Cass. com., 22 juin 2022, n° 20-11.846
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
M. Blanc
Avocat général :
Mme Gueguen
Avocats :
SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel
Reprise d'instance
1. Il est donné acte à MM. [N], [F] et [E] [P] et Mme [K] [P] (les consorts [P]) de ce qu'ils reprennent l'instance en leurs qualités d'héritiers de [J] [P], décédée le [Date décès 10] 2019 ;
Désistement partiel
2. Il est donné acte à la société Océa du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [W], la société [W] et associés et les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles.
Faits et procédure
3. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 mai 2018), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 14 avril 2015, pourvoi n° 14-10.951), le 26 juin 1996, dans le cadre d'une opération de défiscalisation qui leur avait été présentée par la société Financière du cèdre, M. [N] [P] et [J] [P] ont acquis de la société Réalisations économiques et industrielles (la société REI) des quirats d'un navire construit par la société Océa.
4. L'administration fiscale leur ayant refusé le bénéfice de la réduction d'impôt qu'ils escomptaient de cette opération, au motif que le navire ne remplissait pas les conditions d'éligibilité au dispositif fiscal concerné, M. [N] [P] et [J] [P] ont assigné les sociétés Océa, REI et Financière du cèdre en annulation de la vente et en indemnisation.
Examen des moyens
Sur les moyens du pourvoi principal, le premier moyen, pris en sa première branche, et les deuxième et troisième moyens du pourvoi incident, ci-après annexés
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, du pourvoi incident, en ce qu'il reproche à l'arrêt de rejeter la demande de M. et Mme [P] de condamnation des sociétés Financière du cèdre et REI à leur payer la somme de 15 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance
6. Les motifs critiqués par le moyen n'étant pas le soutien du chef de dispositif rejetant la demande de M. et Mme [P] de condamnation des sociétés Financière du cèdre et REI à leur payer la somme de 15 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance, le moyen est inopérant.
Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi incident, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes de M. et Mme [P] d'annulation de l'acte d'acquisition des quirats et de condamnation des sociétés Financière du cèdre et REI à leur payer les sommes de 160 071,46 euros au titre de la restitution des sommes investies et de 21 215,44 euros au titre des frais de souscription du prêt bancaire et de son remboursement
Enoncé du moyen
7. Les consorts [P] font grief à l'arrêt de rejeter les demandes de M. et Mme [P] d'annulation de l'acte d'acquisition des quirats et de condamnation des sociétés Financière du cèdre et REI à leur payer les sommes de 160 071,46 euros au titre de la restitution des sommes investies et de 21 215,44 euros au titre des frais de souscription du prêt bancaire et de son remboursement, alors « que l'erreur est un vice du consentement entraînant la nullité du contrat ; qu'en ne recherchant pas, comme cela lui était demandé dans les conclusions d'appel de M. et Mme [P], si leur consentement n'avait pas été surpris par erreur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1109 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1108, 1109 et 1110 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
8. Il résulte de ces textes que l'erreur qui tombe sur la substance même de la chose qui est l'objet de la convention est une cause de nullité de celle-ci.
9. Les parties peuvent convenir, expressément ou tacitement, que le fait que le bien, objet d'une vente, remplisse les conditions d'éligibilité à un dispositif de défiscalisation constitue une qualité substantielle de ce bien.
10. Pour rejeter la demande d'annulation de la vente des quirats formée par M. et Mme [P], l'arrêt se borne à énoncer que les éléments relatifs à la déduction fiscale figurent sur la plaquette de présentation, dont il n'est pas établi qu'elle émane de la société REI et qui comporte uniquement le logo de la société Financière du cèdre, de sorte que l'existence de manoeuvres dolosives dont la société REI serait l'auteur ou auxquelles elle aurait participé n'est pas caractérisée.
11. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'éligibilité des quirats au dispositif de défiscalisation en cause ne constituait pas une qualité substantielle du bien vendu, convenue par les parties et en considération de laquelle elles avaient contracté, de sorte que, dès lors qu'il aurait été exclu, avant même la conclusion du contrat, que ce bien permît d'obtenir l'avantage fiscal escompté, le consentement de M. et Mme [P] aurait été donné par erreur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Portée et conséquences de la cassation
12. En application de l'article 131-1 du code de procédure civile, il y a lieu d'ordonner une mesure de médiation judiciaire, à laquelle les parties représentées ont donné leur accord, et de surseoir à statuer, jusqu'à l'issue de cette mesure, sur la question du renvoi de l'affaire devant une cour d'appel pour qu'il soit statué sur les points restant à juger à la suite de la cassation partielle de l'arrêt attaqué.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief du pourvoi incident, la Cour :
REJETTE le pourvoi principal ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. et Mme [P] d'annulation de l'acte d'acquisition des quirats et de condamnation des sociétés Financière du cèdre et REI à leur payer les sommes de 160 071,46 euros et de 21 215,44 euros au titre des frais de souscription du prêt bancaire et de son remboursement, l'arrêt rendu le 15 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Ordonne une médiation ;
Désigne en qualité de médiateur :
M. [X] [S]
Adresse : [Adresse 4]
Téléphone : [XXXXXXXX01]
Courriel : [Courriel 12]
Dit que le médiateur, connaissance prise du dossier, devra convoquer les parties et leurs conseils dans les meilleurs délais afin de les entendre et leur permettre de trouver une solution amiable au litige qui les oppose ;
Fixe la durée de la médiation à 3 mois à compter de la première réunion entre le médiateur et les parties et dit que la mission pourra être renouvelée une fois, pour la même durée, à la demande du médiateur ;
Rappelle qu'en application des articles 131-2, 131-9 et 131-10 du code de procédure civile, la médiation ne dessaisit pas le juge qui, dans le cadre du contrôle de la mesure, peut être saisi de toute difficulté et mettre fin à la mission du médiateur à l'initiative de ce dernier, sur demande d'une partie ou d'office lorsque le bon déroulement de la médiation apparaît compromis ou lorsqu'elle est devenue sans objet ;
Dit qu'à l'expiration de sa mission, le médiateur devra informer le juge de l'accord intervenu entre les parties ou de l'échec de la mesure et présenter une demande de taxation de ses honoraires ;
Dit qu'en cas d'accord, les parties pourront saisir le juge d'une demande d'homologation de cet accord par voie judiciaire ;
Fixe la provision à valoir sur la rémunération du médiateur à la somme de 3 000 euros HT, qui sera versée pour un tiers par les consorts [P], pour un tiers par la société Financière du cèdre et pour un tiers par la société Ocea, directement entre les mains du médiateur au plus tard le jour de la première réunion ;
Dit que, faute de versement de la provision dans ce délai, la désignation du médiateur sera caduque, sauf pour les parties à solliciter un relevé de caducité ;
Sursoit à statuer, dans l'attente de l'issue de la mesure de médiation, sur la question du renvoi de l'affaire devant une cour d'appel pour qu'il soit statué sur les points restant à juger à la suite de la cassation partielle de l'arrêt attaqué ;
Réserve les dépens et les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de
l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société Océa.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Financière du Cèdre, in solidum avec la société Réalisations Economiques et Industrielles, à payer à M. et Mme [P] une somme de 113.588,60 euros au titre du remboursement des pénalités, ainsi qu'au titre de la perte de chance de bénéficier des dispositions fiscales de la loi dite « Pons » et d'AVOIR condamné la société Océa, in solidum avec la société Marigot Shipping Company et MM. [O] et [D], à garantir la société Financière du Cèdre à hauteur de 80 % des condamnations prononcées à son encontre ;
AUX MOTIFS QUE la société Financière du Cèdre expose que la société Réalisations Economiques et Industrielles lui avait confié, comme à d'autres sociétés, la commercialisation de parts de copropriété du navire « Green Bird » ; qu'à cette fin, elle lui avait remis une plaquette de présentation faisant valoir que les souscripteurs bénéficieraient des avantages fiscaux de la loi « Pons » permettant de déduire du résultat imposable l'intégralité de l'investissement ; qu'à cette plaquette de présentation était jointe une étude financière « Pons » ; qu'il est constant que tant la plaquette de présentation que l'étude financière avaient été remises aux époux [P] par la société Financière du Cèdre, le logo de cette dernière figurant sur chacun de ces documents et l'étude financière comportant la mention « produit agréé par la Financière du Cèdre » ; que pour condamner la société Financière du Cèdre et la société Réalisations Economiques et Industrielles à des dommages-intérêts sur un fondement délictuel, les premiers juges ont considéré que la société Réalisations Economiques et Industrielles avait commis une faute en affirmant de façon mensongère que l'opération litigieuse répondait aux exigences de la loi « Pons » et que la société Financière du Cèdre, débitrice d'une obligation de conseil, devait s'assurer de la vérité des informations qui se trouvaient sur ce document, sa responsabilité ne pouvant être écartée par le seul fait qu'elle ne serait pas à l'origine du projet litigieux ; qu'il n'est pas contesté que les époux [P] n'ont été en contact qu'avec la société Financière du Cèdre qui commercialisait le produit et que c'est au vu des documents remis par celle-ci qu'ils ont décidé l'achat des quirats du navire « Green Bird » ; qu'or, les documents qui leur ont été remis, l'ont été avec le logo « La Financière du Cèdre – La Force d'un Patrimoine » et les mentions « produit agréé par la Finacière du Cèdre » puis « votre conseiller : [V] [U] » ; qu'il s'ensuit que c'est en qualité de conseiller en patrimoine que la société Financière du Cèdre a proposé aux époux [P] l'investissement litigieux et que la mention selon laquelle ce produit était agréé par elle pouvait laisser légitimement croire qu'elle avait étudié le sérieux et la pertinence de celui-ci, ainsi que la réalité des possibilités de déduction fiscale ; que la société Financière du Cèdre soutient ne pas avoir commis de faute, mais s'être laissée abuser par la société Océa et la société Réalisations Economiques et Industrielles, d'autant que la présence sur la plaquette d'un notaire, n'ayant formulé la moindre réserve, pouvait laisser croire que le projet était sécurisé et que l'opération était à l'abri de tout reproche ; qu'elle fait valoir que l'erreur de montage ne peut lui être incriminée, qu'elle s'est limitée à des démarches de commercialisation d'un produit déjà mis en place par ses créateurs et qu'elle ne pourrait se voir imputer une faute que si l'irrégularité du montage avait été à l'époque évidente et n'aurait pas dû échapper à sa vigilance, que le redressement fiscal a pour origine l'inexactitude des éléments de fait invoqués par les concepteurs, dissimulés par des falsifications non décelables à l'époque ; qu'elle ajoute que, plus précisément, l'avantage fiscal était subordonné à l'existence du navire à la date du 31 décembre 1995 ou au paiement d'au moins 50 % du prix à cette date ; qu'elle indique que le procès-verbal de recette de la société Océa du 26 décembre 1995 semblait démontrer l'existence du navire au 31 décembre 1995 et par voie de conséquence le respect à ce titre du régime de principe de défiscalisation et que, par ailleurs, les attestations de la société Océa des 17 décembre 1995 et 20 septembre 1996 confirmaient que le prix du navire avait été payé pour plus de moitié avant le 31 décembre 1995 ; qu'elle fait valoir que, pour fonder le redressement, l'administration fiscale a dû mettre en oeuvre des investigations extrêmement poussées, notamment faire usage de ses pouvoirs et prérogatives sous la forme de son droit de communication à l'encontre des tiers, ce qui a pu mettre en évidence que le bateau n'avait aucune existence au 31 décembre 1995, que le prix d'acquisition n'avait pas été payé pour 50 % à la même date et qu'il avait été livré uniquement dans le courant de l'année 1997 ; qu'elle affirme être le mandataire des initiateurs de cette opération, d'abord la société Réalisations Economiques et Industrielles, puis la société Marigot Shipping Company et qu'en cette qualité, il y a lieu de l'exonérer de toute responsabilité ; qu'il résulte de l'article 1135 ancien du code civil que les conventions obligent non seulement à ce qui est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature ; que c'est sur ce fondement qu'en sa qualité de conseil en patrimoine, la société Financière du Cèdre, qui a perçu de la part des époux [P] une commission sur l'investissement effectué, était débitrice à leur égard d'une obligation de conseil ; qu'en l'espèce, les documents remis par la société Océa n'ont fait de sa part l'objet d'aucune vérification, alors qu'il s'agissait d'un investissement important, l'existence d'un procès-verbal de recette et des attestations émanant de la société Océa à propos de laquelle elle ne disposait pas de renseignements précis ne suffisant pas à démontrer qu'elle a rempli son devoir de conseil, alors pourtant que sur la plaquette il était précisé que le produit commercialisé est agréé par elle, ce qui suppose l'existence de vérifications ; que la société Financière du Cèdre fait valoir que l'action litigieuse reposait sur une fraude imputable à son mandant, sans que celle-ci puisse lui être personnellement reprochée ; que cependant, l'apposition du logo de la société Financière du Cèdre, ainsi que la mention « produit agréé par la Financière du Cèdre » sont de nature à faire croire aux investisseurs que pour qu'un agrément puisse être ainsi donné, celle-ci avait effectué des investigations nécessaires à la sécurité de l'opération, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce, la société Financière du Cèdre ne s'étant jamais rendue sur place pour contrôler la réalité de la construction du navire, ne s'étant pas fait remettre les contrats passés avec les constructeurs, ni la preuve des paiements intervenus et, de façon générale, n'ayant pas contrôlé que les conditions nécessaires à l'octroi des avantages fiscaux aient été réalisées ; qu'il s'ensuit que la société Financière du Cèdre a engagé sa responsabilité contractuelle au titre de son manquement à son devoir de conseil ; que les époux [P] demandent la restitution des sommes investies soit 160.071,46 euros, les frais exposés pour la souscription du prêt bancaire d'un montant de 21.215,44 euros, une somme de 151.208 euros au titre des redressements fiscaux, ainsi qu'un préjudice moral de 15.000 euros ; que leur demande en nullité de la convention ayant été rejetée, il n'y a pas lieu de faire droit à la restitution des sommes investies, ainsi qu'à la restitution des frais exposés pour la souscription du prêt bancaire ; que c'est à juste titre que les époux [P] font valoir qu'ils n'auraient pas investi dans des parts de navire si celles-ci ne présentaient pas des avantages fiscaux ; qu'à ce titre, ils exposent qu'ils auraient pu, si le montage critiqué ne s'était pas avéré frauduleux, faire une économie totale d'impôt d'un montant de 151.208 euros ; que les redressements fiscaux contiennent à la fois des sommes dues à titre principal pour absence de déductibilité ainsi que des majorations, étant précisé que les pénalités au titre de l'année 1996 s'élèvent à 19.449 euros et au titre des années suivantes à 6.361 euros ; qu'ainsi les époux [P] ont perdu une chance si leur investissement ne s'était pas révélé être frauduleux, de bénéficier des dispositions de la loi « Pons » et de réaliser une économie d'impôt ; qu'ils auraient également échappé aux majorations et pénalités ; qu'en conséquence, sachant que l'économie escomptée aurait été au maximum de 125.398 euros et que ce type d'opération n'est pas exempt d'aléa, leur préjudice sera retenu à hauteur de 25.810 euros correspondant aux majorations et pénalités, ainsi qu'à une somme de 87.778,60 euros, correspondant à 60 % de la somme de 125.398 euros, au titre de la perte d'une chance de bénéficier de déductions fiscales, soit au total 113.588,60 euros ; que la société Financière du Cèdre ainsi que la société Réalisations Economiques et Industrielles ayant toutes deux concouru au dommage subi par les époux [P], il convient donc, infirmant le jugement, de les condamner in solidum au paiement de cette somme ; que la société Financière du Cèdre demande la condamnation in solidum de la société Océa, de la société Marigot Shipping Company et de MM. [O] et [D] à la garantir de toute condamnation pouvant intervenir à son encontre ; qu'elle fait valoir que les concepteurs de l'opération étaient la société Réalisations Economiques et Industrielles, la société Marigot Shipping Company, MM. [O] et [D] et que ceux-ci ne pouvaient ignorer que le bateau n'existait pas et n'avait même pas été réellement payé pour 50 % de la valeur à la date du 31 décembre 1995 ; qu'elle souligne qu'ils auraient dû s'apercevoir que les documents de la société Océa étaient inexacts et leur reproche de les avoir utilisés délibérément pour faire croire au sérieux et à la fiabilité de l'opération de défiscalisation ; que par ailleurs, la société Financière du Cèdre indique que la société Océa était non seulement le constructeur d'un navire, mais qu'elle était impliquée dès l'origine dans l'opération critiquée, puisqu'elle a participé à la construction d'un autre navire « Makaira », pour des opérations de défiscalisation, ainsi qu'il résulte d'un courrier de la société Océa du 18 novembre 1997 ; que la société Financière du Cèdre verse également aux débats un jugement du tribunal de grande instance de Rouen du 7 novembre 2011 et un jugement du tribunal de grande instance des Sables d'Olonne du 14 décembre 2012 condamnant la société Océa pour la délivrance d'attestations de complaisance relatives à d'autres navires, destinées à permettre le dégrèvement fiscal escompté par des acheteurs de quirats, mais dont l'absence de réalité a été démontrée, dans d'autres dossiers et pour d'autres opérations de défiscalisation, par l'administration fiscale ; que c'est donc la délivrance de pièces inexactes qui a permis le montage fictif et qui a accrédité dans l'esprit de la société Financière du Cèdre, comme dans celle des investisseurs, le principe d'une opération qui semblait en apparence régulière et permettait des avantages fiscaux, mais dont la réalité était différente ; qu'il s'ensuit que la société Océa a commis une faute en fournissant de fausses indications ; et que cette faute est en lien direct avec le préjudice subi par les époux [P], de sorte que sa responsabilité se trouve engagée ; qu'en première instance, la société Réalisations Economiques et Industrielles, la société Marigot Shipping Company, MM. [O] et [D] et la société Océa ont été condamnés à garantir la société Financière du Cèdre à hauteur de 80 % des condamnations prononcées à son encontre ; que ceux-ci n'ont pas conclu devant la présente cour, de sorte qu'aucun élément ne permet d'écarter ou d'atténuer leur responsabilité en tant que constructeur du navire ayant fourni de fausses indications et attestations, ainsi qu'en qualité de concepteur du projet frauduleux ; que chacune des parties ayant concouru au dommage, il y a lieu de les condamner in solidum à garantir la société Financière du Cèdre des condamnations prononcées à son encontre, étant précisé cependant qu'il convient de retenir que la société Financière du Cèdre a commis elle-même, en sa qualité d'intermédiaire, des fautes de négligence, de sorte que c'est à juste titre que les premiers juges n'ont condamné la société Marigot Shipping Company, MM. [O] et [D] et la société Océa à garantir la société Financière du Cèdre qu'à hauteur de 80 % des condamnations prononcées à son encontre ;
1°) ALORS QU'un conseiller en gestion de patrimoine ne peut être tenu d'indemniser son client de la perte d'un avantage fiscal auquel il n'avait pas légalement droit que s'il est établi que, sans la faute qui lui est imputée, un tel avantage ou un avantage équivalent aurait pu être obtenu ; qu'en affirmant, pour condamner la société Financière du Cèdre à payer aux époux [P] 60 % du montant des déductions fiscales reprises par l'administration fiscale et qui étaient attachées à l'opération de défiscalisation qui leur avait été proposée dans le cadre de la loi « Pons », que les investisseurs avaient perdu une chance de bénéficier des dispositions de la loi « Pons », sans rechercher si, mieux informés de ce que les conditions d'éligibilité à cette opération de défiscalisation n'étaient pas remplies, les époux [P], qui avaient eux-mêmes affirmé qu'ils ne se seraient pas engagés dans l'investissement litigieux, auraient pu se tourner vers un autre investissement qui leur aurait procuré un avantage fiscal au moins équivalent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1147 du code civil ;
2°) ALORS QU'une perte financière ne constitue pas un préjudice dès lors qu'elle a pour contrepartie un avantage patrimonial ou financier venu la compenser ; qu'en considérant que les époux [P] devaient se voir allouer une somme de 113.588,60 euros en réparation des préjudices qui seraient résultés du paiement des majorations et pénalités mises à leur charge (à hauteur de 25.810 euros) et de la perte d'une chance de bénéficier des avantages fiscaux qu'ils escomptaient (à hauteur de 87.778,60 euros), sans prendre en compte les avantages qu'ils avaient tirés de l'opération qui s'évinçaient de ses constatations d'où il résultait qu'ils avaient acquis au prix de 1.000.000 francs 20 quirats de la copropriété du navire « Green Bird » dont le prix de vente avait été fixé à 28.000.000 francs, ce dont il s'évinçait que la valeur des quirats en leur possession, d'un montant de 152.449 euros, était venue compenser les pertes financières dont ils sollicitaient la réparation et faire ainsi disparaître ou réduire le préjudice financier dont ils auraient pu obtenir l'indemnisation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1147 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société Océa, in solidum avec la société Marigot Shipping Company et MM. [O] et [D], à garantir la société Financière du Cèdre à hauteur de 80 % des condamnations prononcées à son encontre ;
AUX MOTIFS QUE la société Financière du Cèdre demande la condamnation in solidum de la société Océa, de la société Marigot Shipping Company et de MM. [O] et [D] à la garantir de toute condamnation pouvant intervenir à son encontre ; qu'elle fait valoir que les concepteurs de l'opération étaient la société Réalisations Economiques et Industrielles, la société Marigot Shipping Company, MM. [O] et [D] et que ceux-ci ne pouvaient ignorer que le bateau n'existait pas et n'avait même pas été réellement payé pour 50 % de la valeur à la date du 31 décembre 1995 ; qu'elle souligne qu'ils auraient dû s'apercevoir que les documents de la société Océa étaient inexacts et leur reproche de les avoir utilisés délibérément pour faire croire au sérieux et à la fiabilité de l'opération de défiscalisation ; que par ailleurs, la société Financière du Cèdre indique que la société Océa était non seulement le constructeur d'un navire, mais qu'elle était impliquée dès l'origine dans l'opération critiquée, puisqu'elle a participé à la construction d'un autre navire « Makaira », pour des opérations de défiscalisation, ainsi qu'il résulte d'un courrier de la société Océa du 18 novembre 1997 ; que la société Financière du Cèdre verse également aux débats un jugement du tribunal de grande instance de Rouen du 7 novembre 2011 et un jugement du tribunal de grande instance des Sables d'Olonne du 14 décembre 2012 condamnant la société Océa pour la délivrance d'attestations de complaisance relatives à d'autres navires, destinées à permettre le dégrèvement fiscal escompté par des acheteurs de quirats, mais dont l'absence de réalité a été démontrée, dans d'autres dossiers et pour d'autres opérations de défiscalisation, par l'administration fiscale ; que c'est donc la délivrance de pièces inexactes qui a permis le montage fictif et qui a accrédité dans l'esprit de la société Financière du Cèdre, comme dans celle des investisseurs, le principe d'une opération qui semblait en apparence régulière et permettait des avantages fiscaux, mais dont la réalité était différente ; qu'il s'ensuit que la société Océa a commis une faute en fournissant de fausses indications ; et que cette faute est en lien direct avec le préjudice subi par les époux [P], de sorte que sa responsabilité se trouve engagée ; qu'en première instance, la société Réalisations Economiques et Industrielles, la société Marigot Shipping Company, MM. [O] et [D] et la société Océa ont été condamnés à garantir la société Financière du Cèdre à hauteur de 80 % des condamnations prononcées à son encontre ; que ceux-ci n'ont pas conclu devant la présente cour, de sorte qu'aucun élément ne permet d'écarter ou d'atténuer leur responsabilité en tant que constructeur du navire ayant fourni de fausses indications et attestations, ainsi qu'en qualité de concepteur du projet frauduleux ; que chacune des parties ayant concouru au dommage, il y a lieu de les condamner in solidum à garantir la société Financière du Cèdre des condamnations prononcées à son encontre, étant précisé cependant qu'il convient de retenir que la société Financière du Cèdre a commis elle-même, en sa qualité d'intermédiaire, des fautes de négligence, de sorte que c'est à juste titre que les premiers juges n'ont condamné la société Marigot Shipping Company, MM. [O] et [D] et la société Océa à garantir la société Financière du Cèdre qu'à hauteur de 80 % des condamnations prononcées à son encontre ;
1°) ALORS QUE la « recette » d'un navire, qui entraîne en principe le transfert de propriété du navire à l'armateur après que sa navigabilité a été éprouvée, ne vaut pas achèvement complet et livraison définitive du navire qui n'interviennent qu'après que l'armateur a procédé à des vérifications à l'usage permettant de s'assurer des performances contractuelles attendues du navire ; qu'en considérant que le procès-verbal de « recette » du navire « Green Bird » délivré le 26 décembre 1995 par la société Océa à la société Réalisations Industrielles et Economiques, armateur, était inexact en ce qu'il aurait laissé croire que le navire avait été complètement achevé et définitivement livré avant le 1er janvier 1996, quand cette « recette », fondée sur ce que, après essais en mer, « la jauge et le franc-bord aux essais sont satisfaisants », n'établissait que la navigabilité du navire et ne valait pas achèvement complet et livraison définitive du navire qui ne sont intervenus qu'après que l'armateur a exigé des modifications destinées à répondre aux performances qu'il attendait du navire, la cour d'appel a dénaturé ce procès-verbal de « recette » et violé, ce faisant, le principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause ;
2°) ALORS QU'un « ordre de paiement », qui est la simple indication faite par le débiteur d'une somme d'argent d'un tiers désigné pour payer à sa place à l'avenir, ne vaut pas versement effectif et immédiat de la somme due ; qu'en considérant que les attestations établies les 17 décembre 1995 et 20 septembre 1996 par la société Océa étaient inexactes en ce qu'elles auraient laissé croire qu'elle avait reçu de l'armateur le paiement effectif d'au moins 50 % du prix de vente du navire « Green Bird » avant le 1er janvier 1996, quand l'attestation en date du 20 septembre 1996, clarifiant les termes de celle établie le 17 décembre 1995 mentionnant la comptabilisation de versements à hauteur de 8.000.000 francs, précisait que la société Océa avait reçu de l'armateur « des ordres de paiement équivalents à un pourcentage supérieur à 50 % (du contrat portant sur le navire « Green Bird »), et ce antérieurement au 31/12/95 », ce dont il résultait clairement qu'il ne s'agissait pas d'un versement effectif et immédiat, la cour d'appel a dénaturé ces deux attestations en méconnaissance du principe interdisant au juge de dénaturer les documents de la cause ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse, le débiteur d'une obligation d'information, qui n'est tenu de délivrer des informations qu'en considération des exigences connues de son co-contractant, ne peut se voir reprocher de ne pas lui avoir fourni des informations au regard d'une finalité extra-contractuelle dont il n'avait pas connaissance ; qu'en considérant que le procès-verbal de « recette » du navire « Green Bird » en date du 26 décembre 1995 et les deux attestations de paiement en date des 17 décembre 1995 et 20 septembre 1996 établis par la société Océa n'étaient pas suffisamment précises pour permettre à la société Financière du Cèdre et aux investisseurs de s'assurer de ce que les conditions requises pour bénéficier des avantages fiscaux attachés à l'opération de défiscalisation « Pons » étaient remplies, sans rechercher si la société Océa, constructeur du navire, avait été spécifiquement informée de ce que cette construction s'insérait dans le cadre d'une telle opération de défiscalisation et de ce que les pièces qui lui avaient été demandées devaient servir à attester de ce que les conditions d'éligibilité à cette opération étaient réunies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'ancien article 1382 du code civil. Moyens produits AU POURVOI INCIDENT par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour MM. [N], [F] et [E] [P] et Mme [K] [P], ès qualités.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
M. ET MME [P] FONT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté la demande tendant à l'acte d'acquisition des quirats et D'AVOIR débouté M. et Mme [P] de leur demande que soient condamnées solidairement ou in solidum la société Financière du cèdre et la société Réalisations économiques industrielles à leur payer la somme les sommes de 160 071,46 euros au titre de la restitution des sommes investies, de 21 215,44 euros au titre des frais de souscription du prêt bancaire et de son remboursement et de 15 000 euros au titre du préjudice de jouissance ;
1°) ALORS QUE le dol est constitué s'il émane du représentant du cocontractant ou d'un tiers de connivence ; qu'en jugeant que le dol n'était pas constitué au motif que les " éléments relatifs à la déduction fiscale figurent sur la plaquette de présentation, dont il n'est pas établi qu'elle émane de la société Réalisations économiques et industrielles, mais comporte uniquement le logo de la société Financière du cèdre, de sorte que l'existence de manoeuvres dolosives dont la société Réalisations économiques et industrielles serait l'auteur ou aurait participé n'est pas caractérisée " (p. 7 de l'arrêt), quand il lui était demandé, dans les conclusions d'appel de M. et Mme [P] (p. 19-20) si la société Financière du cèdre n'était pas le représentant ou un tiers de connivence de la société Réalisations économiques et industrielles, dont les manoeuvres dolosives ont mené à la conclusion du contrat, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;
2°) ALORS QUE l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ; qu'en ne recherchant pas, comme cela lui était demandé dans les conclusions d'appel de M. et Mme [P] (p. 20-23), si au jour de la conclusion du contrat l'engagement de ces derniers n'était pas dépourvu de cause, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1131 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 ;
3°) ALORS QUE l'erreur est un vice du consentement entraînant la nullité du contrat ; qu'en ne recherchant pas, comme cela lui était demandé dans les conclusions d'appel de M. et Mme [P] (p. 23), si leur consentement n'avait pas été surpris par erreur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1109 du code civil dans sa dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
M. ET MME [P] FONT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné in solidum la société Financière de cèdre et la société Réalisations économiques et industrielles à leur payer une somme de 113 588,60 euros au titre du remboursement des pénalités ainsi qu'au titre de la perte de chance de bénéficier des dispositions fiscales de la loi dite Pons ;
ALORS QUE le préjudice est indemnisé sans perte ni profit de la victime ; qu'en jugeant que M. et Mme [P] auraient pu bénéficier de l'avantage fiscal prévu par la loi dite Pons si les sociétés Réalisations économiques et industrielles et Océa avaient été plus diligentes (p. 5 de l'arrêt), pour en déduire que seul une perte de chance de bénéficier de l'avantage fiscal devait être indemnisé au motif inopérant que " ce type d'opération n'est pas exempt d'aléa " (p. 9 de l'arrêt), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légale de ses constatations et violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION
M. ET MME [P] FONT GRIEF à l'arrêt attaqué de les AVOIR déboutés de leur demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral ;
ALORS QU'en ne répondant pas aux conclusions d'appel de M. et Mme [P] (p. 29) qui faisaient valoir que leur préjudice moral était démontré en ce que, d'une part, l'administration fiscale avait retenu leur mauvaise foi alors qu'ils avaient adhéré au dispositif mis en place de toute bonne foi et, d'autre part, qu'ils ont dû mettre en oeuvre plusieurs procédures pour défendre leurs droits, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.