Cass. com., 9 janvier 2019, n° 17-28.725
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
Me Haas, SCP Delamarre et Jehannin, SCP Foussard et Froger
Attendu, selon l'arrêt attaqué, tel que rectifié le 5 juillet 2017, que le 26 juin 2013, la société Ipanema a acquis, auprès de M. Y..., 100 % des actions de la société Possible et 90 % des actions de la société Kaogoumii, dont certaines appartenaient à M. X... qui lui avait donné mandat, celui-ci en conservant 10 % ; que le même jour, une garantie d'actif et de passif a été souscrite par M. Y... au profit de la société Ipanema ; que le 1er août 2013, un contrat de prestations de services et d'assistance a été passé entre la société DM Consulting, représentée par M. Y..., et la société Possible ; que s'estimant trompé et excipant de manoeuvres de M. Y... lors de la cession d'actions, les sociétés Ipanema et Possible ont assigné M. Y... et la société DM Consulting en annulation de la cession des actions des sociétés Possible et Kaogoumii consentie par M. Y... à la société Ipanema, en annulation du contrat de prestations de services, subsidiairement en condamnation de M. Y... au paiement de certaines sommes à titre de réduction du prix de cession des actions, au titre de la garantie d'actif et de passif et à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation d'information générale précontractuelle, et en résolution du contrat de prestations de service ; que M. X... est intervenu volontairement pour demander, en cas d'annulation de la cession des actions, la condamnation de M. Y... à lui payer des dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 1116 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que pour rejeter les demandes, formées par les sociétés Ipanema et Possible, d'annulation des contrats de cession de parts et de prestations de services et d'assistance conclus avec la société DM Consulting et de paiement de dommages-intérêts fondées sur la réticence dolosive commise par M. Y... et condamner la société Ipanema à payer à M. Y... le solde du prix de cession, l'arrêt, après avoir constaté que la société Ipanema ignorait que l'agence Asap, dont la dirigeante, Mme B..., était la compagne de M. Y..., avait seule un contact direct avec les annonceurs et avait ainsi la possibilité de demander ou non aux sociétés cédées d'effectuer des prestations techniques pour les annonceurs, retient que la société Ipanema ne rapporte pas la preuve que c'est de manière intentionnelle que M. Y... ne l'a pas informée de l'existence de l'agence Asap et des liens personnels qu'il entretenait avec sa dirigeante, comme de la dépendance économique dans laquelle se trouvaient les sociétés cédées à l'égard de cette société tierce ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que ces éléments étaient de nature à affecter les résultats et les perspectives des sociétés cédées, ce dont il résultait que le silence gardé par M. Y... sur ces informations, dont il ne pouvait ignorer l'importance dans la mesure où elles faisaient peser un aléa sur la pérennité des sociétés qu'il cédait, était nécessairement intentionnel, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
Sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu pour condamner M. Y... à payer à la société Ipanema une somme de 180 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que le préjudice subi par la société Ipanema se limite à la perte de chance de réaliser un chiffre d'affaires plus important, qu'il fixe à la somme précitée ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'était pas soutenu que le préjudice subi par la société Ipanema, résultant du manquement de M. Y... à son obligation précontractuelle d'information, devait se limiter en une perte de chance, la cour d'appel, qui a relevé d'office le moyen tiré de l'existence d'un tel préjudice, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur ce point, a méconnu les exigences du texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen :
Vu l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que pour rejeter la demande de la société Possible de remboursement de la somme de 104 165 euros au titre des honoraires versés à la société DM Consulting en exécution du contrat de prestations de services et d'assistance, l'arrêt retient que la résiliation ne peut avoir d'effet rétroactif, compte-tenu des diligences déjà effectuées par la société DM Consulting ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que M. Y... ne disposait pas des relations nécessaires à la bonne exécution du contrat et que la société DM Consulting s'était bornée à proposer des rendez-vous avec quelques clients, ce dont il résultait que la société DM Consulting n'avait pas, dès l'origine, exécuté le contrat et qu'il n'y avait jamais eu de réelle contrepartie aux honoraires versés, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 juin 2017, rectifié le 5 juillet 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.