Cass. com., 12 avril 2016, n° 14-19.200
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Boutet-Hourdeaux, SCP Foussard et Froger, SCP Gadiou et Chevallier, SCP Odent et Poulet
Statuant tant sur le pourvoi principal n° J 14-19. 200 formé par M. X... que sur le pourvoi incident relevé par M. Y..., et joignant ces pourvois au pourvoi n° D 14-20. 529 formé par MM. Z... et A... et au pourvoi n° W 14-20. 844 formé par M. A..., qui attaquent le même arrêt ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Joseph B..., Mme Béatrice C... et M. Jean C... étaient actionnaires minoritaires de la société anonyme Polyclinique de Gentilly (les actionnaires minoritaires) ; que M. Y... était président du directoire de cette société ; que M. Z... était président du conseil de surveillance dont étaient membres MM. X... et A... ; que les actionnaires minoritaires ayant accepté l'offre de rachat de leurs titres au prix nominal de 120 euros, Joseph B... a, le 26 novembre 2005, cédé ses actions à M. Z..., et les consorts C... ont, en juin et juillet 2006, cédé leurs actions à la société ADR, dans laquelle M. X... détenait une participation ; que le 9 octobre 2006, l'intégralité des actions de la société Polyclinique de Gentilly a été cédée à la société Vitalia ; que soutenant que MM. Y..., Z..., A... et X... leur avaient, au moment de la cession de leurs titres, dissimulé l'existence de négociations en vue d'une cession globale des actions de la société Polyclinique de Gentilly pour un prix nettement supérieur à celui auquel ils avaient cédé leurs titres, Joseph B..., décédé depuis, et aux droits duquel viennent Mme D...veuve B..., Mmes Véronique et Brigitte B... et MM. Philippe, Luc et Dominique B... (les consorts B...), Mme Béatrice C... et M. Jean C... (les consorts C...), les ont assignés en paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal n° J 14-19. 200, pris en sa première branche, le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa troisième branche, et le moyen unique des pourvois n° D 14-20. 529 et n° W 14-20. 844, pris en leurs cinquième et sixième branches, rédigés en des termes en partie identiques, réunis :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour dire que MM. Z..., A..., X... et Y... n'ont pas satisfait à leur devoir de loyauté, l'arrêt, après avoir constaté que les titres litigieux avaient été valorisés à un prix unitaire supérieur à 120 euros dès 2003/ 2004, relève, par motifs propres et adoptés, que des projets d'expansion de la polyclinique de Gentilly et des opérations de rapprochement avec d'autres établissements de soins ont été envisagés et débattus dans le courant de l'année 2005, et qu'au cours de la même période, des fonds d'investissement ont réalisé de nombreuses acquisitions tant sur le territoire national que régional et ont clairement annoncé leur volonté de procéder à de nouvelles acquisitions, ce que ne pouvaient ignorer les dirigeants et les membres du conseil de surveillance de la société Polyclinique de Gentilly ; qu'il retient que ces derniers auraient dû tenir informés l'ensemble des actionnaires, fussent-ils minoritaires, de ces opérations et de la potentialité que des fonds d'investissement financier s'intéressent à court ou moyen terme au rachat de cette société ; qu'il ajoute qu'ils ne justifient pas avoir procédé à un examen consciencieux de la matérialité des faits pris en compte et de la situation du marché pour leur permettre d'informer utilement les actionnaires ultra minoritaires sur les conditions d'évaluation du prix offert pour le rachat de leurs titres sociaux ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans constater qu'à l'époque de la cession des titres des actionnaires minoritaires, MM. Z..., A..., X... et Y... détenaient des informations, qu'ils pouvaient seuls connaître, de nature à influer sur le consentement de ces actionnaires, ni que des négociations étaient d'ores et déjà en cours avec la société Vitalia en vue de la revente globale des actions de la société Polyclinique de Gentilly, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal n° J 14-19. 200, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour condamner M. X..., in solidum avec MM. Z..., A... et Y..., à payer des dommages-intérêts aux consorts B..., l'arrêt retient que compte tenu de leur qualité de dirigeant social, MM. Z..., A..., X... et Y... étaient d'autant plus tenus de rechercher les éléments essentiels du marché permettant aux actionnaires ultra minoritaires « d'être en capacité d'agir sur leur rapport au monde » qu'ils ont été plus ou moins directement les instigateurs des cessions des titres de ces actionnaires ; qu'il en déduit qu'ils n'ont pas satisfait à l'exigence de loyauté qui pesait sur eux en raison même des fonctions dirigeantes qui étaient les leurs au sein de la polyclinique de Gentilly ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans constater que M. X... était intervenu, d'une manière ou d'une autre, dans la cession conclue entre M. Z... et Joseph B..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur les moyens uniques des pourvois n° D 14. 20. 529 et n° W 14-20. 844, pris en leur troisième branche, rédigés en termes identiques, réunis :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour condamner MM. Z... et A..., in solidum avec MM. X... et Y..., à payer des dommages-intérêts aux consorts B... et aux consorts C..., l'arrêt retient que compte tenu de leur qualité de dirigeant social, MM. Z..., A..., X... et Y... étaient d'autant plus tenus de rechercher les éléments essentiels du marché permettant aux actionnaires ultra minoritaires « d'être en capacité d'agir sur leur rapport au monde » qu'ils ont été plus ou moins directement les instigateurs des cessions des titres de ces actionnaires ; qu'il en déduit qu'ils n'ont pas satisfait à l'exigence de loyauté qui pesait sur eux en raison même des fonctions dirigeantes qui étaient les leurs au sein de la polyclinique de Gentilly ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans constater que M. Z... était intervenu dans la cession des actions des consorts C..., ni que M. A... était intervenu dans l'une ou l'autre des cessions litigieuses, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu pour condamner M. Y..., in solidum avec MM. Z..., A... et X... au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt retient que compte tenu de leur qualité de dirigeant social, MM. Z..., A..., X... et Y... étaient d'autant plus tenus de rechercher les éléments essentiels du marché permettant aux actionnaires ultra minoritaires « d'être en capacité d'agir sur leur rapport au monde » qu'ils ont été plus ou moins directement les instigateurs des cessions des titres de ces actionnaires ; qu'il en déduit qu'ils n'ont pas satisfait à l'exigence de loyauté qui pesait sur eux en raison même des fonctions dirigeantes qui étaient les leurs au sein de la polyclinique de Gentilly ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans constater que M. Y... était intervenu, d'une manière ou d'une autre, dans les cessions des titres des actionnaires minoritaires, ni qu'il avait eu connaissance de leurs projets de cession, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur le second moyen du pourvoi principal n° J 14-19. 200, pris en sa première branche, et sur les moyens uniques des pourvois n° D 14-20. 529 et n° W 14-20. 844, pris en leur dixième branche, rédigés en des termes en partie identiques, réunis :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que pour confirmer le jugement sur le montant des condamnations prononcées in solidum contre MM. Z..., A..., X... et Y..., l'arrêt relève qu'aucune discussion n'est élevée à hauteur d'appel sur l'étendue du préjudice retenu par les premiers juges et le quantum des indemnisations allouées au titre du préjudice économique et moral des consorts B... et des consorts C... ;
Qu'en statuant ainsi, alors que tant M. X... que MM. Z... et A... contestaient devant la cour d'appel le montant alloué par les premiers juges sur le fondement de la perte de chance invoquée par les actionnaires minoritaires, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 avril 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz.