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Décisions

CAA Paris, 5e ch., 5 mars 2020, n° 19PA00235

PARIS

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Formery

Rapporteur :

M. Dore

Rapporteur public :

M. Lemaire

Avocats :

CMS Bureau Francis Lefebvre

CAA Paris n° 19PA00235

4 mars 2020

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Alliance Développement Capital (ADC) a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution sur cet impôt auxquels elle a été assujettie au titre des exercices 2003 et 2004, ainsi que des intérêts de retard et pénalités dont ils ont été assortis.

Par un jugement nos 1203170, 1203177 du 10 décembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a partiellement rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 15PA00980 du 8 novembre 2016, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel de la société Alliance Développement Capital contre ce jugement.

Par une décision n° 406709 du 28 décembre 2018, le Conseil d'État statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté pour la société Alliance Développement Capital, annulé cet arrêt en tant qu'il se prononçait sur la réduction du résultat fiscal pour l'exercice 2003 de la société Alliance Développement Capital résultant de la prise en compte de l'annulation de bons de souscription d'action et renvoyé l'affaire devant la Cour, dans la limite de la cassation prononcée.

Procédure devant la Cour :

Par des mémoires enregistrés les 12 février et 27 mars 2019, la société Alliance Développement Capital, représentée par Me C... et Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris nos 1203170, 1203177 en date du 10 décembre 2014 en tant qu'il rejette les conclusions tendant à la décharge des impositions, ainsi que des intérêts de retard s'y rapportant, résultant de la remise en cause de la déduction du résultat de l'exercice clos en 2003 de la perte correspondant à l'annulation de bons de souscription d'actions ;

2°) de prononcer la décharge des impositions auxquelles elle a été assujettie à raison de cette rectification, ainsi que des intérêts de retard correspondants ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la perte de 9 406 740 euros générée par l'annulation des bons de souscription d'actions (BSA) qu'elle détenait à la suite d'une fusion-absorption de la société Eyra est fiscalement déductible des résultats imposables au titre de l'exercice clos en 2003 ; cette perte ne résultait pas d'opération sur son propre capital mais d'une variation négative de l'actif net au sens de l'article 38-2 du code général des impôts ; les bons en cause n'ont pas été acquis en vue de leur annulation et aucun prélèvement n'a été opéré sur ses fonds propres au profit des associés.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête de la société Alliance Développement Capital.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Alliance Développement Capital ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., pour la société anonyme Alliance Développement Capital.

Considérant ce qui suit :

1. La société Alliance Développement Capital (ADC), qui a pour activité l'acquisition ou la construction d'immeubles en vue de la location et la détention de participations dans des sociétés ayant cette même activité, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de l'exercice clos en 2003, à l'issue de laquelle le service a notamment remis en cause la déduction d'une perte à raison de l'annulation de bons de souscription d'actions.

Elle a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer, notamment, la décharge des impositions auxquelles elle avait été assujettie à raison de cette rectification, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement nos 1203170, 1203177 en date du 10 décembre 2014, le Tribunal administratif de Paris a notamment, après avoir prononcé la décharge des pénalités infligées à la société ADC à raison de cette rectification, rejeté les conclusions de ses demandes tendant à la décharge des impositions correspondantes.

Par un arrêt en date du 8 novembre 2016, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel introduit par la société ADC contre ce jugement. Par une décision en date du 28 décembre 2018, le Conseil d'État a annulé cet arrêt, en tant qu'il avait ainsi rejeté les conclusions à fin de décharge des impositions et renvoyé dans cette mesure l'affaire à la Cour.

2. Aux termes du 2° de l'article 38 du code général des impôts, le bénéfice imposable " est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période (...). L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ".

3. Il résulte de l'instruction qu'après avoir procédé en décembre 2003 à la fusion-absorption de sa filiale, la société Eyra, avec transmission universelle de son patrimoine, la société ADC s'est trouvée détenir des bons de souscription d'actions qu'elle avait elle-même émis et distribués gratuitement en septembre 2003 à l'un de ses actionnaires, la société Acanthe Développement, qui ne les avait pas utilisés mais cédés à une autre société du même groupe informel et dont la société Eyra venait de devenir propriétaire. Ces bons, qui constituaient des actifs de la société Eyra, sont devenus, en conséquence de la transmission universelle du patrimoine de celle-ci, des actifs de la société ADC, société absorbante, dont il est constant qu'elle les a d'ailleurs comptabilisés comme tels. L'annulation de ces bons a représenté pour la société requérante, titulaire de ces actifs, une perte sur valeurs mobilières de placement. L'administration, qui n'a considéré ni que ces opérations étaient constitutives d'un abus de droit, ni qu'en annulant les bons en cause, qui étaient pourtant cessibles, plusieurs mois avant leur terme, la société ADC avait renoncé sans contrepartie à un produit ou dans des conditions révélant l'existence d'un acte anormal de gestion, a estimé que l'annulation des bons constituait une opération sur capital, se traduisant directement par la diminution d'un poste de capitaux propres, et qu'elle était ainsi dépourvue de tout effet sur le résultat fiscal de la société ADC. Toutefois, si l'article 221-6 du plan comptable général prévoit que la valeur comptable de titres détenus explicitement dans le but de réduire le capital n'est soumise à aucune dépréciation et reste égale à leur prix d'achat jusqu'à leur annulation dès lors que, dès l'origine, leur inscription doit être regardée comme équivalant à une réduction des capitaux propres, les bons de souscription d'action détenus par la société ADC, qui constituaient des valeurs mobilières, au sens de l'article 150-0 A du code général des impôts, inscrites à l'actif de cette société, ne relevaient pas de ces dispositions, leur annulation n'ayant pas eu par elle-même, en tout état de cause, pour objet ou pour effet de réduire le capital social, même si elle permettait d'éviter une dilution de la participation des actionnaires, ainsi que le fait valoir le ministre. Par suite, la société ADC était fondée à déduire du résultat de l'exercice clos en 2003 la perte correspondant à l'annulation de bons de souscription d'actions qu'elle avait elle-même émis.

4. Il résulte de ce qui précède que la société ADC est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions à fin de décharge des impositions auxquelles elle a été assujettie, ainsi que des intérêts de retard correspondants, à raison de la remise en cause de la déduction du résultat de l'exercice clos en 2003 de la perte résultant de l'annulation des bons de souscription d'actions.

5. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme demandée par la société requérante sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La société Alliance Développement Capital est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2003 et 2004 en raison de la remise en cause de la déduction de la perte résultant de l'annulation de bons de souscription d'actions, ainsi que des intérêts de retard s'y rapportant.

Article 2 : Le jugement n°s 1203170 et 1203177 du Tribunal administratif de Paris en date du 10 décembre 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions de la société Alliance Développement Capital présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Alliance Développement Capital (ADC) et au ministre de l'action et des comptes publics.