembre 2022 aux termes desquelles elles demandent à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SAEM de sa demande de condamnation solidaire des constructeurs au titre des coûts des travaux de reprise des désordres affectant les réseaux d'assainissement,
- recevoir leur appel incident,
- en conséquence, réformer le jugement entrepris en ce qu'il les a condamnées à indemniser la SAEM au titre du défaut d'implantation du réseau électrique et à supporter les dépens,
Et statuant à nouveau :
- rejeter comme irrecevable et, en tout cas, mal fondée, la demande de la SAEM dirigée à leur encontre au titre du défaut d'implantation du réseau électrique, et l'en débouter, ainsi que de toutes conclusions accessoires, telles que les dépens et les frais irrépétibles,
- rejeter toute demande de garantie dirigée à leur encontre par les autres parties à l'instance,
- condamner la SAEM ou, à défaut, tout succombant, à leur payer la somme de 5 000 € chacune sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction de droit au profit de maître Odile Claves, avocat aux offres de droit,
A titre subsidiaire :
- limiter le montant des condamnations prononcées au titre des coûts des travaux de reprise des désordres affectant les réseaux d'assainissement au montant HT des devis produits par la SAEM,
- condamner solidairement les sociétés Colas Nord Est, Eurovia Picardie et Lhottelier Travaux Publics et leurs assureurs, les sociétés SMABTP et SMA à les garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à leur encontre,
- dans tous les cas, limiter la part de responsabilité susceptible d'être mise à la charge de la société Egis Bâtiment Nord Est à 10 % du montant total des condamnations prononcées à la demande de la SAEM,
- dire que les garanties de la société Allianz Iard ne pourront donner lieu à condamnation à son encontre que dans les limites de la police souscrite et, dans l'hypothèse où la responsabilité décennale de son assurée ne serait pas retenue, sous déduction de la franchise applicable au présent litige.
Elles indiquent partager le point de vue de l'appelante en ce qui concerne le caractère caché des désordres affectant les réseaux en cause à la réception mais s'opposent en revanche à son argumentation sur les responsabilités de ces désordres. Elles affirment, au vu notamment d'un rapport de télé-inspection de canalisations du 26 avril 2004 de la société Bertrand et Fils mentionnant la présence d'aucune anomalie, que le tribunal ne pouvait juger que le rapport d'expertise et les rapports de contrôle et d'inspection de la société Bertrand & fils permettaient d'établir la connaissance des désordres par le maître d'ouvrage lors de la réception des travaux du réseau d'assainissement en 2009.
Elles contestent l'ensemble des fondements de la responsabilité mis en avant par la SAEM pour retenir celle de la société Egis Bâtiment Nord, y compris sur le plan décennal. Si les désordres affectant les réseaux d'eaux usées et d'eaux pluviales de la ZAC sont de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs, eu égard à leur gravité et à leur caractère caché à la réception, la société Egis Bâtiment Nord conteste devoir supporter de responsabilité définitive dans la réparation des désordres affectant les réseaux d'assainissement. Par ailleurs, sur le terrain de la garantie des dommages intermédiaires, elle ne démontre pas sa faute. S'agissant enfin de son prétendu manquement à son obligation de conseil au moment de la réception, elle fait valoir que les désordres n'étaient, ni connus, ni apparents à la date de la réception et qu'aucun élément ne justifiait la réalisation d'une nouvelle inspection des réseaux. Les désordres, conséquences de malfaçons dans l'exécution des travaux de pose des canalisations de ces réseaux, ne peuvent être imputés à la société Egis Bâtiment Nord. Rien ne justifiait au stade des opérations préalables à la réception qu'elle fasse procéder à un nouveau contrôle du bon état des réseaux dans la mesure où les rapports de contrôle de la société Bertrand & ; Fils, réalisés en 2003-2004, n'avaient révélé aucune anomalie particulière. Le maître d'ouvrage, professionnel des opérations d'aménagement, assisté à cet égard de services techniques étoffés et compétents, qui disposait des mêmes rapports, avait par ailleurs la possibilité de réclamer ce contrôle lui-même. Si la responsabilité du maître d'œuvre était retenue, que ce soit sur un fondement décennal ou sur un fondement contractuel, il devrait être tenu compte de la faute du maître d'ouvrage, notoirement compétent dans le domaine de la réalisation des VRD, pour l'exonérer totalement de sa responsabilité. La SAEM a accepté, en parfaite connaissance de cause, de réceptionner les travaux sans demander de contrôle complémentaire du réseau d'assainissement, ce qui traduit une acceptation des risques d'apparition de désordres après la réception, de nature à engager sa responsabilité et à exonérer celle des autres intervenants à l'acte de construire, dont le maître d'œuvre. Dans l'hypothèse de leur condamnation, seul le montant HT des devis produits par la SAEM, soit au total la somme de 82 590 €, doit être retenu dans la mesure où cette dernière est en droit de déduire la TVA,
S'agissant du défaut d'implantation du réseau électrique, elles soutiennent que la SAEM ne justifie pas de son intérêt et de sa qualité pour agir, la parcelle cadastrée section HT n° [Cadastre 12] subissant un empiétement partiel ayant été vendue par ses soins en 2008, aux époux [C]. Elle ne justifie pas non plus de l'exercice par les propriétaires actuels de la parcelle d'une action en justice tendant au déplacement du réseau mal implanté. Elle n'est pas plus fondée à se prévaloir d'un « risque » d'action en déplacement du réseau mal implanté mais doit justifier d'un préjudice personnel, direct et certain, ce qu'elle ne fait pas. Subsidiairement, elles affirment que le tribunal a justement retenu que le désordre minime n'a pas de caractère décennal mais a à tort retenu sa responsabilité au titre d'une obligation de résultat alors que cela supposait la démonstration d'une faute de sa part, laquelle n'est pas rapportée. Le léger débord constitue un problème ponctuel d'exécution imputable au seul entrepreneur en charge des travaux d'implantation de ce réseau, lequel n'a pas été mis en cause. Il doit rester à la charge du seul maître d'ouvrage ou, le cas échéant, du groupement d'entreprises titulaire du lot n° 1 en charge de l'exécution de la tranchée commune et de la pose des fils électriques dans les fourreaux de cette tranchée. Subsidiairement, aucun défaut de contrôle n'est reprochable.
Elles contestent tout recours en garantie à leur égard s'agissant des désordres compte tenu de leur absence de faute.
S'il est retenu que les désordres sont imputables au maître d'oeuvre, elles sont fondées à appeler en garantie, sur le fondement de l'article 1240 du Code civil et des articles L. 124-3 et L. 241-1 du code des assurances, les membres du groupement d'entreprises titulaire du lot n° 1 « Réalisation des travaux de voirie, d'assainissement, de réseaux divers et d'espaces verts », soit les sociétés Colas France (venant aux droits de Colas Nord Est), Eurovia Picardie et Lhotellier Travaux Publics et leurs assureurs, les sociétés SMABTP et SMA, eu égard à la nature des désordres affectant lesdits réseaux, relevant de défauts d'exécution et/ou de conformité dans la réalisation des ouvrages. La dette de la société Egis Bâtiment Nord et leur contribution à la dette des intimés ne saurait dépasser 10 % du montant des condamnations, les désordres relevant d'abord et avant tout d'une mauvaise exécution des travaux de réalisation des ouvrages.
Vu les dernières conclusions récapitulatives des sociétés SMABTP, en qualité d'assureur de la société Screg aux droits de qui intervient Colas Nord Est et de la société Stag devenue Lhotellier Travaux Publics, et SMA SA, notifiées par voie électronique le 16 septembre 2022 aux termes desquelles elles demandent à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes présentées à leur encontre
a titre subsidiaire,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SAEM de sa demande de condamnation solidaire au paiement de la somme de 99 108 € au titre de travaux de reprise du réseau d'assainissement dirigée contre la SAS Colas Nord Est, la SAS Lhottelier Travaux Publics, la SAS Eurovia Picardie, la SMABTP et la SA SMA, la Egis Bâtiment Nord et la SA Allianz, la société Bertrand et Fils et la SA Areas Dommages,
- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la SAEM recevable à agir s'agissant de l'implantation du réseau d'alimentation électrique de l'éclairage publique et statuant de nouveau :
- déclarer la SAEM irrecevable à agir au titre de l'implantation du réseau d'alimentation électrique de l'éclairage publique,
- débouter la SAEM de ses entières demandes présentées au titre de l'implantation du réseau d'alimentation électrique de l'éclairage publique,
Plus subsidiairement :
- condamner la société Egis Bâtiment Nord Est in solidum avec la société Allianz Iard à les relever et garantir indemnes à hauteur de 50% des condamnations qui seraient prononcées à leur encontre en principal, frais, intérêts, article 700 et dépens,
En tout état de cause,
- constater que le contrat d'assurances souscrit auprès de la SMABTP par la société Entreprise Stag devenue Lhotellier TP a été résilié le 31 décembre 2009,
- juger que les demandes de garantie portant sur un ouvrage non soumis à l'assurance obligatoire présentées contre la SMABTP postérieurement à la résiliation du contrat ne peuvent plus prospérer,
- rejeter toutes les demandes présentées contre la SMABTP es qualité d'assureur de la société Entreprise Stag devenue Lhotellier TP,
- juger que leurs garanties ne pourront donner lieu à condamnation à leur encontre que dans les limites des polices souscrites,
- les juger bien fondées à opposer à leurs assurées les franchises applicables à leur contrat d'assurance,
- condamner la SAEM à leur payer la somme de 3 000 € (1 500 € chacune) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Lebegue Pauwels Derbise conformément à l'article 699 du même code.
A ces fins, en substance, elles soutiennent que les non-conformités affectant les réseaux d'eaux pluviales et d'eaux usées étaient manifestement apparentes au moment de la réception. En sa qualité de maître de l'ouvrage professionnelle, assistée en cela par l'équipe de maître d'oeuvre, la SAEM a confié à la société Bertrand et Fils un lot spécifique pour vérifier la bonne réalisation des canalisations et leur conformité. Elle avait ainsi manifestement connaissance des non-conformités des réseaux d'eaux pluviales et d'eaux usées. Lors de la réception, aucune réserve n'a été formulée sur les réseaux, ce qui a eu pour effet de purger les non-conformités apparentes. Le critère de gravité requis pour engager la responsabilité décennale des constructeurs n'est absolument pas caractérisé à la lecture même des conclusions de l'expert judiciaire.
Le désordre du réseau d'alimentation électrique de l'éclairage publique ne relève pas de la garantie décennale des constructeurs, la demande est irrecevable au vu du défaut manifeste d'intérêt à agir de la SAEM qui ne justifie pas être propriétaire de la parcelle n° HT [Cadastre 12], siège de l'empiétement allégué. Elle n'est exposée à aucune réclamation ni aucun recours, qui au vu des délais écoulés, se heurterait très certainement à la prescription. Elle ne rapporte pas davantage la preuve d'un lien d'imputabilité entre les travaux réalisés par les membres du groupement titulaire du lot N°1, lequel ne comprend pas l'électricité et l'éclairage, et les désordres allégués. Le réseau a été posé par la société Lavielle. Le défaut d'implantation était manifestement apparent au jour de la réception, laquelle a été prononcée sans réserve à effet du 6 juillet 2008.
Elle affirme qu'en tout état de cause les ouvrages litigieux relèvent de travaux de génie civil exclus de l'assurance obligatoire (canalisations, réseaux divers) comme le dispose l'article L. 243-1-1 du code des assurances. Les garanties pour les ouvrages non soumis à l'obligation d'assurances sont des garanties dites facultatives en base réclamation telles que prévu à l'article L. 124-5 alinéa 4 du code des assurances. Le contrat de l'entreprise STAG devenue Lhotellier TP souscrit auprès de la SMABTP a été résilié le 31 décembre 2009 en sorte que la société STAG n'était donc plus assurée auprès de la SMABTP lorsque la SAEM a introduit la procédure de référé expertise en 2012. Le maintien de garantie au-delà de la résiliation dont se prévaut la société Lhotellier TP ne vise que les ouvrage de bâtiment soumis à garantie obligatoire et non les ouvrages de génie civil. Les conditions du maintien de la garantie au-delà ne sont pas établies.
Subsidiairement, en cas de condamnation, elles soutiennent être fondées à solliciter à hauteur de 50%, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, la garantie du membre de la maîtrise d'œuvre en charge du contrôle des lots objets du litige au vu des griefs retenus par l'expert en conclusions de son rapport, soit la société OTH Nord devenue Egis Bâtiment Nord puis Egis Bâtiment Nord Est, assurée auprès d'Allianz.
Vu les dernières conclusions récapitulatives de la société Lhotellier Travaux Publics notifiées par voie électronique le 19 septembre 2022 aux termes desquelles elle demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SAEM et toutes autres parties de leurs demandes dirigées à son encontre au titre des désordres ou malfaçons allégués sur les réseaux des eaux pluviales et des eaux usées,
- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la SAEM la somme de 10 450 € indemnisant le défaut d'implantation du réseau électrique,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de condamnations accessoires c'est-à-dire au titre des dépens, des frais irrépétibles, des intérêts,
Statuant à nouveau :
- dire et juger irrecevables les demandes présentées par la SAEM au titre des désordres ou non-conformités allégués concernant le réseau d'alimentation d'électricité et d'éclairage,
En tout état de cause,
- débouter la SAEM et toutes autres parties de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,
Subsidiairement,
- condamner in solidum les sociétés Colas France, Eurovia Picardie, société Egis Bâtiment Nord, société Egis Bâtiment Grand Est, à la garantir,
Très Subsidiairement,
- limiter sa condamnation à 26,60 % dans l'hypothèse d'une condamnation solidaire avec les sociétés Colas Nord Est et Eurovia Picardie concernant les réseaux d'eau,
En tout état de cause,
- condamner la SMABTP à la garantir de l'intégralité des condamnations tant en principal, frais, qu'accessoires, tant en sa qualité d'assureur de la société Lhotellier Travaux Publics qu'en sa qualité d'assureur des sociétés Screg (Colas Nord-Est) et Eurovia,
- condamner la SAEM ou toutes autres parties succombant à la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.
À ces fins, en substance, elle fait valoir que qu'il ressort de la convention de groupement, et notamment de la répartition des prestations du marché que la société STAG intervenait à hauteur de 26,60 % et que celle-ci a uniquement mis à disposition des moyens matériels, physiques et humains suivant les directives du mandataire du groupement, la société Screg.
Elle soutient que la demande présentée par la SAEM au titre du défaut d'implantation du réseau d'alimentation électrique de l'éclairage publique doit être rejetée comme étant irrecevable pour défaut d'intérêt à agir, la SAEM ne justifiant pas être propriétaire de la parcelle n° HT [Cadastre 12], objet de l'empiétement allégué, cédée aux époux [C]. Elle ne justifie pas ne justifie pas de l'existence d'un recours des propriétaires actuels à son encontre qui pourrait justifier une action récursoire. Le risque de démolition, qui permettrait de dire que le désordre est de nature décennale, ne présente pas un caractère nécessaire. La SAEM ne démontre pas que le désordre est imputable aux travaux qu'elle a réalisés, n'ayant jamais eu la charge du lot concernant l'électricité et l'éclairage posé par l'entreprise Lavielle. Elle ajoute que le défaut d'implantation était manifestement apparent au jour de la réception laquelle a été prononcée sans réserve à effet du 6 juillet 2008.
S'agissant des désordres relatifs au réseau d'eaux pluviales et d'eaux usées, elle prétend que les non-conformités affectant ces réseaux étaient manifestement apparentes au moment de la réception, que la SAEM, spécialisée dans les travaux de construction, en avait connaissance et qu'elle n'a formulé aucune réserve. Alors qu'elle disposait des rapports d'inspection de la société Bertrand, la SAEM ne les a pas étudiés ni même analysés. Les désordres étaient apparents même s'ils ont été ignorés par négligence, par le maître de l'ouvrage et le maître d'oeuvre.
Dans l'hypothèse d'éventuelles condamnations, elle soutient être fondée à formuler une demande d'appel en garantie à l'encontre de la société Colas Nord Est et de la société Eurovia. Eu égard au défaut de contrôle du groupement de maîtrise d'oeuvre, elle prétend d'eux-mêmes être fondée à formuler une demande d'appel en garantie à l'encontre des sociétés, Florence Mercier Paysagiste, Massimiliano Fuksas Architecture et Egis Bâtiment Nord sur un fondement de nature délictuelle. Elle sollicite également la garantie de son assureur, la SMABTP, en contestant l'ensemble des moyens qu'elle lui a opposés pour lui refuser cette garantie. Elle affirme enfin être fondée à solliciter la condamnation de la SMABTP et de la SMA, in solidum, prise en leur qualité d'assureurs des sociétés Screg et Eurovia, sur le fondement de son action directe à raison de leur responsabilité solidaire compte tenu de l'existence du groupement.
Vu les dernières conclusions récapitulatives de la société Bertrand, venant aux droits de la société Etablissements Bertrand et Fils, notifiées par voie électronique le 30 juillet 2021 aux termes desquelles elle demande à la cour de :
- déclarer non fondé l'appel de la SAEM contre le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes dirigées à son encontre et l'a condamné à payer à celle-ci la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens,
- confirmer le jugement de ces chefs.
- condamner la SAEM à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- condamner la SAEM aux entiers dépens,
Infiniment subsidiairement,
- condamner la société Areas Dommages à la garantir de toutes condamnations qui viendraient à être prononcées contre elle dans la limite de ses engagements contractuels.
A ces fins, en substance, elle prétend ne pas être concernée par les désordres du réseau électrique. S'agissant des désordres affectant les réseaux des eaux pluviales et usées, elle fait valoir que sa responsabilité n'est recherchée qu'à titre subsidiaire par le maître d'ouvrage à raison de prétendus manquements à ses obligations contractuelles. Elle affirme que l'expert judiciaire caractérise des manquements imputables à l'entreprise en charge des travaux et à la maîtrise d'œuvre chargée du contrôle de l'exécution desdits travaux, et de l'assistance au maître d'ouvrage lors de la réception engageant leur responsabilité décennale. Elle conteste l'existence de manquements qui lui serait imputables, s'agissant du caractère prétendument incomplet de ses prestations ou s'agissant de l'absence de nouveaux contrôles au moment de la réception, lesdits manquements étant en toute hypothèse sans lien avec les désordres. Subsidiairement, elle sollicite la garantie de son assureur, la société Areas Dommages.
Vu les dernières conclusions récapitulatives de la société Areas Dommages notifiées par voie électronique le 30 juin 2022 aux termes desquelles elle demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé sa mise hors de cause en l'absence de toute dette de responsabilité imputable à son ancien assuré la société Bertrand et Fils,
- dire et juger que la SAEM échoue à rapporter la preuve d'une faute contractuelle imputable à la société Bertrand et Fils en lien causal direct et certain avec les préjudices allégués,
- dire et juger que la SAEM échoue à rapporter la preuve des conditions de mobilisation des garanties souscrites auprès d'elle,
- dire et juger la SAEM mal fondée en ses demandes à son encontre en l'absence de toute responsabilité imputable à la société Bertrand et Fils,
En conséquence,
- débouter la SAEM de son appel,
- prononcer sa mise hors de cause,
- condamner la SAEM à lui payer la somme de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- condamner la SAEM aux entiers dépens lesquels pourront être recouvrés par maître Arnaud Ehora en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
A ces fins, en substance, elle met en avant l'absence de toute dette de responsabilité imputable à son ancienne assurée la société Bertrand et Fils. Elle affirme que l'expert judiciaire considère que les désordres du réseau d'évacuation des eaux de pluie et des eaux usées procèdent d'un défaut d'exécution et d'un défaut de contrôle lors des travaux et lors de leur réception. Il n'a pas retenu la responsabilité de la société Bertrand et Fils, laquelle n'est pas concernée par les désordres du réseau électrique. Elle ajoute que le premier juge a justement retenu que la SAEM n'était pas fondée transférer à la société Bertrand et Fils ses propres obligations contractuelles de contrôle des réseaux. La SAEM est un professionnel aguerri, en l'espèce un aménageur dont l'activité consiste à faire réaliser des réseaux d'assainissement. Elle devait à ce titre à Amiens Métropole, avant transfert des ouvrages, une inspection télévisée par une entreprise non accréditée. C'est en parfaite connaissance de cause qu'elle a réceptionné les travaux sans réserve et se trouve dès lors mal fondée à rechercher la responsabilité décennale des constructeurs. La SAEM est mal fondée à mettre en avant l'exécution seulement partielle de la mission qui avait été confiée à la société Bertrand et Fils. Les prestations ont effectivement été réalisées et le montant de son marché a été intégralement facturé et réglé par le maître d'ouvrage, après avis du maître d'oeuvre. En l'absence de réserve formulée, à l'époque, sur les prestations réalisées, la SAEM est aujourd'hui mal-fondée à venir rechercher la responsabilité contractuelle de la société Bertrand et Fils.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
MOTIFS
L'office du juge étant de trancher le litige, il ne sera pas répondu aux demandes de « juger », « dire et juger » ou encore « constater » lorsqu'elles n'expriment aucune prétention au sens des articles 4, 5 et 964 du code de procédure civile.
Il est affirmé sans contestation des autres parties que, le 23 décembre 2020, la société Colas Nord-Est a fait l'objet d'un apport partiel d'actifs à la société Colas Centre-Ouest qui a été renommée Colas France et que l'intervention volontaire de cette dernière justifie la mise hors de cause de la société Colas Nord-Est. Cette demande, non contestée, sera consacrée.
Il est de même affirmé sans contestation que la société Egis Bâtiments Nord Est a absorbé et vient désormais aux droits et obligations de la société Egis Bâtiments Nord.
1. Sur les désordres concernant les réseaux des eaux de pluie et des eaux usées.
1.1 sur les désordres proprement dit
1.1.1 Selon l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
Les désordres sont qualifiés d'intermédiaires lorsqu'ils n'atteignent pas les conséquences dommageables précitées. Le constructeur engage alors sa responsabilité de leurs chefs sur la démonstration par le maître d'ouvrage de sa faute ayant concouru à leur réalisation.
Dans les deux cas, la mise en jeu de cette responsabilité suppose la démonstration de l'existence de travaux de construction d'un ouvrage immobilier ayant donné lieu à une réception et l'apparition postérieure des désordres, ni réservés ni apparents lors de cette réception.
La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve (article 1792-6 du code civil). La réception sans réserve couvre les vices ou désordres apparents au jour de la réception.
1.1.2 En l'espèce, le caractère d'ouvrage de construction immobilière ou de partie d'ouvrage de construction immobilière des réseaux d'eaux usées et d'eaux pluviales n'est pas contestée et n'est au demeurant pas contestable (3e Civ., 29 mars 2000, n° 98-19.566).
1.1.3 La réception est intervenue, sans réserve concernant les réseaux d'eaux usées et d'eaux pluviales, le 15 janvier 2009, avec effet au 9 juillet 2008.
Toutefois, il résulte des pièces versées aux débats que les réseaux dont s'agit ont été réalisés en 2003'2004 et ont fait l'objet, entre la maîtrise d'oeuvre (OTH Nord) et la société Screg Nord-Picardie « d'un procès-verbal des opérations préalables à la réception » le 2 juillet 2004 ayant donné lieu à quelques réserves ne correspondant pas aux désordres litigieux (pièce Egis Bâtiments Nord et Allianz Iard n°2).
Les travaux de construction se sont ensuite poursuivis pendant quatre années supplémentaires.
Les opérations finales de réception des ouvrages ont débuté à l'été 2008 par des opérations préalables concernant les travaux réalisés après les réseaux (essentiellement la voirie et la signalisation). Les procès-verbaux de « réception » intermédiaire produits aux débats (procès-verbaux des 23 juillet 2008, 19 août 2008 et 22 septembre 2008) concernent d'ailleurs uniquement la voirie et la signalisation.
Les opérations préalables à la réception générale finale du 15 janvier 2009, à effet du 9 juillet 2008, menées depuis l'été 2008 n'ont pas concerné les réseaux d'assainissement.
Il est raisonnable d'en déduire que les parties, en l'absence de difficultés mises en évidence ultérieurement, ont considéré entre juillet 2008 et le 15 janvier 2009 que les opérations préalables qui avaient été menées en juillet 2004 étaient sur ce point suffisantes.
1.1.4 Sur les désordres
Le 20 mai 2009, Amiens Métropole a écrit à la SAEM pour lui notifier son refus du transfert des compétences d'exploitation des réseaux d'eau potable, et ce en suite des inspections de ses services.
L'entreprise Sater a alors été missionnée pour procéder à des essais d'étanchéité du réseau ayant donné lieu à un rapport du 29 octobre 2009. Elle a réalisé un rapport d'inspection télévisée entre ce 29 octobre et le 4 décembre 2009, soit pour l'ensemble après la réception sans réserve sur ce point des ouvrages.
Courant 2013, pendant les opérations d'expertise, une mission, comprenant l'inspection vidéo et des essais d'étanchéité, d'une partie des réseaux d'eaux usées et d'eaux pluviales (outre une étude des regards de visite et des boîtes de branchement) a été confiée à l'entreprise Asur. Cette mission s'est notamment concentrée sur les parties d'ouvrage que l'entreprise Sater avait en son temps considéré comme non-conformes.
L'expert judiciaire s'est attaché pendant ses opérations à comparer, lorsque c'était possible, les constatations résultant des opérations des entreprises Sater et Asur réalisées à quatre ans d'intervalle environ.
L'analyse de ces deux sources d'information lui a permis de relever l'existence de tronçons non étanches concernant le réseau des eaux usées ([Adresse 31] ' repère 11 : tronçons 50'49,44'43 ; [Adresse 29] 'repère 13 : tronçon 6'7 ; [Adresse 27]'repère 21 : tronçon 56'57 ; [Adresse 19] à 3 voies 'repère 22 : tronçon 39'38 ; [Adresse 21]'repère 31 : tronçons 34'33,33'32 ; [Adresse 26]'repère 32 : tronçons 13'12,10'9,9'8,8'8 bis ; [Adresse 23]'repère 33 : tronçons 31'30,29'18 ; [Adresse 22] 34 : tronçons 35'36,36'37 ; [Adresse 25]'repère 35 : tronçon 22'17).
Sur ces mêmes réseaux, des défauts de niveau ont également été relevés ([Adresse 31]'repère 11 : tronçon 44'43 ; [Adresse 29]'repère 13 : tronçon 6'7 ; [Adresse 19] à 3 voies ‘repère 22 : tronçon 39'38 ; [Adresse 21]'repère 31 : tronçon 33'32 ; [Adresse 26]'repère 32 : tronçon 13'12 ; [Adresse 22] 34 : tronçon 36'37).
S'agissant des réseaux d'eaux pluviales, ont été mis en évidence des fissures ouvertes, des décentrages radiaux, des fissures fermées, des obstructions, des dégradations de surface du sol ou aux assemblages et des déplacements, déboîtements ou décentrages d'anneaux sur divers tronçons de diverses voies ([Adresse 31] ; [Adresse 27], [Adresse 26]).
L'existence des désordres précités, tels que constatés par l'expert au cours de sa mission, n'est pas matériellement remise en cause.
1.1.5 sur la nature de désordres.
La SMABTP et la SMA contestent l'existence d'un critère de gravité requis pour engager la responsabilité décennale des constructeurs au regard des conclusions de l'expert judiciaire en page 50 de son rapport (pas de défaut généralisé, pas de caractère évolutif rapide').
Cependant, les réseaux d'eaux usées et d'eaux pluviales ne sont pas étanches et présentent des défauts de niveaux, nuisant donc à l'écoulement, et ce en différents endroits. L'impropriété à la destination de cette partie de l'ouvrage est établie. Par ailleurs, en d'autres endroits, des fissures sur les tuyaux ont été constatées affectant la solidité de l'ouvrage.
Le caractère décennal des désordres est donc établi.
1.1.6 Sur le caractère apparent ou caché des désordres au jour de la réception sans réserve.
Retenir le caractère apparent des désordres suppose par hypothèse de considérer que les désordres existaient avant la réception.
Sur ce point, la cour entend s'appuyer sur l'avis de l'expert judiciaire. En conclusion de son rapport, ce dernier indique notamment :
« Je remarque les points suivants :
- les réseaux d'eau pluviale et d'eaux usées sont affectées de désordres qui évoluent dans le temps de façon plus ou moins rapide,
- les réseaux d'eau pluviale sont atteints de désordres plus importants que ceux affectant les réseaux d'eau usées,
- les vidéos fournies par [le conseil de la SAEM] et relative aux essais effectués en leur temps par les établissements Bertrand ne concernent que les réseaux d'eaux usées et ne sont pas exploitables en l'état.
- d'une part, les repères utilisés dans ses vidéos ne correspondent pas aux repères indiqués sur les plans diffusés. Il n'a pas été diffusé de document permettant de consolider ces différents relevés en donnant une correspondance entre les différents relevés et en particulier ceux des établissements Bertrand.
- d'autre part, ces vidéos sont protégées en reproduction et ne peuvent être que lues.
Les vidéos complètes semblent contenir l'ensemble des tronçons d'eaux usées alors que seuls 18 sont intéressants pour comparaison avec les essais Asur. La production des vidéos concernant les réseaux d'eaux pluviales aurait été à mon sens beaucoup plus instructive.
À ce stade, et après avoir entendu les parties, il apparaît que les réseaux d'eaux pluviales sont affectés de défauts plus importants que les réseaux d'eaux usées. Ces défauts évoluent peu dans le temps et plus particulièrement entre les relevés effectués par Sater et se réaliser lors de mes opérations par Asur.
Il peut donc être extrapolé que ces défauts existaient avant les interventions de Sater, donc avant 2009. Les vidéos Bertrand qui m'ont été fournies et qui sont antérieures et qui ne concernent que les réseaux d'eaux usées montrent en effet des défauts de type similaire sur des tronçons qu'il est, certes, impossible de relier avec certitude à des tronçons précis des inspections Sater ou Asur en l'absence de correspondance des repères ou de corrélation entre les différents relevés.
De plus comme l'a souligné [le conseil de la SAEM], les opérations de compactage des sols ont été menées postérieurement à la pose des réseaux et ses opérations n'ayant pas donné lieu à remarques, il peut être estimé que les réseaux n'ont plus bougé après leur réalisation. De ce fait, il est permis de penser que les défauts existaient avant le compactage des sols ».
Cette analyse n'est pas utilement remise en cause par les parties. Il en résulte la démonstration suffisamment convaincante de l'antériorité des désordres.
Le point véritable de discussion porte sur le niveau de connaissance de ces derniers par la SAEM au jour de la réception.
A cet égard, il ne saurait être déduit nécessairement du caractère préexistant du désordre son apparence pour le maître d'ouvrage au jour de la réception.
Le caractère apparent ou caché d'un désordre de construction s'apprécie au regard du seul maître de l'ouvrage et de sa capacité à appréhender l'existence du désordre.
Le caractère apparent des désordres peut résulter :
- soit de la connaissance que le maître d'ouvrage peut avoir eu de désordres déjà constatés avant réception.
- soit de l'aspect parfaitement visible de la malfaçon.
Pour que le désordre soit considéré comme apparent, il faut qu'il puisse être perçu comme tel dans toutes ses causes, étendue et conséquences dommageables.
Si, par son objet, une société d'aménagement ne peut être considérée comme une totale profane en matière de travaux de construction, elle ne peut, pour autant, être considérée comme une professionnelle des travaux d'assainissement disposant d'un niveau de connaissance équivalent à celui d'un constructeur et/ou d'un contrôleur de ces réseaux.
Par ailleurs, et en tout état de cause, s'agissant de réseaux enterrés, les désordres n'étaient pas spontanément visibles.
Or, rien n'établit certainement que la SAEM a eu connaissance des désordres mis en évidence par l'expert judiciaire dans toutes leurs causes, ampleur et/ou conséquences dès lors que :
- elle n'a pas été destinataire des inspections vidéo des réseaux d'eaux pluviales réalisées par la société Bertrand et Fils, l'expert n'en ayant pas été davantage destinataire,
- elle a été destinataire des inspections vidéo des réseaux d'eaux usées réalisées par cette société en 2004 mais, selon l'expert judiciaire, ces vidéos « ne sont pas exploitables en l'état » (page 39),
- le seul rapport de synthèse de ces inspections vidéo des réseaux d'eaux usées et pluviales produit par la société Bertrand et Fils, ce pour la première fois devant la cour (pièce n°5), fait état d'une absence d'anomalie constatée sur toutes les sections contrôlées.
- il n'est pas justifié de l'existence d'autres événements particuliers avant la réception des travaux ayant été de nature à l'informer de l'existence des désordres. Ainsi, notamment, l'expert indique que les opérations de compactage des sols ont été menées postérieurement à la pose des réseaux et que ses opérations n'ont pas donné lieu à remarques.
Le premier juge a retenu que, contrairement à ce qu'elle prétendait, la SAEM disposait des rapports de la société Bertrand et Fils puisqu'elle les a remis à l'expert.
Cependant, le rapport d'expertise judiciaire est essentiellement équivoque s'agissant des rapports de cette société.
Ainsi, il évoque bien l'existence de rapports de la société Bertrand et Fils (liste des pièces transmises par le conseil de la SAEM - page 12) mais sans en donner de détail particulier. Leur contenu précis est inconnu de la cour.
Contrairement à ce que soutiennent la société Egis Bâtiment Nord et son assureur, la SAEM ne disposait pas « de l'ensemble des rapports de contrôle et d'inspection vidéo effectués par la société Bertrand & Fils en 2003 et 2004, soit huit au total, qu'elle a elle-même diffusés à l'expertise » puisque, d'une part, l'expert judiciaire a précisé que les inspections vidéo ne concernaient que le réseau d'eaux usées et, d'autre part, que le rapport finalement versé par la société Bertrand et Fils devant la cour concerne une partie du réseau d'eaux pluviales.
Plus loin dans son rapport, l'expert mentionne un rapport précis que lui a remis la SAEM mais il indique qu'il concerne des réseaux n'étant pas concernés par sa mission (page 25).
Or, il a par ailleurs résumé l'intervention de la société Bertrand et Fils comme suit : Elle a « assuré le contrôle caméra de l'étanchéité des réseaux et devait assurer la vérification du compactage des remblais. Elle n'a pas noté de grands problèmes ni de défauts sur les réseaux. Sa mission s'est déroulée selon l'avancement du chantier et des demandes, contrairement à l'habitude où les contrôles se font en fin de chantier. Elle a établi des rapports d'inspection et de contrôle. (..) » (page 20) sans davantage être plus précis.
L'expert ne dit pas qu'il résulte des rapports communiqués que les désordres étaient connus ou apparents pour la SAEM.
Il rapporte que des précisions lui ont été apportées le 8 septembre 2015 et notamment que :
- « sur ses rapports Bertrand a examiné 1,968 ml plus 127 ml de l'[Adresse 20], soit un total de 2,095 ml. Il manque 675 ml ».
- « les parties se sont alors interrogées sur l'absence de documents (comptes rendus de chantier, rapports Bertrand, etc.…). De cette discussion, il est apparu qu'aucun autre document relatif à ma mission existait.
- le rapport Bertrand de 2009 concerne l'[Adresse 20] et des prestations hors lot n°1 demandées en 2007. (cf courrier de Amiens aménagement à Bertrand du 3 septembre 2007)
- (..)
- il n'y a pas de DGD [décompte général définitif] de la SA Bertrand et Fils » (page 26).
Il est d'autant plus impossible de déduire de ces mentions équivoques et/ou contradictoires du rapport d'expertise l'existence de rapports d'exploitation des inspections vidéo des réseaux d'eaux usées que l'expert judiciaire n'en mentionne pas expressément l'existence. De fait, il n'est pas contesté que le rapport de télé-inspection de canalisations du 26 avril 2004, communiqué pour la première fois devant la cour (pièce Bertrand n°5), ne lui a pas été transmis.
Au contraire, il a relevé que la société Bertrand et Fils « n'avait pas noté de grands problèmes ni de défauts sur les réseaux », ce qui est contradictoire avec le fait que les vidéos d'inspection de 2004 révèlent déjà des désordres similaires à ceux qu'il a constatés au cours de sa mission.
Enfin, si ce n'est le rapport produit tardivement par la société Bertrand et Fils (pièce 5), les parties n'ont versé aux débats devant la cour aucun rapport d'exploitation des vidéos d'inspection de la société Bertrand et Fils ni, plus généralement, d'autres rapports de cette société faisant état de l'existence des désordres constatés par l'expert judiciaire.
En l'état des différents éléments produits aux débats, la preuve certaine n'est donc pas rapportée de ce que la SAEM a eu connaissance, a fortiori complète dans leur ampleur et conséquences, des désordres affectant les réseaux d'eaux usées et d'eaux pluviales avant la réception.
En conséquence, c'est d'une manière non justifiée que le premier juge a retenu que c'était en connaissance de cause que la SAEM avait fait le choix de réceptionné le 15 janvier 2009 sans émettre de réserves le lot n°1 comprenant les travaux du réseau d'assainissement réalisé en 2004 et dont une inspection effectuée en 2004 avait constaté des défauts similaires à ceux constatés après la réception.
De même, le premier juge ne peut être davantage suivi lorsqu'il a considéré que la SAEM était tenue de faire procéder à un contrôle du réseau dans le cadre de ses obligations contractuelles avec Amiens Métropole.
En premier lieu, c'était précisément le marché passé avec la société Bertrand et Fils qui était de nature à satisfaire l'obligation de la SAEM. Par ailleurs, le CCTP de la société Bertrand et Fils prévoyait que c'était le maître d''oeuvre qui se réservait en fin de chantier le droit de réaliser tout ou partie d'inspection par caméra du réseau.
Les défaillances des intervenants à l'opération de construction dans leur mission de contrôle des travaux réalisés (société Bertrand, spécifiquement en charge du lot n°2 relatifs au contrôle du réseau d'assainissement, et maîtres d'oeuvre) ne sont pas par eux-mêmes de nature à exonérer les autres constructeurs de leur responsabilité à l'égard du maître d'ouvrage dans les désordres non-apparents résultant de leurs propres manquements.
Il en est de même s'agissant des manquements contractuels que pourrait reprocher Amiens Métropole à la SAEM.
En second lieu, et dès lors, d'une part, qu'il est retenu qu'elle n'a pas été informée de l'existence de l'existence de désordres par la société Bertrand et Fils en 2004 ni par ses maîtres d'oeuvre, d'autre part, que les opérations ultérieures, notamment de compactage des sols, n'ont pas donné lieu à remarques et, qu'enfin, aucun autre événement avant la réception n'a été de nature à lui révéler l'existence de ces désordres, la SAEM n'avait aucune raison de demander à la maîtrise d'oeuvre la réalisation de nouvelles inspections que cette dernière n'avait pas jugé utiles de faire réaliser.
Dans ce contexte, si l'expert judiciaire a regretté dans son rapport l'absence de contrôle complémentaire lors des opérations préalables à la réception, une telle absence, principalement imputable la maîtrise d'oeuvre, n'est pas de nature à rendre apparent pour la SAEM les désordres affectant les réseaux d'eaux usées et pluviales ni davantage de nature à réduire son droit à indemnisation.
En conséquence, le jugement doit être infirmé en toutes ses dispositions concernant ces désordres.
1.2 sur les constructeurs responsables.
Il résulte du rapport d'expertise que les désordres sont liés à un défaut d'exécution auquel il faut ajouter un défaut de contrôle, tant lors des travaux qu'à leur réception (page 50).
L'exécution des réseaux d'eaux usées et pluviales lot 1 « voiries, assainissement, réseaux divers et espaces verts. » avec un groupement d'entreprises composé des sociétés suivantes :
- Screg Nord Picardie (mandataire), devenue in fine Colas France.
- Eurovia Picardie.
- STAG, devenue Lhotellier Travaux Publics.
Ces constructeurs ne contestent pas leur intervention et ne démontrent l'existence d'aucune cause étrangère, soutenant pour l'essentiel vainement que le désordre était apparent à la réception pour la SAEM.
La maîtrise d'oeuvre a été confiée à un groupement d'entreprises composé des sociétés suivantes :
- BET O.T.H., devenu Egis Bâtiment Nord
- société Massimiliano Fuksas Architecture, qui n'est pas partie à la procédure.
- SARL Florence Mercier, assurée auprès d'AXA France Iard, qui n'est pas partie à la procédure.
La société Egis Bâtiment Nord, qui ne contestent pas le caractère décennal des désordres, ne justifie d'aucune cause étrangère à l'origine de ces derniers.
Outre que sa responsabilité n'est réclamée par la SAEM dans le dispositif de ses écritures qu'à titre subsidiaire sur le terrain de la responsabilité contractuelle, alors qu'il est fait droit à sa demande principale sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, la cour fait en toute hypothèse sienne la motivation du premier juge ayant écarté la responsabilité de la société Bertrand et Fils en retenant notamment que sa facture avait été intégralement payée après approbation de sa facture et qu'il ne lui appartenait pas de suggérer une dernière inspection 2009, dont l'opportunité relevait contractuellement de la maîtrise d'oeuvre. Il sera ajouté que les éventuels manquements de la société Bertrand et Fils, qui n'était chargée que d'une mission de contrôle, n'ont, par eux-mêmes, pas créé les désordres constatés et ont simplement été de nature à priver la SAEM, mal informée, de la faculté d'imposer des travaux de reprise avant réception, de refuser les ouvrages ou de faire des réserves lors de la réception. Dès lors, celle-ci n'est en tout état de cause pas fondée à réclamer la condamnation de la société Bertrand et Fils, sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, et de son assureur, solidairement avec les autres constructeurs, à lui payer la somme de 99 108 € TTC correspondant au montant des travaux de reprise des réseaux.
1.3 sur les assureurs des constructeurs responsables.
Il n'est pas contesté que :
- la SMABTP est l'assureur responsabilité civile décennale de la société Colas France et de la société Lhotellier TP.
- la SMA est l'assureur responsabilité civile décennale de la société Eurovia.
- la société Allianz Iard est l'assureur responsabilité civile décennale de la société Egis Bâtiments Nord Est.
Pour l'essentiel, les assureurs s'associent aux moyens inopérants de leurs assurés.
1.4 sur la réparation du préjudice
Les travaux de reprise des réseaux d'eaux usées et pluviales sont estimés, respectivement, aux sommes de 34 590 € HT (41 508 € TTC) et 48 000 € HT (57 600 € TTC).
La SAEM ne critique pas le jugement, en toute hypothèse utilement, ayant retenu que les condamnations devaient intervenir hors-taxes dès lors que, en sa qualité de SEM, elle est autorisée à déduire la TVA.
Dans sa demande de condamnation à titre principal, la SAEM ne demande pas à la cour d'indexer la condamnation sur l'évolution de l'indice du coût de la construction BT01.
S'agissant d'une créance d'indemnité réparant un préjudice, les intérêts moratoires courront légalement à compter de l'arrêt nonobstant l'absence de demande expresse de ce chef (1153-1 ancien et 1231-7 nouveau du code civil)
Enfin, aucune condamnation solidaire des constructeurs ne peut intervenir, la solidarité des codébiteurs, qui ne se présume pas, ne pouvant être que légale ou conventionnelle. La SAEM ne démontre pas cette solidarité.
Il sera donc fait droit à la demande de la SAEM de condamnation des sociétés Colas France, Eurovia Picardie, Lhotellier Travaux Publics et Egis Bâtiment Grand Est, SMABTP, SMA SA, Allianz à lui payer la somme de 82590 € HT (34 590 € + 48 000 €) au titre des travaux de reprise des réseaux d'eaux pluviales et usées.
1.5 sur les recours entre constructeurs et assureurs
Aucune demande en garantie n'est formée contre la société Bertrand et Fils et/ou son assureur.
Selon la convention entre les trois sociétés en charge du lot n°1, les prestations ont été réparties à concurrence de :
- 28,60 % pour la Screg Nord Picardie (Colas France),
- 44,80 % pour Eurovia
- 26,60 % pour la Stag (Lhotellier travaux publics).
Pour le surplus, la défaillance de la maîtrise d'oeuvre dans le cadre de sa mission contrôle est certainement établie. La maîtrise d'oeuvre aurait dû, soit du fait de l'insuffisance des éléments de contrôle produits par la société Bertrand et Fils, soit, en raison du temps écoulé depuis les précédents contrôles des réseaux et leur pré-réception (près de 5 ans) et en l'état de travaux ultérieurs susceptibles de les avoir altérés (travaux de compactage après réalisation de la voirie), exiger des contrôles complémentaires.
La société Egis Bâtiment Grand Est fait valoir que la maîtrise d''oeuvre ne pouvait, au regard de l'étendue de la ZAC, mettre un surveillant derrière chaque ouvrier pendant l'exécution des travaux. Cependant, force est de constater la multiplicité des désordres constatés, indice suffisamment convaincant d'une défaillance des opérations de contrôle à ce stade.
Par ailleurs, la société Egis Bâtiment Grand Est rappelle elle-même que le CCTP du marché de la société Bertrand et Fils prévoit que « Les essais d'étanchéité et d'inspection vidéo devront être effectués avant la réalisation des couches de finition de chaussée ». Or, les inspections vidéo ont été menées en 2004 avant la réalisation de la voirie. La société Egis n'en a pas réclamé d'autres.
En l'état, il y a lieu de retenir une part de responsabilité de 20 % pour la maîtrise d'œuvre et 80 % pour les titulaires du lot n°1. Par suite, les recours entre les responsables leur assureur s'organiseront sur les bases suivantes :
- la société Bâtiment Grand Est et son assureur : 20 %
- la société Colas France et son assureur : 22,88 %
- la société Eurovia Picardie et son assureur : 35,84 %
- la société Lhotellier travaux publics et son assureur : 21,28 %
Le jugement est infirmé en ce sens.
2. Sur le désordre concernant le réseau électrique.
Le rapport d'expertise judiciaire, s'appuyant sur les relevés de M. [F], sapiteur, indique par erreur que le réseau d'alimentation électrique de l'éclairage public déborde légèrement sur la parcelle HT [Cadastre 12]. En réalité, le débordement, par lui-même non contesté, concerne, aux termes du rapport du sapiteur du 30 août 2013 (pièce Colas France n°4), la parcelle HT [Cadastre 10], la parcelle HT [Cadastre 12] étant pour sa part concernée par un débordement du bord béton de la voirie. Cette erreur est toutefois sans conséquence sur le fond.
Ce rapport du sapiteur évoque un débordement planimétrique maximum de 0,21 m par rapport à la limite de propriété.
La SAEM ne conteste pas ne plus être propriétaire de la parcelle victime de l'empiétement pour l'avoir cédée aux époux [C] Ce sont d'ailleurs ces derniers qui, avec d'autres propriétaires (époux [W]) situés au niveau de l'[Adresse 24], l'ont saisie de la difficulté par courrier du 15 décembre 2010 (mentionnant d'ailleurs bien les parcelles HT [Cadastre 10] et [Cadastre 11] et non [Cadastre 12]).
2.1 sur la recevabilité de l'action engagée par la SAEM
Selon l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention. Selon l'article 32, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir. Par référence à l'article 122 du même code, le droit d'agir suppose notamment qualité et intérêt légitime. Leur défaut constitue une fin de non-recevoir. En règle générale, l'intérêt à agir doit être personnel, né et actuel, ces conditions s'appréciant au moment de l'introduction de la demande.
Lorsque le maître de l'ouvrage de l'opération de construction a cédé l'immeuble, il est retenu que c'est l'acquéreur qui a qualité à agir contre les constructeurs, et ce tant sur le terrain de la garantie décennale (3e Civ., 4 mars 2021, n° 18-21.344) que sur celui de la responsabilité contractuelle de droit commun (3e Civ., 10 juillet 2013, n° 12-21.910).
Pour les besoins du raisonnement, il importe donc peu à ce stade de trancher le caractère décennal ou intermédiaire du désordre tenant à l'empiétement du réseau électrique.
Si, en principe, le maître de l'ouvrage ne dispose donc plus après l'aliénation de son immeuble de l'action en responsabilité décennale ou contractuelle à l'encontre des constructeurs qui a été transmise à l'acquéreur, il conserve toutefois la faculté d'exercer l'une ou l'autre dès lors qu'elle présente pour lui un intérêt certain et qu'il peut invoquer un préjudice personnel (3e Civ., 31 mai 1995, n° 92-14.098) ou l'existence d'une clause dans l'acte de vente lui réservant le droit d'agir (3 e Civ., 3 mai 2001, n° 99-19.205).
La charge de la preuve de l'intérêt direct et certain à agir pèse sur la SAEM.
En l'espèce, elle n'allègue pas, et a fortiori ne démontre pas, notamment, que :
- l'acte de vente de l'immeuble lui a réservé la faculté d'agir en réparation contre les constructeurs à l'origine du désordre ou qu'elle s'est engagée envers les acquéreurs à procéder à la réparation des dommages,
- elle a reçu mandat du propriétaire actuel de la parcelle objet de l'empiétement pour agir en justice en son nom,
- elle a été condamnée à l'égard des acquéreurs à financer le coût de la reprise du désordre affectant l'ouvrage, ou condamnée à le faire démolir à ses frais ou qu'une telle action serait en cours,
- elle a vendu à un prix moins élevé que celui qu'elle pouvait espérer en raison du désordre en cause.
En l'état, elle ne peut justifier de l'existence actuelle et certaine d'un préjudice chiffré à la somme de 10 450 € HT, outre l'indexation, ni même d'un quelconque préjudice chiffrable certain et actuel dès lors que l'action du propriétaire de la parcelle victime de l'empiétement du réseau électrique à son encontre est hypothétique en son principe et, au demeurant, que l'expert a indiqué dans son rapport que la solution réparatoire ne passait pas nécessairement par le déplacement du réseau mais que deux autres solutions au moins étaient envisageables (rachat de la partie de parcelle litigieuse pour la rendre publique ou création d'une servitude).
La SAEM prétend néanmoins justifier son intérêt à agir en faisant valoir qu'il réside dans le risque de démolition de son ouvrage à raison de l'existence de l'empiétement du réseau, que, s'agissant d'une atteinte à des droits réels, le délai d'action des personnes victimes d'un empiétement est de trente ans et que les actions du maître d'ouvrage contre les constructeurs se prescrivent par dix ans. Elle soutient qu'en considérant qu'il faille attendre que le voisin agisse en suppression de l'empiétement pour considérer recevable et bien fondée l'action du maître d'ouvrage, cela reviendrait à faire peser sur ce dernier un risque de condamnation sans possibilité de recours contre les personnes responsables, à savoir les constructeurs. Ainsi, dès lors qu'il est démontré et non contesté que les réseaux électriques sont implantés sur des parcelles privées, elle en déduit que son intérêt à agir pour demander la prise en charge du coût de la reprise de ce désordre existe.
Un tel moyen est inopérant. Il est en effet jugé que le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant, qui a pour objet de déterminer la charge définitive de la dette que devra supporter chaque responsable, relève, non des dispositions de l'article 1792-4-3 du code civil, mais de celles de l'article 2224 du même code civil en sorte qu'il se prescrit donc par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer (3e Civ.,16 janvier 2020, n° 18-25.915).
En l'espèce donc, c'est la mise en cause de la responsabilité de la SAEM par le propriétaire de la parcelle victime de l'empiétement qui, le cas échéant, fera courir le délai de prescription de son recours contre les autres constructeurs.
Comme indiqué précédemment, une telle mise en cause de la SAEM n'est pas intervenue.
Faute d'intérêt à agir démontrer, la SAEM doit donc être déclarée irrecevable en toutes ses demandes en lien avec la réparation du désordre résultant du défaut d'implantation du réseau électrique.
2.2 Deviennent sans objet les demandes en garantie entre constructeurs et/ou assureurs au titre de ce même désordre.
Le jugement est infirmé en ces divers sens de ce chef de désordre.
3. Sur les demandes annexes
Le premier juge a justement arbitré les frais irrépétibles dus par la SAEM à la société Bertrand et Fils et son assureur.
Le jugement doit être infirmé pour le surplus des frais irrépétibles et les dépens, sauf en ce qu'il a dit que SAEM conservera le coût des assignations délivrées contre la MAF et contre la SA AXA France Iard (ès qualités d'assureur de la société Florence Mercier et de la société Massimiliano Fuksas).
Les sociétés Colas France, Eurovia Picardie, Lhotellier Travaux Publics, Egis bâtiments Grand Est, SMABTP, SMA et Allianz Iard sont condamnées à payer à la SAEM la somme de 10 000 € TTC au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, les recours entre ces dernières intervenant sur les mêmes bases que leur recours au titre de leur condamnation pour les désordres des réseaux d'eaux pluviales et usées.
La SAEM est condamnée à payer la somme de 1 500 € chacun à la société Bertrand et Fils et son assureur au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
Les sociétés Colas France, Eurovia Picardie, Lhotellier Travaux Publics, Egis bâtiments Grand Est, SMABTP, SMA et Allianz Iard sont condamnées aux dépens de première instance, comprenant le coût de l'expertise judiciaire (35 370,34 €), exception faite des assignations délivrées par la SAEM contre la MAF et AXA France Iard (ès qualités d'assureur de la société Florence Mercier et de la société Massimiliano Fuksas), et d'appel, les recours entre ces dernières intervenant sur les mêmes bases que leur recours au titre de leur condamnation pour les désordres des réseaux d'eaux pluviales et usées.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, rendu publiquement par sa mise à disposition au greffe, après débats publics, en dernier ressort,
Statuant dans la limite des appels,
Reçoit en son intervention la société Colas France et met consécutivement hors de cause la société Colas Nord-Est,
Constate que la SAS société Egis Bâtiments Nord Est vient aux droits et obligations de la SAS société Egis Bâtiments Nord,
Infirme le jugement en ce qu'il a :
- débouté la société anonyme d'économie mixte Amiens Aménagement de sa demande de condamnation solidaire au paiement de la somme de 99 108 € au titre de travaux de reprise du réseau d'assainissement dirigée contre la SAS Colas Nord Est, la SAS Lhotellier Travaux Publics, la SAS Eurovia Picardie, la SMABTP et la SA SMA, la société Egis Bâtiment Nord et la SA Allianz,
- condamné in solidum la SAS Colas Nord Est, la SAS Eurovia Picardie, la SAS Lhotellier Travaux Publics et SA Allianz à payer à la société anonyme d'économie mixte Amiens Aménagement la somme de 10 450 € indemnisant le défaut d'implantation du réseau électrique,
- dit que cette condamnation est indexée à l'évolution de l'indice du coût de la construction BT 01 entre février 2016 et le jour du jugement,
- dit que les intérêts dus pendant une année entière produiront eux-mêmes des intérêts,
- dit que la SA Allianz est fondée à opposer sa franchise contractuelle à la SAEM,
- dit que la société Egis Bâtiment Nord supportera définitivement la moitié de cette condamnation,
- dit que le groupement d'entreprises constitué de la SAS Colas Nord Est, de la SAS Eurovia Picardie, et de la SAS Lhotellier Travaux Publics supportera l'autre moitié de cette condamnation,
- condamné in solidum la société Egis Bâtiment Nord, la SA Allianz, la SAS Colas Nord Est, la SAS Eurovia Picardie et la SAS Lhotellier Travaux Publics au paiement des dépens dont le coût de l'expertise, 35 370,34 € et à l'exception des assignations délivrées contre la MAF et la SA AXA France Iard,
- dit que la SAS Egis Bâtiment Nord supportera définitivement la moitié des dépens,
- dit que le groupement d'entreprises constitué de la SAS Colas Nord Est, de la SAS Eurovia Picardie, et de la SAS Lhotellier Travaux Publics supportera l'autre moitié des dépens,
- dit que la SAS Colas Nord Est supportera 22,60% de la moitié de la condamnation indemnitaire et de la moitié des dépens,
- dit que la SAS Eurovia Picardie supportera 44,80% de la moitié de la condamnation indemnitaire et de la moitié des dépens,
- dit que la SAS Lhotellier Travaux Publics supportera 22,60% de la moitié de la condamnation indemnitaire et de la moitié des dépens,
- rejeté les demandes des autres parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
Dit la société anonyme d'économie mixte Aménagement irrecevable en toutes ses demandes en lien avec le défaut d'implantation du réseau électrique,
Constate que les demandes de garantie entre constructeurs et/ou assureurs au titre de ce désordre sont sans objet,
Condamne la société Colas France (venant in fine aux droits et obligations de la société Screg Nord Picardie), la société Eurovia Picardie, la société Lhotellier Travaux Publics (venant aux droits et obligations de la société Stag) et la société Egis Bâtiment Grand Est (venant in fine aux droits et obligations de la société OTH Nord), la société SMABTP, la société SMA et la société Allianz Iard à payer à la société anonyme d'économie mixte Amiens Aménagement :
- la somme de 82 590 € HT au titre des travaux de reprise des réseaux d'eaux pluviales et usées,
- la somme de 10 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
Condamne in solidum la société Colas France (venant in fine aux droits et obligations de la société Screg Nord Picardie), la société Eurovia Picardie, la société Lhotellier Travaux Publics (venant aux droits et obligations de la société Stag) et la société Egis Bâtiment Grand Est (venant in fine aux droits et obligations de la société OTH Nord), la société SMABTP, la société SMA et la société Allianz Iard aux dépens de première instance, comprenant le coût de l'expertise judiciaire (35 370,34 €), exception faite des assignations délivrées par la SAEM contre la MAF et AXA France Iard (ès qualités d'assureur de la société Florence Mercier et de la société Massimiliano Fuksas), et des dépens de l'instance d'appel, maître Arnaud Ehora, maître Odile Claeys et la SCP Lebegue Pauwels Derbise, avocats, bénéficiant du droit de recouvrement direct dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
Dit que les recours entre la société Colas France (venant in fine aux droits et obligations de la société Screg Nord Picardie), la société Eurovia Picardie, la société Lhotellier Travaux Publics (venant aux droits et obligations de la société Stag) et la société Egis Bâtiment Grand Est (venant in fine aux droits et obligations de la société OTH Nord) et leur assureur respectif, la société SMABTP, la société SMA et la société Allianz Iard s'effectueront sur les bases suivantes s'agissant des condamnations au titre des travaux de reprise des réseaux d'eaux usées et pluviales, au titre des frais irrépétibles et au titre des dépens :
- la société Bâtiment Grand Est et la société Allianz Iard: 20%,
- la société Colas France et la société SMABTP : 22,88 %,
- la société Eurovia Picardie et la société SMA : 35,84 %,
- la société Lhotellier travaux publics et la société SMABTP : 21,28 %,
Les condamne en tant que de besoin in solidum à paiement des sommes correspondant aux recours en garantie calculés sur ces bases,
Condamne la société anonyme d'économie mixte Amiens Aménagement à payer à la société Bertrand et à la société Areas Dommages la somme de 1 500 € chacune au titre des frais irrépétibles de l'instance d'appel,
Déboute les parties de leurs autres demandes.