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Décisions

Cass. crim., 4 mai 2006, n° 05-83.849

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Chanut

Avocat général :

M. Davenas

Avocat :

Me Bouthors

Metz, ch. cor., du 17 févr. 2005

17 février 2005

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 314-1 du code pénal, L. 241-3-4 du code de commerce, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel de Metz a refusé d'accueillir l'exception de prescription du délit d'abus de biens sociaux ;

"aux motifs que le prévenu fait valoir que les faits constitutifs du délit d'abus de biens sociaux tels que visés à la prévention seraient prescrits pour avoir été commis courant 1992 à l'occasion d'une opération portant sur l'achat et la vente d'actifs immobiliers à Cannes, cette transaction ayant fait l'objet d'écritures comptabilisées au titre de ce même exercice 1992 ; que l'appelant souligne le fait que ladite infraction n'aurait pas été relevée par les inspecteurs des Impôts lors du contrôle fiscal ni même visée par l'Administration dans sa plainte du 2 janvier 1998 ; que la comptabilité de la SARL Mastil n'a pas été vérifiée par l'Administration au titre de l'exercice 1992, le contrôle fiscal étant limité à la seule période comprise entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 1995 ; que les faits susceptibles de revêtir la qualification d'abus de biens sociaux n'ont été révélés qu'à compter du deuxième semestre de l'année 1999 à la suite de l'enquête poursuivie par les services de police agissant sur instructions du parquet ; que, pour ces faits d'abus de biens sociaux et les autres infractions objet de la poursuite, Jean-Pierre X... a été mis en examen le 21 juin 2000 ; que, s'agissant de la prescription applicable au délit d'abus de biens sociaux et de jurisprudence constante, le point de départ du délai triennal doit être fixé le jour où le délit est apparu ou a pu être constaté dans les conditions permettant l'exercice de l'action publique ; qu'en l'espèce, la constatation de l'infraction commise en 1992 n'a été rendue possible que le jour où les enquêteurs ont été en mesure de la déceler par une analyse approfondie des documents comptables, relevés bancaires, et autres pièces auxquelles ils n'ont eu accès qu'en fin d'année 1999 et lors du premier trimestre 2000 ; qu'il s'ensuit que le délit d'abus de biens sociaux visé à la prévention n'est pas prescrit ;

"alors que le différé du point de départ de la prescription d'un abus de biens sociaux au jour où l'infraction a été révélée dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique impose au juge pénal de fixer une date précise à laquelle ce délai a commencé à courir ; que la Cour n'a pu, dès lors, différer ce point de départ au jour où les enquêteurs ont pu se livrer à une "analyse approfondie" des documents comptables, interdisant ainsi à la Cour de cassation d'exercer son contrôle de légalité sur le bien-fondé de l'exception de prescription" ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de prescription de l'action publique relative à la poursuite exercée du chef d'abus de biens sociaux, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, exemptes d'insuffisance et relevant de son appréciation souveraine des faits de la cause, d'où il résulte que le délai de prescription de l'action publique n'a couru, au plus tôt, qu'à compter du 1er juillet 1999, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 314-1 du code pénal, L. 241-3-4 du code de commerce, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel de Metz a reconnu le demandeur coupable d'abus de biens sociaux commis courant 1992 par un emploi à des fins personnelles des fonds provenant de la vente par la SARL de l'appartement litigieux ;

"aux motifs, en substance, que la SARL Mastil avait acquis le 24 mars 1991 un appartement à Cannes qu'elle avait revendu le 3 septembre 1992 ; que le produit de la vente avait été inscrit au compte du compte-courant d'associée de Mme X... ; que le demandeur avait utilisé cette somme à des fins personnelles (arrêt analyse page 6 à page 7) ;

"1 ) alors, d'une part, que de l'abus de biens sociaux ne peut résulter de la simple inscription au crédit d'un compte-courant d'associé du produit de la vente d'un actif social en l'absence d'une utilisation personnelle desdits fonds ; qu'en décidant le contraire, lors même que les sommes ainsi versées au compte-courant d'associé ont été utilisées dans l'intérêt exclusif de la société, la Cour a violé les textes susvisés ;

"2 ) alors, d'autre part, que, dans la perspective de la prévention, l'abus de biens sociaux reproché à raison de la revente de l'appartement et du placement des fonds au crédit du compte-courant d'associée de Mme X... supposait que l'acquisition avait eu lieu avec des fonds de la SARL, à l'exclusion des fonds personnels des associés ; qu'en déduisant la culpabilité du prévenu d'une incertitude sur la nature des fonds à l'origine de l'acquisition, point sur lequel la partie poursuivante devait établir qu'il s'agissait des fonds sociaux, la Cour a inversé la charge de la preuve et violé la présomption d'innocence" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 626-2 du code de commerce, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble les droits de la défense ;

"en ce que la cour d'appel de Metz a reconnu le demandeur coupable de banqueroute par détournements d'actifs ;

"aux motifs que la société Mastil s'est porté acquéreur le 18 février 1997 auprès de la société Nimka de deux bureaux et de dix chaises pour une valeur de 13 275, 24 francs ; il est établi que ces mobiliers ne figuraient pas à l'inventaire dressé par Me Y... après le dépôt de bilan de la société Mastil et qu'ils ont été retrouvés dans les locaux des sociétés suivantes : une société Mastil-Industrie, créée et gérée de fait depuis novembre 1996 par le prévenu avec pour gérante de droit l'ex-épouse de Jean-Pierre X..., ladite entreprise ayant pris en charge les investissements de production nécessaires à l'activité de la SARL Mastil ; une société Siltech, dont le gérant de droit était M. Laurent Z..., salarié de la société Mastil et associé avec le prévenu dans le capital de la SCI Margaux et de Mastil Industrie ; toutes deux, entreprises satellites de la SARL Mastil avec laquelle elles entretenaient des liens commerciaux et de gestion étroits, ainsi que le confirme l'expert-comptable du prévenu, M. A..., lequel avait été missionné par Jean-Pierre X... pour effectuer différents travaux comptables au sein de ces mêmes entreprises ; que le prévenu n'a fourni aucune explication sérieuse concernant la présence de ces éléments d'actifs retrouvés dans les locaux des entreprises Siltech et Mastil Industrie précisant toutefois qu'il était au courant de la présence de ce mobilier dans les locaux de Mastil Industrie et déclarant au juge d'instruction : "de toutes façons, il n'y en avait pas pour cher, et puis, si j'avais voulu me servir de Mastil pour avoir du matériel pour Mastil Industrie j'aurais agi différemment" ; que l'infraction de banqueroute apparaît donc caractérisée s'agissant de ces détournements d'actifs opérés volontairement par le prévenu, gérant de la société Mastil, ce dernier évoquant par ailleurs devant les enquêteurs sa "malheureuse expérience" liée à une précédente faillite à l'issue de laquelle il n'aurait plus pris le risque de laisser un mandataire liquidateur réaliser les actifs de son entreprise ;

"alors que le délit de banqueroute par détournement d'actifs suppose un acte ayant privé les créanciers d'une partie de leur gage ; qu'en se déterminant au regard d'éléments postérieurs à la revente du mobilier litigieux laquelle n'était pas comprise dans la prévention et sans autrement s'expliquer sur le caractère prétendument fictif de cette revente et sans établir le caractère fictif de celle-ci, la Cour n'a pas caractérisé l'absence de contrepartie qui seule pouvait justifier la prévention" ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 123-14 et L. 241-3-3 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel de Metz a reconnu le demandeur coupable de présentation de comptes annuels inexacts ;

"aux motifs que le prévenu ne conteste pas avoir procédé à l'enregistrement comptable en fin des exercices de la SARL Mastil pour les années 1995 et 1996 d'écritures correspondant à des ventes de véhicules automobiles de valeur au profit de son ex-épouse, ces mêmes véhicules réapparaissant à nouveau quelques jours plus tard, soit en début des exercices 1996 et 1997 en éléments d'actifs de la même société Mastil par un nouveau jeu d'écritures comptables censé traduire une opération de rachat effectué par l'entreprise sur ces mêmes véhicules, que ces opérations quasi-simultanées de vente/rachat se sont notamment traduites par un jeu d'écritures passées par le prévenu en débit/crédit du compte courant d'associé de son ex-épouse ; que l'enquête a établi que ces opérations de vente/rachat ne se sont traduites par aucun flux financier et aucun transfert de marchandises, les cartes grises des véhicules prétendument vendus demeurant établies au nom de la société Mastil, ces mêmes véhicules demeurant dans le parc de l'entreprise sans changement d'immatriculation ou d'assurance ; qu'ainsi, il apparaît que ces jeux d'écritures comptables, non contestés par le prévenu, correspondent à des ventes fictives d'actifs immobilisés dans les comptes sociaux de l'entreprise présentés au titre des bilans 1995 et 1996 et qu'ils ont eu pour effet de présenter une image inexacte de la situation de la société Mastil ; que Jean-Pierre X..., successivement gérant de droit et de fait de l'entreprise à l'époque des faits, a déclaré avoir agi ainsi au motif que son banquier aurait attiré son attention sur le caractère déséquilibré de ses comptes sociaux, lesquels auraient fait apparaître une valeur d'immobilisation trop forte au regard du chiffre d'affaire réalisé par la société ; qu'ainsi, la forte minoration des stocks réalisée volontairement au moyen des opérations de ventes fictives décrites ci-dessus a permis au prévenu de présenter des bilans annuels qui ne donnaient pas une image fidèle de l'activité de la société Mastil pour les exercices 1995 et 1996, cette entreprise apparaissant comme n'étant plus propriétaire d'un important stock de voitures d'une valeur de 2 700 000 francs alors qu'en réalité, elle l'était toujours ; qu'à cet égard, il n'est pas inutile de rappeler l'existence chez Mastil SARL de difficultés financières dès l'année 1995, la date de cessation de ses paiements ayant été fixée au 1er octobre 1995 ; qu'ainsi, le délit de présentation de comptes annuels inexacts apparaît constitué à l'égard de Jean-Pierre X... ;

"alors que le délit de présentation de comptes inexacts est directement déduit de la réalisation de certaines opérations de vente et d'achat réalisées en cours d'exercice ; qu'en se déterminant ainsi, sans autrement rechercher si le responsable avait voulu intentionnellement montrer une image inexacte de la situation patrimoniale de l'entreprise, la Cour a violé les textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et sans inverser la charge de la preuve, caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.