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Décisions

CE, 10e et 9e sous-sect. réunies, 13 juillet 2011, n° 311844

CONSEIL D'ÉTAT

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Martin

Rapporteur :

M. Matt

Rapporteur public :

M. Boucher

Avocat :

Me Spinosi

CE n° 311844

12 juillet 2011

Vu le pourvoi, enregistré le 26 décembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 25 octobre 2007 de la cour administrative d'appel de Nancy en tant qu'il a rejeté son recours incident tendant à la réformation du jugement du 2 octobre 2003 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il a fait partiellement droit à la demande en décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la SA G.H. Mumm et Cie a été assujettie au titre de l'exercice 1989 à raison de la réintégration de l'amortissement d'une prime de remboursement d'un emprunt convertible ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel incident ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

 

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de Me Spinosi, avocat de la SA G.H. Mumm et Cie et de la société Martell et Co venant aux droits des sociétés Martell SA et Martell et Cie,

- les conclusions de M. Julien Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Spinosi, avocat de la SA G.H. Mumm et Cie et de la société Martell et Co venant aux droits des sociétés Martell SA et Martell et Cie ;

 


Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Martell SA a émis le 22 avril 1985 un emprunt obligataire convertible en actions avec primes de remboursement ; que la société a choisi de comptabiliser ces primes pour leur totalité dès l'émission de l'emprunt et de les étaler sur la durée de celui-ci, dans le but de répartir de manière régulière la charge globale de l'opération ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos de 1987 à 1989, l'administration a remis en cause cet étalement pour le calcul de l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice 1989 ; que, par un jugement du 2 octobre 2003, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fait droit à la demande en décharge présentée par la société pour ce chef de redressement ; que, devant la cour administrative d'appel de Nancy, l'administration a demandé une substitution de base légale qui a été refusée par un arrêt du 25 octobre 2007 contre lequel le ministre se pourvoit en cassation ;

Considérant qu'aux termes du 1. de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu du I de l'article 209 du même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; qu'aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III au code général des impôts : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt. " ;

Considérant, en premier lieu, que pour refuser d'accueillir la demande de substitution de base légale formulée par l'administration dans son appel incident, la cour, dont l'arrêt est suffisamment motivé, n'a pas irrégulièrement omis de répondre au moyen tiré de ce que la charge déduite par la société n'était pas certaine dans son principe et son montant dès lors qu'elle a jugé que les primes litigieuses avaient légalement pu faire l'objet d'un étalement ;

Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'étalement des primes de remboursement attachées aux emprunts obligataires convertibles en actions est conforme aux règles fixées par le plan comptable général et correspond aux usages des sociétés émettant de tels emprunts ; que, par suite, alors même que les règles fixées par le plan comptable général permettent également aux sociétés de n'inscrire en comptabilité que le montant nominal de l'emprunt et de constituer une provision pour risque correspondant aux primes de remboursement, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'en l'absence de disposition législative ou réglementaire propre à la détermination de l'assiette de l'impôt et incompatible avec les règles comptables, la société avait pu légalement faire application de la faculté offerte par ces règles et procéder à l'étalement de la prime de remboursement prévue par l'emprunt obligataire émis le 22 avril 1985 ; que, par suite, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté son appel incident ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SA G.H. Mumm et Cie de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la SA G.H. Mumm et Cie la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT, à la SA G.H. Mumm et Cie et à la société Martell et Co.