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Décisions

Cass. com., 22 juin 2022, n° 20-11.846

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Rapporteur :

M. Blanc

Avocat général :

Mme Gueguen

Avocats :

SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel

Paris, du 15 mai 2018

15 mai 2018


Reprise d'instance

1. Il est donné acte à MM. [N], [F] et [E] [P] et Mme [K] [P] (les consorts [P]) de ce qu'ils reprennent l'instance en leurs qualités d'héritiers de [J] [P], décédée le [Date décès 10] 2019 ;

Désistement partiel

2. Il est donné acte à la société Océa du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [W], la société [W] et associés et les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles.

Faits et procédure

3. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 mai 2018), rendu sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 14 avril 2015, pourvoi n° 14-10.951), le 26 juin 1996, dans le cadre d'une opération de défiscalisation qui leur avait été présentée par la société Financière du cèdre, M. [N] [P] et [J] [P] ont acquis de la société Réalisations économiques et industrielles (la société REI) des quirats d'un navire construit par la société Océa.

4. L'administration fiscale leur ayant refusé le bénéfice de la réduction d'impôt qu'ils escomptaient de cette opération, au motif que le navire ne remplissait pas les conditions d'éligibilité au dispositif fiscal concerné, M. [N] [P] et [J] [P] ont assigné les sociétés Océa, REI et Financière du cèdre en annulation de la vente et en indemnisation.

Examen des moyens

Sur les moyens du pourvoi principal, le premier moyen, pris en sa première branche, et les deuxième et troisième moyens du pourvoi incident, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, du pourvoi incident, en ce qu'il reproche à l'arrêt de rejeter la demande de M. et Mme [P] de condamnation des sociétés Financière du cèdre et REI à leur payer la somme de 15 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance

6. Les motifs critiqués par le moyen n'étant pas le soutien du chef de dispositif rejetant la demande de M. et Mme [P] de condamnation des sociétés Financière du cèdre et REI à leur payer la somme de 15 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance, le moyen est inopérant.

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi incident, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter les demandes de M. et Mme [P] d'annulation de l'acte d'acquisition des quirats et de condamnation des sociétés Financière du cèdre et REI à leur payer les sommes de 160 071,46 euros au titre de la restitution des sommes investies et de 21 215,44 euros au titre des frais de souscription du prêt bancaire et de son remboursement

Enoncé du moyen

7. Les consorts [P] font grief à l'arrêt de rejeter les demandes de M. et Mme [P] d'annulation de l'acte d'acquisition des quirats et de condamnation des sociétés Financière du cèdre et REI à leur payer les sommes de 160 071,46 euros au titre de la restitution des sommes investies et de 21 215,44 euros au titre des frais de souscription du prêt bancaire et de son remboursement, alors « que l'erreur est un vice du consentement entraînant la nullité du contrat ; qu'en ne recherchant pas, comme cela lui était demandé dans les conclusions d'appel de M. et Mme [P], si leur consentement n'avait pas été surpris par erreur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1109 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1108, 1109 et 1110 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

8. Il résulte de ces textes que l'erreur qui tombe sur la substance même de la chose qui est l'objet de la convention est une cause de nullité de celle-ci.

9. Les parties peuvent convenir, expressément ou tacitement, que le fait que le bien, objet d'une vente, remplisse les conditions d'éligibilité à un dispositif de défiscalisation constitue une qualité substantielle de ce bien.

10. Pour rejeter la demande d'annulation de la vente des quirats formée par M. et Mme [P], l'arrêt se borne à énoncer que les éléments relatifs à la déduction fiscale figurent sur la plaquette de présentation, dont il n'est pas établi qu'elle émane de la société REI et qui comporte uniquement le logo de la société Financière du cèdre, de sorte que l'existence de manoeuvres dolosives dont la société REI serait l'auteur ou auxquelles elle aurait participé n'est pas caractérisée.

11. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'éligibilité des quirats au dispositif de défiscalisation en cause ne constituait pas une qualité substantielle du bien vendu, convenue par les parties et en considération de laquelle elles avaient contracté, de sorte que, dès lors qu'il aurait été exclu, avant même la conclusion du contrat, que ce bien permît d'obtenir l'avantage fiscal escompté, le consentement de M. et Mme [P] aurait été donné par erreur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

12. En application de l'article 131-1 du code de procédure civile, il y a lieu d'ordonner une mesure de médiation judiciaire, à laquelle les parties représentées ont donné leur accord, et de surseoir à statuer, jusqu'à l'issue de cette mesure, sur la question du renvoi de l'affaire devant une cour d'appel pour qu'il soit statué sur les points restant à juger à la suite de la cassation partielle de l'arrêt attaqué.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief du pourvoi incident, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. et Mme [P] d'annulation de l'acte d'acquisition des quirats et de condamnation des sociétés Financière du cèdre et REI à leur payer les sommes de 160 071,46 euros et de 21 215,44 euros au titre des frais de souscription du prêt bancaire et de son remboursement, l'arrêt rendu le 15 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Ordonne une médiation ;

Désigne en qualité de médiateur :
M. [X] [S]
Adresse : [Adresse 4]
Téléphone : [XXXXXXXX01]
Courriel : [Courriel 12]

Dit que le médiateur, connaissance prise du dossier, devra convoquer les parties et leurs conseils dans les meilleurs délais afin de les entendre et leur permettre de trouver une solution amiable au litige qui les oppose ;

Fixe la durée de la médiation à 3 mois à compter de la première réunion entre le médiateur et les parties et dit que la mission pourra être renouvelée une fois, pour la même durée, à la demande du médiateur ;

Rappelle qu'en application des articles 131-2, 131-9 et 131-10 du code de procédure civile, la médiation ne dessaisit pas le juge qui, dans le cadre du contrôle de la mesure, peut être saisi de toute difficulté et mettre fin à la mission du médiateur à l'initiative de ce dernier, sur demande d'une partie ou d'office lorsque le bon déroulement de la médiation apparaît compromis ou lorsqu'elle est devenue sans objet ;

Dit qu'à l'expiration de sa mission, le médiateur devra informer le juge de l'accord intervenu entre les parties ou de l'échec de la mesure et présenter une demande de taxation de ses honoraires ;

Dit qu'en cas d'accord, les parties pourront saisir le juge d'une demande d'homologation de cet accord par voie judiciaire ;

Fixe la provision à valoir sur la rémunération du médiateur à la somme de 3 000 euros HT, qui sera versée pour un tiers par les consorts [P], pour un tiers par la société Financière du cèdre et pour un tiers par la société Ocea, directement entre les mains du médiateur au plus tard le jour de la première réunion ;

Dit que, faute de versement de la provision dans ce délai, la désignation du médiateur sera caduque, sauf pour les parties à solliciter un relevé de caducité ;

Sursoit à statuer, dans l'attente de l'issue de la mesure de médiation, sur la question du renvoi de l'affaire devant une cour d'appel pour qu'il soit statué sur les points restant à juger à la suite de la cassation partielle de l'arrêt attaqué.