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Décisions

Cass. 1re civ., 22 septembre 2021, n° 20-15.817

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Duval-Arnould

Rapporteur :

Mme Le Gall

Avocat général :

M. Lavigne

Avocats :

SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Piwnica et Molinié

Paris, du 12 févr. 2020

12 février 2020

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-15.817 et 20-16.276 sont joints.

Désistement partiel

2. Il est donné acte à Mme [J] et MM. [P] et [X] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société d'avocats Altana et M. [G].

Faits et procédure

3. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 février 2020), le 8 juin 2017, Mme [J] et MM. [P], [X] et [G], avocats associés au sein de la société d'avocats De Gaulle Fleurance et associés (la SELAS) ayant décidé de rejoindre la société d'avocats Altana, ont saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Paris d'une demande d'arbitrage afin de faire juger nulles et non écrites certaines clauses des statuts ou du règlement intérieur de la SELAS, annuler les délibérations subséquentes de l'assemblée générale des associés des 18 avril et 22 mai 2017, et obtenir le paiement de diverses rémunérations.

4. Le 28 juin suivant, la SELAS a saisi le bâtonnier d'un contentieux distinct portant sur des actes de concurrence déloyale reprochés à ces associés retrayants à l'occasion de leur départ. Les deux procédures ont été jointes en appel.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° 20-16.276, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi n° 20-15.817 et le premier moyen du pourvoi n° 20-16.276, réunis

Enoncé des moyens

6. Par son moyen, M. [G] fait grief à l'arrêt de déclarer recevable les recours formés par la SELAS contre les deux décisions du bâtonnier en date du 7 juin 2018, alors :

« 1°/ qu'il résulte de l'article 933 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, auquel renvoie l'article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, que la déclaration d'appel comporte les mentions prescrites par l'article 58, désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, et est accompagnée de la copie de la décision ; qu'il résulte de de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement, et qu'ainsi, lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas ; qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, à défaut de délai imparti aux parties pour conclure, la déclaration d'appel affectée de ce vice de forme ne peut être régularisée que par une nouvelle déclaration d'appel, dans le délai de recours ; qu'après avoir constaté que sa première déclaration d'appel était affectée d'une nullité de forme, la cour d'appel, pour déclarer le recours de la SELAS recevable, a énoncé que, en matière de représentation non obligatoire, il n'existe pas de délai pour conclure et qu'il peut être conclu jusqu'à la clôture des débats, de sorte que la régularisation, intervenue par l'acte du 3 juin 2019, précisant les points contestés des décisions du bâtonnier, est valable ; qu'en statuant ainsi, cependant que la régularisation devait intervenir dans le délai de recours, la cour d'appel a violé les articles 562 et 933, dans leur rédaction issue du décret du 6 mai 2017, du code de procédure civile, ensemble l'article 16 du décret du 27 novembre 1991 ;

2°/ qu'il résulte de l'article 933 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, auquel renvoie l'article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, que la déclaration d'appel comporte les mentions prescrites par l'article 58, désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, et est accompagnée de la copie de la décision ; que, dans ses écritures d'appel, M. [G] a fait valoir que la déclaration d'appel formulée oralement par le conseil de la SELAS, faute de toute remise matérielle, ne pouvait valoir acte d'appel ; qu'en se bornant, après avoir constaté que le conseil de la SELAS s'est présenté devant le greffier de la chambre en charge des recours contre les décisions du bâtonnier, pour formuler oralement son recours, que le procès-verbal qui en a été dressé vaut récépissé par le directeur de greffe du recours exercé dans le délai légal par la SELAS, en ce qu'il lui donne date certaine, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la déclaration orale faite par le conseil de la SELAS pouvait valoir acte d'appel, susceptible de régularisation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 58, 562 et 933, dans leur rédaction issue du décret du 6 mai 2017, du code de procédure civile, ensemble l'article 16 du décret du 27 novembre 1991. »

7. Par leur premier moyen, Mme [J] et MM. [P] et [X] font grief à l'arrêt de déclarer recevable le recours formé par la SELAS contre les deux décisions du bâtonnier en date du 7 juin 2018, alors « que le recours devant la cour d'appel, contre la décision rendue par le bâtonnier statuant sur un différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel, doit, aux termes de l'article 16 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, être formé par lettre recommandée avec avis de réception adressée au secrétariat-greffe de la cour d'appel ou remis contre récépissé au greffier en chef ; qu'est irrecevable le recours effectué par déclaration orale au greffier, peu important que ce dernier en ait dressé un procès-verbal qu'il a signé ainsi que l'auteur du recours ; qu'en déclarant recevable le recours effectué par le conseil de la SELAS auprès du greffier habilité, quand elle avait constaté que ce recours avait été fait par déclaration orale audit greffier, la cour d'appel a violé, par refus d'application, les articles 16, 152 et 179-6 du décret susvisé. »

Réponse de la Cour

8. Selon l'article 152 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la décision du bâtonnier arbitrant un différend entre avocats peut faire l'objet d'un appel dans les conditions prévues à l'article 16 de ce décret, lequel dispose que le recours devant la cour d'appel est formé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat-greffe de la cour d'appel ou remis contre récépissé au greffier en chef, qu'il est instruit et jugé selon les règles applicables en matière contentieuse à la procédure sans représentation obligatoire et que le délai de recours est d'un mois.

9. Il en résulte que le recours effectué par déclaration orale reçue par un greffier n'est pas recevable. Ce défaut de saisine régulière de la juridiction constitue une fin de non-recevoir, laquelle peut être régularisée dans les conditions de l'article 126 du code de procédure civile, selon lequel, dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

10. La fin de non-recevoir est donc susceptible d'être régularisée avant que le juge statue, à condition que le délai d'appel n'ait pas expiré (2e Civ., 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-14.086, publié).

11. Par ailleurs, il se déduit de l'article 680 du code de procédure civile, que l'exigence de la mention dans la notification d'un jugement du délai de la voie de recours ouverte contre ce jugement implique que soit également mentionné le point de départ de ce délai et que la mention erronée dans l'acte de notification d'un jugement de la voie de recours ouverte, de son délai ou de ses modalités, a pour effet de ne pas faire courir le délai de recours.

12. La cour d'appel a constaté que, le 20 juin 2018, la SELAS s'est présentée pour former un recours contre les deux décisions du bâtonnier rendues le 7 juin précédent, devant le greffier de la juridiction qui en a dressé procès-verbal, et qu'elle a réitéré ses deux recours par document remis au greffier le 3 juin 2019 précisant les points contestés des décisions du bâtonnier.

13. Elle a relevé, en outre, après avoir recueilli les observations des parties sur ce point, que les notifications par le secrétariat du conseil de l'ordre des décisions du bâtonnier à la SELAS, reçues par celle-ci le 12 juin 2018, ne précisaient pas le point de départ du délai de recours d'un mois.

14. Il en résulte que le défaut de saisine régulière de la cour d'appel par la déclaration orale au greffe du 20 juin 2018 constituait une fin de non-recevoir, laquelle a été valablement régularisée par le recours formé le 3 juin 2019, dès lors, d'une part, que le délai de recours n'avait pas couru en l'absence de mention, dans la notification des décisions du bâtonnier, du point de départ de ce délai, d'autre part, que la cour d'appel, qui a tenu son audience le 16 octobre 2019, n'avait pas encore statué.

15. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues aux articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

Sur le troisième moyen du pourvoi n° 20-16.276

Enoncé du moyen

16. Mme [J] et MM. [P] et [X] font grief à l'arrêt d'infirmer la décision du bâtonnier en ce qu'elle a annulé les quatrième, cinquième et sixième résolutions votées par l'assemblée générale des associés de la SELAS le 18 avril 2017 et ordonné une mesure d'expertise, et de rejeter leurs demandes en paiement des sommes, respectivement de 8,67 euros, 572 091,58 euros et 3 775 804,45 euros, représentant le prix de cession de leurs actions, alors :

« 1°/ que, si les dispositions de l'article 10 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales, prévoient, « par dérogation à l'article 1843-4 du code civil », que « les statuts peuvent à l'unanimité des associés, fixer les principes et les modalités applicables à la détermination de la valeur des parts sociales », ce n'est que « pour l'application des articles L. 223-14 et L. 228-24 du code de commerce », soit dans les seules hypothèses d'une cession volontaire de parts sociales ou d'actions ; que la cour d'appel a constaté que les associés de catégorie A intimés avaient fait l'objet d'une décision d'exclusion prise par les associés restants de la SELAS ; qu'en énonçant cependant, pour infirmer la décision entreprise ayant ordonné une expertise et débouter les intimés de leur demande en paiement fondée sur la valeur réelle de leurs titres, que l'article 11-25 du règlement prévoit que la sortie d'un associé de catégorie A ne donne droit à aucune indemnisation et que la cession de ses titres s'effectue au nominal et que rien n'interdit dans une SELAS d'adopter ces dispositions statutaires qui font la loi des parties, quand les dispositions des statuts prévoyant les principes et modalités applicables à la détermination de la valeur des titres, n'ont vocation à s'appliquer que pour les seules cessions volontaires de titres, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 10 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, ensemble et par fausse application, des dispositions de l'article 11-25 du règlement ;

2°/ qu'est réputée non écrite, toute clause léonine ayant pour effet d'attribuer, de manière disproportionnée, des droits à un cocontractant ; qu'en l'espèce, les associés de catégorie A sortants faisaient valoir que le cumul, prévu par les statuts et le règlement intérieur de la SELAS, privant un associé sortant, tout à la fois, de la valeur réelle de ses titres alors même qu'il a contribué pendant toute la durée de son exercice au sein de la société à la constitution des réserves, de l'essentiel de sa rémunération pour l'année en cours et, éventuellement, de l'essentiel de sa rémunération pour l'année précédente, avait pour effet d'attribuer à la société des droits de manière disproportionnée de sorte que les dispositions statutaires et du règlement intérieur devaient être jugées léonines, partant réputées non écrites ; qu'en se bornant, pour infirmer la décision entreprise ayant ordonné une expertise et débouté les intimés de leur demande en paiement fondée sur la valeur réelle de leurs titres, à relever que l'article 11-25 du règlement prévoit que la sortie d'un associé de catégorie A ne donne droit à aucune indemnisation et que la cession de ses titres s'effectue au nominal et que rien n'interdit dans une SELAS d'adopter ces dispositions statutaires qui font la loi des parties, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la conjonction des clauses statutaires et du règlement intérieur, privant l'associé sortant de la valeur réelle de ses titres, de l'essentiel de sa rémunération pour l'année en cours et, éventuellement, de l'essentiel de sa rémunération pour l'année précédente, ne caractérisait pas le caractère léonin des stipulations, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1844-1 du code civil. »

Réponse de la Cour

17. En premier lieu, ayant exactement énoncé que rien n'interdisait à la SELAS d'adopter des dispositions statutaires prévoyant la détermination de la valeur des parts à leur valeur nominale et non réelle, et constaté que l'article 11-25 du règlement intérieur prévoyait la cession des titres à une telle valeur pour la sortie des associés de catégorie A, la cour d'appel en a justement déduit que ces dispositions devaient être appliquées, nonobstant l'exclusion de Mme [J] et MM. [P], [X] et [G], prononcée en raison de leur départ de la SELAS sans en avoir démissionné.

18. En second lieu, ayant retenu le caractère léonin de l'article 11.24, alinéa 1er, du règlement intérieur, mais écarté un tel caractère tant de l'article 11.24, alinéa 2, en ce qu'il n'était pas établi que les associés partants se trouveraient dans l'un des cas qui entraînerait la perte de leur rémunération variable votée pour l'année n-1, que des dispositions relatives à la détermination des parts sociales à valeur nominale, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses appréciations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision de ce chef.

19. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.