Cass. 1re civ., 9 février 1988, n° 86-13.699
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ponsard
Rapporteur :
M. Ponsard
Avocat général :
Mme Flipo
Avocats :
Me Gauzès, Me Boullez
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Denis X... qui, par deux actes sous seing privé, avait souscrit un engagement de caution au profit de la banque Vernes et commerciale de Paris, le premier le 4 juin 1974 pour 200 000 francs, et le second le 14 octobre 1977, pour 400 000 francs, fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 16 janvier 1985) d'avoir jugé qu'il s'était porté caution à concurrence de 600 000 francs, alors, selon le moyen, que la cour d'appel n'a pas répondu à ses conclusions faisant valoir que les engagements de caution doivent s'interpréter restrictivement en vertu des articles 1156 et suivants du Code civil, qu'il appartenait au banquier bénéficiaire de préciser dans l'acte que le second engagement s'ajoutait au premier et que, faute de l'avoir fait, il en est résulté un doute qui doit s'interpréter en faveur de la caution ;
Mais attendu que, dans ses conclusions devant les premiers juges, M. X... avait développé la même argumentation ; que le tribunal, dont la décision a été confirmée par adoption des motifs, a retenu que les deux engagements étaient rédigés en termes identiques sans que le second fît référence au premier et que M. X... ne produisait aucun élément de preuve de nature à démontrer que la volonté contractuelle était de remplacer le cautionnement de 200 000 francs par un cautionnement de 400 000 francs ; que la cour d'appel, qui a relevé que les moyens développés ne faisaient que réitérer, sans justifications complémentaires utiles, ceux dont le tribunal avait connu, a donc répondu aux conclusions invoquées ;
REJETTE le premier moyen ;
Mais, sur le second moyen :
Vu les articles 1944 et 1948 du Code civil ;
Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, le dépôt doit être remis au déposant aussitôt qu'il le réclame, à moins qu'il n'existe, entre les mains du dépositaire, une saisie-arrêt ou une opposition à la restitution et au déplacement de la chose déposée ; qu'il n'est permis de faire exception à cette règle que si, en vertu du second de ces textes, le dépositaire est créancier du déposant en vertu du dépôt, ou si du moins il existe un lien de connexité entre la créance du dépositaire et le contrat de dépôt ;
Attendu que, le 14 janvier 1982, M. X... a demandé à la banque Vernes la restitution de titres qu'il lui avait remis en dépôt ; que la banque a refusé cette restitution ; que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de dommages-intérêts formée de ce chef par M. X... au motif que celui-ci, débiteur de la banque en qualité de caution, avait été vainement mis en demeure de remplir son engagement par des actes des 15 juillet et 15 septembre 1981 et que le risque de voir soustraire, au préjudice de la banque, une partie de sa créance, constituait pour celle-ci un motif plausible de différer la restitution du dépôt, de sorte que son refus était justifié ;
Attendu qu'en statuant par de tels motifs, alors que la banque ne devait être autorisée à pratiquer saisie-arrêt entre ses propres mains que le 5 février 1982, postérieurement à la demande de restitution des titres, et sans constater l'existence d'un lien de connexité entre la dette de restitution du dépôt et l'engagement de caution, lien qui aurait pu justifier l'exercice par la banque d'un droit de rétention, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a retranché du jugement déféré la disposition condamnant la banque Vernes à verser à M. X... la somme de 200 000 francs à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 16 janvier 1985, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.