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Décisions

Cass. 1re civ., 14 avril 2021, n° 19-21.313

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Rapporteur :

Mme Mouty-Tardieu

Avocat général :

Mme Marilly

Avocats :

SCP Didier et Pinet, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Metz, du 2 avr. 2019

2 avril 2019

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à la société civile professionnelle [Personne physico-morale 1], prise en sa qualité de liquidateur de Mme [W] (le liquidateur), de sa reprise d'instance.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 2 avril 2019), Mme [W] et M. [T] ont acquis en indivision une maison d'habitation et de commerce et souscrit conjointement, à cette fin, un emprunt bancaire.

3. Après ouverture du partage judiciaire de cette indivision, l'immeuble indivis a été vendu et le solde de l'emprunt, remboursé. Les parties n'ayant pu s'accorder sur la répartition du reliquat du prix, le notaire désigné a, le 18 décembre 2014, dressé un procès-verbal de difficultés.

4. Le 20 juin 2016, M. [T] a assigné Mme [W] pour obtenir, notamment, sa condamnation au paiement de la moitié des sommes versées par lui seul en remboursement de l'emprunt. Celle-ci lui a opposé la prescription de ses demandes.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. Le liquidateur fait grief à l'arrêt de recevoir l'ensemble des demandes de M. [T], alors « que l'action de l'indivisaire contre l'indivision, née de ce qu'il a remboursé personnellement partie des échéances des emprunts ayant permis l'acquisition du bien indivis, peut être exercée sans attendre le partage ou l'aliénation du bien ; que la prescription de cette action court à compter de la date d'exigibilité de l'obligation qui lui a donné naissance ; qu'en retenant que la prescription de l'action de M. [T] n'avait pas commencé à courir avant la date du partage, la cour d'appel a violé l'article 815-13 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 815-13, 815-17, alinéa 1er, et 2224 du code civil :

7. Il résulte des deux premiers textes qu'un indivisaire qui a conservé à ses frais un bien indivis peut revendiquer une créance sur l'indivision et être payé par prélèvement sur l'actif indivis, avant le partage.

8. Cette créance, immédiatement exigible, se prescrit selon les règles de droit commun édictées par le dernier.

9. Pour déclarer recevable l'ensemble des demandes de M. [T], l'arrêt relève que celui-ci revendique une créance sur l'indivision à raison du paiement de l'intégralité des échéances de l'emprunt bancaire du mois de décembre 2001 au mois de mars 2013 inclus. Il énonce qu'il résulte des termes mêmes de l'article 815-13 du code civil que l'indemnité due à l'indivisaire s'apprécie à la date du partage ou de l'aliénation du bien indivis, indépendamment de la date à laquelle les impenses ont été exposées. Il relève que le partage a été ordonné le 2 avril 2013, que le bien a été vendu le 31 juillet 2014, que la prescription a été interrompue par le procès-verbal de difficultés et par l'assignation.

10. En statuant ainsi, alors que la créance revendiquée par M. [T] était exigible dès le paiement de chaque échéance de l'emprunt immobilier, à partir duquel la prescription commençait à courir, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de la disposition de l'arrêt qui reçoit M. [T] en l'ensemble de ses demandes entraîne la cassation des chefs de dispositif allouant à celui-ci le solde du prix de vente de l'immeuble litigieux, soit 34 617,81 euros, et condamnant Mme [W] à lui payer la somme complémentaire de 7 421,07 euros, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il condamne Mme [W] à payer à M. [T] la somme de 22 050 euros à titre d'indemnité d'occupation, dit que les sommes dues par Mme [W] à M. [T] porteront intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2017 et statué sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance, l'arrêt rendu le 2 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy.