ADLC, 22 décembre 2022, n° 22-D-26
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à des pratiques mises en oeuvre edans le secteur du contrôle technique des poids lourds en Guadeloupe
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Délibéré sur le rapport oral de M. Cyril Rollet, rapporteur et l’intervention de M. Erwann Kerguelen, rapporteur général adjoint, par Mme Irène Luc, vice-présidente, présidente de séance, Mme Laurence Borrel-Prat, Mme Catherine Prieto, M. Savinien Grignon-Dumoulin, M. Jérôme Pouyet et M. Fabien Raynaud, membres.Délibéré sur le rapport oral de M. Cyril Rollet, rapporteur et l’intervention de M. Erwann Kerguelen, rapporteur général adjoint, par Mme Irène Luc, vice-présidente, présidente de séance, Mme Laurence Borrel-Prat, Mme Catherine Prieto, M. Savinien Grignon-Dumoulin, M. Jérôme Pouyet et M. Fabien Raynaud, membres.
L’Autorité de la concurrence (section V),
Vu la lettre enregistrée le 19 novembre 2019 sous le numéro 19/0077 F, par laquelle le ministre de l’économie et des finances a saisi l’Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre par la société Contrôle Technique Poids Lourds - Antilles Guyane dans le secteur du contrôle technique des poids lourds en Guadeloupe ;
Vu le livre IV du code de commerce, et notamment son article L. 420-2 ;
Vu la décision du rapporteur général du 28 mars 2022 disposant que l’affaire ferait l’objet d’une décision de l’Autorité sans établissement préalable d’un rapport ;
Vu le procès-verbal de transaction du 23 mai 2022 signé par le rapporteur général adjoint et la société Contrôle Technique Poids Lourds - Antilles Guyane en application des dispositions du III de l’article L. 464-2 du code de commerce ;
Vu les observations présentées par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ;
Le rapporteur, le rapporteur général adjoint, le représentant de la société Contrôle Technique Poids Lourds - Antilles Guyane et le commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance de l’Autorité de la concurrence du 7 juillet 2022 ;
Adopte la décision suivante :
Résumé1
Aux termes de la présente décision, l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité »), saisie par le ministre de l’économie sur la base d’un rapport d’enquête de la Brigade interrégionale d’enquêtes de concurrence (BIEC) de Antilles-Guyane, sanctionne la société Contrôle Technique Poids Lourds - Antilles Guyane (ci-après « CTPL-AG »), pour avoir abusé de sa position dominante sur le marché du contrôle technique des poids lourds en Guadeloupe entre 2013 et 2018, en mettant en place deux pratiques contraires à l’article L. 420-2 du code de commerce.
En premier lieu, la société CTPL-AG s’est rendue responsable d’un ensemble de pratiques discriminatoires à l’égard des sociétés actives sur le marché connexe de la présentation au contrôle technique des poids lourds en Guadeloupe. Sur ce marché, sont, par exemple, actives des entreprises qui exercent une activité de contrôle des systèmes embarqués des poids lourds, et qui peuvent également, à la suite de ces contrôles, présenter ceux-ci au contrôle technique, au nom de leurs clients. La société CTPL-AG a favorisé, sur ce marché, la société Standard Tachy Achilles-Guyane (ci-après « STAG »), sa société sœur, en lui consentant des prix, des délais de paiement et de rendez-vous et des modalités de facturation plus favorables qu’à ses concurrents. Ces différences de traitement, qui constituaient pour les entreprises concurrentes de STAG un désavantage, étaient de nature à affecter leur position concurrentielle.
En second lieu, la société CTPL-AG s’est appuyée sur sa position dominante pour pratiquer des tarifs excessifs sur ses prestations de contrôle technique des poids lourds, sans rapport raisonnable avec leur valeur économique, tarifs qu’elle n’aurait pas pu pratiquer sur un marché concurrentiel. La disproportion manifeste entre les tarifs et les coûts a été démontrée par l’évolution du niveau des tarifs et l’ampleur des marges réalisées par la société CTPL-AG sur la période.
Aucune justification objective n’a pu être apportée par la société à ces deux pratiques.
La société CTPL-AG a sollicité de l’Autorité le bénéfice de la procédure de transaction en application des dispositions du III de l’article L. 464-2 du code de commerce. Sa mise en œuvre a donné lieu à l’établissement d’un procès-verbal de transaction, signé avec le rapporteur général adjoint, fixant le montant maximal et le montant minimal de la sanction pécuniaire qui pourrait être infligée par l’Autorité.
L’Autorité, après avoir examiné l’ensemble des faits du dossier, a estimé qu’il y avait lieu de prononcer une sanction de 25 000 euros, ce montant étant compris dans la fourchette figurant dans le procès-verbal de transaction.
I. Constatations
A. LA PROCEDURE
1. Par lettre enregistrée le 19 novembre 20192 sous le numéro 19/0077 F, le ministre de l’économie a saisi l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») de pratiques mises en œuvre dans le secteur du contrôle technique des poids lourds en Guadeloupe3, en application de l’article L. 464-9 du code de commerce.
2. La saisine s’appuie sur un rapport administratif d’enquête (ci-après « RAE ») du 20 mars 20184 réalisé par la Brigade interrégionale des enquêtes de concurrence (ci-après
« BIEC ») Antilles-Guyane de la Direction des entreprises et de la concurrence, de la consommation du travail et de l’emploi (DIECCTE) de la Martinique5, dénonçant des pratiques d’abus de position dominante de la part de la société Contrôle Technique Poids Lourds - Antilles Guyane (ci-après « CTPL-AG »), susceptibles de relever de l’article L. 420-2 du code de commerce.
3. À l’issue de l’enquête de la BIEC, ce RAE a été adressé à la société CTPL-AG le 15 novembre 2018.
4. En application des articles L. 464-9 et R. 464-9-1 à R. 464-9-2 du code de commerce, une proposition d’injonction et de transaction lui a été adressée le 17 juillet 20196.
5. Par courrier du 7 août 20197, CTPL-AG a refusé ces mesures d’injonction et de transaction, ce qui a conduit le ministre de l’économie à saisir l’Autorité en application de l’article R. 464-9-3 du code de commerce.
6. En application de l’article L. 463-3 du code de commerce, le rapporteur général de l’Autorité a, par lettre du 28 mars 2022, informé la partie et le commissaire du Gouvernement de sa décision de faire examiner l’affaire par l’Autorité sans établissement préalable d’un rapport.
7. Le 5 avril 2022, les services d’instruction ont adressé à la société CTPL-AG une notification de griefs portant sur des pratiques prohibées au titre de l’article L. 420-2 du code de commerce.
8. Par un procès-verbal du 23 mai 2022, la société CTPL-AG s’est engagée à ne pas contester les griefs qui lui ont été notifiés. Lors de la séance du 7 juillet 2022, la société CTPL-AG a confirmé, solennellement et en toute connaissance de cause, son plein accord avec les termes de la transaction.
B. LE SECTEUR CONCERNE
1. DESCRIPTION DU SECTEUR
a) Le contrôle technique des poids lourds
9. Depuis le 1er janvier 2005, le service public du contrôle technique des poids lourds est délégué, sur le territoire français, à des entreprises privées agréées par l’État qui possèdent une autorisation spécifique pour les poids lourds.
10. En application de la Directive 2014/45/UE du 3 avril 20148, les États membres de l’Union européenne sont chargés d’assurer cette mission de service public dans un cadre harmonisé.
11. En pratique, le contrôle technique est obligatoire chaque année pour les poids lourds en général, et tous les six mois pour les véhicules affectés au transport en commun de personnes. Les prestations de contrôle technique regroupent deux services distincts, les visites techniques périodiques (aussi appelées « contrôles techniques ») et les contre-visites.
12. Le contrôle technique consiste dans la vérification d’un nombre précis de fonctions du véhicule, appelées « points de contrôle », qui peuvent mettre en évidence des défaillances majeures ou critiques9.
13. La contre-visite constitue un deuxième contrôle du véhicule, qui intervient lorsqu’une ou plusieurs défaillances majeures ou critiques ont été signalées durant le contrôle technique. Elle permet au contrôleur de s’assurer que les réparations demandées ont bien été réalisées.
14. Un contrôle technique dure environ 30 minutes et son tarif varie en fonction du type de véhicule concerné. Une contre-visite est plus rapide (environ 15 minutes) mais sa planification est, selon CTPL-AG, plus complexe, car elle nécessite d’intégrer le délai de réparation du défaut relevé lors du contrôle technique10.
15. Le 7 mai 2018, l’Autorité a rendu un avis sur un projet de décret portant codification de dispositions réglementant les prix du contrôle technique des poids lourds en outre-mer11. À cette occasion, l’Autorité s’était montrée favorable à une régulation des prix des prestations de contrôle technique des poids lourds sur ces territoires, en réponse à la situation monopolistique des acteurs de ce secteur en Martinique, Guadeloupe, Guyane et à Mayotte.
b) L’organisation du contrôle technique des poids lourds en Guadeloupe
16. En Guadeloupe, l’activité de contrôle technique des poids lourds a été transférée à des entreprises privées dès 2005 et effectuée par des acteurs différents selon les périodes :
- de janvier 2005 à janvier 2010, la société Vivauto PL était le seul opérateur en Guadeloupe12, bénéficiant d’un agrément dérogatoire pour exploiter la piste précédemment utilisée par la Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement ;
- entre janvier 2010 et le 23 mars 2010, Vivauto PL a coexisté avec un nouvel entrant sur le marché : CTPL-AG. Cet opérateur local et indépendant a ouvert en janvier 201013 un nouveau centre situé dans la zone d’activité du Petit-Pérou (près de l’aéroport de Guadeloupe – Pôle Caraïbes). Parallèlement, Vivauto PL a cessé de bénéficier d’un agrément dérogatoire à compter du 23 mars 2010, et s’est alors retirée de l’île ;
- entre le 23 mars 2010 et le 30 septembre 2018, CTPL-AG était l’unique opérateur en Guadeloupe ;
- entre le 1er octobre 2018 et le 5 octobre 2020, deux opérateurs concurrents étaient présents en Guadeloupe : CTPL-AG et Vivauto PL, ce dernier ayant repris ses activités en Guadeloupe à partir du 1er octobre 2018 en exploitant un nouveau centre de contrôle technique situé dans la zone portuaire de Jarry, à Baie-Mahault ;
- enfin, depuis le 5 octobre 2020, un troisième opérateur indépendant, MAM Auto GPE, opère dans un centre sur Basse-Terre, près de Petit-Bourg.
c) La présentation au contrôle technique des poids lourds
17. De manière générale, la présentation au contrôle technique des poids lourds peut être faite par les chauffeurs mandatés par les transporteurs14, par les techniciens des garages où les véhicules sont entretenus, ou encore par les techniciens des centres agréés pour le contrôle des systèmes de sécurité (comme celui de limitation de vitesse par exemple) tels que la Société Guadeloupéenne de Chronotachygraphe et la société Standard Tachy Antilles-Guyane (voir infra paragraphes 37 et 41).
18. En pratique, le contrôle technique d’un poids lourd constitue la dernière étape de vérification du véhicule, les appareils embarqués étant soumis à un contrôle périodique préalable.
19. En effet, pour valider le contrôle technique des véhicules poids lourds, les contrôleurs doivent se faire présenter l’attestation de vérification du système de chronotachygraphe et, pour les véhicules de transport en commun de personnes, l’attestation de vérification périodique du dispositif éthylotest antidémarrage. Ces attestations sont délivrées par des opérateurs spécialement autorisés15.
20. Les propriétaires de camions sont donc incités à effectuer les contrôles des appareils embarqués et le contrôle technique du véhicule de façon très rapprochée et parfois le même jour, s’ils ne veulent pas que leur véhicule soit immobilisé pour une durée trop importante.
21. Les opérateurs délivrant les attestations de vérification des appareils embarqués peuvent aussi proposer aux propriétaires de poids lourds des services consistant à préparer et présenter les véhicules au contrôle technique, afin de raccourcir leur temps d’immobilisation. Ce type de prestation est également proposé par d’autres sociétés que celles autorisées à délivrer les attestations pour les appareils susmentionnés.
22. Toutefois, compte tenu de la difficulté d’approvisionnement en pièces détachées en Guadeloupe, les propriétaires de poids lourds doivent anticiper le contrôle technique près de trois mois à l’avance. C’est une des raisons pour lesquelles certaines entreprises choisissent d’avoir recours à un garagiste, au-delà d’un certain nombre de véhicules16.
2. CADRE JURIDIQUE DU SECTEUR
23. Le contrôle technique des poids lourds constitue une activité encadrée par les articles L. 323-1 et R. 323-1 à R. 323-26 du code de la route. L’arrêté du 27 juillet 2004 relatif au contrôle technique des véhicules lourds en fixe les conditions d’application17.
24. Aux termes de ces dispositions, l’établissement d’un centre est soumis, d’une part, à l’autorisation du préfet (après avis de la Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement en métropole ou de la Direction de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement en outre-mer) et, d’autre part, à l’agrément du centre et de ses techniciens par un organisme dédié, en l’espèce, l’Union technique de l'automobile du motocycle et du cycle - Organisme Technique Central (UTAC-OTC).
25. L’agrément n’est pas limité dans le temps, sous réserve de contrôles réguliers. Quand les centres ne sont pas membres d’un réseau agréé, ils font l’objet de visites annuelles de contrôle de la part d’un organisme accréditeur, comme la COFRAC18. Quand les centres sont membres de réseaux agréés, les contrôles sont effectués par les entités à la tête du réseau, qui sont chargées de mettre en place, en interne, les moyens de surveillance du bon fonctionnement de leurs affiliés.
26. En France, il existe à ce jour deux réseaux agréés pour le contrôle technique des véhicules lourds : VIVAUTO PL (sous l’enseigne Autovision PL) et AUTO BILAN France (sous l’enseigne Dekra). Pour bénéficier d’un agrément, un réseau doit disposer d’un nombre suffisant de centres en métropole et dans les collectivités d’outre-mer :
« Un réseau ne peut être agréé pour le contrôle technique des véhicules lourds que s'il exploite lui-même les centres de contrôle qui lui sont rattachés et s'il en compte au moins trente situés dans au moins treize collectivités parmi les régions de métropole, la Corse, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion »19.
27. Par ailleurs, pour être agréé, un centre doit avoir une surface minimale de 5 000 mètres carrés, ainsi que le prévoit l’annexe III, article E.1.1 de l’arrêté du 27 juillet 2004, qui dispose :
« L'installation de contrôle, ses accès et son parking sont implantés dans un terrain clos d'un seul tenant d'une superficie minimale de 5 000 mètres carrés exclusivement réservée à l'activité de contrôle technique des véhicules lourds et sont, au minimum, accessibles à des véhicules ayant les dimensions suivantes : hauteur : 4,50 mètres ; longueur : 18,75 mètres ; largeur : 2,60 mètres » (soulignement ajouté).
C. LES ENTITES CONCERNEES
1. CTPL-AG
28. Fondée en 2008, la société Contrôle Technique Poids Lourds - Antilles Guyane est une SARL domiciliée dans les locaux du centre technique lui-même, ZA de Petit Pérou, aux Abymes en Guadeloupe.
29. CTPL-AG était à l’origine gérée par M. X.... et ses fils MM. Y… et Z Depuis le 26 janvier
2012, elle est gérée par M. Y seul.
30. Le capital de CTPL-AG est réparti entre M. X et ses fils de la manière suivante :
Tableau n° 1 – Évolution du capital de CTPL-AG
2008-2013 2013 – à ce jour
M. X… 50 % 52 %
M. Y... 0 % 24 %
M. Z... 50 % 24 %
Source : Statuts et PV CTPL-AG20
31. Depuis janvier 2010, CTPL-AG gère un centre de contrôle technique de poids lourds indépendant, tout en étant affiliée à la coopérative d’indépendants A3S21 qui fournit un support technique, notamment pour les logiciels, la formation et le matériel22.
32. Depuis 2012, CTPL-AG exploite également, sur le même site, un centre de contrôle technique de véhicules légers.
33. En tant qu’opérateur en Guadeloupe, la société est aussi sollicitée pour des contrôles de poids lourds en dehors de son centre, sur les îles voisines du nord (Saint-Martin, Saint Barthélémy) et du sud (Marie-Galante, la Désirade et les Saintes)23.
34. Elle emploie aujourd’hui deux contrôleurs salariés, en plus de son gérant, après en avoir compté jusqu’à quatre en 201824.
35. Entre 2010 et 2018, CTPL-AG réalisait 4 269 visites de poids lourds par an en moyenne, lesquelles se répartissaient entre 90,1 % de visites périodiques et 9,9 % de contre-visites sur la période comprise entre 201325 et 201826. En comparaison, après l’arrivée de Vivauto PL au 1er octobre 2018, CTPL-AG a réalisé [2 600 – 2 900] visites de poids lourds par an en moyenne sur la période 2019-202027.
36. Son chiffre d’affaires pour l’activité poids lourds a évolué de la manière suivante sur la période :
Tableau n° 2 – Chiffre d’affaires de CTPL-AG relatif à l’activité poids lourds (en euros HT)
2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020
614 663
612 542
568 033
631 260
771 882
819 947
807 814 [700 000
– 800 000] [700 000
– 800 000] [400 000
– 500 000] [300 000
– 400 000]
Source : CTPL-AG 28
2. SOCIETE GUADELOUPEENNE DE CHRONOTACHYGRAPHE (SGC)
37. La Société Guadeloupéenne de Chronotachygraphe (ci-après « SGC »), dont le nom commercial est « Joël compteur », est une SARL créée en 2008 et ayant son siège social dans la zone du port de Jarry, impasse Emile Dessout, à Baie-Mahault en Guadeloupe.
38. Historiquement, SGC est une société spécialisée dans l’installation et le contrôle de chronotachygraphes et d’éthylotests antidémarrage. Accessoirement, elle propose des prestations de préparation et de présentation des véhicules lourds au contrôle technique29. SGC s’est également diversifiée dans l’entretien des hayons en 2008-2009, puis des équipements des taxis en 201630.
39. Jusqu’en 2012 et l’arrivée sur le marché de la société STAG (cf. infra, paragraphe 44), il s’agissait du seul opérateur agréé en Guadeloupe pour le contrôle des appareils embarqués (chronotachygraphes analogiques et numériques, éthylotests antidémarrage).
40. Le 10 juin 2014, soit deux ans après l’arrivée de la société STAG, SGC a déposé une plainte auprès de la Préfecture de Guadeloupe31 dans laquelle elle indiquait, lorsqu’elle présentait des poids lourds au contrôle technique pour ses clients, subir une augmentation des tarifs de contrôle de la part de CTPL-AG32.
3. STANDARD TACHY ANTILLES-GUYANE (STAG)
41. La société Standard Tachy Antilles-Guyane (ci-après « STAG »), est une SARL créée en 2010 et située rue Eugène Bimane aux Abymes en Guadeloupe.
42. La STAG est une société distincte de CTPL-AG, mais également fondée par M. X... et ses fils, MM. Y… et Z... en 2010. Elle est gérée par M. Z... depuis sa création sauf entre le 11 avril 2018 et le 29 janvier 2019, période pendant laquelle M. X..., père de M. Z..., était seul gérant33.
43. Le capital de STAG est réparti entre M. X... et ses fils de la manière suivante :
Tableau n° 3 – Évolution du capital de STAG
2010-2011 2011 – à date
M. X... 40 % 52 %
M. Y... 30 % 24 %
M. Z... 30 % 24 %
Source : STAG34
44. Depuis le 12 novembre 2012, la STAG a pour activité le contrôle des chronotachygraphes, des éthylotests antidémarrage, la maintenance de véhicules poids lourds et leur préparation au contrôle technique35.
45. Elle s’est également diversifiée par la suite dans le contrôle des hayons, des appareils de levage et des extincteurs de véhicules lourds36.
4. VIVAUTO PL
46. La société Vivauto PL est une SASU créée en 2004, située au 102 rue Etienne Marcel à Montreuil (93100).
47. Cette société détient et exploite un réseau national de centres de contrôle technique de poids lourds en métropole et en outre-mer, sous l’enseigne « AUTOVISION PL ». Elle appartient à un groupe familial détenant aussi le réseau national « AUTOVISION » de centres de contrôle de véhicules légers.
48. Vivauto PL exploite notamment un centre de contrôle technique en Guadeloupe depuis le 1er octobre 2018 (voir supra paragraphe 16), et ce, en étant locataire d’un terrain qui est la propriété de la SCI LA PLAGE DE SAINTE CLAIRE.
5. GUADELOUPE CONTROLE TECHNIQUE POIDS LOURDS
49. La société Guadeloupe Contrôle Technique Poids Lourds (ci-après « GCTPL ») est une SARL créée en 2011 ayant son siège social à BEAUSOLEIL II à Baie-Mahault en Guadeloupe.
50. Elle avait pour objet de réaliser le contrôle technique de véhicules poids lourds37.
51. Dans ce cadre, la société GCTPL avait effectué un certain nombre de démarches pour ouvrir un nouveau centre de contrôle technique poids lourds en Guadeloupe : une demande d’agrément pour le contrôle technique de ce type de véhicule effectuée le 7 janvier 201338, puis l’achat, par ses actionnaires, d’un terrain sur la commune de Baie-Mahault au lieu-dit Beausoleil, pour y ouvrir le centre39.
52. Le projet d’ouverture était connu des opérateurs présents sur le marché « dans les années 2010 et 2011 »40. L’activité de GCTPL n’a toutefois jamais démarré41.
6. MAM AUTO GPE
53. La société MAM Auto GPE (ci-après « MAM »), est une SARL créée en 2017 ayant son siège social ZAC de Roujol à Petit-Bourg en Guadeloupe.
54. Le centre de contrôle technique poids lourds exploité par la société MAM Auto GPE en Guadeloupe a ouvert le 5 octobre 202042.
D. LES PRATIQUES CONSTATEES
55. Seront successivement évoqués la politique tarifaire de la société CTPL-AG et son évolution (1), l’évolution des revenus dégagés par CTPL-AG sur son activité de contrôle technique (2) et les avantages concédés à la société STAG (3).
1. LA POLITIQUE TARIFAIRE DE CTPL-AG ET SON EVOLUTION
56. La description de l’évolution des tarifs de CTPL-AG (a), précèdera l’examen des réductions de prix accordées aux clients de CTPL-AG (b), puis des justifications apportées par CTPL-AG sur l’évolution de sa politique tarifaire (c).
a) L’évolution des tarifs de CTPL-AG
57. CTPL-AG a communiqué aux services d’instruction plusieurs grilles tarifaires, la plus ancienne remontant à janvier 2010, soit l’année correspondant au lancement de son activité de contrôle technique. Les tarifs distinguent les prestations à destination de trois catégories de véhicules : les véhicules légers, les poids lourds en Guadeloupe et les poids lourds dans les îles environnant la Guadeloupe (Marie-Galante, la Désirade et les Saintes, Saint-Martin, Saint Barthélémy). Ils sont relatifs aux deux types de prestations proposées : le contrôle technique et la contre-visite (visuelle ou matérielle, la différence entre les deux tenant à l’utilisation ou non d’un matériel lors de la contre-visite). Enfin, les remises n’apparaissant pas explicitement dans le tarif, les grilles tarifaires distinguant les tarifs déduction faite des remises (ou tarifs « remisés »), des tarifs hors remises (ou tarifs « non remisés »).
58. Les tarifs des prestations de contrôle technique et de contre-visite seront successivement décrits, d’abord en Guadeloupe, puis dans les îles.
Sur le contrôle technique en Guadeloupe
59. Comme le montrent les données communiquées43, le contrôle technique des poids lourds en Guadeloupe (hors îles) représente environ la moitié de l’ensemble des prestations réalisées par CTPL-AG (à savoir contrôle technique et contre-visite, poids lourds et véhicules légers, Guadeloupe et îles), mais jusqu’à près de 80 % de son chiffre d’affaires.
60. Les données disponibles font apparaître une dynamique tarifaire contrastée selon les exercices :
Tableau n° 4 – Évolution des tarifs de contrôle technique de CTPL-AG entre 2010 et 2018 (en euros HT)
01/01/2010 01/03/2010 01/01/2012 01/01/2013 01/10/2013 15/07/2014 01/10/2018
VM44-TMA45 remisé
Non
applicable (« n.a »)
145
129
127
171
n.a
n.a
VM-TMA non remisé 127 162 145 175 194 212 137
TCP46 remisé
n.a 162 147 145 161 n.a n.a
TCP non remisé 145 180 166 184 203 203 137
VR47-TMA remisé
n.a 129 111 109 147 n.a n.a
VR-TMA non remisé 109 143 124 138 166 194 119
VM-TMD48 remisé
n.a 212 184 183 230 n.a n.a
VM-TMD non remisé 183 235 207 230 258 230 183
01/01/2010 01/03/2010 01/01/2012 01/01/2013 01/10/2013 15/07/2014 01/10/2018
VR-TMD remisé n.a 195 175 173 221 n.a n.a
VR-TMD non remisé 173 217 197 221 230 240 174
Grue remisée n.a 212 184 183 258 n.a n.a
Grue non remisée 183 235 207 230 277 332 183
Source : CTPL-AG49
61. Dans un premier temps, entre 2010 et 2012 inclus, CTPL-AG a rapidement fait évoluer ses tarifs à la hausse, avant de les réduire en fin de période pour revenir au niveau observé lors de l’ouverture du centre.
62. Lors des premiers mois d’exercice (de janvier à mars 2010), CTPL-AG ne proposait pas de tarifs remisés. Les remises ont été intégrées à la grille à partir de mars 2010, mais leur introduction s’est accompagnée d’une augmentation des tarifs au regard des tarifs initiaux, les tarifs remisés et non remisés étant plus élevés que les tarifs hors remise de janvier. À titre d’illustration, le tarif remisé des camions de transport de marchandises (« VM-TMA ») a ainsi été fixé à 145 euros (162 euros pour le tarif non remisé) en mars 2010, contre 127 euros pour le tarif en vigueur précédemment de janvier à mars 2010. Le tarif remisé applicable aux transports en commun de personnes (« TCP ») s’élevait à 162 euros (180 euros pour celui non remisé) en mars 2010, contre 145 euros pour le tarif en vigueur de janvier à mars 2010.
63. Ces tarifs sont restés en vigueur jusqu’au début de l’année 2012, date à laquelle CTPL-AG a aligné à la baisse les tarifs remisés sur le niveau des tarifs de janvier 2010. Ainsi, le tarif remisé applicable aux camions est passé de 145 euros à 129 euros (de 162 euros environ à 145 euros pour les tarifs non remisés). S’agissant des TCP, le tarif remisé est passé de 162 euros à 147 euros (de 180 euros à 166 euros pour les tarifs non remisés).
64. Dans un deuxième temps, entre 2013 et 2014, CTPL-AG a procédé successivement à trois augmentations tarifaires :
- la première augmentation est intervenue en janvier 2013 et n’a concerné que les clients ne bénéficiant pas de remises. Sur le segment des camions (VM-TMA), le tarif hors remise est passé d’environ 145 euros à 175 euros, soit une augmentation de 20,5 % (+ 11 % sur le tarif hors remise des TCP50) ;
- la deuxième augmentation a eu lieu en octobre 2013 sur plusieurs catégories de véhicules et a concerné cette fois tous les types de clients (soit ceux bénéficiant de remises et ceux n’en bénéficiant pas).
En raison des deux hausses passées en 2013, le contrôle technique pour les camions (VM-TMA) a augmenté de + 33 % par rapport au tarif de 2012 ;
- la troisième et dernière augmentation est intervenue en juillet 2014.
À cette date, CTPL-AG a supprimé de sa grille les tarifs remisés pour les transporteurs en commun de personnes (TCP) (cf. infra paragraphes 97 et suivants). Toutes choses égales par ailleurs, la suppression de ces remises a impliqué pour les poids lourds une augmentation différenciée des prix (+ 24,3 % pour les camions (VM-TMA), + 10 % pour les véhicules de transport en commun de personnes (TCP), + 31,2 % pour les véhicules remorqués de transport de marchandises (VR-TMA), + 28,6 % pour le transport des grues, + 8,3 % pour le transport des matières dangereuses (VR-TMD)).
65. En définitive, sur la période 2013-2014, les tarifs applicables aux clients de CTPL-AG, en particulier ceux qui bénéficiaient de remises, ont augmenté dans des proportions significatives en l’espace de dix-huit mois, comme l’illustre le tableau suivant :
Tableau n° 5 – Évolution des tarifs HT applicables aux clients de CTPL-AG entre janvier 2013 et juillet 2014
2013-2014 Pour les clients bénéficiant auparavant des tarifs remisés Pour les clients bénéficiant auparavant uniquement des tarifs non remisés
VM-TMA + 66,7 % + 21,2 %
TCP + 39,5 % + 10,2 %
VR-TMA + 77,5 % + 40,3 %
VM-TMD + 25,9 % + 0,1 %
VR-TMD + 38,8 % + 8,5 %
Grue + 81,3 % + 44,2 %
Source : CTPL-AG51, traitement par les services d’instruction
66. De 2012 à 2014, cette hausse des tarifs est continue, comme le montre leur évolution sur les segments camions (VM-TMA) et transports en commun de personne (TCP), qui représentent la grande majorité des prestations en volume.
Figure n° 1 – Évolutions des tarifs VM-TMA (en euros HT)
220
200
180
160
140
120
100
2012 2013 2014
VM-TMA remisé VM-TMA non remisé
Source : CTPL-AG52, traitement par les services d’instruction
Figure n° 2 – Évolutions des tarifs TCP (en euros HT)
220
200
180
160
140
120
100
2012 2013 2014
TCP remisé TCP non remisé
Source : CTPL-AG53, traitement par les services d’instruction
67. Dans un troisième temps, entre juillet 2014 et octobre 2018, soit une période de plus de quatre ans, les tarifs sont demeurés inchangés.
68. Dans un quatrième temps, et concomitamment à l’entrée sur le marché d’un nouveau concurrent (Vivauto PL54), CTPL-AG a baissé significativement ses tarifs à partir du 1er octobre 2018 : - 35 % pour les VM-TMA, - 32 % pour les TCP, - 39 % pour les VR-TMA, - 20 % pour les VM-TMD, - 27 % pour les VR-TMD, - 45 % pour les grues et les contrôles sur pistes.
69. Ces baisses ont eu pour effet de rendre CTPL-AG plus attractive sur le plan tarifaire que le nouvel entrant sur chacune des offres concurrentes, alors qu’il ne l’était pas auparavant.
70. D’après CTPL-AG, ces tarifs sont toujours en vigueur.
Tableau n° 6 – Comparaison des tarifs de CTPL-AG et du nouvel entrant sur le marché, Vivauto PL (en euros HT)
CTPL Vivauto PL
Avant 01/10/18 Après 01/10/18 au 01/10/2018 au 01/02/2022
CT TCP 202,77 137,33 153,60 153,60
CT VM-TMA 211,98 137,33 153,6 153,6
CT VM-TMD 230,42 183,41 196 196
CT VR-TMA 193,55 118,89 136,09 136,09
CT VR-TMD 239,63 174,19 199,69 199,69
Grue 331,80 183,41 n.a n.a
Source : CTPL-AG55 et VIVAUTO56
71. En conclusion, et comme l’illustrent les graphiques suivants pour les camions (VM-TMA) et les véhicules de transport en commun de personnes (TCP), les mouvements tarifaires ont été hétérogènes depuis 2010, mais ont conduit à des hausses significatives et à des prix substantiellement plus élevés entre 2013 et 2018 que ceux pratiqués de 2012 à 2013, puis depuis 2018.
Figure n° 3 – Évolutions des tarifs VM-TMA (en euros HT)
220
200
180
160
140
120
100
2008 2009 2010 2012 2013 2014 2016 2017 2019 2020 2021 2023
VM-TMA remisé VM-TMA non remisé
Source : CTPL-AG57, traitement par les services d’instruction
Figure n° 4 – Évolutions tarifs TCP (en euros HT)
220
200
180
160
140
120
100
2008 2009 2010 2012 2013 2014 2016 2017 2019 2020 2021 2023
TCP remisé TCP non remisé
Source : CTPL-AG58, traitement par les services d’instruction
Sur les contre-visites en Guadeloupe
72. Comme le montrent les données communiquées par CTPL-AG59, les contre-visites en Guadeloupe (hors îles) représentent moins de 10 % de l’ensemble des opérations et du chiffre d’affaires (contrôle technique et contre-visite) réalisés par CTPL-AG.
73. L’entreprise propose deux grilles tarifaires pour les contre-visites : l’une relative aux contre-visites « visuelles », l’autre pour les contre-visites « matérielles ». Les informations sont disponibles pour la période 2010-2018, à l’exception de l’exercice 201160.
Tableau n° 7 – Évolution des tarifs des contre-visites de CTPL-AG entre 2010 et 2018 (en euros HT)
01/01/2010
01/03/2010
01/01/2012
01/01/2013
01/10/2013
15/07/2014
01/10/2018
Contre-visites visuelles
Tous véhicules (PL) n.a 82,95 82,95 82,95 82,95 64,52 45,16
Tous véhicules (PL, y compris remise
transporteurs)
55,3
55,3
55,3
55,3
55,3
n.a
n.a
Contre-visites matérielles
Tous véhicules (PL) n.a 115,21 115,21 115,21 129,03 129,04 63,59
Tous véhicules (PL, y compris remise transporteurs)
82,95
82,95
82,95
82,95
101,38
n.a
n.a
Source : CTPL-AG61
74. La lecture du tableau fait ressortir, après une période de stabilité correspondant aux exercices 2010-2012, une hausse des tarifs des contre-visites matérielles en octobre 2013 (+ 12 % pour celles avec remises et + 22 % pour celles sans remises), puis au 1er octobre 2018, concomitamment à l’entrée sur le marché d’un nouveau concurrent, une baisse significative :
- 30 % pour la contre-visite visuelle et - 51 % pour la contre-visite matérielle. CTPL-AG est alors devenue plus compétitive sur le plan tarifaire que le nouvel entrant.
Tableau n° 8 – Comparaison des tarifs de CTPL-AG et du nouvel entrant sur le marché, Vivauto (en euros HT)
CTLP Vivauto
Avant 01/10/18 Après 01/10/18 au 01/10/2018 au 01/02/20222
CVV 64,52 45,16 50,69 50,69
CVM 129,04 63,59 88,48 88,48
Source : CTPL-AG62 et VIVAUTO63
Sur le contrôle technique dans les îles (Marie-Galante, la Désirade et les Saintes, Saint-Martin, Saint Barthélémy)
75. Comme il ressort des données communiquées par CTPL-AG, le contrôle technique dans les îles représente moins de 10 % de l’ensemble des opérations et du chiffre d’affaires (contrôle technique et contre-visite) réalisés par CTPL-AG64.
76. Le volume des prestations de contrôle technique est assez variable selon les îles : quasi nuls à la Désirade et les Saintes, relativement comparables entre Marie-Galante, Saint-Martin et Saint Barthélémy65 (entre 30 et 200 selon les années).
77. Les tableaux suivants présentent l’évolution du prix unitaire HT des prestations de contrôle technique de CTPL-AG dans les îles précitées66 :
Tableau n° 9 – Évolution du prix unitaire HT des prestations de contrôle technique de CTPL-AG dans les îles entre 2014 et 2021 (en euros)
Marie-Galante Applicable au 15/07/2014 Applicable au 01/02/2016 Applicable au 03/03/2016 Applicable au 01/10/2018
VM-TMA 110,6 184,3 138,3 138,3
TCP 119,8 193,6 147,5 147,5
VR-TMA 101,4 175,1 129,0 129,0
VM-TMD n.a n.a n.a n.a
VR-TMD n.a n.a n.a n.a
Grue n.a n.a n.a n.a
La Désirade - Les Saintes
VM-TMA 230,4 368,7 368,7 368,7
TCP 230,4 368,7 368,7 368,7
VR-TMA 230,4 368,7 368,7 368,7
VM-TMD n.a n.a n.a n.a
VR-TMD n.a n.a n.a n.a
Grue n.a n.a n.a n.a
Saint-Martin
VM-TMA 120,0 200,0 150,0 150,0
TCP 130,0 210,0 160,0 160,0
VR-TMA 110,0 190,0 140,0 140,0
VM-TMD n.a n.a n.a n.a
VR-TMD n.a n.a n.a n.a
Grue n.a n.a n.a n.a
Saint Barthélémy
VM-TMA 120,0 200,0 200,0 200,0
TCP 130,0 210,0 210,0 210,0
VR-TMA 110,0 190,0 190,0 190,0
VM-TMD n.a n.a n.a n.a
VR-TMD n.a n.a n.a n.a
Grue n.a n.a n.a n.a
Source : CTPL-AG67
78. Les tarifs pour les îles paraissent répondre à des logiques différentes selon les territoires. S’agissant de Marie-Galante, Saint-Martin et Saint Barthélémy, ce sont les contrôles techniques TCP qui étaient les plus onéreux, suivis de ceux pour les VM-TMA et enfin les VR-TMA. S’agissant de la Désirade et des Saintes, les tarifs étaient les mêmes, quel que soit le type de véhicule.
79. Les éléments disponibles font par ailleurs apparaître un écart substantiel entre les prix appliqués à Marie-Galante, Saint-Martin et Saint Barthélémy d’une part, et la Désirade et les Saintes d’autre part : entre + 77 % et + 127 % selon le type de véhicule et le territoire concerné. Ces écarts de prix pourraient s’expliquer, au moins en partie, par les différences de volumes de véhicules présents dans ces territoires.
80. En revanche, les tarifs applicables entre juillet 2014 et mars 2016 étaient, à l’exception de la Désirade et des Saintes (et des TCP pour Saint Barthélémy), inférieurs à ceux proposés en Guadeloupe pour une même catégorie de véhicule.
81. L’année 2016 est marquée par deux mouvements successifs et opposés :
- au 1er février 2016, CTPL-AG a procédé à une augmentation de tous ses tarifs. Les hausses étaient, en pourcentage, identiques à Marie-Galante, Saint-Martin et Saint Barthélémy (entre + 62 % et + 73 % selon le type de véhicule), un peu inférieures à la Désirade et les Saintes (+ 60 % quel que soit le véhicule). Ces hausses ont ainsi induit un rapprochement des tarifs de Marie-Galante, Saint-Martin et Saint Barthélémy avec ceux en vigueur en Guadeloupe, et à l’inverse une déconnexion significative des tarifs à la Désirade et les Saintes avec ces derniers ;
- au 3 mars 2016, soit à peine un mois après les augmentations susmentionnées, CTPL-AG a procédé à des baisses de l’ordre de – 25 % pour Marie-Galante et Saint-Martin. Les tarifs de la Désirade, des Saintes et de Saint Barthélémy sont demeurés inchangés.
82. Au final, entre le 31 janvier 2016 et le 3 mars 2016, les tarifs ont augmenté d’un pourcentage de l’ordre de 25 % pour Marie-Galante et Saint-Martin, de 60 % pour la Désirade et les Saintes, et de 62 % à 73 % pour Saint Barthélémy.
Sur les contre-visites dans les îles (Marie-Galante, la Désirade et les Saintes, Saint-Martin, Saint Barthélémy)
83. CTPL-AG n’opère pas de contre-visites dans ces territoires. L’entreprise indique : « Vous remarquerez aisément, que l’on ne réalise pas de contre visite dans les Iles (car le délai de contre visite est d’un mois, alors que nous venons tous les 3 mois) donc même s’il y a une contre visite, le délai d’un mois étant dépassé, un nouveau contrôle technique est obligatoire ! »68.
b) Les réductions de prix accordées aux clients de CTPL-AG
84. Comme évoqué précédemment (voir supra paragraphes 62 et suivants), à partir de mars 2010, CTPL-AG a accordé des remises à ses clients transporteurs pour les prestations de contrôle technique des poids lourds, aboutissant, dans sa grille tarifaire, à la coexistence de tarifs non remisés, et de tarifs remisés. À la remise « transporteurs », ayant fait l’objet de contestations, a succédé une remise subordonnée à deux conditions cumulatives.
De 2010 à juillet 2014 : la remise « transporteurs »
85. À son ouverture en 2010, CTPL-AG a mis en place des tarifs qualifiés « d’américain »69 selon l’expression même du gérant de CTPL-AG, lesquels ont déclenché une réaction des clients transporteurs de marchandises ou de personnes. En effet, notamment pour les transporteurs de personnes, contraints à deux visites techniques par an, les nouveaux tarifs mis en place par CTPL-AG représentaient une hausse significative par rapport à ceux en vigueur antérieurement (passant de l’ordre de 80 euros HT selon le Syndicat des Transporteurs de Marchandises de la Guadeloupe70, à 127 euros HT pour les VM-TMA ou encore 145 euros HT pour les TCP, voir ci-dessus).
86. Dès mars 201071, après une concertation avec les syndicats des transporteurs, CTPL-AG a mis en place des remises de 10 %72 pour les contrôles techniques et de 30 % pour les contre-visites, réservées aux seuls transporteurs.
87. À partir du 1er janvier 201373, cette remise a été homogénéisée, une réduction d’environ 20 % étant désormais appliquée tant pour les contrôles techniques que pour les contre- visites74. La société a justifié ce changement par sa volonté « d’anticiper l’ouverture d’un autre centre PL »75, déclarant également par la suite « nous avions entendu dire qu’un autre centre allait pouvoir ouvrir, j’ai préféré chercher à fidéliser mes clients »76.
88. À partir de 2013, CTPL-AG a augmenté ses tarifs à plusieurs reprises (voir supra paragraphes 64 et suivants pour les prestations de contrôle technique ; ainsi que paragraphes 73 et suivants pour les contre-visites), ce qui a abouti à une augmentation significative de ses prix.
89. Au 1er octobre 2013, CTPL-AG a, simultanément à la hausse de tarifs décrite ci-dessus, réduit la remise transporteurs de 12 points en moyenne. La société a indiqué avoir procédé à ce changement « car [leur] comptable [les] a alerté[s] sur les résultats de l’entreprise pour l’année 2012 »77. L’évolution de la remise a ainsi été la suivante entre 2012 et 2014 :
Tableau n° 10 – Évolution de la remise octroyée par CTPL-AG à ses clients transporteurs entre 2012 et 2014
Date d’application
Type de prestation 01/01/2012 01/01/2013 01/10/2013 15/05/2014
VM-TMA 11 % 27 % 12 % 12 %
TCP 11 % 21 % 20 % 9 %
Remorque 11 % 21% 11 % 11 %
VM-TMD 11 % 21 % 11 % 11 %
VR-TMD 11 % 22 % 4 % 4 %
GRUE 11 % 21 % 7 % 7 %
CV Visuelle 33 % 52 % 33 % 33 %
CV Appareil 0 % 28 % 21 % 21 %
Source : CTPL-AG78, traitement par les services d’instruction
90. Le bénéfice du tarif de contrôle technique « remisé » était conditionné à la présentation de la licence transporteurs79, ou d’un chèque émis par une société disposant de la licence transporteur80.
91. Cette condition empêchait de facto plusieurs opérateurs souhaitant présenter le véhicule pour le compte de leurs clients transporteurs, tels que les sociétés SGC ou Maintenance Assistance Camions (ci-après « MAC »)81, d’en bénéficier (voir infra paragraphes 98 et suivants).
92. CTPL-AG considérait pour sa part qu’il était possible pour SGC de faire bénéficier ses clients du tarif remisé lorsque SGC présentait le véhicule avec le règlement du transporteur : « la société SGC, avait la possibilité de passer les véhicules des transporteurs avec leur règlement des transporteurs pour pouvoir avoir droit à la remise, et qu’ils auraient pu le faire pour tous leurs clients transporteurs. Nous avions décidé de faire ainsi, pour que la société SGC ne prenne pas cette marge, et que le client voit bien le tarif réel appliqué à CTPL ! »82.
93. Mais au contraire, SGC a indiqué que CTPL-AG aurait refusé de faire bénéficier de la remise les clients dont elle présentait le véhicule au contrôle technique, à cause de son absence de qualité de transporteur83. Ces éléments sont corroborés par l’analyse de factures de 2012 et de 2013 adressées à SGC, dont aucune n’évoque ni n’applique le niveau de remise dont bénéficiaient les transporteurs84. De plus, la grille tarifaire de CTPL-AG du 15 mai 2014 prévoyait explicitement un tarif spécifique pour les garagistes tels que SGC et MAC et un tarif remisé pour les transporteurs, comme en atteste l’extrait suivant :
Source : CTPL-AG85
94. C’est précisément cette différence de traitement qui avait conduit SGC à déposer une plainte auprès de la préfecture de Guadeloupe le 10 juin 201486 dans laquelle elle indiquait « nous dénonçons une pratique discriminatoire à notre encontre […] depuis la création de [STAG], société ayant les mêmes associés que la société CTPL, nous subissons systématiquement de la part de la CTPL une augmentation des tarifs de contrôle de véhicules lourd lorsque notre société SGC présente des véhicules au contrôle technique »87.
95. CTPL-AG a d’ailleurs confirmé en partie cette différence de traitement en indiquant : « la société SGC, a effectivement vu ses tarifs augmenter de décembre 2012 au 1er janvier 2013 d’environ 20 % »88, tout en soulignant que cette augmentation était spécifique à ce client :
« les autres sociétés de réparation comme MAC ou SACI89, ont pu bénéficier d’une remise supplémentaire par rapport à SGC, de janvier à septembre 2013 (comme vu précédemment). Cette différenciation a été corrigée dès le 1er Octobre 2013 avant même toutes les enquêtes diligentées, ce qui prouve selon moi, notre bonne foi »90.
96. Concernant STAG qui a démarré son activité en 2012, CTPL-AG a déclaré que STAG n’aurait pas bénéficié des tarifs remisés appliqués aux transporteurs « car elle ne proposait pas encore de facturer la prestation de contrôle technique (ni en 2012, ni en 2013) »91.
Du 15 juillet 2014 au 13 décembre 2021 au moins : la remise est conditionnée à un volume d’activité déterminé et à la détention d’un compte client
97. À partir du 15 juillet 2014, CTPL-AG a supprimé la « remise transporteur » de ses tarifs, en mettant en exergue la mention suivante sur sa grille tarifaire : « Suite aux plaintes déposées en préfecture de Basse-Terre par certains garagistes, nous vous informons de ne plus pouvoir vous faire bénéficier des « remises transporteurs » »92. Cette mention est restée au moins jusqu’au 3 mars 201693.
98. Elle faisait référence à la plainte précitée que SGC avait adressée le 10 juin 2014 à la préfecture de la Guadeloupe, dans laquelle elle indiquait que la remise ne lui était pas appliquée lorsqu’elle présentait elle-même un véhicule de transporteurs au centre CTPL-AG :
« Certains de nos clients souhaitent par habitude que ça soit SGC qui présente les véhicules au contrôle technique. Pour cela payent une prestation globale à SGC. Par conséquent ils ne pouvaient alors bénéficier de la remise transporteur accordée par le CTPL »94.
99. Cette différence de traitement a été confirmée par le gérant de CTPL-AG qui a indiqué :
« Lorsque nous faisions la remise de 20 % aux transporteurs nous l’appliquions si la personne qui présentait le véhicule était un transporteur ou si la facture était réglée par un transporteur »95.
100. Le lien de causalité entre la suppression de la remise et la plainte de SGC est confirmé par le gérant de CTPL-AG qui a indiqué : « on a choisi de mettre tout le monde au même tarif, sur un même pied d’égalité afin d’éviter les réclamations des autres clients ne bénéficiant pas de cette remise »96.
101. Toutefois, pour tenir compte de l’existence de clients récurrents dont certains disposaient d’un compte avant 2013, CTPL-AG a modifié ses conditions générales de vente le 3 novembre 201497 pour (i) entériner la pratique qui leur permettait un règlement 30 jours fin de mois et (ii) mettre en place une remise conditionnée à la réalisation de conditions :
« 4. Tarifs des contrôles et conditions de paiement
Les prix entre le centre et le client au moment de la négociation du contrat sont ceux dont le tarif est affiché dans le centre de contrôle. Sauf convention contraire, les règlements sont effectués par tout moyen à réception du véhicule ou pour les clients en compte […] à la fin du mois de l’établissement de la facture […]
Une remise est accordée au client en compte qui réalise plus de 20 contrôles techniques PL tous les Mois »98.
102. Cette remise était donc réservée aux clients de CTPL-AG remplissant deux conditions : (i) être déjà « en compte » et (ii) réaliser plus de 20 contrôles techniques par mois.
103. La première condition, exigeant que le client soit « en compte », renvoie à la pratique de CTPL-AG relative aux délais de paiement détaillée ci-après (voir paragraphes 128 et suivants). CTPL-AG ayant cessé d’ouvrir des comptes à partir de 201399, cette condition n’était, début 2014, remplie que par un nombre restreint et déterminé d’entreprises, lequel ne pouvait plus augmenter.
104. La seconde condition, tenant à la réalisation d’un nombre moyen mensuel de visites supérieur à 20, constituait un seuil très élevé, compte tenu de l’activité moyenne des différents clients de CTPL-AG. De fait, seule la société STAG atteignait ce seuil, la majorité des transporteurs n’ayant qu’un véhicule, ou une flotte très restreinte100. Selon STMG, « en Guadeloupe, 70 % des transporteurs sont des indépendants avec un seul véhicule, les autres disposent de 5-20 véhicules »101. CTPL-AG a par ailleurs conforté ce constat en indiquant disposer « d’une vingtaine de clients dit « en compte » qui représente, selon [la société], la moitié du parc automobile poids lourds Guadeloupéen »102.
105. En définitive, compte tenu des deux conditions cumulatives, seule la société STAG pouvait bénéficier de la nouvelle remise mise en place par CTPL-AG en remplacement de l’ancien dispositif. CTPL-AG elle-même a confirmé ce point le 22 juin 2016 en indiquant : « pour l’instant, il n’y a que la STAG qui est en compte et qui bénéficie de cette remise »103.
106. En pratique, CTPL-AG a indiqué consentir cette remise sous forme d’avoirs, celle-ci représentant une réduction de prix comprise entre 20 et 30 %104. À titre d’illustration, le relevé mensuel des factures de la société STAG d’octobre 2014 comporte les mentions d’un total de 8 543,82 euros, d’un avoir de 2 064,54 euros et d’un solde de 6 479,28 euros, correspondant à une réduction financière de 24,16 %105, ce qui est loin d’être négligeable.
107. Cette différence de traitement a perduré au moins du 15 juillet 2014 (voir supra paragraphe 97), lorsque CTPL-AG a fait évoluer sa tarification, au 30 septembre 2018, date d’entrée d’un nouveau concurrent sur le marché.
c) Les explications apportées par CTPL-AG quant à l’évolution de sa politique tarifaire
108. CTPL-AG a ainsi expliqué l’évolution de sa politique tarifaire :
- s’agissant de la première période identifiée supra (paragraphes 61 et suivants), CTPL-AG a répondu à la contestation de la hausse des prix par les transporteurs par l’octroi d’une remise. Les tarifs ont ensuite été réduits, à la fois en raison des retours des clients et de la crainte de l’ouverture d’un centre concurrent ;
- s’agissant de la deuxième période (paragraphes 64 et suivants), les différentes augmentations tarifaires ont été appliquées après une alerte du comptable de l’entreprise sur de mauvais résultats en 2012. La suppression de la remise transporteurs en 2014 a, quant à elle, fait suite à la plainte de la SGC à la préfecture ;
- s’agissant de la quatrième période (paragraphe 68 et suivants), c’est l’ouverture du nouveau centre concurrent qui a justifié la baisse des prix de CTPL-AG et un ajustement de son fonctionnement, avec notamment le départ de deux contrôleurs depuis 2018106.
109. CTPL-AG a par ailleurs indiqué, s’agissant de ses coûts, que, depuis l’obtention en 2012 d’un prêt bancaire par la SCI familiale propriétaire du terrain, elle se voyait facturer un loyer important107.
110. Ces déclarations corroborent les réponses au questionnaire de la DIECCTE apportées par CTPL-AG lors de l’enquête initiale108. Concernant plus particulièrement la justification des hausses de prix à partir de 2013, CTPL-AG a indiqué : « en 2012, nous avons mis en place un crédit-bail pour l’achat du centre par la banque (…) De ce fait nous payons un loyer de 11 500 € / mois pour rembourser ce crédit depuis 2012, donc une charge énorme en plus à prendre en considération. Depuis la société ne faisait plus de bénéfices, nous avons dû trouver des solutions pour rendre viable notre société. Ce pourquoi il y a eu une augmentation de tarif à partir d’octobre 2013 »109.
2. L’EVOLUTION DES REVENUS DEGAGES PAR CTPL-AG
111. Seront examinées ci-après l’évolution de la profitabilité (a) puis de la rentabilité de l’activité de la société CTPL-AG relative au contrôle technique des poids lourds (b).
a) L’évolution de la profitabilité de l’activité relative aux poids lourds
112. L’instruction a permis de reconstituer le compte de résultat propre à l’activité de contrôle technique de poids lourds110 de CTPL-AG, au sein de son activité globale.
113. L’analyse de ce compte de résultat conduit à observer trois périodes111 dans l’évolution de la marge de CTPL-AG. De 2010 à 2012, les taux de marge (mesurés par les taux d’excédent brut d’exploitation (EBE)112 ou du résultat d’exploitation (REX)113) baissent, le taux de REX diminuant par exemple de 28 % à 18 %114. Dans un deuxième temps, de 2013 à 2018, ces taux augmentent significativement, le REX oscillant entre 28 % et 46 %. Dans un troisième et dernier temps, depuis 2019, l’activité de poids lourds est déficitaire en cumulé, même si l’année 2020 est marquée par une légère amélioration.
Tableau n° 11 – Évolution des taux de marge de CTPL-AG pour l’activité poids lourds entre 2010 et 2020
Exercices 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020
Date de clôture 31-déc 31-déc 31-déc 31-déc 31-déc 31-déc 31-déc 31-déc 31-déc 31-déc 31-déc
Monnaie EUR EUR EUR EUR EUR EUR EUR EUR EUR EUR EUR
Chiffre d'affaires
614 663
612 542
568 033
631 260
771 882
819 947
807 814 [750 000
–
800 000] [700 000
–
750 000] [400 000
–
450 000] [300 000
–
350 000]
EBE
225 038
155 484
93 860
265 998
357 919
359 111
305 466 [300 000
–
350 000] [200 000
–
250 000]
[<50 000]
[<50 000]
Tx EBE 37 % 25 % 17 % 42 % 46 % 44 % 38 % [35-45] % [30-40] % [0-10] % [0-10] %
REX
170 808
109 996
103 148
271 336
358 920
330 962
256 413 [250 000
–
300 000] [150 000
–
200 000]
- [<50 000]
[<50 000]
Tx REX 28 % 18 % 18 % 43 % 46 % 40 % 32 % [30-40] % [20-30] % [0-10] % [0-10] %
Résultat net (ci-après
« RN »)
161 448
92 605
- 62 395
286 888
303 971
281 640
247 979 [250 000
–
300 000] [200 000
–
250 000]
- [<50 000]
[<50 000]
Tx RN 26 % 15 % - 11 % 45 % 39 % 34 % 31 % [30-40] % [30-40] % [0-10] % [0-10] %
Source : CTPL-AG115, traitement par les services d’instruction
b) L’évolution de la rentabilité de l’activité de poids lourds
114. La rentabilité économique116 de CTPL-AG toutes activités confondues peut être évaluée à partir des informations disponibles dans les comptes. Son examen témoigne d’une dégradation au fil du temps liée, à l’érosion de la marge d’exploitation et à l’augmentation des capitaux engagés, cette dernière s’expliquant par l’augmentation du besoin en fonds de roulement117 qui a plus que compensé la baisse des immobilisations.
Tableau n° 12 – Évolution de la rentabilité de CTPL-AG toutes activités confondues entre 2010 et 2020
Total CTPL 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020
Rentabilité économique CTPL
- 1,7 %
- 10,6 %
76,6 %
30,2 %
11,1 %
58,7 %
65,6 %
47,5 %
8,0 %
[0-5] %
[0-5] %
[0-5] %
[0-5] %
Source : CTPL-AG118, traitement par les services d’instruction
115. La rentabilité de l’activité poids lourds s’avère beaucoup plus élevée que celle de l’activité globale de CTPL-AG119. Plus particulièrement, de 2013 à 2018 inclus, CTPL-AG réalise sur cette activité des marges de plusieurs centaines de milliers d’euros en engageant peu ou pas de capitaux.
Tableau n° 13 – Évolution de la rentabilité de CTPL-AG pour l’activité poids lourds entre 2010 et 2020
Total PL 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020
REX poids lourds
- 1 328
- 16 070
170 808
109 996
103 148
271 336
358 920
330 962
256 413
250 305 [170 000
– 180 000] - [60 000
–
70 000] - [10 000
–
20 000]
Capitaux engagés PL
78 273
151 868
223 029
364 671
- 339 808
- 6 419
32 418
- 64 856
- 70 891
- 53 655 - [60 000
–
70 000] [90 000
– 100 000] [140 000
– 150 000]
Rentabilité économique PL
- 1,7 %
- 10,6 %
76,6 %
30,2 %
- 30,4 %
- 4227,1%
1107,2 %
- 510,3 %
- 361,7 %
- 494,7 % - [300
– 320] % - [30
– 40] %
[0-10] %
Source : CTPL-AG120, traitement par les services d’instruction
116. Il résulte de ce qui précède que plusieurs cycles peuvent être identifiés sur la période de 2008-2022.
117. Le premier, de 2008 à 2012, est marqué par des investissements dans les infrastructures poids lourds qui se matérialisent finalement, le 31 janvier 2012, par leur vente à un établissement financier et par une opération de crédit-bail. En tenant compte de cette opération par laquelle CTPL-AG a soldé dès 2012 l’essentiel de ses capitaux engagés – au prix certes d’une perte exceptionnelle –, l’entreprise a généré fin 2012, soit après trois années d’activité relative aux poids lourds et cinq années d’existence, plus de 170 000 euros de marge nette sur l’activité de poids lourds.
118. Dans ces conditions, ce premier cycle paraît constituer une période autonome pendant laquelle l’entreprise a pu récupérer l’essentiel de ses capitaux engagés dans l’activité de poids lourds, tout en générant des marges non négligeables eu égard au montant des capitaux engagés.
119. Le deuxième cycle, de 2013 à 2018, se distingue par la relative faiblesse des capitaux engagés et par des marges d’exploitation dans l’activité poids lourds plus élevées qu’entre 2008 et 2012. Sur ces six exercices, CTPL-AG a généré, par son activité poids lourds, près de 1,7 million d’euros de marge d’exploitation en ayant, en moyenne, engagé peu de capitaux dans cette activité (les capitaux engagés sont quasi systématiquement négatifs entre 2013 et 2018).
120. Le troisième, de 2019 à aujourd’hui, fait apparaître une augmentation des capitaux engagés concomitante à une forte dégradation de la marge, devenue négative en 2019.
121. Il peut également être relevé que la marge d’exploitation cumulée sur l’activité poids lourds de CTPL-AG sur la période 2013-2020 est encore supérieure à 1,6 million d’euros, et qu’elle excède très largement aussi bien le niveau moyen annuel des capitaux engagés dans cette activité sur cette période (1 900 euros) que celui constaté en fin de période (149 000 euros).
122. En conclusion, la rentabilité de CTPL-AG sur la période 2013-2018 paraît d’autant plus remarquable qu’elle ne paraît pas pouvoir être expliquée par des pertes antérieures ni par des pertes postérieures. Cette rentabilité intervient aussi sur une activité aux risques commerciaux limités. L’Autorité relevait dans son avis n° 18-A-05 que « la demande à laquelle font face les opérateurs est relativement contrainte car le contrôle technique est obligatoire et l’élasticité-prix de la demande est vraisemblablement très faible »121. Ce risque était d’autant plus faible dans le cas guadeloupéen que les volumes du marché étaient considérés, par CTPL elle-même, comme suffisamment faibles pour exclure l’hypothèse de l’arrivée d’un concurrent122.
3. LES AUTRES AVANTAGES CONCEDES A STAG
123. D’autres avantages ont été concédés à la société STAG par la société CTPL-AG, concernant les délais pour obtenir un rendez-vous, les délais de paiement, ainsi que les modalités d’établissement des factures.
a) Les délais de rendez-vous
124. La société SGC s’est plainte de subir, dans son activité de présentation des poids lourds au contrôle technique, des délais de visite de plus en plus longs (une, voire deux semaines) auprès de CTPL-AG, au détriment du bon fonctionnement de son activité123. Elle a par ailleurs relevé une discrimination de traitement en faveur de la société STAG, prioritaire et reçue sans rendez-vous124. STAG a, à cet égard, reconnu bénéficier de délais plus courts, le rendez-vous pouvant être fixé le jour même ou dans les trois jours maximum125.
125. Cet allongement des délais a été confirmé par une autre cliente de la société CTPL-AG, laquelle indiquait ne pas obtenir de rendez-vous avant deux semaines de délai minimum126. Par ailleurs, la représentante du syndicat STMG127, elle-même cliente de CTPL-AG, a indiqué que « le délai de prise de rendez-vous [dont elle bénéficiait était] de maximum une semaine »128, soit un délai nettement supérieur à celui dont pouvait bénéficier STAG.
126. La société CTPL-AG a reconnu elle-même une différence de traitement entre STAG et ses autres clients :
« Les délais sont variables et dépendent de la disponibilité de nos contrôleurs : nous réalisons deux ou trois clients sans rendez-vous par jour, par contre le passage le jour même n'est pas garanti. (…) Le délai de prise de rendez-vous est de trois quatre jours. Au mois de mai, par contre, notre délai était plus long (deux semaines de délai). (...) Les contre-visites ne nécessitent pas de prise de rendez-vous.(...) Dans la prise de rendez-vous tous les clients sont traités de la même manière. Je réservais auparavant un rendez-vous par jour à STAG mais j’ai arrêté cette pratique il y a environ deux mois [en avril 2016]. Parfois STAG demande à passer sans rendez-vous ce qui est accepté parfois en fonction de notre charge de travail. Ceci reste exceptionnel »129.
127. Cette différence de traitement a duré depuis la création de STAG, le 12 novembre 2012 (voir supra paragraphe 41), jusqu’à la date du RAE, le 20 mars 2018, au moins.
b) Les délais de paiement
128. Selon l’article 4 des conditions générales de vente de la société CTPL-AG, seuls les clients titulaires de compte bénéficiaient de délais de paiement :
« Les prix entre le centre et le client au moment de la négociation du contrat sont ceux dont le tarif est affiché dans le centre de contrôle. Sauf convention contraire, les règlements sont effectués par tout moyen à réception du véhicule ou pour les clients en compte […] à la fin du mois de l’établissement de la facture »130.
129. Or, la société CTPL-AG131 a refusé d’ouvrir un compte à la société SGC, au motif qu’elle n’y procèderait plus, depuis 2013, la gestion en étant « trop compliquée »132.
130. En revanche, « une vingtaine de clients qui représente (…) la moitié du parc automobile poids lourds Guadeloupéen »133 bénéficiaient de comptes à la société CTPL-AG.
131. En pratique, les éléments du dossier134 révèlent, s’agissant des principaux clients de CTPL-AG, que les clients en compte bénéficiaient de délais généralement supérieurs à 30 jours, STAG bénéficiant des délais de paiement les plus longs (49,24 jours)135, tandis que les clients sans compte étaient tenus au paiement dans le délai moyen d’un jour.
132. Cette différence de traitement dans l’octroi des délais de paiement a duré au moins de 2013 au 30 septembre 2018, date d’entrée d’un nouveau concurrent sur le marché.
c) Les modalités d’établissement des factures
133. L’établissement des factures des prestations de contrôle technique effectuées par CTPL-AG revêtait des modalités différentes selon que les poids lourds étaient présentés par les clients eux-mêmes, ou par des opérateurs tiers comme STAG.
134. CTPL-AG a en effet indiqué que STAG pouvait facturer directement à ses clients transporteurs, avec ses propres prestations, les prestations de contrôle technique de CTPL-AG, à charge de lui en rétrocéder le montant. Cette facturation groupée, qui n’était pas proposée aux autres clients et aux garages136, permettait en outre aux clients en compte chez STAG de bénéficier auprès de celle-ci d’un délai de paiement pour régler la facture du contrôle technique137.
135. La faculté pour STAG de facturer directement les prestations réalisées par CTPL-AG à ses clients a été mise en place en juillet 2014138 et une part importante des clients de STAG (entre 25 à 50 % selon cette dernière139) ont opté pour cette solution.
136. Réciproquement, il arrivait que la société CTPL-AG se fasse régler à la fois les prestations qu’elle avait réalisées et les prestations effectuées par STAG, reversant par la suite à sa société sœur le montant qui lui était destiné140.
137. En conclusion, CTPL-AG permettait à sa société sœur de facturer ses clients transporteurs en une seule fois et de leur offrir les conditions les plus favorables (que ce soit en termes de prix ou de délais de paiement), faculté qu’elle n’offrait pas aux autres garagistes présents sur le marché de la préparation de véhicules pour le contrôle technique.
138. Cette différence de traitement au regard des modalités de facturation a duré au moins de juillet 2014 (voir supra paragraphe 107) à la date d’établissement du RAE, soit le 20 mars 2018.
E. LES GRIEFS NOTIFIES
139. Le 4 avril 2022, les services d’instruction ont notifié les griefs suivants :
« Grief n° 1
Il est fait grief à CTPL-AG (SARL déclarée au registre du commerce et des sociétés de Pointe-à-Pitre sous le n° 508 185 493 et ayant son siège social ZA du Petit Pérou aux Abymes en Guadeloupe), en tant qu’auteure d’avoir abusé de la position dominante qu’elle détient sur le marché guadeloupéen du contrôle technique des poids lourds, en mettant en œuvre un ensemble de pratiques discriminatoires ayant une incidence négative sur le coût (réductions de prix et délais de paiements) et la qualité (délai de prise de rendez-vous et modalités de facturation) des prestations réalisées par des opérateurs actifs sur le marché de la préparation au contrôle technique de poids lourds.
Ces pratiques, qui ont débuté le 15 juillet 2014 pour prendre fin le 30 septembre 2018, sont susceptibles d’avoir eu pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché guadeloupéen de la préparation au contrôle technique de poids lourds.
Elles sont prohibées par l’article L. 420-2 du code de commerce.
Grief n° 2
Il est fait grief à CTPL-AG (SARL déclarée au registre du commerce et des sociétés de Pointe-à-Pitre sous le n° 508 185 493 et ayant son siège social ZA du Petit Pérou aux Abymes en Guadeloupe), en tant qu’auteure d’avoir abusé de la position dominante qu’elle détient sur le marché guadeloupéen du contrôle technique des poids lourds, en appliquant à l’ensemble de ses clients, des tarifs manifestement excessifs au regard de la valeur du service correspondant et de ses coûts.
Cette pratique, qui a débuté le 1er janvier 2013 pour finir le 30 septembre 2018, est susceptible d’avoir eu pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché guadeloupéen du contrôle technique de poids lourds.
Elle est prohibée par l’article L. 420-2 du code de commerce. »
II. Discussion
140. Seront examinés successivement la mise en œuvre de la procédure de transaction, l’applicabilité du droit de l’Union européenne et le bien-fondé des griefs.
A. SUR LA MISE EN ŒUVRE DE LA PROCEDURE DE TRANSACTION
141. Le III de l’article L. 464-2 du code du commerce dispose que : « [Lorsqu’une] entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut lui soumettre une proposition de transaction fixant le montant minimal et le montant maximal de la sanction pécuniaire envisagée. Lorsque l’entreprise (…) s’engage à modifier son comportement, le rapporteur général peut en tenir compte dans sa proposition de transaction. Si, dans un délai fixé par le rapporteur général, (…) l’entreprise donne son accord à la proposition de transaction, le rapporteur général propose à l’Autorité de la concurrence, qui entend l’entreprise ou l’organisme et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d’un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire (…) dans les limites fixées par la transaction ».
142. En l’espèce, par un procès-verbal signé le 23 mai 2022, la société CTPL-AG s’est engagée à ne pas contester les deux griefs qui lui ont été notifiés et a donné son accord à une proposition de transaction définissant les limites des sanctions pécuniaires pouvant lui être infligées141.
143. Lors de la séance du 7 juillet 2022, CTPL-AG a confirmé son plein accord avec les termes de la transaction, dont elle a accepté, en toute connaissance de cause, les conséquences juridiques, notamment en ce qui concerne le montant de la sanction pécuniaire pouvant être prononcée par l’Autorité.
144. Les pratiques n’ayant pas été contestées, l’Autorité se bornera aux développements suivants.
B. SUR L’APPLICABILITE DU DROIT DE L’UNION EUROPEENNE
145. L’article 102 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne (ci-après « TFUE ») interdit les pratiques d’abus d’une position dominante « dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté ».
146. Aux termes du premier paragraphe des lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du Traité, devenus les articles 101 et 102 du TFUE, ces articles s’appliquent « aux accords et pratiques qui sont susceptibles d’avoir des effets d’une certaine ampleur » 142. En vertu de ce même texte et de la jurisprudence de la Cour de cassation, « [l]’appréciation du caractère sensible dépend des circonstances de chaque espèce, et notamment de la nature de l’accord ou de la pratique, de la nature des produits concernés et de la position de marché des entreprises en cause »143.
147. Les lignes directrices précitées précisent que, pour apprécier une possible affectation du commerce entre États membres quand la position dominante ne couvre pas tout le territoire d’un État membre, il convient de regarder si le territoire couvert concerne une partie substantielle du marché commun, et si la pratique rend plus difficile aux concurrents d’autres États membres l’accès au marché sur lequel l’entreprise est dominante144. En revanche, toujours selon les lignes directrices, « il est possible que le commerce ne soit pas susceptible d’être sensiblement affecté si l’abus est purement local »145.
148. Compte tenu du fait que la pratique est géographiquement limitée à un territoire local et ultramarin et qu’elle ne concerne qu’une part infime du marché national (moins de 0,5 %), le commerce entre États membres ne peut pas être affecté de façon sensible146.
149. En conséquence, le droit de l’Union n’est pas applicable au cas d’espèce. Les lignes directrices de la Commission européenne et la jurisprudence de la Cour de justice constituent néanmoins une grille d’analyse utile.
C. SUR LE BIEN-FONDE DES GRIEFS NOTIFIES
150. Seront successivement examinés le marché pertinent (1.), la position de CPTL-AG sur ce marché (2.), les pratiques discriminatoires (3.) et la pratique relative aux prix excessifs (4.) qui lui sont reprochées.
1. SUR LA DELIMITATION DES MARCHES PERTINENTS
a) Rappel des principes
151. L’application de l’article L. 420-2 du code de commerce, qui prohibe les pratiques d’abus de position dominante, requiert, à titre liminaire, que le marché pertinent soit précisément défini. En effet, « la définition adéquate du marché pertinent est une condition nécessaire et préalable au jugement porté sur un comportement prétendument anticoncurrentiel, puisque, avant d’établir l’existence d’un abus de position dominante, il faut établir l’existence d’une position dominante sur un marché donné, ce qui suppose que ce marché ait été préalablement délimité »147.
152. Dans sa Communication sur la définition du marché en cause, auxquelles se réfèrent la pratique décisionnelle et la jurisprudence nationales148, la Commission rappelle qu’« un marché de produits en cause comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés »149. L’appréciation de la substituabilité se fait généralement du côté de la demande, « facteur de discipline le plus immédiat et le plus efficace vis-à-vis des fournisseurs d’un produit donné »150, mais elle peut également tenir compte de la substituabilité du côté de l’offre151.
153. Suivant la même approche, l’Autorité estime que « Le marché, au sens où l’entend le droit de la concurrence, est défini comme le lieu sur lequel se rencontrent l’offre et la demande pour un produit ou un service spécifique. (…) Une substituabilité parfaite entre produits ou services s’observant rarement, le Conseil regarde comme substituables, et comme se trouvant sur un même marché les produits ou services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les considèrent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande »152.
154. Dans sa dimension géographique, le marché est constitué par « le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans l’offre des biens et des services en cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être distingué de zones géographiques voisines parce que, en particulier, les conditions de concurrence y diffèrent de manière appréciable »153.
b) Application au cas d’espèce
Le marché de la commercialisation des prestations de contrôle technique des poids lourds
155. Dans sa décision n° 12-D-13, l’Autorité a retenu l’existence d’un marché de la commercialisation de prestations de contrôle technique des poids lourds154.
156. Même s’il présente des similarités avec le contrôle technique des véhicules légers (caractère réglementé et technique, objet du contrôle), le contrôle technique des poids lourds s’en distingue en raison (i) de la qualification de son personnel (points de contrôle et formations spécifiques), (ii) des infrastructures (taille des bâtiments, fosse notamment) et du matériel (gueuses155 par exemple) spécialement requis pour le contrôle technique de ces véhicules, et enfin (iii) de sa clientèle, essentiellement professionnelle (BtoB) (entreprises de transport, entrepreneurs individuels, entreprises de BTP, etc.).
157. Les prestations de contrôle technique de poids lourds comprennent à la fois le contrôle technique et les éventuelles contre-visites, lesquelles peuvent être effectuées dans un centre différent de celui où a eu lieu le contrôle technique, sous réserve de présenter le procès-verbal du premier contrôle156. Une contre-visite n’a lieu que lorsqu’un défaut est identifié lors du contrôle technique. Entre 2010 et 2018, la société CTPL-AG était la seule à pouvoir réaliser à la fois le contrôle technique et les contre-visites pour les poids lourds en Guadeloupe.
158. À l’instar du marché du contrôle technique des véhicules légers, l’Autorité a également pu considérer que le marché géographique du contrôle technique des poids lourds constitue un marché local dont l’étendue « varie en fonction de la densité de l'offre et des axes de circulation »157. Dans sa décision n° 12-D-13 précitée, l’Autorité avait notamment estimé que « la clientèle des centres de contrôle est quasi exclusivement locale », le marché géographique étant délimité par un rayon de 20 à 50 kilomètres autour du centre de contrôle technique pertinent158.
159. Dans son avis n° 18-A-05, l’Autorité a par ailleurs considéré que la Guadeloupe et les îles qui lui sont rattachées, à savoir Marie-Galante, la Désirade et les Saintes, Saint-Martin, et Saint Barthélémy, pouvaient raisonnablement être considérées comme un marché géographique pertinent159.
160. Aucun élément du dossier ne justifie de remettre cette délimitation en cause.
161. Il convient donc de retenir le marché pertinent du contrôle technique des poids lourds en Guadeloupe et dans les îles qui lui sont rattachées.
Le marché de la présentation au contrôle technique de poids lourds
162. Les éléments au dossier indiquent qu’il est possible de retenir l’existence d’un marché de la présentation au contrôle technique de poids lourds, sur lequel sont présents les centres de contrôle et de vérification obligatoires d’appareils (chronotachygraphe, extincteurs, éthylotests) et les garages de poids lourds. Pour les mêmes raisons que pour le marché des prestations de contrôle technique, la Guadeloupe et ses îles proches peuvent raisonnablement être considérées comme un marché géographique pertinent.
163. Il n’est pas nécessaire de définir plus précisément ce marché. Il convient seulement de relever que le marché de la préparation au contrôle technique de poids lourds ainsi défini est un marché connexe de celui des prestations de contrôle technique.
2. SUR LA POSITION DOMINANTE DE CTPL-AG
a) Rappel des principes
164. Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne, reprise par l’Autorité, la position dominante est définie comme une « position de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs »160.
165. L’existence d’une position dominante peut résulter de plusieurs facteurs qui, pris isolément, ne seraient pas nécessairement déterminants161.
166. Parmi ces facteurs, l’existence de parts de marché d’une grande ampleur est hautement significative162. Selon la jurisprudence de la Cour de justice, une part de marché de 50 % constitue par elle-même, et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l’existence d’une position dominante163.
167. D’autres indices que les parts de marché sont pris en compte dans la détermination de la position dominante, tels par exemple, l’existence de barrières à l’entrée ou de barrières à l’expansion, et la puissance d’achat compensatrice des clients164.
168. D’après la jurisprudence, tant européenne que nationale, une entreprise dominante sur un marché donné peut se voir reprocher un abus dont les effets affectent d’autres marchés, sans qu’il soit besoin de démontrer une position dominante sur ces autres marchés, dès lors que son comportement a un lien de causalité avec sa position dominante et que le marché sur lequel celle-ci est détenue et ceux sur lesquels l’abus déploie ses effets revêtent un caractère de connexité suffisant165.
b) Application au cas d’espèce
169. Il résulte des éléments du dossier que comme il est mentionné au paragraphe 16 supra, la société CTPL-AG était en situation de monopole du 23 mars 2010 jusqu’au 30 septembre 2018 sur le marché pertinent.
170. Il existait par ailleurs des barrières à l’entrée non négligeables sur ce marché, tenant en particulier à l’obligation, pour un centre désirant s’installer, de disposer d’une surface de 5 000 m², sur des territoires restreints où le foncier commercial disponible est rare, ainsi que l’ont souligné certains opérateurs166.
171. La difficulté d’entrée sur le marché guadeloupéen s’est illustrée par la tentative manquée de GCTPL, entre 2010 et 2013 (voir supra paragraphe 49), d’ouvrir un centre de contrôle de technique de poids lourds sur un site proche du centre de l’île, faute précisément de pouvoir y disposer de la surface nécessaire167.
172. L’arrivée de deux nouveaux concurrents en 2018 et 2020 ne remet pas en cause cette analyse dans la mesure où ces arrivées étaient improbables au regard des barrières à l’entrée évoquées précédemment ainsi que des faibles volumes offerts par le marché guadeloupéen168. En outre, de l’aveu même de l’un des nouveaux arrivants, son entrée sur ce marché résulte d’un concours de circonstances exceptionnel169.
173. Il résulte de ce qui précède que la société CTPL-AG a exploité le seul centre de contrôle technique agréé en Guadeloupe, de mars 2010 à fin septembre 2018. Elle était de ce fait en monopole durant la période des faits reprochés sur le marché du contrôle technique des poids lourds en Guadeloupe, et accessoirement sur les îles Saint-Martin, Saint Barthélémy et Marie Galante, la Désirade et les Saintes.
3. SUR LE GRIEF N° 1 RELATIF AUX PRATIQUES DISCRIMINATOIRES
174. Il est reproché à CTPL-AG, au titre du grief n° 1, d’avoir abusé de sa position dominante sur le marché guadeloupéen du contrôle technique des poids lourds, en mettant en œuvre un ensemble de pratiques discriminatoires ayant eu une incidence négative sur le coût (réductions de prix et délais de paiements) et la qualité (délais de prise de rendez-vous et modalités de facturation) des prestations réalisées par des opérateurs actifs sur le marché connexe de la présentation au contrôle technique des poids lourds.
175. Après une brève présentation du cadre juridique applicable (a), il conviendra d’examiner si les conditions d’une pratique discriminatoire sont réunies en l’espèce (b).
a) Rappel des principes
176. Quand elles sont le fait d’une entreprise en position dominante, les pratiques d’abus sont prohibées par l’article L. 420-2 du code de commerce, qui prévoit qu’« est prohibée (…) l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci ». Selon le même article, « Ces abus peuvent notamment consister (…) en conditions de vente discriminatoires (…) » (soulignement ajouté).
177. Cette interdiction trouve son pendant au c) du deuxième alinéa de l’article 102 du TFUE, qui précise que les pratiques abusives peuvent notamment consister à « appliquer à l’égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence » (soulignement ajouté).
178. Pour que le comportement discriminatoire d’une entreprise en position dominante constitue un abus de position dominante, il faut que celui-ci crée un désavantage dans la concurrence au détriment de l’opérateur discriminé. Ainsi un comportement discriminatoire est abusif s’il « tend à fausser ce rapport de concurrence, c’est-à-dire à entraver la position concurrentielle d’une partie des partenaires commerciaux de cette entreprise par rapport aux autres »170.
179. Il est possible, pour une entreprise dominante, de fournir une justification à un comportement susceptible d’être interdit par les articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce.
« Une telle entreprise peut démontrer, à cet effet, soit que son comportement est objectivement nécessaire (…), soit que l’effet d’éviction qu’il entraîne peut être contrebalancé, voire surpassé, par des avantages en termes d’efficacité qui profitent également aux consommateurs (…)171.
b) Application au cas d’espèce
180. Il convient d’examiner pour chaque pratique si (i) l’entreprise en position dominante a appliqué des conditions inégales à des prestations équivalentes, si (ii) cette discrimination a entraîné un désavantage dans la concurrence et enfin, si (iii) une telle pratique peut être objectivement justifiée.
Application de conditions inégales à des prestations équivalentes
181. Il convient d’analyser si CTPL-AG a appliqué à des prestations équivalentes des traitements différenciés, en termes de prix, de délais de rendez-vous, de délais de paiement et de modalités de facturation.
Équivalence des prestations
182. Les prestations de contrôle technique de poids lourds de CPTL-AG sont encadrées par l’arrêté de 2004 (voir supra, paragraphes 23 et suivants) et sont standardisées, comprenant un nombre de points de contrôle réglementaires. Ces prestations sont identiques, quels que soient les professionnels qui s’adressent à CTPL-AG.
183. Dès lors, l’ensemble des clients de CTPL-AG, transporteurs et préparateurs au contrôle technique (tels que SGC, MAC et STAG), bénéficient de prestations équivalentes de la part de cette dernière en tant que seul centre de contrôle technique de poids lourds de Guadeloupe, de 2010 à 2018.
Traitement différencié
184. Il convient d’examiner successivement les pratiques ayant concerné les prix, les délais de rendez-vous, les modalités de facturation et les délais de paiement.
• Discrimination tarifaire
185. À partir de juillet 2014, la remise « transporteurs », décrite supra aux paragraphes 85 et suivants, a pris fin pour tous les clients de CTPL-AG, à l’exception de la société STAG. En effet, comme exposé aux paragraphes 101 à 105, les conditions cumulatives pour obtenir la ristourne n’étaient susceptibles d’être remplies que par STAG, dès lors que, parmi les entreprises déjà « en compte » avec CTPL-AG (première condition), elle était la seule à réaliser plus de vingt contrôles techniques poids lourds tous les mois (deuxième condition).
186. Les pratiques tarifaires de la société CTPL-AG ont donc favorisé la société STAG par rapport au reste de ses clients, et ce, du 15 juillet 2014, date de la mise en place de ces conditions de remise « transporteurs », au 30 septembre 2018, date d’entrée d’un nouveau concurrent sur le marché (voir supra, paragraphe 107).
• Discrimination dans l’octroi de rendez-vous
187. Il résulte des constatations figurant aux paragraphes 124 à 127 que, depuis le début de son activité en novembre 2012, la société STAG et ses clients ont bénéficié, de la part de la société CTPL-AG, de conditions de rendez-vous pour les contrôles techniques de poids lourds plus favorables que celles réservées aux autres clients, pratique qui a duré au moins jusqu’à la date d’établissement du RAE, soit le 20 mars 2018.
• Discrimination relative aux modalités de facturation
188. Les éléments cités supra (voir paragraphes 133 et suivants) montrent que la société STAG a pu bénéficier de modalités de facturation lui permettant d’adresser à ses clients une facture unique pour l’ensemble des prestations dont ils bénéficiaient, contrairement à ses concurrents, contraints de gérer deux flux de facturation : l’un pour les prestations réalisées par CTPL-AG, l’autre pour celles réalisées par ledit concurrent.
189. Ce système de facturation permettait également à STAG de faire bénéficier ses clients de la remise dont elle était la seule à bénéficier et d’un délai de paiement à 30 jours.
190. Ces pratiques, favorisant STAG et ses clients, ont duré au moins de juillet 2014 (voir supra
paragraphes 133 à 138) à la date d’établissement du RAE soit le 20 mars 2018.
• Discrimination relative aux délais de paiement
191. CTPL-AG a fait bénéficier certains de ses clients de délais de paiement à 30 jours à compter de la date d’exécution de la prestation, alors que les autres clients, comme la société SGC par exemple, devaient payer comptant (voir supra paragraphe 129). Cette différence résultait du fait que cette facilité de paiement était réservée aux clients disposant d’un compte chez CTPL-AG. Or, comme indiqué supra (voir supra paragraphes 128 et suivants) cette dernière a restreint cette possibilité aux seuls clients inscrits avant 2013.
192. L’analyse d’un échantillon de factures démontre que les sociétés « en compte » ont réglé en moyenne dans un délai de 38,6 jours alors que les autres sociétés obligées de payer comptant ont payé dans un délai moyen de 1 jour (voir supra paragraphe 131). Réglant en moyenne ses factures dans un délai de 49 jours, STAG a par ailleurs bénéficié de délais significativement supérieurs à ceux dont bénéficiaient les autres sociétés « en compte » (voir supra
paragraphe 131).
193. Cette différence de traitement au regard des délais de paiement a duré de juillet 2014 jusqu’au moins le 30 septembre 2018, date d’entrée d’un nouveau concurrent sur le marché.
• Conclusion
194. Il résulte de ce qui précède que CTPL-AG a mis en œuvre un ensemble de pratiques discriminatoires pour des prestations équivalentes à l’égard de plusieurs de ses clients, lesquelles ont directement favorisé STAG, sa société sœur. Ces pratiques ont porté tant sur les éléments relatifs au coût des prestations (s’agissant du prix lui-même ou encore des délais de paiement), que sur d’autres paramètres de concurrence, tels que la qualité des prestations (délais de rendez-vous et modalités de facturation).
Désavantage dans la concurrence
195. Il convient d’analyser si les pratiques identifiées ci-dessus étaient de nature à créer un désavantage dans la concurrence, s’agissant tant des prix, que des délais de rendez-vous, des délais de paiement ou des modalités de facturation.
Discrimination tarifaire
196. Comme rappelé ci-dessus aux paragraphes 84 et suivants, à partir du 15 juillet 2014, seule la société STAG a pu bénéficier d’une réduction de prix par rapport au tarif de base. D’un niveau significatif, supérieur à la remise transporteur qui existait auparavant (voir supra paragraphes 85 et suivants), l’avantage tarifaire oscillait entre 20 et 30 % des sommes facturées (voir supra paragraphe 106), ce qui signifie que les tarifs du contrôle technique dont bénéficiaient la société SGC et les autres garagistes pour leurs clients étaient en pratique 25 à 43 % plus élevés que ceux dont bénéficiait leur concurrent STAG.
197. À partir du 15 juillet 2014, STAG a bénéficié de la part de CTPL-AG d’une réduction significative de prix dont ses concurrents étaient privés. Une telle réduction a permis à STAG de disposer d’un avantage concurrentiel important en termes de prix vis-à-vis de ses concurrents.
Discrimination relative à l’octroi de rendez-vous
198. Les éléments cités supra (voir paragraphes 124 et suivants) démontrent que STAG pouvait faire réaliser, pour le compte de ses clients, les prestations de contrôle dans un délai significativement plus court que ses concurrents.
199. Cette discrimination a eu pour effet de favoriser STAG au regard de ses concurrents, dès lors que le délai d’octroi de rendez-vous est susceptible d’impacter la coordination des différents contrôles devant être effectués sur le véhicule, influençant ainsi la durée d’immobilisation de ce dernier. À cet égard, dans le cadre de l’activité de préparation au contrôle technique, la réactivité des professionnels pour la réalisation de leur prestation constitue un élément déterminant du point de vue de leur client172. L’obtention par les concurrents de STAG de délais de rendez-vous plus longs que ceux accordés à STAG constitue donc un désavantage concurrentiel au détriment de ces derniers.
Discrimination relative aux délais de paiement
200. Comme rappelé ci-dessus aux paragraphes 128 et suivants, CTPL-AG a pu faire bénéficier STAG, dès sa création, de délais de paiement à 30 jours, et a refusé cette possibilité aux garagistes concurrents de STAG.
201. En pratique, cette discrimination conférait ainsi un attrait supplémentaire à l’offre proposée par STAG à ses clients173.
202. STAG a pu faire bénéficier ses clients des délais de paiement que lui a accordés CTPL-AG174. Si les concurrents de STAG avaient décidé de faire bénéficier leurs clients des mêmes délais de paiement, ils auraient dû financer eux-mêmes cette facilité, contrairement à STAG. Dès lors, cette discrimination, qui s’ajoutait à la discrimination tarifaire précédemment citée, a accentué le désavantage concurrentiel des concurrents de STAG.
Discrimination relative aux modalités de facturation
203. La possibilité pour STAG de se voir directement facturer les prestations de contrôle technique par CTPL-AG a eu pour conséquence de favoriser ses clients. Seule STAG pouvait ainsi proposer à ses clients de se voir facturer en une seule fois la préparation au contrôle technique et le contrôle technique lui-même (voir supra paragraphes 133 et suivants).
204. Cette pratique est susceptible d’avoir nui à l’attractivité des offres proposées par les concurrents de STAG, qui ne pouvaient pas proposer, contrairement à STAG, une prestation globale à leurs clients.
205. Cet avantage discriminatoire, uniquement octroyé aux clients de STAG, s’est ajouté aux autres avantages, accentuant encore le désavantage concurrentiel applicable aux prestations offertes par les concurrents de STAG.
Conséquences des discriminations sur la concurrence
206. Il résulte de ce qui précède que les discriminations liées au prix, à l’octroi de rendez-vous, aux délais de paiement ou encore aux modalités de facturation ont constitué un désavantage concurrentiel significatif au détriment des concurrents de la société STAG sur le marché de la préparation au contrôle technique, dont la société SGC. Ces discriminations ont altéré l’attractivité des prestations offertes par ces sociétés à leurs clients transporteurs, tant en termes de prix (bénéfice des remises et délais de paiement) qu’en termes de qualité (rapidité des contrôles et facilités de paiement unique). Elles étaient de nature à réduire les volumes de présentation au contrôle technique des concurrents de STAG, ce qui était susceptible d’entraver leur développement et de les priver d’éventuelles économies d’échelle. Il ressort d’ailleurs des données communiquées par CTPL-AG que si les concurrents de STAG ont, entre 2014 et 2018, réussi à maintenir leurs volumes de présentation de véhicules à CTPL-AG, voire même à les augmenter sur certaines années, les volumes de STAG ont augmenté dans des proportions bien plus significatives, et l’ont conduite à occuper un poids prépondérant dans la présentation au contrôle technique de CTPL-AG en provenance de garagistes.
Source : CTPL-AG175, traitement par les services d’instruction.
207. Ces données montrent également que tant les volumes réalisés par les concurrents de STAG que la part représentée par ces derniers dans l’activité de CTPL-AG ont diminué à partir de 2016, pour devenir progressivement marginaux.
Conclusion sur le désavantage dans la concurrence
208. Il résulte de ce qui précède que les discriminations infligées se sont cumulées pour affecter la position concurrentielle des concurrents de STAG sur le marché de la préparation au contrôle technique, en entravant leur capacité à proposer des prestations compétitives en termes de prix ou de qualité.
Justification objective
209. CTPL-AG n’a fourni aucun élément ni explication permettant de justifier objectivement les discriminations mises en œuvre.
c) Conclusion sur le grief n° 1
210. Il résulte de ce qui précède que les pratiques discriminatoires mises en œuvre, du 15 juillet 2014 au 30 septembre 2018, par la société CTPL-AG sur le marché des prestations de contrôle technique de poids lourds en Guadeloupe étaient de nature à créer un désavantage concurrentiel sur le marché de la présentation au contrôle technique au détriment des concurrents de sa société sœur, la société STAG. CTPL-AG s’est donc rendue responsable d’une pratique de discrimination abusive contraire à l’article L. 420-2 du code de commerce.
4. SUR LE GRIEF N° 2 RELATIF AUX PRIX EXCESSIFS
211. Il est reproché à CTPL-AG, au titre du grief n° 2, d’avoir abusé de sa position dominante sur le marché guadeloupéen du contrôle technique des poids lourds, en appliquant à l’ensemble de ses clients des tarifs manifestement excessifs au regard de la valeur du service correspondant et de ses coûts.
212. Après un rappel du cadre juridique applicable (a), il conviendra d’examiner si les éléments constitutifs d’une pratique de prix excessifs sont réunis en l’espèce (b).
a) Rappel des principes
213. Le premier alinéa de l’article L. 410-2 du code de commerce pose le principe général selon lequel « sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les prix des biens, produits et services (…) sont librement déterminés par le jeu de la concurrence ». L’existence d’une pression concurrentielle, au moins potentielle, est le corollaire de la liberté de fixation des prix par les entreprises.
214. Toutefois, certaines pratiques tarifaires sont susceptibles de relever de l’interdiction des abus de position dominante prévue par l’article L. 420-2 du code de commerce. En effet, l’énumération des pratiques prohibées figurant dans cet article n’étant pas limitative, d’autres abus, explicitement visés par l’article 102 TFUE, tels, notamment, l’imposition de prix de vente ou de conditions de transaction non équitables, sont également couverts par l’article L. 420-2 du code de commerce.
215. Ainsi, l’Autorité « peut, dans certaines circonstances, s’assurer, sur la base de l’article 8 (devenu L. 420-2 du code de commerce), que les prix pratiqués par une entreprise en position dominante ne sont pas manifestement abusifs ; (…) il en va notamment ainsi lorsqu’une entreprise détient un monopole qu’aucune autre entreprise n’est susceptible de venir contester et que le Gouvernement n’a pas réglementé les prix sur le fondement de l’article 1er (devenu l’article L. 410-2 du code de commerce) »176.
216. Pour apprécier le caractère excessif des prix appréhendés, l’Autorité retient la même analyse que celle développée par la Cour de justice, en considérant qu’« une pratique de prix abusivement élevés peut être établie s'il existe une disproportion manifeste entre ce prix et la valeur du service correspondant, et que cette disproportion ne s’appuie sur aucune justification économique (sur ces points, voir aussi, CJCE General Motors 13 novembre 1975 et CJCE 11 novembre 1986 British Leyland). S’il n’est pas possible d’établir cette disproportion par examen des coûts, la jurisprudence permet de recourir à une évaluation par comparaison avec les prix pratiqués par des entreprises placées dans des situations équivalentes (décision n° 05-D-15 du 13 avril 2005, point 9) » 177.
217. Dans l’arrêt United Brands, la Cour de justice a jugé que peut être inéquitable un prix « sans rapport raisonnable avec la valeur économique de la prestation fournie »178, ce caractère inéquitable pouvant être démontré « s'il existe une disproportion excessive entre le coût effectivement supporté et le prix effectivement réclamé et, dans l'affirmative, [en examinant] s'il y a imposition d'un prix inéquitable, soit au niveau absolu, soit par comparaison avec les produits concurrents »179.
218. Dans un arrêt AKKA/LAA, la Cour de justice a précisé, alors qu’elle était interrogée sur les conditions dans lesquelles un prix pouvait être regardé comme inéquitable au regard de la jurisprudence United Brands, qu’« il n’existe (…) pas de seuil minimal à partir duquel un tarif doit être qualifié de « sensiblement plus élevé », étant donné que les circonstances propres à chaque espèce sont déterminantes à cet égard. Ainsi, un écart entre des redevances pourra être qualifié de « sensible » s’il est significatif et persistant à la lumière des faits, en ce qui concerne, notamment, le marché en cause, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’examiner »180 et a ajouté que « cet écart doit persister pendant une certaine durée et non être temporaire ou épisodique »181.
219. Le caractère excessif des prix peut s’appréhender au regard des coûts et des capitaux engagés par l’opérateur en position dominante dans l’activité concernée, ou, ce qui revient au même, le caractère excessif des marges réalisées par cet opérateur dans l’activité concernée peut notamment s’apprécier au regard de la rentabilité attendue de l’activité concernée. Cette appréciation peut être réalisée au vu des seules données de l’entreprise concernée ou par comparaison avec les prix et marges réalisés par d’autres entreprises offrant les mêmes prestations et dans les mêmes conditions que l’entreprise mise en cause, selon les données disponibles. L’entreprise peut aussi fournir des justifications objectives pour légitimer l’éventuel caractère excessif de ses marges.
b) Application au cas d’espèce
220. Les services d’instruction ont analysé la situation propre de la société CTPL-AG. Cette analyse a pris en compte les explications fournies par CTPL-AG ainsi que d’autres facteurs liés aux coûts ou à la valeur économique des prestations concernées.
Analyse de la situation de CTPL-AG
221. Il résulte des constatations opérées aux paragraphes 60 et suivants que les tarifs pratiqués par la société CTPL-AG pour ses prestations de contrôle technique des poids lourds en Guadeloupe ont connu, en janvier 2013, des hausses significatives, et se sont maintenues jusqu’en septembre 2018 à des niveaux substantiellement plus élevés que durant la période antérieure (2012-2013) ou postérieure (depuis le 1er octobre 2018). Les graphiques figurant au paragraphe 71 illustrent l’augmentation importante des tarifs TCP et VM-TMA représentant, en volume, la grande majorité des tarifs pratiqués par l’opérateur, de 2013 à 2014, suivie d’un palier élevé de 2014 à 2018, jusqu’à la baisse consécutive à l’entrée d’un concurrent sur le marché.
222. Parallèlement, pendant cette période, le taux de résultat d’exploitation de CTPL-AG pour l’activité concernée, reconstitué par les services d’instruction, s’est accru, oscillant entre 28 % et 46 % (voir supra paragraphe 113).
223. Par ailleurs, malgré la faiblesse des capitaux engagés durant cette période (voir supra paragraphe 115), l’activité en cause a dégagé une rentabilité exceptionnelle (voir supra paragraphe 114).
224. L’examen des éléments du dossier fait donc apparaître une disproportion manifeste entre les tarifs d’une part, les coûts et les capitaux engagés dans l’activité de contrôle technique des poids lourds d’autre part, sur la période 2013-2018. Ni les explications apportées par CTPL-AG, ni aucun autre facteur susceptible d’affecter la valeur économique des prestations concernées ne permettent d’expliquer l’ampleur de cet écart.
S’agissant des explications de CTPL-AG relatives à l’évolution de ses coûts
225. Comme expliqué plus haut aux paragraphes 109 et 110, CTPL-AG a soutenu avoir dû augmenter ses tarifs en 2013, notamment en raison d’une augmentation de ses coûts. En effet à partir de 2012, CTPL-AG a commencé à payer un loyer important à la suite du crédit-bail obtenu auprès d’un établissement bancaire par la SCI familiale, propriétaire du terrain sur lequel CTPL-AG opère.
226. Mais ces explications ne suffisent pas à justifier l’ampleur de la déconnexion entre les tarifs, les coûts et les capitaux engagés. Elles ont en effet été prises en compte dans le compte de résultats reconstitué par les services d’instruction présenté supra (voir paragraphes 112 et suivants), lequel intègre l’ensemble du périmètre de revenus et de coûts en lien avec l’activité de contrôle technique de poids lourds en Guadeloupe de CTPL-AG. Or cette reconstitution du compte de résultats, non contestée par CTPL-AG, laisse apparaître, une fois déduits les coûts que constitue le loyer en question, des niveaux de marge conséquents (voir paragraphe 115 ci-dessus, et tableau n° 11).
S’agissant d’autres facteurs liés aux coûts ou à la valeur économique des prestations pour les poids lourds
227. Il convient également d’examiner les différents facteurs qui peuvent être liés aux coûts ou à la valeur économique des prestations.
228. En premier lieu, la société CTPL-AG fait état d’un seuil de rentabilité de son activité de contrôle technique poids lourds qui ne pourrait être atteint qu’en assurant le contrôle technique de 200 véhicules par mois, pour 27 000 euros de chiffre d’affaires : « le seuil optimal est de 200 véhicules par mois soit 27 000 euros de chiffre d’affaires et l’idéal serait d’en faire tous les mois 300, comme avant »182.
229. Selon le seuil évoqué par CTPL-AG, le chiffre d’affaires moyen réalisé sur un contrôle technique de poids lourds doit donc être au minimum de 135 euros par véhicule pour qu’il soit rentable. En l’espèce, et avec des volumes de l’ordre de 300 véhicules par mois entre 2015 et 2017183, le chiffre d’affaires moyen par véhicule était de 210 euros, soit un montant nettement supérieur au seuil de rentabilité défini par CTPL-AG. En 2020, pour un volume moyen de 175 véhicules par mois, le chiffre d’affaires moyen s’élevait encore à 138 euros.
230. CTPL-AG a d’ailleurs déclaré : « aujourd’hui à volume égal aux tarifs d’aujourd’hui nous pourrions être rentables. Ce qui rend la difficulté aujourd’hui c’est la perte en volume avec l’ouverture d’un autre centre »184.
231. En second lieu, l’intégration, dans les calculs de profitabilité et de rentabilité réalisés par les services d’instruction et présentés ci-avant, d’une rémunération raisonnable du capital ne modifie pas le constat de disproportion des tarifs.
232. En effet, ainsi que l’Autorité l’avait relevé dans son avis n° 18-A-05185, un taux de rémunération des capitaux propres de 11 % pour l’activité de contrôle technique des poids lourds en Guyane, territoire aux caractéristiques comparables à la Guadeloupe186, apparaissait favorable, compte tenu de l’absence de risque présenté par cette activité (clientèle captive, pas d’entrées sur le marché à redouter).
233. Or, en l’espèce, et même en considérant l’intégralité des capitaux propres de CTPL-AG – hypothèse favorable à cette dernière puisque cela suppose que la marge dégagée par l’activité poids lourds doit concourir à la rentabilité de l’activité de véhicules légers –, les marges nettes187 réalisées sur l’activité poids lourds ont considérablement excédé la rémunération évoquée dans l’avis susvisé, en particulier pour la période 2013-2018. En effet, durant cette dernière, la rémunération des capitaux propres a été près de quatre fois supérieure à celle, « favorable », de 11 %, comme retracé dans le tableau ci-dessous.
234. Dans l’hypothèse où l’on considère ce niveau de rémunération au regard des périodes antérieures et postérieures, les données disponibles font toujours état d’un excédent de rémunération par rapport à celle « favorable » de 11 %. Ainsi, et sur l’ensemble de la période (2008-2020), la marge nette cumulée de CTPL-AG a excédé celle nécessaire pour atteindre une rémunération annuelle de 11 % des capitaux propres. En outre, les marges dégagées pendant les exercices 2013 à 2018 sont de nature à permettre le financement non seulement des pertes générées en 2019-2020, mais aussi de pertes comparables générées pendant encore plus de dix années, tout en assurant une rémunération des capitaux propres – en considérant le niveau atteint en 2020 – de 11 % sur la totalité de la période.
Tableau n° 14 – Comparaison du résultat net réalisé par CTPL avec le seuil théorique de rémunération de 11% des capitaux propres évoqué dans l’avis n° 18-A-05
Poids lourds 2008 - 2012 2013-2018 2019-2020 Total 08-20 Total 13-30
11 % CP 101 790 419 421 166 818 688 029 1 426 777
RN 169 034 1 558 188 - 66 080 1 661 141 1 495 734
Source : CTPL-AG, traitement par les services d’instruction
Conclusion sur le niveau absolu des prix pratiqués par CTPL-AG
235. Il résulte de ce qui précède que le niveau absolu des prix pratiqués par CTPL-AG sur la période concernée doit être considéré comme inéquitable.
236. Les services d’instruction ayant également comparé la situation de la société CTPL-AG à celle d’autres opérateurs, l’Autorité examinera ces éléments à titre superfétatoire, bien que la démonstration précédente soit suffisante pour démontrer les prix abusifs.
Comparaison avec des situations comparables
237. Il apparaît à cet égard que le niveau des tarifs en question doit être considéré comme inéquitable par comparaison avec celui des services similaires pratiqués dans des situations similaires. En effet, les tarifs pratiqués par CTPL-AG, ainsi que ses taux de marge et de rentabilité apparaissent, pour la période 2013-2018, nettement plus élevés que ceux pratiqués dans des situations comparables – et notamment dans d’autres territoires insulaires ou isolés sur lesquels un seul opérateur était présent.
238. En premier lieu, la comparaison avec la Martinique apparaît particulièrement pertinente en raison de ses caractéristiques géographiques et de volumes d’activité comparables à ceux de la Guadeloupe188. Or, en Martinique, l’établissement secondaire de Dekra actif sur le contrôle technique de poids lourds a pratiqué des prix nettement inférieurs entre 2013 et 2018 à ceux de CTPL-AG, et en a retiré des taux de marge tout aussi éloignés (voir tableaux ci-après). Ces tarifs, en dépit d’un monopole de fait en Martinique, continuent même d’être inférieurs à ceux de CTPL-AG depuis 2018, sauf en ce qui concerne les contre-visites189.
Tableau n° 15 – Comparaison des tarifs et des marges de CTPL-AG en Guadeloupe et de Dekra en Martinique
Tarifs euros HT 2013 2014 2015 2016 2017 2018
TCP
Écart CTPL-AG/Dekra + 61 % ;
+ 126 % + 78 % ;
+ 125 %
+ 125 %
+ 125 %
+ 125 % + 20 % ;
+ 125 %
VM-TMA
Écart CTPL-AG/Dekra + 59 % ;
+ 143 % + 113 % ;
+ 165 %
+ 165 %
+ 165 %
+ 142 % + 30 % ;
+ 102 %
REX PL 2013 2014 2015 2016 2017 2018
Écart CTPL-AG/Dekra x 2,4 x 2,4 x 3,7 x 1,9 x 3,7 x 1,2
Source : CTPL-AG et DEKRA190, traitement par les services d’instruction
239. En deuxième lieu, s’agissant de la Guyane, MAM Auto indique que « les prix appliqués en Guyane étaient à peu près de 20% moins cher que ceux faits par CTPL-AG à l’époque en Guadeloupe »191.
240. L’examen des grilles tarifaires de MAM Auto tend à nuancer ces déclarations, mais il confirme, pour les véhicules à moteur de transport de marchandises un écart substantiel (+ 17,8 %) entre les tarifs pratiqués par CTPL-AG en Guadeloupe et par MAM en Guyane. Les tarifs appliqués entre 2016 et 2018 pour les transports en commun de personnes étaient quant à eux comparables à ceux de MAM. Il convient néanmoins de préciser que ces tarifs de MAM en Guyane avaient subi une augmentation brutale en 2016, qui avait conduit le Préfet de la Guyane à saisir la DGCCRF en 2017 d’une demande d’intervention au titre du deuxième alinéa de l’article L. 410-2 du code de commerce192. Par ailleurs, il convient de prendre en compte les différences de contexte économique, puisque le marché guyanais offre des volumes de près de 40 % inférieurs au marché guadeloupéen193.
241. En tout état de cause, il peut être relevé que les tarifs appliqués par MAM conduisent à des taux de marge plus de deux fois inférieurs à ceux de CTPL-AG (étant toutefois relevé que ces taux de marge correspondent à un début d’activité pour MAM, alors que les exercices concernés concernent davantage une phase de « maturité » pour CTPL-AG).
Tableau n° 16 – Comparaison des tarifs et des marges de CTPL-AG en Guadeloupe et de CTPL-AG en Guadeloupe MAM en Guyane
Tarifs euros HT 2016 2017 2018
TCP
Écart CTPL-AG/MAM + 1,5 % + 1,5 % + 1,5 %
VM-TMA
Écart CTPL-AG/MAM + 17,8 % + 17,8 % + 17,8 %
REX Poids Lourds 2016 2017 2018
Écart CTPL-AG/MAM n.d x 2,2 x 2,1
Source : CTPL-AG et MAM194, traitement par les services d’instruction
242. En troisième lieu, il est possible de comparer les tarifs de CTPL-AG et ceux pratiqués par Vivauto en Guadeloupe, même si la comparaison avec la situation d’un nouvel entrant doit être considérée avec précaution, dans la mesure où ses tarifs peuvent être inférieurs à ses coûts pour faciliter son entrée. Vivauto indique que « Notre centre fonctionne bien avec des ratios comparables aux activités métropolitaines. […] Un centre qui travaille normalement doit avoir un [bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement] entre 8 et 10 % et cela peut monter jusqu’à 15 %. Le risque financier lié à cette activité reste limité dans la mesure où les volumes sont garantis par les obligations réglementaires. L’enjeu réside alors dans le nombre de centres »195.
243. En l’espèce, les données communiquées par Vivauto suggèrent que le centre ouvert en Guadeloupe a réalisé une marge d’exploitation positive dès sa deuxième année d’exploitation196, et ce, en appliquant des tarifs comparables à ceux désormais en vigueur pour CTPL-AG.
244. Enfin, les performances de CTPL-AG apparaissent singulièrement plus élevées que celles par ailleurs observables pour l’activité de contrôle technique de poids lourds sur le territoire français.
245. Ainsi, et s’agissant de l’activité de contrôle technique de poids lourd de Vivauto en France, les éléments communiqués attestent de taux de marge significativement plus élevés pour CTPL-AG.
Tableau n° 17 – Comparaison des marges appliquées par Vivauto avec celles appliquées par CTPL-AG en Guadeloupe
REX poids lourds 2013 2014 2015 2016 2017 2018
Écart
CTPL-AG/Autovision France
x 34,5
x 413,6
x 26,1
n.a
n.a
n.a
Source : CTPL-AG et Vivauto197, traitement par les services d’instruction
246. Cette observation est aussi corroborée par les éléments communiqués par Dekra qui montrent que le taux de marge d’exploitation de son réseau français de contrôle technique de poids lourds est nettement plus faible sur la période litigieuse que celui de CTPL-AG pour l’activité poids lourds.
Tableau n° 18 – Comparaison des marges appliquées par Dekra en France avec celles appliquées par CTPL-AG en Guadeloupe
REX poids lourds 2013 2014 2015 2016 2017 2018
Écart CTPL-AG/Dekra total x 6,4 x 9,1 x 28,8 n.a n.a x 6,5
Source : CTPL-AG et Dekra198, traitement par les services d’instruction
Conclusion sur la pratique
247. En résumé, selon la société CTPL-AG elle-même, les baisses de tarifs intervenues entre 2010 et 2021 (en 2012 d’une part, en 2018 d’autre part) ont été mises en œuvre en réponse à la menace de l’entrée d’un nouveau concurrent (2012) ou à l’arrivée effective d’un nouveau concurrent (2018), soit en réponse à l’évolution concurrentielle du marché, et non en réponse à l’évolution de ses coûts.
248. À l’inverse, entre 2013 et 2018, les hausses de tarifs paraissent déconnectées de l’évolution des coûts, dans un contexte caractérisé par l’absence de concurrents, existants ou potentiels, sur le marché.
249. CTPL-AG a pu faire varier ses prix, notamment à la hausse sur la période 2013-2018, sans que cela n’affecte le volume de ses prestations, et ce, grâce au monopole de fait qu’elle détenait alors sur le marché du contrôle technique de poids lourds en Guadeloupe. Il aura fallu l’arrivée d’un nouveau concurrent en 2018 pour que l’entreprise perde une part significative de ses volumes, et ce, en dépit de baisses massives de prix jusqu’à un niveau inférieur à celui de son nouveau concurrent.
250. Ces tarifs, rendus possibles par le pouvoir de marché de CTPL-AG au détriment de ses clients, apparaissent sans rapport avec la prestation de service fournie, et ne peuvent pas non plus s’expliquer par la volonté de l’opérateur de constituer des marges de précaution en anticipation d’un éventuel choc sur son activité.
251. Enfin, la société CTPL-AG n’a pu justifier ces tarifs.
252. La société CTPL-AG s’est donc rendue responsable d’une pratique de prix excessivement élevés.
D. SUR LES SANCTIONS
1. REGLES APPLICABLES
253. Aux termes du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, l’Autorité peut infliger une sanction pécuniaire aux entreprises et aux organismes qui se livrent à des pratiques anticoncurrentielles interdites par l’article L. 420-2 du code de commerce. Ces sanctions « sont appréciées au regard de la gravité et de la durée de l’infraction, de la situation de l’association d’entreprises ou de l’entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l’entreprise appartient et de l’éventuelle réitération de pratiques (…) ». Elles sont « déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ».
254. Le quatrième alinéa du I du même article précise que : « [l]e montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre. Si les comptes de l'entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d'affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l'entreprise consolidante ou combinante »199.
255. Le III de l'article L. 464-2 du code de commerce dispose : « [l]orsqu'un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut lui soumettre une proposition de transaction fixant le montant minimal et le montant maximal de la sanction pécuniaire envisagée. Lorsque l'entreprise ou l'organisme s'engage à modifier son comportement, le rapporteur général peut en tenir compte dans sa proposition de transaction. Si, dans un délai fixé par le rapporteur général, l'organisme ou l'entreprise donne son accord à la proposition de transaction, le rapporteur général propose à l'Autorité de la concurrence, qui entend l'entreprise ou l'organisme et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d'un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire prévue au I dans les limites fixées par la transaction ».
256. Enfin, il résulte du point 37 du communiqué de procédure de l’Autorité du 21 décembre 2018, relatif à la procédure de transaction, que « (…) si les principes de détermination des sanctions pécuniaires dont s’inspire le communiqué du 16 mai 2011 de l’Autorité200 peuvent constituer un point de référence pertinent lorsque s’engage la discussion entre le rapporteur général et les entreprises en vue de la signature du procès- verbal de transaction, en revanche, la méthode de détermination des sanctions décrite dans ce communiqué n’a pas vocation à être mise en œuvre dans la décision du collège, qui prononce une sanction à l’intérieur de la fourchette fixée dans le procès-verbal de transaction ».
257. De même, la cour d’appel de Paris juge que le caractère négocié de la sanction prononcée dans le cadre d’une procédure de transaction rend inutile la mise en œuvre des étapes et critères exposés dans le communiqué sanctions. Par ailleurs, la mise en œuvre de cette procédure justifie la réalisation de gains procéduraux au moyen d’une motivation plus succincte de la décision, de sorte que l’Autorité n’est tenue d’indiquer que les éléments essentiels permettant d’apprécier l’individualisation de la sanction infligée et d’en justifier la proportionnalité201.
2. APPLICATION AU CAS D’ESPECE
a) Sur la gravité et la durée des pratiques
Sur la gravité
258. Comme rappelé supra (voir paragraphes 23 et suivants), l’activité de contrôle technique des poids lourds est réglementée, d’intérêt public et confiée à des acteurs privés sous le contrôle des autorités administratives. Cette activité repose sur l’obligation, faite aux poids lourds, de passer un contrôle technique annuel pour pouvoir circuler sur la voie publique, dans le but d’assurer la sécurité de tous les usagers de la route202. Les prestations de CTPL-AG, en situation de monopole de fait en Guadeloupe du 23 mars 2010 au 30 septembre 2018, étaient donc incontournables pour la clientèle des transporteurs routiers, totalement captive de cette société pour pouvoir utiliser leurs poids lourds.
259. La gravité des pratiques rappelées plus haut sera donc appréciée au regard de ce contexte particulier.
260. S’agissant de la pratique sanctionnée au titre du grief n° 1, il s’agit d’une pratique de discrimination qui a eu lieu sur un territoire où la concurrence était déjà atténuée, non seulement sur le marché du contrôle technique de poids lourds, mais aussi sur le marché amont de la préparation au contrôle technique. La société CTPL-AG a utilisé sa position de monopole de fait en Guadeloupe pour avantager la société STAG, une de ses sociétés sœurs, par des pratiques discriminatoires de nature à modifier artificiellement les conditions de concurrence sur ce marché amont. Ces pratiques ont ainsi favorisé cette société, en lui conférant un avantage concurrentiel significatif comparativement aux autres opérateurs actifs sur ce marché, ce qui a pu nuire au développement de ces opérateurs concurrents.
261. La pratique sanctionnée au titre du grief n° 2 consiste en des prix abusivement élevés pratiqués par CTPL-AG sur ses prestations de contrôle technique des poids lourds, auprès d’une clientèle captive.
262. Or la question du prix des prestations de contrôle technique constitue un enjeu important pour l’économie de la Guadeloupe ainsi qu’en atteste le projet des pouvoirs publics de les réguler, à la suite d’un signalement du préfet de Guyane, au titre du deuxième alinéa de l’article L. 410-2 du code de commerce. Quand bien même le projet de décret, analysé par l’Autorité dans son avis n° 18-A-05203 n’a finalement pas été adopté, le fait qu’il ait été envisagé démontre que la problématique du prix des prestations de contrôle technique des poids lourds n’est pas une question marginale.
263. Ainsi que cela a été démontré plus haut, cette politique tarifaire, non corrélée à l’évolution des coûts et des capitaux engagés par CTPL-AG dans son activité de contrôle des poids lourds, ni justifiée par la volonté de se constituer des marges dites de précaution, ne peut s’expliquer que par une volonté de maximisation des profits acquis dans le cadre de l’exercice d’un monopole.
264. La pratique apparaît d’autant plus grave qu’elle s’est produite au détriment d’une clientèle constituée en grande partie de transporteurs indépendants, à la tête de PME ne disposant que d’un seul véhicule.
265. La combinaison de cet abus avec la pratique de discrimination sanctionnée au titre du grief n° 1 a pu aussi en accentuer les effets sur les transporteurs qui ne sollicitaient pas la présentation de leurs véhicules auprès de la société STAG et ne bénéficiaient donc pas, indirectement, de la remise octroyée par CTPL-AG à sa société sœur.
266. Il résulte de ce qui précède que les pratiques revêtent une gravité certaine.
Sur la durée
267. La durée de l'infraction joue un rôle significatif dans la détermination du montant approprié de la sanction. Elle a en effet nécessairement un impact sur les conséquences potentielles de l'infraction sur le marché. Il est dès lors important que l'amende reflète également le nombre d'années pendant lesquelles l'entreprise a participé à l'infraction.
268. La durée retenue pour chacune des pratiques sanctionnées est la suivante :
Date de début Date de fin
Pratique sanctionnée au titre du grief n°1
15 juillet 2014
30 septembre 2018
Pratique sanctionnée au titre du grief n°2
1er janvier 2013
30 septembre 2018
269. Ainsi, il est avéré que les pratiques sanctionnées ont été mises en œuvre pendant la majeure partie de la période au cours de laquelle CTPL-AG était en situation de monopole. CTPL-AG n’a pas changé son comportement avant que, à la suite d’un concours de circonstances assez particulier rappelé plus haut au paragraphe 172, un nouvel opérateur fasse son entrée sur le marché.
b) Sur l’individualisation de la sanction
270. L’appréciation de la situation individuelle d’une entreprise permet à l’Autorité de la concurrence d’adapter la sanction en fonction de la capacité contributive des entreprises sanctionnées et du rôle qu’elles ont joué dans la mise en œuvre de la pratique en cause.
271. En l’espèce, il convient de prendre en considération le fait que CTPL-AG a des revenus limités, en particulier en dehors de son activité de contrôle technique de poids lourds. Pendant la période des pratiques, entre 86 % et 88 % du chiffre d’affaires de CTPL-AG était lié à l’activité de contrôle technique de poids lourds. En 2020, dernier exercice comptable disponible, cette part s’élevait à 62 %. Ces éléments sont de nature à justifier une adaptation à la baisse du montant de la sanction.
c) Conclusion sur le montant des sanctions pécuniaires
272. Au vu de l’ensemble de ces éléments et dans le respect des termes de la transaction, le montant de la sanction infligée à la société CTPL-AG est fixé à 25 000 euros.
273. Ce montant est inférieur au plafond légal de sanction prévu par le I de l’article L. 464-2 du code de commerce.
DÉCISION
Article 1er : Il est établi que la société CONTRÔLE TECHNIQUE POIDS LOURDS - ANTILLES GUYANE (RCS n° 508 158 493, Point-à-Pitre) a, en qualité d’auteure, enfreint les dispositions de l’article L. 420-2 du code de commerce au titre de pratiques discriminatoires.
Article 2 : Il est établi que la société CONTRÔLE TECHNIQUE POIDS LOURDS - ANTILLES GUYANE (RCS n° 508 158 493, Point-à-Pitre) a, en qualité d’auteure, enfreint les dispositions de l’article L. 420-2 du code de commerce au titre de tarifs manifestement excessifs.
Article 3 : Il est infligé à la société CONTRÔLE TECHNIQUE POIDS LOURDS - ANTILLES GUYANE (RCS n° 508 158 493, Point-à-Pitre), au titre des pratiques visées aux articles 1 et 2, une sanction pécuniaire de 25 000 euros.
NOTES :
1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.
2 Cotes 7 et 8.
3 Lettre de saisine du 14 novembre 2019, cotes 7 et 8.
4 Cotes 9 et suivantes.
5 Rapport administratif d’enquête (RAE) du 20 mars 2018, cotes 9 et suivantes.
6 Cotes 3 et 4.
7 Cotes 2 et 4.
8 Directive 2014/54/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 relative au contrôle technique périodique des véhicules à moteur et de leurs remorques, et abrogeant la directive 2009/40/CE, JOUE L 127, pp. 51-128.
9 Article 7 de la Directive 2014/45/UE du 3 avril 2014.
10 PV d’audition de CTPL-AG du 22 juin 2016, cotes 793 à 799.
11 Avis n° 18-A-05 du 7 mai 2018 concernant un projet de décret relatif au prix des prestations de contrôle technique pour les poids lourds en outre-mer.
12 PV d’audition de Vivauto PL du 27 août 2020, cote 1 370.
13 Cote 1 434.
14 PV d’audition de STMG du 23 février 2021, cote 1 460.
15 Article 7 de l’arrêté du 27 juillet 2004 relatif au contrôle technique des véhicules lourds (voir infra Cadre juridique du secteur, paragraphe 23).
16 PV d’audition de STMG du 23 février 2021, cote 1 461 et PV d’audition de VIVAUTO PL du 27 août 2020,
cote 1 370.
17 Arrêté du Ministère de l’équipement, des transports, de l’aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, du 27 juillet 2004 relatif au contrôle technique des véhicules lourds, JORF n° 0207 du 05 septembre 2004, texte n° 21.
18 Article 22 de l’arrêté du 27 juillet 2004 précité.
19 Article R. 323-8 du code de la route.
20 Statuts CTPL-AG du 12 septembre 2008, cotes 1 213 et suivantes, Statuts CTPL-AG du 25 juillet 2013, cotes 113 et suivantes.
21 https://autosecuritas.fr/public/articles/about-us.
22 PV d’audition de CTPL-AG du 24 février 2021, cote 1 436.
23 PV d’audition de la DEAL du 23 février 2021, cote 1 473 et PV d’audition de CTPL-AG du 24 février 2021, cote 1 438.
24 Réponse de CTPL-AG du 17 novembre 2021, cotes 1 504 à 1 506.
25 Date à partir de laquelle CTPL-AG a communiqué des données permettant de distinguer les contre-visites.
26 Voir annexe 1 – onglet « Volumes et prix ». La moyenne des contrôles techniques correspond à la somme de la moyenne en Guadeloupe (3661) et dans les îles (340).
27 Voir annexe 1 – onglet « Volumes et prix ».
28 États financiers CTPL-AG comptes 706001, 706002 et 706003 (cotes 1 583, 1593, 1 606, 1 616, 1 628,1 640, 1 653, 1 665, 1 680, 1 691, 1 701 – voir annexe 1 – onglet « CR_CTPL-AG PL »).
29 PV d’audition de SGC du 4 décembre 2014, cote 1 115 et du 25 février 2021, cote 1 429.
30 PV d’audition de SGC du 25 février 2021, cote 1 429.
31 Plainte de SGC, cotes 1 147 et suivantes.
32 Ibid, cotes 1150 et 1151.
33 PV AGE STAG du 11 avril 2018, cotes 2 976 et suivantes et PV AGO STAG du 29 janvier 2019, cotes 2 994 et suivantes.
34 Statuts STAG du 7 juin 2010, cotes 1 226 et suivantes, Statuts STAG du 19 avril 2011, cotes 1 110 et suivantes.
35 Courrier de STAG du 5 octobre 2017, cote 1 144 ; cote 20.
36 PV d’audition de STAG du 4 novembre 2014, cote 968 et suivantes.
37 Article 2 « objet de la société » des statuts de GCTPL, cote 3 013.
38 Avis de la DEAL du 6 février 2013 sur la demande de GCTPL, cote 2 955.
39 PV d’audition de SOCATRANS, cote 1 482.
40 PV d’audition de la SCI Bureau, cote 3 290.
41 Ibid, cote 3 289.
42 Réponse de MAM Auto GPE, cote 2 905.
43 Cotes 1501 à 1503.
44 Véhicule à moteur.
45 Transport de marchandises.
46 Transport en commun de personnes.
47 Véhicule remorqué.
48 Transport de matières dangereuses.
49 Cotes 129, 1 447 et 1 529 à 1 534.
50 Le tarif TTC (comprenant une TVA à 8,5 % et une redevance OTC de 0,28 euro) hors remise transporteur s’élève à 200 euros (cote 129). Il s’en déduit un tarif HT d’environ 184 euros obtenu selon l’opération suivante : (200 / 1,085) - 0,28.
51 Cotes 129 et 1 529 à 1 534.
52 Cotes 129, 1 532 et 1 533.
53 Cotes 129, 1 532 et 1 533.
54 Voir paragraphes 46 à 48.
55 Cotes 1 533 et 1 534.
56 Cotes 1 395 et 3 351-3 352.
57 Cotes 1 529, 1 530, 1 531, 129, 1 532, 1 533, 800, 801 et 1 534.
58 Ibid.
59 Cotes 1 501 à 1 503.
60 Pour lequel, en l’absence de grille, il existe une incertitude de savoir si les tarifs applicables en 2010 le sont toujours en 2011 ou non.
61 Cotes 129 et 1 529-1 534.
62 Cotes 1 533 et 1 534.
63 Cotes 1 395 et 3 351-3 352.
64 Cotes 1 501 à 1 503.
65 Cotes 1 502 et 3 500.
66 Tarifs CTPL-AG dans les îles au 15 juillet 2014 (cote 1 533), 1er février 2016 (cote 800), 3 mars 2016 (cote 801), 1er octobre 2018 (cote 1 534). Les grilles tarifaires communiquées en décembre 2021 par CTPL-AG relatives aux contrôles techniques dans les îles pour la période 2010 à 2021 ne faisant apparaître que des montants TTC et ne correspondant pas aux autres montants figurant dans les grilles transmises tout au long de l’instruction, seules sont utilisées les cotes précitées.
67 Cotes 800, 801, 1 447, 1 533
68 Cote 1 502.
69 PV d’audition de CTPL-AG du 24 février 2021, cote 1 434.
70 Cote 1 462.
71 La remise commence à être mentionnée dans la grille applicable à partir de début mars 2010 (cote 1 530).
72 Montant cohérent avec les déclarations de CTPL-AG (cote 26).
73 Et non en janvier 2012 comme indiqué par CTPL-AG dans sa réponse de 2017, cote 977.
74 Grille tarifaire applicable au 1er janvier 2013, cote 129 et tables des tarifs au 1er janvier 2013 reconstituée par la BIE, cote 29 et courriel de CTPL-AG du 3 octobre 2017, cote 977, « C'est en Janvier 2012, que la remise transporteur s'élevait à 20% pour les visites techniques et pour les contres visites ».
75 Courrier de CTPL-AG du 1er juillet 2016, cote 840.
76 PV d’audition de CTPL-AG du 24 février 2021, cote 1 439.
77 PV d’audition de CTPL-AG du 24 février 2021, cote 1 439.
78 Réponse de CTPL-AG du 17 novembre 2021, annexe 1, cotes 1 518 et 1 542.
79 PV d’audition de CTPL-AG du 24 février 2021, cote 1 434.
80 Ibid, cote 1435.
81 Maintenance Assistance Camions (MAC), société ayant pour activité la réparation de machines et équipements mécaniques en Guadeloupe, client « en compte » de CTPL-AG jusqu’à 2013.
82 Réponse de CTPL-AG du 13 décembre 2021, cote 2 521.
83 PV d’audition de SGC du 23 octobre 2015, cote 1 196.
84 RAE, cotes 59 et 60.
85 Grille tarifaire applicable au 15 mai 2014, PV d’audition de CTPL-AG du 6 novembre 2014, cote 127.
86 Plainte de SGC, cotes 1 147 et suivantes.
87 Ibid, cotes 1 150 et 1 151.
88 Réponse de CTPL-AG du 13 décembre 2021, cote 2 520.
89 Société Antillaise Commerciale et Industrielle (SACI) dont l’activité consiste en du commerce de gros d’équipements automobiles.
90 Ibid, cote 2 521.
91 Ibid, cote 2 521.
92 Pièces jointes au PV de CTPL-AG du 06 novembre 2014, cote 126.
93 Grille des tarifs applicables au 3 mars 2016, annexée au PV de CTPL-AG du 22 juin 2016, cote 801.
94 Plainte de SGC du 10 juin 2014, cote 1 209.
95 PV de CTPL-AG du 22 juin 2016, cote 795.
96 PV de CTPL-AG du 22 juin 2016, cote 795.
97 Ibid.
98 Extrait de l’article 4 des CGV pour le contrôle technique des véhicules lourds, cote 807 et version applicable au 13 décembre 2021, cote 2 535. Caractères gras ajoutés.
99 Ibid, cote 797.
100 Cotes 3 507 et 3 508.
101 Cotes 1 461 et 1 462
102 Cotes 707, 708 et 43
103 Ibid, cote 794.
104 Ibid cote 794.
105 PV CTPL-AG du 6 novembre 2014, cotes 512 à 514.
106 Cotes 1 434 et 1439-1440.
107 PV d’audition de CTPL-AG du 24 février 2021, cote 1 435.
108 Cote 840.
109 Cote 840.
110 Pour cela, les états financiers de CTPL-AG permettent de retrouver le chiffre d’affaires en lien avec l’activité de contrôle technique de poids lourds. Certaines charges d’exploitation (cotes 1606, 1616, 1628, 1640, 1653,1665, 1680, 1691, 1701 ; cotes 1601, 1612, 1624, 1636, 1649, 1661, 1676, 1687, 1697 ; cote 3306 et cotes 1 918 à 2 046) de CTPL-AG ont ensuite été retraitées, afin d’exclure les coûts ne rentrant manifestement pas dans le périmètre d’activité des poids lourds et de tenir compte de la mutualisation des ressources entre l’activité poids lourds et véhicules légers.
111 Hors 2008-2009, années d’exploitation sans chiffre d’affaires.
112 L’excédent brut d’exploitation (ci-après « EBE ») est la marge dégagée par une entreprise après paiement de ses fournisseurs (achats), de ses salariés (charges de personnel), et des impôts (hors impôt sur le résultat) et taxes. Elle tient aussi compte d’éventuelles subventions.
113 Le résultat d’exploitation (ci-après « REX ») est calculé essentiellement en déduisant de l’EBE les dotations aux amortissements et provisions.
114 L’ampleur de la perte nette en 2012 s’explique par l’opération de crédit-bail et la moins-value réalisée à l’occasion de la vente des actifs concernés.
115 Cotes 1 583, 1 593, 1 606, 1 616, 1 628, 1 640, 1 653, 1 665, 1 680, 1 691, 1 701 et 2 062-2 068.
116 Calculé en l’espèce comme le ratio entre le résultat d’exploitation et les capitaux engagés.
117 Le besoin en fonds de roulement (ci-après « BFR ») se calcule à partir des stocks, des créances clients et des dettes d’exploitation. Il correspond à l’avance en trésorerie réalisée pour constituer et maintenir le cycle de production.
118 Cotes 1 583, 1 593, 1 606, 1 616, 1 628, 1 640, 1 653, 1 665, 1 680, 1 691, 1 701 et 2 062-2 068.
119 Les montants négatifs relèvent seulement du signe négatif des capitaux engagés et ne traduisent pas une rentabilité négative.
120 Cotes 1 583, 1 593, 1 606, 1 616, 1 628, 1 640, 1 653, 1 665, 1 680, 1 691, 1 701 et 2 062-2 068.
121 Avis n° 18-A-05 précité, paragraphe 64.
122 Cote 1 436.
123 PV d’audition de SGC du 23 octobre 2015, cote 1 196.
124 PV d’audition de SGC du 21 juin 2016, cote 1 210.
125 PV d’audition de STAG du 23 juin 2016, cote 1 125.
126 PV anonyme du 21 juin 2016, cotes 1 341 et 1 342.
127 Syndicat des transporteurs de marchandises de la Guadeloupe.
128 PV d’audition de STMG du 23 juin 2016, cote 1 270.
129 PV d’audition de CTPL-AG du 22 juin 2016, cotes 794 à 797. Il est également à noter que la faculté de réservation en ligne évoquée dans les conditions générales de vente de CTPL-AG n’est accessible qu’aux véhicules légers, et non aux poids lourds (soulignement ajouté).
130 CGV pour le contrôle technique des véhicules lourds (cotes 97 et 98), identique à la version applicable au 11 décembre 2020 (cote 2 535) (soulignement ajouté).
131 PV d’audition de SGC du 21 juin 2016, cote 1 209.
132 PV de CTPL-AG du 22 juin 2016, cotes 794 à 797.
133 PV de CTPL-AG du 3 novembre 2014, cote 95.
134 PV de CTPL-AG du 6 novembre 2014, cotes 131 à 764, voir liste détaillée cote 109.
135 CTPL-AG est censée avoir fermé le compte de MAC avant 2013, les factures de ce dernier font pour la moitié apparaître la mention « en compte ». Dans les faits, il peut néanmoins être constaté que des délais de paiement sont accordés à la société MAC.
136 PV de CTPL-AG du 22 juin 2016, cote 794.
137 PV de STAG du 23 juin 2016 cotes 1 123 et suivantes.
138 PV de CTPL-AG du 6 novembre 2014, cote 109.
139 Ibid, cote 1 124.
141 Cotes 3 588 à 3 591.
142 Communication de la Commission, Lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité (devenus les articles 101 et 102 du TFUE), JOCE C 101/81, 27 avril 2004 (ci-après, les « Lignes directrices relatives à l’affectation du commerce »), point 44.
143 Voir point n° 44 des lignes directrices relatives à l’affectation du commerce. Voir également sur ce point, arrêt de la Cour de cassation du 20 janvier 2015, Chevron Products Company, Total Outre-mer, Total Réunion, Esso SAF, n° V 13-16.745, R 13-16.764, S 13-16.765, Y 13-16.955, page 13.
144 Lignes directrices relatives à l’affectation du commerce, point 97.
145 Lignes directrices relatives à l’affectation du commerce, point 99.
146 Voir avis n° 18-A-05, précité, paragraphe 29.
147 Arrêt du Tribunal du 6 juillet 2000, Volkswagen AG/Commission, T-62/98, point 320. Voir également arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 septembre 2013, Roland Vlaemynck Tisseur, n° 2012/08948.
148 Voir, par exemple, arrêt de la cour d’appel de Paris du 17 septembre 2014, SA La Montagne, n° 12/10322.
149 Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (97/C 372/03), point 7.
150 Ibid, point 13.
151 Ibid, point 14.
152 Voir, notamment, décision n° 10-D-13 du 15 avril 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la manutention pour le transport de conteneurs au port du Havre, paragraphe 220 ; décision n° 10-D-19 de l’Autorité de la concurrence du 24 juin 2010 relative à des pratiques mises en œuvre sur les marchés de la fourniture de gaz, des installations de chauffage et de la gestion de réseaux de chaleur et de chaufferies collectives, paragraphes 158 et 159 ; arrêt de la cour d’appel de Paris du 20 janvier 2011, Perrigault, n° 2010/08165.
153 Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence, précitée, paragraphe 8.
154 Décision n° 12-D-13 du 15 mai 2012 relative à une saisine de la société Desriac et du syndicat national du contrôle technique automobile concernant des pratiques mises en œuvre sur le marché du contrôle technique des véhicules lourds, point 52 et avis n° 97-A-23 du 15 octobre 1997 relatif au projet de regroupement des activités de gestionnaire de réseaux de contrôle technique automobile de la société MAAF Assurances et de l'association DEKRA e.V.
155 Pour que le contrôle technique s’effectue dans des conditions satisfaisantes, le poids lourd doit être chargé au moins aux deux tiers de son poids total roulant autorisé (PTRA) ; afin d’atteindre ce poids optimal, les transporteurs chargent les véhicules avec des poids, appelés « gueuses ».
156 Voir avis n° 18-A-05, paragraphe 29.
157 Décision n° 12-D-13 du 15 mai 2012 relative à une saisine de la société Desriac et du syndicat national du contrôle technique automobile concernant des pratiques mises en œuvre sur le marché du contrôle technique des véhicules lourds, points 52 et 53, et avis n° 97-A-23 du 15 octobre 1997 relatif au projet de regroupement des activités de gestionnaire de réseaux de contrôle technique automobile de la société MAAF Assurances et de l'association DEKRA e.V.
158 Décision n° 12-D-13 du 15 mai 2012 relative à une saisine de la société Desriac et du syndicat national du contrôle technique automobile concernant des pratiques mises en œuvre sur le marché du contrôle technique des véhicules lourds, points 53 et 105.
159 Ibid, paragraphe 55.
160 Arrêt de la Cour de justice du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continental BV/Commission, 27/76, point 65 ; arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 décembre 2017, TDF, n° 16/15499, point 59.
161 Arrêt de la Cour de justice du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continental BV/Commission, 27/76, point 72 ; arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 décembre 2017, TDF, n° 16/15499, point 59 (confirmé par la Cour de cassation dans un arrêt du 16 septembre 2020, n° 18-11.034).
162 Arrêts du Tribunal du 12 décembre 1991, Hilti/Commission, T-30/89, point 90 ; et du 25 juin 2010, Imperial Chemical Industries/Commission, T-66/01, points 255 et 256 ; arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 décembre 2017, TDF, n° 16/15499, point 54.
163 Arrêt de la Cour de justice du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C-62/86, point 60 ; arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 décembre 2017, TDF, n° 16/15499, point 54.
164 Arrêt du Tribunal du 7 octobre 1999, Irish Sugar/Commission, T-228/97, points 97 à 104.
165 Voir décision n° 19-D-26 du 19 décembre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la publicité en ligne liée aux recherches, paragraphe 439, confirmé par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 7 avril 2022, Google, n° 20/03811. Voir également arrêt de la Cour de justice du 6 mars 1974, Istituto Chemioterapico Italiano et Commercial Solvents/Commission, 6/73 et 7/73, point 22 ; arrêt de la Cour de justice du 3 octobre 1985, CBEM, 311/84, point 26 ; arrêt du Tribunal du 17 décembre 2003, British Airways/Commission, T-219/99, point 91 ; arrêt de la cour d’appel de Paris du 22 février 2005, JC Decaux, rendu sur recours formé contre la décision du Conseil de la concurrence n° 04-D-32 du 8 juillet 2004.
166 PV d’audition de SOCATRANS, cote 1 484.
167 PV d’audition de la SCI Bureau, cotes 3 288 et suivantes.
168 Voir cotes 1 371, 1 423 et 1 436.
169 L’ouverture d’un établissement de Vivauto PL en Guadeloupe s’explique par le fait qu’il s’agit d’un établissement secondaire du réseau Vivauto PL, ainsi que par le fait que Vivauto PL a pu acquérir le foncier de la direction régionale précédemment en charge du contrôle technique de poids lourds. Voir cote 1 370.
170 Arrêts de la Cour de justice du 15 mars 2007, British Airways/Commission, C-95/04 P, points 143 et 144 ; du 19 avril 2018, MEO – Serviços de Comunicações e Multimedia SA, C-295/17, point 25.
171 Voir, en ce sens, l’arrêt de la Cour de justice dans l’affaire C-209/10, Post Danmark A/S contre Konkurrencerådet, EU:C:2012:172, paragraphes 40 à 42.
172 PV d’audition de MAM Auto du 26 février 2021, cote 1 422.
173 PV d’audition de STAG du 23 juin 2016, cote 1 124.
174 Voir supra paragraphe 135 et suivants.
175 Cote 3 441.
176 Autorité de la concurrence, décision n° 09-D-24 du 28 juillet 2009 relative à des pratiques mises en œuvre par France Télécom sur différents marchés de services de communications électroniques fixes dans les DOM paragraphe168 ; voir aussi Conseil de la concurrence, décision n° 00-D-27 du 13 juin 2000 maison d’arrêt d’Osny ; décision n° 03-D-18 du 10 avril 2003 relative à une saisine de la société GLEM, §15 ; décision n° 05-D-15 du 13 avril 2005 relative à une saisine de la société Regal Pat contre la société Électricité de Strasbourg, paragraphe 8.
177 Autorité de la concurrence, décision n° 09-D-24 du 28 juillet 2009 relative à des pratiques mises en œuvre par France Télécom sur différents marchés de services de communications électroniques fixes dans les DOM paragraphe 169, soulignements ajoutés.
178 CJUE, 14 février 1978, United Brands précité, 27/75, point 250.
179 Ibid, point 252, soulignement ajouté.
180 CJUE, 14 septembre 2017, Autortiesību un komunicēšanās konsultāciju aģentūra - Latvijas Autoru apvienība c/ Konkurences padome, Aff. C-177/16, point 55.
181 Ibid, point 56.
182 Cote 1 440.
183 Les données disponibles ne permettent pas de reconstituer avec précision les chiffres d’affaires moyens en dehors de cette période. D’une part, et s’agissant des données de chiffre d’affaires par segments (poids lourds, véhicules légers) communiqués par CTPL-AG (cotes 1502 et 1503), elles apparaissent significativement déconnectées des montants de chiffre d’affaires apparaissant dans les états financiers et ne peuvent dès lors servir de base de calcul (en utilisant par ailleurs les volumes fournis par CTPL-AG, cotes 1 501 et 1 502). D’autre part, les volumes communiqués le sont sur une base annuelle et sans distinction du type de clientèle (notamment bénéficiant ou non d’une remise), de sorte que le chiffre d’affaires moyen ne peut être estimé que sur les exercices pendant lesquels aucune modification tarifaire n’a eu lieu et pour les grilles sans remises.
184 Cote 1 440.
185 Avis n° 18-A-05 du 7 mai 2018 concernant un projet de décret relatif au prix des prestations de contrôle technique pour les poids lourds en outre-mer
186 Le taux de rentabilité interne (TRI) de 7 % doit en principe être fixé de façon à couvrir le coût moyen pondéré du capital. En l’espèce, l’Autorité a relevé (paragraphe 80 de l’avis n° 18-A-05 précité) que le coût des emprunts est estimé à 6,1 %, soit un taux net 4,4 %. En tenant compte du dégrèvement de l’impôt sur les sociétés et du poids de l’endettement dans les capitaux engagés (60 %), un TRI de 7 % équivaut à rémunérer les capitaux propres à hauteur de 11 %.
187 Estimées à partir des marges d’exploitation calculées ci-avant, et en allouant au prorata du CA poids lourds les résultats financiers, exceptionnelles et autres charges (impôts, etc.) restantes. Par ailleurs, et pour l’année 2012, la perte exceptionnelle (170 152 euros) constatée à l’occasion de la cession des actifs construits (dans le cadre du contrat de crédit-bail) est intégralement allouée à l’activité PL.
188 Voir sur ce point avis n° 18-A-05 précité, paragraphe 64.
189 Cote 2 749.
190 Cote 2 749.
191 Cote 1 423.
192 Avis n° 18-A-05 précité, paragraphes 48 et 49.
193 Ibid, paragraphe 64.
194 Cotes 2 830 et 2 840-2 899.
195 Cote 1 372.
196 Cote 3 344.
197 Cote 3 344.
198 Cote 2 750.
199 L’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021 n’a pas modifié cette disposition.
200 Communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires.
201 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 13 juin 2019, Alcyon SA, n° 18/20229, points 83 à 85.
202 Article L. 311-1 du code de la route.
203 Avis n° 18-A-05 du 7 mai 2018 concernant un projet de décret relatif au prix des prestations de contrôle technique pour les poids lourds en outre-mer, paragraphes 48 et 49.