CAA Paris, 10 juillet 1990, n° 89PA02243
PARIS
Arrêt
Annulation
Vu le recours du MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET, enregistré au greffe de la cour le 2 juin 1989 ; le MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET CHARGE DU BUDGET, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 68076/3 du 31 janvier 1989 par lequel le tribunal administratif de Paris a accordé à la société anonyme Safral la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1979 et 1980 ;
2°) de remettre intégralement l'imposition contestée à la charge de la société anonyme Safral ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience du 26 juin 1990 :
- le rapport de Mme Camguilhem, conseiller,
- et les conclusions de M. LOLOUM, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société anonyme Safral a cédé en décembre 1978 à la société anonyme Miko pour le prix symbolique de 1 F les 18.600 actions de la société anonyme Lesudeba dont elle était propriétaire, soit 33 % du capital de la société anonyme Lesudeba ; que cette dernière, dont l'activité est la fabrication de frites surgelées, le traitement de légumes par déshydratation et le traitement de tous produits alimentaires, avait été constituée le 31 août 1977 avec un capital de 2.000.000 F, soit 20.OOO actions de 100 F ; que, compte tenu du prix auquel elle avait cédé ses actions à la société anonyme Miko, la société anonyme Safral avait dégagé au titre de 1978 un résultat déficitaire reportable sur les exercices suivants ; qu'à la suite de la vérification de comptabilité de la société anonyme Lesudeba, le vérificateur a estimé que cette cession avait donné lieu à une insuffisance de prix de 1.859.999 F, et que par conséquent étaient annulées les imputations déficitaires auxquelles avait procédé la société au titre des années 1979 et 1980, exercices non prescrits lors de la vérification ; que l'annulation de ces déficits reportables a entraîné des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés s'élevant, en droits et pénalités, à 144.844 F en 1979 et 179.812 F en 1980 ; qu'après avoir refusé ces redressements, la société anonyme Safral a adressé au service une réclamation qui a fait l'objet d'une décision de rejet notifiée le 18 juin 1986 ; que, devant le tribunal administratif de Paris, la société anonyme Safral a obtenu décharge de ces impositions ;
Considérant que pour évaluer la valeur vénale de titres non cotés en bourse, l'administration peut, en l'absence de tout marché de référence, prendre en compte l'ensemble des éléments d'appréciation utiles sans être liée par la valeur mathématique des titres ;
Considérant qu'en l'espèce, à la date de la cession des actions de la société anonyme Lesudeba, soit le 29 décembre 1978, la valeur comptable de ces actions était nulle ; que, cependant, cette situation comptable qui s'expliquait par l'importance des frais financiers nécessités par la différence entre les fonds propres de la société et les investissements nécessaires à la poursuite de son exploitation, par le poids des frais de démarrage ainsi que par l'importance des amortissements pratiqués, ne reflétait pas la valeur réelle de la société qui n'avait que quelques mois d'activité ; que, d'ailleurs, si la société anonyme Safral soutient qu'à la fin de l'année 1978, la valeur de la société anonyme Lesudeba était nulle et ses perspectives d'avenir très incertaines, il résulte de l'instruction que la société anonyme Safral n'a pas cherché à arrêter l'activité de la société anonyme Lesudeba, mais a, au contraire, encouragé sa filiale la société anonyme Miko, à permettre la continuation de son activité notamment par un abandon de créance de 11 millions de francs ; que, pour contester la remise en cause que l'administration a faite de son évaluation des actions de la société anonyme Lesudeba, la société anonyme Safral soutient que la circonstance que la société anonyme Lesudeba a bénéficié d'importants concours financiers publics est révélatrice de ses difficultés économiques, mais qu'il est constant que ces concours, demandés dès la création de la société anonyme Lesudeba, l'ont été pour aider à son développement et non pour venir en aide à une exploitation déficitaire ; qu'ainsi, à la date de la cession litigieuse, l'accroissement de la valeur mathématique des actions de la société anonyme Lesudeba pouvait être tenu pour certain eu égard tant à la structure particulière de son actif qu'aux potentialités que recélait son activité ; que l'administration était dès lors fondée à ne pas retenir la valeur mathématique des actions ; que la société requérante se borne à soutenir que l'administration ne pouvait en l'espèce que retenir la valeur mathématique des actions et ne critique pas pour le surplus la méthode utilisée par l'administration ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du bien-fondé du redressement contesté ;
Considérant enfin que le "guide de l'évaluation des biens" publié par la direction générale des impôts ne peut être regardé comme étant au nombre des "instructions ou circulaires publiées" par lesquelles l'administration fait connaître son interprétation des textes fiscaux et dont les contribuables peuvent se prévaloir à son encontre sur le fondement de l'article L.80-A du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le MINISTRE DELEGUE AUPRES DU MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DU BUDGET, CHARGE DU BUDGET est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a accordé à la société anonyme Safral décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1979 et 1980 ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 31 janvier 1989 est annulé.
Article 2 : Les cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles la société anonyme Safral a été assujettie au titre des années 1979 et 1980 sont remises intégralement à sa charge.