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Décisions

CA Paris, 3e ch. A, 27 mars 2007, n° 05/21233

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Arcade Audit (SARL)

Défendeur :

Compagnie Financière Vega (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chagny

Conseillers :

M. Le Dauphin, Mme Moracchini

Avoués :

SCP Arnaudy - Baechlin, SCP Bommart-Forster - Fromantin

Avocats :

Me Parrinello, Me Stouls

TGI Paris, du 13 sept. 2005, n° 01/8154

13 septembre 2005

Vu le jugement en date du 13 septembre 2005, assorti de l'exécution provisoire, par lequel le tribunal de grande instance de Paris :

- a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance des articles L. 228-46 et L. 228-54 du code de commerce,

- a déclaré irrecevable la demande présentée par la Selafa MJA agissant en sa qualité de liquidateur de la société Financière Rembrandt pour le compte des Fonds communs de placements FR Euro Rendement, FR France Medium Caps et FR Euro Sécurité et pour le compte de l'association Synalretraite, groupe Assurances Banque Populaire,

- a déclaré irrecevable la demande présentée par la société de droit suisse V. & Associés 'pour le compte du fonds d'investissement de droit suisse Sound Asset Management',

- s'est déclaré incompétent pour connaître de l'action par M. V. et la société Compagnie Financière Vega à l'encontre de M. O., au profit du tribunal de commerce de Paris,

- a débouté la Selafa MJA, ès qualités de liquidateur de la société Financière Rembrandt, et M. V. de l'ensemble de leurs prétentions,

- a condamné M. C. et la société Arcade Audit in solidum à verser à la société Compagnie Financière Vega la somme de 69.665,62 euros à titre de dommages-intérêts, ainsi que celle de 2.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- a fait masse des dépens et dit qu'ils seront supportés pour moitié par la Selafa MJA, ès qualités, d'une part, et par M. C. et la société Arcade Audit, d'autre part ;

Vu les appels successivement formés à l'encontre de cette décision par la société Arcade Audit et par M. Sydney C. et par la société Compagnie Financière Vega, M. Cyrille V. et la société V. & Associés, cette dernière 'représentant le fonds d'investissement de droit suisse Sound Asset Management' selon les termes de la déclaration d'appel ;

Vu les conclusions en date du 15 février 2007 par lesquelles la société Arcade Audit et M. Sydney C., ci-après dénommés les commissaires aux comptes, demandent à la cour :

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société V. & Associés et M. V. de leurs prétentions,

- de l'infirmer en ce qu'il a déclaré la société Compagnie Financière Vega recevable et bien fondée en sa demande et les a condamnés in solidum à lui payer la somme de 69.665,62 euros à titre de dommages-intérêts,

- de déclarer M. V., la société V. & Associés et la Compagnie Financière Vega irrecevables à agir,

- subsidiairement, de débouter M. V., la société V. & Associés et la Compagnie Financière Vega de toutes leurs demandes,

- d'ordonner la restitution de la somme de 69.665,62 euros perçue au titre de l'exécution provisoire du jugement déféré,

- de condamner M. V., la société V. & Associés et la Compagnie Financière Vega à payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 7.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les conclusions en date du 20 février 2007 par lesquelles M. V., la société V. & Associés et la Compagnie Financière Vega demandent à la cour :

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné in solidum M. C. et la société Arcade Audit à payer à la société Compagnie Financière Vega la somme de 69.665,62 euros, sauf à dire que les intérêts au taux légal doivent être payés à compter de l'assignation du 10 mai 2001,

- de faire droit à leur appel limité et de déclarer recevables et bien fondées les demandes tendant à la condamnation in solidum de M. C. et de la société Arcade Audit à payer respectivement à :

. la société V. & Associés la somme de 838.367,22 euros,

. M. Cyrille V. la somme de 750.000 euros,

- de condamner in solidum M. C. et la société Arcade Audit à payer à chacun d'eux la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Sur ce :

Considérant que la société anonyme Amadis, constituée en 1990 et mise en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 16 mars 1999, la date de cessation des paiements étant reportée au 17 septembre 1997, était une société prestataire de services informatiques ; que la société Amadis avait pour président M. Alain O., également président de la société Compagnie Financière de la Pléïade, détentrice de la majorité des titres représentant le capital d'Amadis, et pour administrateur M. Cyrille V., par ailleurs gérant de la société de droit suisse V. & Associés et président de la société Compagnie Financière Rembrandt, agréée par la Commission des opérations de bourse en qualité de société de gestion de portefeuille ; que la société Amadis a eu pour commissaires aux comptes M. Sydney C., pour les exercices 1991 à 1996 inclus, puis la société Arcade Audit à partir de l'exercice 1997 ;

Considérant que sur proposition du conseil d'administration et au vu du rapport spécial du commissaire aux comptes établi le 12 mai 1998 en application des dispositions de l'article 186 de la loi du 24 juillet 1966 et 155-1, alinéa 2, du décret du 23 mars 1967 et revêtu de la signature de M. C. pour le compte de la société Arcade Audit, l'assemblée générale mixte des actionnaires d'Amadis a décidé, le 27 mai 1998, l'émission d'un emprunt obligataire convertible en actions pour un montant de 7.200.000 francs ; qu'ont notamment souscrit à cet emprunt, en juin 1998, la société Compagnie Financière Rembrandt, pour le compte de fonds communs de placement gérés par cette dernière, la société Compagnie Financière Vega, à hauteur de 370.000 francs, et la société V. & Associés pour le compte de la société Sound Asset Management, à hauteur de 405.000 francs ; que la société V. & Associés a, par ailleurs, acquis en 1998 de la société Compagnie Financière de la Pléïade, pour le compte de la société Sound Asset Management, 143.350 actions Amadis pour le prix de 4.492.880,50 francs ;

Considérant que le 10 mai 2001, une assignation a été délivrée à M. C. et à la société V. & Associés par 'Monsieur Cyrille V.', 'le fonds d'investissement de droit suisse Sound Asset Management, domicilié à Genève (...) et représenté par la SA V. & Associés', ayant son siège à Genève, et par 'la SARL Compagnie Financière Vega (...) représentée par son gérant M. Cyrille V.' ;

Considérant que ces parties, invoquant les conclusions d'un rapport d'expertise judiciaire établi le 9 février 2001 en exécution d'une ordonnance de référé du 22 octobre 1999, et exposant qu'elles avaient acquis des actions Amadis et souscrit à l'emprunt obligataire au vu de situations comptables inexactes mais certifiées par le commissaire aux comptes et du rapport spécial sur le projet d'émission d'obligations convertibles en actions avec suppression du droit préférentiel de souscription ne reflétant pas la réalité des comptes et donnant des indications inexactes, ont, aux termes de leurs dernières conclusions devant le premier juge, demandé la condamnation de M. C. et de la société Arcade Audit à payer 'à la société V. & Associés représentant le fonds d'investissement de droit suisse Sound Asset Management la somme de 838.367,22 euros, à la SARL Compagnie Financière Vega la somme de 69.665,62 euros et à M. Cyrille V. la somme de 750.000 euros ;

Que le premier juge a :

- déclaré irrecevable la demande 'formée par la SA de droit suisse V. & Associés pour le compte du fonds d'investissement de droit suisse Sound Asset Management',

- accueilli la demande formée par la société Compagnie Financière Vega,

- déclaré M. V. mal fondé en ses demandes ;

Considérant qu'en cause d'appel, la société Compagnie Financière Vega conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné M. C. et la société Arcade Audit, in solidum, à lui payer la somme de 69.665,62 euros ; que la société V. & Associés conclut à la condamnation de ces derniers au paiement de la somme de 838.367,22 euros tandis que M. V. demande leur condamnation au paiement de la somme de 750.000 euros ;

Sur les demandes de la société Compagnie Financière Vega :

Considérant que la société Compagnie Financière Vega demande réparation du préjudice qu'elle a subi en raison de la souscription d'obligations convertibles en actions qui se sont trouvées privées de toute valeur à la suite de la liquidation judiciaire de la société émettrice ; qu'elle expose à cette fin que la souscription desdites obligations a été déterminée par les agissements du ou des commissaires aux comptes qui ont certifié des comptes faux ;

Considérant que, contrairement à ce que soutiennent M. C. et la société Arcade Audit, le préjudice ainsi invoqué ne constitue pas la simple traduction d'un préjudice subi par la société Amadis ;

Considérant, en revanche, que M. C. et la société Arcade Audit sont fondés à se prévaloir des dispositions de l'article L. 228-54 du code de commerce selon lesquelles les représentants de la masse des porteurs d'obligations ont seules qualités pour engager, au nom de ceux-ci, toutes actions ayant pour objet la défense des intérêts communs des obligataires, toute action intentée contrairement à ces dispositions devant, aux termes du même texte, être déclarée d'office irrecevable ;

Considérant, en effet, que la faute invoquée à l'appui de l'action en responsabilité, à savoir la certification, le 12 mai 1998, des comptes de l'exercice 1998 et l'établissement, le même jour, du rapport spécial du même jour présenté à l'assemblée des actionnaires du 27 mai 1998 ayant décidé l'émission de l'emprunt obligataire, a été commise au moment de l'émission des obligations et concerne l'ensemble des souscripteurs et de leurs ayants droit, ce dont il résulte que l'action engagée par la société Compagnie Financière Vega, ayant pour objet la défense des intérêts communs des obligataires, relève du monopole institué par la loi au profit du représentant de la masse visée à l'article L. 228-46 du code de commerce, désigné en l'espèce par l'assemblée générale des obligataires du 6 octobre 1998, de sorte que l'action individuelle de la société Compagnie Financière Vega est irrecevable ;

Sur les demandes de la société V. & Associés :

Considérant qu'en première instance, la société V. & Associés a figuré à la procédure non à titre personnel mais en qualité de représentant de la société Sound Asset Management ; que cela résulte tant de l'assignation du 10 mai 2001 délivrée à la requête du 'fonds d'investissement de droit suisse Sound Asset Management, domicilié à Genève (...) et représenté par la SA V. & Associés', que des conclusions de première instance, où il est dit (p. 33) que le préjudice du 'fonds d'investissement de droit suisse Sound Asset Management' s'élève à 838.367,22 euros et où il est demandé une condamnation au profit de la société V. & Associés 'représentant le fonds d'investissement de droit suisse Sound Asset Management' que du jugement, lequel se borne, sans erreur, à déclarer irrecevable la demande formée par la société de droit suisse V. & Associés 'pour le compte du fonds d'investissement de droit suisse Sound Asset Management' ;

Considérant que la déclaration d'appel mentionne, pareillement, que celle-ci est faite pour la société V. & Associés 'représentant le fonds d'investissement de droit suisse Sound Asset Management' ;

Considérant cependant que la société V. & Associés ne justifie pas plus en appel qu'en première instance qu'elle a reçu de la société Sound Asset Management mandat de la représenter en justice ; qu'en effet, le document produit à cette fin devant la cour (pièce n° 53), à savoir, la traduction, partielle, d'un acte reçu le 11 septembre 1991 en langue espagnole par un notaire panaméen, ne fait état que d'un mandat conféré par la société anonyme de droit panaméen Sound Asset Management à la société V. Gestion SA et non à la société V. & Associés et qu'il n'est justifié d'aucune subdélégation de ce mandat, laquelle ne saurait résulter du seul fait que la société V. Gestion SA, dotée de la personnalité juridique, est une filiale à 100% de la société V. & Associés ;

Considérant certes que dans les dernières conclusions visées en tête du présent arrêt, la société V. & Associés, après avoir fait valoir que c'est elle qui a perdu en qualité de souscripteur d'obligations et d'actionnaire les sommes réclamées (concl. p. 33), demande à la cour de condamner les appelants à lui payer la somme de 838.367 euros, sans plus faire mention, dans le dispositif de ses conclusions, de sa qualité de représentant de la société Sound Asset Management ;

Mais considérant qu'il résulte des constatations qui précèdent que les prétentions ainsi formées par la société V. & Associés en une autre qualité que celle en laquelle elle figurait en première instance et en laquelle elle a interjeté appel, sont irrecevables dès lors qu'elles n'ont pas été soumises au premier juge, ainsi que le relèvent M. C. et la société Arcade Audit ;

Considérant, surabondamment, que les demandes de la société V. & Associés, en tant qu'elle sollicite réparation à hauteur de 76.122,13 euros du préjudice subi en qualité de souscripteur à l'emprunt obligataire pour les motifs déjà énoncés en ce qui concerne la société Compagnie Financière Vega et, pour l'ensemble de sa demande, en raison de l'acquisition de la prescription triennale visée à l'article L. 822-18 du code de commerce à la date à laquelle elle a formulé pour la première fois des prétentions en son nom propre, soit dans ses conclusions du 5 avril 2006 ;

Sur la demande de M. Cyrille V. :

Considérant que recevable - y compris contre M. C. qui, s'il avait cessé d'être titulaire du mandat de commissaire aux comptes de la société Amadis en 1998 a, pour le compte de la société Arcade Audit, le 12 mai 1998, certifié les comptes de l'exercice 1997 et signé le rapport spécial relatif à l'emprunt obligataire - la demande de M. V. en paiement de dommages-intérêts n'est pas fondée dès lors qu'il ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un préjudice en relation causale avec les manquements reprochés aux commissaires aux comptes ;

Considérant que M. V., qui ne justifie pas avoir personnellement souscrit à l'emprunt obligataire émis par la société Amadis ou acquis des actions Amadis, n'établit pas davantage qu'il a personnellement indemnisé les souscripteurs d'obligations dont les portefeuilles étaient gérés par la société Compagnie Financière Rembrandt dont il était président et qui a été mise en liquidation judiciaire le 8 juillet 2003 après que la Commission des opérations de bourse lui eut fait interdiction à titre définitif, par décision du 12 février 2002, d'exercer son activité de prestataire de services d'investissement, observation étant faite que la déclaration par M. V. au passif de la liquidation judiciaire de Compagnie Financière Rembrandt d'une créance de 1.852.073,93 euros au titre de son compte courant d'associé est dépourvue de valeur probante sous le rapport considéré ;

Considérant que l'atteinte alléguée à l'image et à la réputation de M. V. du fait des fautes imputées à M. C. et à la société Arcade Audit n'est pas mieux caractérisée, étant au surplus relevé que l'atteinte à la réputation de M. V., à la supposer réelle, trouverait une explication suffisante dans la commission par la société Compagnie Financière Rembrandt, dont il était le représentant légal, des multiples manquements relevés par la COB à l'encontre de cette dernière, rappelés par le premier juge ;

Considérant qu'il convient de rejeter les demandes réciproquement formées au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Considérant que M. C. et la société Arcade Audit ne caractérisent pas l'abus du droit d'agir en justice qu'elles imputent aux parties adverses, ni au demeurant le préjudice qui en serait résulté ; que leur demande en paiement d'une indemnité de ce chef sera rejetée ;

Par ces motifs :

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné M. Sydney C. et la société Arcade Audit, in solidum, à payer à la société Compagnie Financière Vega la somme de 69.665,62 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 2.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et en ses dispositions mettant une partie des dépens à la charge de M. C. et de la société Arcade Audit ;

Et statuant à nouveau de ces chefs,

Déclare la société Compagnie Financière Vega irrecevable en sa demande en paiement de dommages-intérêts ;

Ordonne en tant que de besoin la restitution de la somme de 69.665,52 euros ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de la société Compagnie Financière Vega ;

Dit que la part des dépens de première instance mise à la charge de M. C. et de la société Arcade Audit sera supportée, solidairement, par M. V. et les sociétés V. & Associés et Compagnie Financière Vega ;

Y ajoutant,

Déclare la société V. & Associés irrecevable en ses demandes ;

Condamne solidairement M. V. et les sociétés V. & Associés et Compagnie Financière Vega aux dépens d'appel, lesquels pourront être recouvrés dans les conditions prévues à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande.