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Décisions

Cass. soc., 5 juillet 1984, n° 81-41.323

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vellieux

Rapporteur :

M. Le Gall

Avocat général :

M. Ecoutin

Avocat :

SCP Labbé Delaporte

Cons. prud'h. Montélimar, du 13 avr. 198…

13 avril 1981

Sur la fin de non-recevoir soulevée par la défense :

Attendu que le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) a été assigné par Mme X... et 33 autres salariés de son établissement de la Vallée du Rhône (site de Pierrelatte) aux fins d'obtenir le paiement des cinq heures travaillées pendant la journée du 23 mai 1980 mais retenues sur leurs salaires, à la suite d'une grève de trois heures ; que le CEA s'est prévalu des dispositions des articles L. 521-2 et suivants du Code du travail relatifs à la grève dans les services publics et a demandé au Conseil de prud'hommes de surseoir à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur la question de savoir s'il était bien chargé de la gestion d'un service public ; que le jugement attaqué a dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer et a condamné le CEA à payer à chacun des demandeurs le montant des sommes réclamées ;

Attendu que Mme X... et autres soutiennent que le pourvoi formé contre ce jugement ne serait pas recevable en se fondant, d'une part, sur les dispositions des l'articles 78 et 99 du nouveau Code de procédure civile aux termes desquelles, lorsque l'incompétence est invoquée au motif que l'affaire relève de la juridiction administrative et que le juge judiciaire s'est néanmoins déclaré compétent et a statué sur le fond du litige par un même jugement, celui-ci ne peut plus être attaqué que par la voie de l'appel, et, d'autre part, sur le caractère indéterminé du litige en l'état de la demande par laquelle le CEA revendiquait la qualité d'établissement public chargé de la gestion d'un service public ;

Mais attendu, d'une part, que la compétence du Conseil de prud'hommes pour connaître du litige n'ayant pas été contestée, il n'y avait pas lieu d'observer la procédure de règlement des exceptions d'incompétence ; que, d'autre part, le moyen invoqué par le CEA constituait une défense au fond sans influence sur la détermination du taux du ressort au-dessous duquel l'appel n'est pas ouvert ;

PAR CES MOTIFS ;

REJETTE la fin de non-recevoir ;

Sur le second moyen, qui est préalable, pris de la violation de l'article 49 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu que le CEA fait grief au jugement d'avoir estimé qu'il n'y avait pas lieu de surseoir à statuer, au motif qu'il ne justifiait pas avoir saisi le Tribunal administratif bien que l'action fût pendante depuis plusieurs mois devant le Conseil de prud'hommes, alors qu'en posant comme condition d'une décision de sursis à statuer la preuve que la juridiction administrative ait été préalablement saisie de la question litigieuse, les juges du fond ont formulé une exigence non prévue par la loi ;

Mais attendu que le Conseil de prud'hommes a décidé à bon droit qu'il lui appartenait, dans un litige dont il était compétemment saisi, de déterminer si, au regard des dispositions de l'ordonnance du 30 octobre 1945 instituant le CEA, cet établissement était ou non chargé de la gestion d'un service public, au sens de l'article L. 521-2 du Code du travail ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le second moyen ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article L. 521-2 du Code du travail et l'ordonnance n° 45-2563 du 30 octobre 1945, modifiée par le décret n° 70-878 du 29 septembre 1970, instituant le Commissariat à l'énergie atomique ;

Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, les dispositions relatives à la grève dans les services publics s'appliquent, notamment, aux personnels des entreprises, des organismes et des établissements publics ou privés lorsque ces entreprises, organismes et établissements sont chargés de la gestion d'un service public ;

Attendu que les juges du fond ont estimé que le CEA ne pouvait prétendre assurer la gestion d'un service public et appliquer, en conséquence, à ses salariés les dispositions réglementant la grève dans les services publics, aux motifs essentiels que sa gestion était régie par le droit privé, qu'aucun indice ne permettait d'infirmer la présomption d'activité privée pesant sur cet établissement et que les missions d'intérêt général qui lui étaient confiées ne paraissaient pas être le but même de son activité ;

Attendu cependant que si la gestion du Commissariat à l'énergie atomique est régie par le droit privé, il résulte de l'ordonnance susvisée du 18 octobre 1945 qu'il exerce son activité conformément aux directives fixées par le gouvernement, qu'il doit notamment l'éclairer dans la négociation des accords internationaux, participer dans les limites fixées par le gouvernement à des programmes d'intérêt général et coordonner les interventions publiques en ce qui concerne les applications énergétiques ; qu'ainsi, eu égard à son objet, à la nature de ses activités et aux règles de tutelle auxquelles il est soumis, le CEA assure la gestion d'un service public ; qu'il s'ensuit que cet établissement était fondé à appliquer à son personnel les dispositions relatives à la grève dans les services publics ; qu'en statuant comme il l'a fait, le Conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE le jugement rendu entre les parties le 13 avril 1981 par le Conseil de prud'hommes de Montélimar ; remet, en conséquence, la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le Conseil de prud'hommes de Grenoble.