Cass. 1re civ., 7 mars 1979, n° 77-15.391
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Charliac
Rapporteur :
M. Ancel
Avocat général :
M. Gulphe
Avocat :
Me Lesourd
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que, selon l'arrêt attaqué, Mademoiselle Y... ayant confié à X..., à partir de 1968, des sommes d'argent en vue de placements en valeurs mobilières, X... a constitué et géré un portefeuille de titres qu'il a déposés chez un agent de change où ils ont été inscrits sur le compte ouvert au nom d'une société anonyme Pavaca, société de droit marocain, dont X... était le président directeur général et actionnaire majoritaire et dont l'objet social était étranger à la gestion de valeurs mobilières ; que dans un écrit du 23 otobre 1972, signé en sa qualité de président directeur général de la société Pavaca, et remis à Mademoiselle Y..., X... a déclaré détenir "pour le compte de sa cousine Augustine Y..." un certain nombre de titres énumérés dans cette attestation, et stipulé que leur propriétaire pourrait les retirer chez l'agent de change où ils étaient en dépôt "sur simple présentation de la présente lettre" ; que Mademoiselle Y... n'ayant pas obtenu de l'agent de change la restitution des titres, en raison de leur dépôt sur le compte de la société Pavaca, a assigné X... et la société Pavaca en restitution, ainsi qu'en paiement de la contrevaleur de titres qui avaient été vendus par X... pour avoir servi de couverture à des opérations à terme qu'il avait réalisées en bourse au nom de la société ; qu'en cause d'appel, Mademoiselle Y... a également demandé le paiement des dividendes que les titres vendus auraient produits pour les années 1973 à 1976 ;
Attendu que X... et la société Pavaca font tout d'abord grief à l'arrêt attaqué de les avoir condamnés à restituer à demoiselle Y... les titres déposés chez l'agent de change, alors que la Cour d'appel, qui affirme qu'aucune convention n'existe entre Mademoiselle Y... et la société Pavaca, se serait contredite en condamnant cependant cette société à restituer les titres, et alors que la lettre du 23 octobre 1972 "étant res inter alios acta" pour la société Pavaca, la Cour d'appel n'aurait pu se fonder sur ce document pour estimer par application de l'article 1937 du Code civil, que le nom de Mademoiselle Y... avait été indiqué à la société pour recevoir les titres déposés ;
Mais attendu que la Cour d'appel a relevé que X... était le véritable titulaire du dépôt des titres gérés pour le compte de Mademoiselle Y..., et que la société Pavaca se bornait à faire figurer les titres sur un compte ouvert à son nom pour le compte de son président directeur général X... ; que, dès lors, Mademoiselle Y..., ayant été désignée par le dépositaire dans l'écrit du 23 octobre 1972, pour recevoir les valeurs déposées, la société Pavaca ne pouvait s'opposer à la restitution du dépôt à la personne désignée pour le recevoir, conformément à l'article 1937 du Code civil ; qu'ainsi la Cour d'appel a, sans contradiction, légalement justifié sa décision sur ce point et que le moyen doit donc être rejeté ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est encore reproché à la Cour d'appel d'avoir, pour débouter X... de sa demande en rémunération de sa gestion, considéré que la contrepartie de ses services se trouvait dans les bénéfices retirés par la société Pavaca de l'utilisation des titres de Mademoiselle Y... comme couverture des opérations à terme qu'elle menait en bourse, alors que la société Pavaca et X... constituent deux personnes juridiques distinctes et que les juges du fond n'auraient pu assimiler les bénéfices de la société à des gains réalisés par X... ;
Mais attendu que par un motif non critiqué par le pourvoi la Cour d'appel a retenu que le contrat de dépôt est par nature gratuit, et que X... ne donnait pas la preuve que son activité déployée dans le cadre de liens d'amitié, dût être rémunérée ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision sans encourir le grief du moyen, qui vise un motif surabondant ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que X... reproche enfin à la Cour d'appel de l'avoir condamné à payer à Mademoiselle Y... le montant des dividendes afférents aux titres vendus par lui, pour la période de 1975 à 1976, postérieure à leur aliénation, alors que l'article 1936 du Code civil, sur lequel la Cour d'appel fonde sa décision, ne fait obligation au dépositaire que de restituer les fruits qu'il a effectivement perçus ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article 1936 du Code civil, que le dépositaire d'une chose frugifère est redevable du jour où il a été mis en demeure de restituer, non seulement des fruits qu'il a perçus, mais également de ceux qu'il aurait pu percevoir ; que la Cour d'appel, en faisant application de ce texte en l'espèce, a donc légalement justifié sa décision sur ce point, et que le moyen n'est pas mieux fondé que les précédents ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 24 juin 1977 par la Cour d'appel de Paris.