ADLC, 22 novembre 2022, n° 22-DCC-226
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Akiem par la Caisse de dépôt et placement du Québec
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cœuré
L’Autorité de la concurrence,
Vu le dossier de notification adressé complet au service des concentrations le 18 octobre 2022, relatif à la prise de contrôle exclusif de la société Akiem group par la Caisse de dépôt et de placement du Québec, formalisée par la promesse unilatérale de vente du 29 juillet 2022 ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;
Vu les éléments complémentaires Vu les autres pièces du dossier ; Adopte la décision suivante :
I. Les entreprises concernées et l’opération
1. La Caisse de dépôt et de placement du Québec (CDPQ) est un investisseur institutionnel à long terme qui gère les fonds de ses déposants principalement constitués de régimes de retraite et d’assurance publics et parapublics de la province de Québec au Canada.
2. La CDPQ contrôle notamment, conjointement avec le groupe DWS, la société Ermewa. Cette dernière offre des services de location de wagons et de wagons-citernes ainsi que de fabrication, d’entretien et de réparation de wagons.
3. Akiem Group (ci-après « Akiem ») est une société française, actuellement contrôlée conjointement par les sociétés Transport et logistique partenaires (TLP) et Eurotraction. Elle est active dans la location de locomotives et de trains de passagers à des opérateurs ferroviaires publics et privés. Elle propose également des services de maintenance ainsi que d’autres services associés à la location de locomotives.
4. L’opération consiste en l’acquisition indirecte par la CDPQ de la quasi-intégralité des actions et des droits de vote de la société Akiem group1.
5. En ce qu’elle se traduit par la prise de contrôle exclusif d’Akiem par la CDPQ, l’opération notifiée constitue une opération de concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.
6. Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d’affaires total sur le plan mondial de plus de 150 millions d’euros (CDPQ : [≥ 150 millions] millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2021 ; Akiem : [≥ 150 millions] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2021). Chacune de ces entreprises réalise, en France, un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros (CDPQ : [≥ 50 millions] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2021 ; Akiem : [≥ 50 millions] d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2021). Compte tenu de ces chiffres d’affaires, l’opération ne revêt pas une dimension européenne2. En revanche, les seuils de contrôle mentionnés au I de l’article L. 430-2 du code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles
L. 430-3 et suivants du code de commerce, relatives à la concentration économique.
II. Délimitation des marchés pertinents
7. Akiem propose des services de location ainsi que d’entretien et de maintenance de locomotives, tandis qu’Ermawa, filiale de l’acquéreur, propose les mêmes services concernant des wagons de marchandises3.
8. Plusieurs décisions de la Commission européenne (ci-après « la Commission ») ont examiné le marché de la location de matériel ferroviaire roulant (leasing of rolling stock)4 qui englobe notamment les wagons de marchandises et les locomotives. Elle s’est, par la suite, également intéressée aux marchés spécifiques de la location de wagons de marchandises5.
9. L’instruction de la présente opération montre que le marché pertinent à considérer n’est pas celui de la location de tout type de matériel ferroviaire roulant, mais celui de la location de wagons de marchandises, d’une part, et de la location de locomotives, d’autre part.
10. En effet, concernant l’offre, l’activité de location de locomotives est bien plus intensive en capital que celle de location de wagons. Elle requiert, en outre, une expertise technique liée au véhicule proposé à la location ainsi qu’aux réseaux sur lesquels il sera amené à circuler. Il est ainsi rare qu’un acteur ait à la fois une activité de location de locomotives et une activité de location de wagons de marchandises.
11. Concernant la demande, le choix du wagon est généralement guidé par les besoins du transporteur de marchandises ou de l’agent de transport (en fonction, par exemple, du secteur concerné ; des wagons différents seront nécessaires pour le transport du grain et de l’acier), alors que le choix de la locomotive dépend de l’opérateur de transport ferroviaire en charge de la traction des wagons.
12. Ainsi, la locomotive est louée par le transporteur qui opère le train (ou l’un de ses prestataires) alors que le wagon est généralement loué par l’entreprise qui va le remplir (le chargeur). Le wagon peut également être loué par l’entreprise ferroviaire en fonction toutefois des besoins du client chargeur.
13. Cette analyse est notamment confirmée par le test de marché organisé dans le cadre de l’instruction. En effet, une majorité de répondants considère qu’il est pertinent d’opérer une distinction entre l’activité de location de locomotives, et celle de location de wagons.
A. MARCHÉS DE LA LOCATION DE WAGONS DE MARCHANDISES
1. MARCHÉS DE PRODUITS ET SERVICES
14. La Commission a défini un marché de la location de wagons pouvant être segmenté en fonction (i) du type de wagon (par exemple ouvert, couvert, plat, spécial) et (ii) du type de marchandise transportée. S’agissant spécifiquement des wagons à grains, elle a également envisagé une segmentation supplémentaire en fonction du type de méthode de déchargement6. Enfin, elle a considéré que la location de wagons-citernes pouvait constituer un marché distinct7.
15. Au cas d’espèce, la définition exacte du marché de produit peut être laissée ouverte, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurant inchangées, quelle que soit la segmentation retenue.
16. En l'espèce, Ermewa loue des wagons-citernes ainsi que des wagons de marchandises de type wagons couverts, wagons pour le transport de nourriture et de poudre, wagons plats, wagons à toit ouvert et trémie, et wagons intermodaux.
2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
17. La Commission a considéré que le marché de la location de wagons de marchandises était de dimension européenne8.
18. Les réponses au test de marché confirment la pertinence d’une telle dimension. L’analyse concurrentielle sera ainsi menée au niveau européen concernant la location de wagons.
B. MARCHÉS DE LA MAINTENANCE DE WAGONS DE MARCHANDISES
1. MARCHÉS DE PRODUITS
19. La Commission a défini un marché de la maintenance des wagons de marchandises en distinguant trois types de maintenance : la maintenance légère, la maintenance de remise à neuf et la rénovation9.
20. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette analyse dans le cadre de la présente décision. En l’espèce, Ermewa propose tous les types de services de maintenance de wagons.
2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
21. En ce qui concerne la dimension géographique de marché de la maintenance de wagons, la pratique décisionnelle de la Commission a conclu que la concurrence s'exerçait à un échelon national, voire infra national en ce qui concerne la maintenance légère10.
22. En tout état de cause, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurant inchangées quelle que soit la délimitation retenue, la définition du marché géographique exacte peut être laissée ouverte.
C. MARCHÉS DE LA LOCATION DE LOCOMOTIVES
1. MARCHÉS DE PRODUITS ET DE SERVICES
23. La pratique décisionnelle n’a pas défini de marché de la location de locomotives. Elle a, en revanche, défini de manière constante le marché de la fourniture de véhicules ferroviaires (locomotives et véhicules légers sur rail) en distinguant les trains grandes lignes, les trains régionaux et les trains locaux, et a segmenté le marché selon la technologie du transport ferroviaire en (i) trains à grande vitesse (250 km/h), (ii) locomotives électriques et diesel,
(iii) rames automotrices électriques et diesel pour le transport interurbain, (iv) rames automotrices électriques et diesel pour le transport régional, (v) voitures de passagers et wagons de marchandises, (vi) tramways et véhicules ferroviaires légers et (vii) véhicules de métro11.
24. Par analogie avec la pratique précitée, la partie notifiante considère ainsi que le marché concerné par la présente opération est celui de la location de locomotives électriques et diesel12. La question peut toutefois être laissée ouverte au cas d’espèce, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurant inchangées quelle que soit la segmentation retenue.
25. En l’espèce, Akiem propose à la location des locomotives électriques et diesel13.
a) Location opérationnelle ou financière
26. En matière de matériel ferroviaire roulant, La Commission a relève qu’il existait une distinction fondamentale du point de vue de la demande entre la propriété directe, la location financière et la location opérationnelle de matériel roulant. Dans le cadre d’une location financière, la propriété de l’actif et les risques associés sont transférés au locataire, alors que dans le cadre d’une location opérationnelle, les risques restent à tout moment charge du bailleur14.
27. Par analogie, cette distinction sera appliquée dans le cadre de la présente décision à la location de locomotives. En l’espèce, l’activité d’Akiem se limitant à la location opérationnelle de locomotives, l’analyse concurrentielle sera limitée à cette activité.
b) Location de locomotives pour le transport de marchandises et de passagers
28. La Commission a envisagé une segmentation entre la location de matériel ferroviaire roulant pour passagers et la location de matériel ferroviaire roulant pour le transport de marchandises15.
29. Par analogie, cette distinction sera appliquée dans le cadre de la présente décision à la location de locomotives. En l’espèce, Akiem loue des locomotives destinées au transport de passagers et des locomotives destinées au transport de marchandises.
c) Location de locomotives de ligne et de manœuvre
30. La distinction entre les locomotives de ligne et de manœuvre a été envisagée sur le marché amont de la production de locomotives. La Commission a estimé que la fabrication de locomotives de ligne devait être distinguée de la fabrication de locomotives de manœuvre, compte tenu de certaines différences techniques entre ces deux types de locomotives (vitesse, dispositifs de sécurité des voies)16.
31. Par analogie, cette distinction sera appliquée dans le cadre de la présente décision à la location de locomotives. En l’espèce, Akiem loue des locomotives de ligne et des locomotives de manœuvre.
d) Location de locomotives électriques et diesel
32. La Commission a estimé que la fabrication de locomotives électriques doit être distinguée de la fabrication de locomotives diesel17.
33. Par analogie, cette distinction sera appliquée dans le cadre de la présente décision à la location de locomotives. En l’espèce, Akiem loue des locomotives électriques et des locomotives diesel.
2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
34. Ni l’Autorité de la concurrence, ni la Commission européenne n’ont eu à examiner les marchés de la location de matériel ferroviaire roulant en Europe continentale. Les décisions précédentes se rapportaient au cas du Royaume-Uni18.
35. La Commission avait alors considéré que le marché de la location de matériel ferroviaire roulant pour passagers était de dimension nationale, pour des raisons très spécifiques au Royaume-Uni, notamment du fait de restrictions techniques portant sur le matériel roulant.
36. Si les incompatibilités techniques existant entre le Royaume-Uni et l’Europe continentale sont substantielles, les différences techniques et en matières d’homologation entre les différents pays d’Europe continentale sont plus limitées, de sorte qu’il est possible de concevoir des marché géographiques dont la portée dépasse celle d’un seul pays d’Europe continentale. La Commission avait ainsi retenu une dimension européenne pour le marché de la location de wagons de marchandises sauf céréaliers19.
37. Dans sa pratique décisionnelle, le Bundeskartellamt a estimé que le marché géographique de la location opérationnelle de locomotives correspond à l’Europe continentale, tandis que le Royaume-Uni, l’Espagne et le Portugal sont considérés comme des marchés distincts en raison, notamment de diverses raisons techniques (écartement des voies, largeur des tunnels)20.
38. Les principaux obstacles techniques en Europe sont dus aux différences suivantes :
- différences d’écartement des voies : l’Espagne, le Portugal, les anciens membres de l’Union soviétique (pays baltes notamment), l’Irlande et la Finlande disposent d’un écartement des voies spécifique.
- différences de systèmes de voltages. Cependant, les locomotives sont équipées de plusieurs systèmes de voltage afin de pouvoir rouler sur des territoires sur lesquels il existe des voltages différents. Cette difficulté théorique a donc peu d’impact en pratique et ne constitue pas une contrainte technique qui aurait pour effet d’empêcher un acteur de la location de locomotives d’être actif dans plusieurs pays d’Europe continentale.
- différences de systèmes de signalisation. En effet, chaque pays dispose de son propre système de protection des trains. Ces différences de signalisation ne font cependant pas obstacle à la circulation d’une même locomotive dans plusieurs pays. En effet, les constructeurs ont intégré ces contraintes dans leurs cahiers des charges et produisent des locomotives compatibles avec différents systèmes de signalisation. Ainsi, les locomotives proposées à la location par Akiem peuvent être homologuées dans plusieurs pays différents. Il convient, en outre de noter que l’Union Européenne a initié un programme de remplacement de la signalisation existante dans ses différents pays membres, ayant vocation à harmoniser la signalisation des principaux axes ferroviaires d’ici 2030.
39. Ainsi, sur la base de ce qui précède, les marchés de la location de locomotives sont de dimension européenne, incluant la Suisse et les états d'Europe de l'Est à l'exception des anciens membres de l'Union Soviétique, ainsi que notamment l'Espagne, le Portugal, le Royaume-Uni, l'Irlande et la Finlande.
D. MARCHÉS DE LA MAINTENANCE DE LOCOMOTIVES
1. MARCHÉS DE PRODUITS ET DE SERVICES
40. La Commission a précédemment examiné la fourniture de services d’entretien pour les wagons21. Elle n’a pas spécifiquement défini de marché spécifique s’agissant des locomotives.
41. Néanmoins, la Commission mène son analyse concurrentielle dans le secteur de la maintenance de matériel ferroviaire en fonction du type de matériel à entretenir. Ainsi, dans la décision M. 9779, la Commission, sans fermer la définition de marché, a notamment conduit son analyse de l’impact de la transaction sur le marché de la maintenance en segmentant le marché par type de matériel roulant tel que défini sur le marché primaire de la fourniture de matériel roulant22.
42. Les réponses au test de marché mené dans le cadre de l’instruction confirment la pertinence de considérer un marché distinct de la maintenance de locomotives, notamment en raison des compétences techniques requises, différentes de celles de l’entretien de wagons de marchandises (révision du moteur, de l’informatique embarquée, fréquences de révision différentes). L’analyse portera donc sur le marché de la maintenance de locomotives.
43. Selon la pratique décisionnelle23, le marché de la maintenance du matériel roulant peut être segmenté selon (i) les services de maintenance légère, (ii) les services de maintenance lourde et (iii) la maintenance relative à la remise en état et à la transformation.
44. Par analogie, une segmentation similaire pourrait être envisagée pour la maintenant de locomotives. En l’espèce, néanmoins, la question de la délimitation précise du marché peut être laissée ouverte, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurant inchangées, quelle que soit l’hypothèse retenue. En l’espèce, Akiem propose les trois types de services maintenance de locomotives.
2. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES
45. Dans la décision M.5579 précitée, la Commission a conclu que les marchés géographiques pouvaient différer selon le type de maintenance. Bien qu’elle ait finalement laissé la définition ouverte, la Commission a considéré que les services de maintenance légère pouvaient être de portée nationale ou régionale, mais que la maintenance lourde était au moins de portée nationale.
46. Au cas d’espèce, la définition exacte du marché géographique peut être laissée ouverte, les conclusions de l’analyse concurrentielle demeurant inchangées quelle que soit la dimension retenue.
III. Analyse concurrentielle
47. En l’espèce, les parties ne sont pas actives sur les mêmes marchés de produits. Ainsi, tout risque d’atteinte à la concurrence par le bais d’effets horizontaux peut être exclu.
48. Les parts de marché d’Akiem sur les marchés de la location de locomotives sont inférieures à 30 % quelle que soit la segmentation retenue. Ses parts de marché sur les marchés de la maintenance de locomotives sont inférieures à 5 %, quelle que soit la segmentation retenue.
49. Les parts de marché d’Ermewa sur les marchés de la location de wagons de marchandises sont inférieures à 30 % quelle que soit la segmentation retenue. Ses parts de marché sur les marchés de la maintenance de wagons citernes et de marchandises sont inférieures à 35 %, quelle que soit la segmentation retenue24.
A. ANALYSE DES EFFETS VERTICAUX
50. La CDPQ détient une participation minoritaire à hauteur de [10-20] % dans le groupe Alstom. Alstom offre une large gamme de produits dans le secteur ferroviaire (notamment trains à grande vitesse, métros et tramways) ainsi que des services personnalisés (maintenance et modernisation) et des offres dédiées aux passagers et aux infrastructures, à la mobilité numérique et aux solutions de signalisation. Au cours de l’instruction, il a été relevé que la création de liens, via la CDPQ, entre Alstom et Akiem pourrait avoir un impact négatif.
51. Des effets de verrouillage pourraient en effet se produire si le lien vertical entre Alstom, fabricant de locomotives, et Akiem, bailleur de locomotives (et donc acheteur de ces mêmes locomotives), conduisait à un scénario dans lequel Akiem devait acquérir ses locomotives exclusivement auprès d’Alstom, privant ainsi les fabricants de locomotives en concurrence avec Alstom d’un client important ou si Alstom vendait ses locomotives uniquement à Akiem, privant ainsi les concurrents d’Akiem d’une source importante d’approvisionnement.
52. Cependant Akiem détient une part de marché à l’achat inférieure à 10 % sur le marché européen amont de la fabrication de locomotives de fret. Ainsi, toute exclusivité hypothétique d’Akiem vis-à-vis d’Alstom ne priverait les fabricants de locomotives que d’une part limitée de leurs débouchés.
53. Par ailleurs, la CDPQ ne détenant qu’une participation minoritaire dans la société Alstom, elle ne disposerait pas de la capacité de décider seule de la mise en place d’une stratégie visant à restreindre l’accès des concurrents d’Akiem aux locomotives fabriquées par Alstom.
Ainsi, l’opération n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets verticaux.
B. ANALYSE DES EFFETS CONGLOMÉRAUX
54. Une concentration a des effets congloméraux lorsque la nouvelle entité étend ou renforce sa présence sur plusieurs marchés dont la connexité peut lui permettre d’accroître son pouvoir de marché. En règle générale, de tels effets sont analysés lorsqu’une opération de concentration étend ou renforce la présence d’une nouvelle entité sur plusieurs marchés distincts mais qui sont considérés comme connexes. Ces effets peuvent également être analysés lorsque le renforcement de la position d’une nouvelle entité prend place sur un même marché, mais qu’il s’agit d’un marché de produits suffisamment différenciés pour que d’une part, un effet de levier puisse être exercé à partir de l’un d’entre eux et que, d’autre part, les mêmes clients achètent régulièrement plus d’un produit au sein de cette gamme de produits. Si les concentrations conglomérales peuvent généralement susciter des synergies pro-concurrentielles, certaines peuvent néanmoins produire des effets restrictifs de concurrence lorsqu’elles permettent de lier, techniquement ou commercialement, les ventes ou les achats des éléments constitutifs du regroupement de façon à verrouiller le marché et à en évincer les concurrents.
55. La pratique décisionnelle des autorités de concurrence considère en principe qu’un risque d’effet congloméral peut être écarté dès lors que la part de l’entité issue de l’opération sur les marchés concernés ne dépasse pas 30 %.
1. ENTRE LES ACTIVITÉS DE LOCATION DE WAGONS ET DE LOCOMOTIVES
56. Les wagons et locomotives sont deux actifs essentiels pour assurer un service de transport ferroviaire de marchandises. Les opérateurs ferroviaires, qui dans certains cas louent à la fois des locomotives et des wagons, pourraient être intéressés par des services de location groupés.
57. Il y a donc lieu d’étudier les possibles effets congloméraux résultant de l’opération entre les marchés de la location de wagons et les marchés de location de locomotives.
58. Toutefois, compte tenu des parts de marché des parties inférieures à 30 %, quelle que soit la segmentation considérée, tout risque d’atteinte à la concurrence par le biais d’effets congloméraux entre ces deux marchés peut être écarté.
2. ENTRE L’ACTIVITÉ DE MAINTENANCE DE WAGONS DE MARCHANDISES ET L’ENTRETIEN DE LOCOMOTIVES
59. Akiem est active en France et en Europe sur les marchés de la maintenance de locomotives. Ermewa est active en France et, marginalement, en Europe sur les marchés de la maintenance de wagons de marchandises.
60. La nouvelle entité pourrait alors offrir des services de maintenance et d’entretien groupés pour les wagons de marchandises et les locomotives, et mettre en commun ses entrepôts afin de renforcer sa position sur les différents marchés de la maintenance et de l’entretien.
61. Il apparaît toutefois que tout risque d’atteinte à la concurrence par le biais d’effets congloméraux entre ces deux marchés peut être écarté. En effet, d’une part, les parts de marché d’Akiem sur les marchés de la maintenance de locomotives sont très limitées (inférieures à 5 %). Ainsi, une stratégie de la part de la nouvelle entité consistant à s’appuyer sur cette activité pour développer son activité de maintenance de wagons n’aurait pas un effet significatif sur les marchés en cause. D’autre part, les parts de marché d’Ermewa sont légèrement supérieures à 30 % sur le marché français de la maintenance de wagons de marchandises. Il existe d’autres acteurs sur ce marché tels VTC, SNCF, Lormafer ou Sogeefer, de sorte qu’Ermewa n’apparaît pas comme un acteur incontournable sur ce marché. Une stratégie consistant, pour la nouvelle entité, à s’appuyer sur cette activité pour développer son activité de maintenance de locomotives n’aurait donc pas un effet significatif sur les marchés en cause.
62. De plus, les contrats de maintenance de locomotives et de wagons sont négociés et conclus séparément et constituent des lots distincts lors d’appel d’offres et de la passation de contrats. Il serait dès lors compliqué pour la nouvelle entité de mettre en place une stratégie de couplage entre ces services de maintenance.
DÉCISION
Article unique : L’opération notifiée sous le numéro 22-216 est autorisée.
NOTES :
1 [Confidentiel].
2 [Confidentiel].
3 Ermewa est également active dans la vente de wagons de marchandises en Europe. Cette partie de son activité n’est pas étudiée dans la présente décision, du fait de l’absence de liens entre cette activité et celles de la cible.
4 Décisions de la Commission M.5439 du 5 février 2009 OP Trust/ Deutsche Bank London / Lloyds TSB Bank / BNP Paribas / Porterbrook Leasing, M.5263 du 1er décembre 2008 Deutsche Bank London / Lloyds TSB Balnk, / Antin Infrastructure Partners (BNP Paribas) / Porterbrook Leasing, M.669 du 11 décembre 1995 Charterhouse / Porterbrook Leasing Company.
5 Décision de la Commission M.5579 TLP / ERMEWA du 22 janvier 2010.
6 Ibid.
7Ibid.
8 Ibid.
9 Ibid.
10 Ibid.
11 Décisions de la Commission M.7538 Knorr Bremse / Bosslow du 14 septembre 2015, M.5754 Alstom Holdings/Areva T&D du 26 mars 2010, M.2139 Bombardier/Adtranz du 3 avril 2005 et. M.580 ABB / Daimler- Benz du 18 octobre 1995
12 La Commission s’est également intéressée au marché des services de traction, incluant, en plus d’une location de locomotives, la fourniture d’un conducteur (décision de la Commission M.4786 du 18 mars 2008 Deutsche Bahn / Transfesa). Elle a considéré que ces marchés diffèrent de ceux de la location et de la fourniture de locomotives. Plus spécifiquement, elle considère que la location de locomotive ne constitue pas un substitut aux services de traction, car elle ne concerne que la fourniture du matériel roulant. En l’espèce, Akiem ne propose pas de services de traction.
13 Akiem propose également des rames automotrices électriques et diesel pour le transport interurbain et interrégional. Cette activité concernant le transport de passagers ne présentant pas de liens avec l’activité d’Ermewa centrée vers le transport de marchandises ne sera pas davantage détaillée dans la présente décision.
14 Décision de la Commission M.5263 précitée, M. 4844 – Fortis / ABN Amro Assets du 3 octobre 2007, M.3090
– Volkswagen / Offset / Crescent / LeasePlan / JV du 29 juin 2004
15 Décision de la Commission M.5263 précitée.
16 Décision de la Comission M.7538 précitée.
17 Ibid.
18 Décisions de la Commission M.5439, M.5263, M.669 précitées
19 Décision de la Commission M.5579 précitée.
20 Bundeskartellamt, Acquisition de Siemens Dispolok GmbH par Mitsui & CO. Ltd. (2006) et Acquisition d’une majorité des actions dans Angel trains par Babock & Brown European Infrastructure Fund 2008.
21 Décision de la Commission M.5579 précitée.
22 Décision M. 9779 ALSTOM / BOMBARDIER TRANSPORTATION du 31 juillet 2020,
23 Décision de la Commission M. 2139 précitée.
24 Ermewa dispose d’une part de marché inférieure à 40 % sur le marché régional de la maintenance légère de wagons de marchandises en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Elle fait face, sur ce marché, à la concurrence de la SNCF disposant d’une part de marché de [60-70] %.