CA Lyon, 1re ch. civ. A, 20 octobre 2022, n° 20/03189
LYON
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Philae Developpement (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Wyon
Conseillers :
Mme Clement, M. Seitz
Avocats :
Selasu Law Dice, Me Rainio, Selarl Lex-Port
Monsieur [I] [D] est titulaire de la marque française « Philae Services Funéraires », déposée le 15 novembre 2017 en classe 45 sous le numéro 4404765, pour les services de pompes funèbres et services de crémation. Ce dépôt a été publié le 08 décembre 2017 et la marque a été enregistrée le 09 mai 2018.
Monsieur [I] [D] est également le président de la société Philae Développement.
Souhaitant créer une agence funéraire sur la commune d'[Localité 7] (Pyrénées Atlantiques), Madame [S] [X] a pris attache avec la société Philae Développement, qui lui a remis une étude afférente aux conditions économiques d’exploitation pour les domaines et territoires considérés.
Par courriel du 10 avril 2018, la société Philae Développement lui a recommandé d’exploiter son activité sur la commune de [Localité 6] (Pyrénées Atlantiques).
Selon acte sous seing privé du 29 mai 2018, la société Philae Développement a conféré à la société innommée en cours de formation de Madame [S] [X], une licence d’exploitation non exclusive sur la marque « Philae Services Funéraires », moyennant versement d’une somme fixe et forfaitaire de 17.000 euros et d’une redevance de 3% HT du chiffre d’affaires HT de la licenciée.
Madame [X] a réglé le 29 mai 2018 la somme de 10.200 euros à valoir sur le droit fixe d’entrée.
Par courriel du 24 juin 2018, Madame [X] a informé la société Philae Développement de ses difficultés à finaliser son projet de financement et sollicité la transmission :
— d’une plaquette commerciale de l’enseigne,
— du document d’information pré-contractuel,
— des bilans des points de vente franchisés déjà installés,
— du tableau des chiffres d’affaires des franchisés du réseau,
— d’une étude de marché.
Par courriel du 27 juin 2018, la société Philae Développement lui a adressé la plaquette commerciale ainsi que différents bilans.
Par courriel du 02 juillet 2018, la société Philae Développement lui a également adressé un plan d’investissement, ainsi qu’un « point d’équilibre financier mensuel ».
Par courriel du 15 juillet 2018, Madame [X] a demandé à la société Philae Développement un certain nombre de renseignements complémentaires portant notamment sur la liste des fournisseurs ayant négocié des tarifs préférentiels et le contenu des frais de communication mis en compte au plan d’investissement.
Par courriel du dimanche 15 juillet 2018, la société Philae Développement s’est engagée à lui répondre dans les deux jours suivants.
Telles sont les circonstances dans lesquelles Madame [X] a mis la société Philae Développement en demeure, par courrier d’avocat du 27 juillet 2018, d’accepter la nullité du contrat de licence, de prendre acte de la fin des relations contractuelles et de lui rembourser la somme de 10.200 euros par chèque de banque.
Par assignation signifiée le 05 octobre 2018, Madame [S] [X] a fait citer la société Philae Développement devant le tribunal de grande instance de Lyon, aux fins d’obtenir la condamnation de la société Philae Développement à lui verser la somme de 10.200 euros en remboursement du droit d’entrée, outre celle de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Par jugement en date du 4 mars 2020, le tribunal judiciaire de Lyon a :
— condamné la société Philae Développement à payer à Madame [S] [X] à la somme de 10.200 euros TTC,
— débouté Madame [S] [X] de sa demande de dommages et intérêts et de toutes demandes plus amples,
— condamné la société Philae Développement à payer à Madame [S] [X] la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
— ordonné l’exécution provisoire,
— condamné la société Philae Développement aux dépens, distraits au profit des avocats.
Ce jugement a été signifié le 25 mai 2020 à la société Philae Développement, qui en a relevé appel le 23 juin 2020.
Au terme de ses conclusions récapitulatives notifiées le 16 mars 2021, l’appelante sollicite qu’il plaise :
— réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon en ce qu’il a condamné la société Philae Développement aux dépens, ainsi qu’à payer à Madame [S] [X] la somme de 10.200 euros TTC, outre celle de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
— confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lyon en ce qu’il a débouté Madame [S] [X] de sa demande de dommages et intérêts et de toutes demandes plus amples,
et statuant à nouveau :
— débouter Madame [X] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
— débouter Madame [X] de son appel incident,
— Madame [S] [X] à payer à la société Philae Développement la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamner la même aux entiers dépens de première instance et d’appel.
La société Philae Développement fait valoir :
— qu’elle a été créée pour exploiter la marque « Philae Services Funéraires » dans le cadre d’un réseau d’entreprises licenciées,
— que Monsieur [D] lui a donné l’autorisation d’exploiter cette marque par contrat de licence exclusive à titre gratuit,
— que l’absence de publication de ce contrat n’affecte pas son existence et demeure sans incidence sur la capacité offerte à la concluante de consentir des licences de second rang,
— qu’il y a lieu en conséquence de réformer le jugement entrepris, en ce qu’il a retenu que la société Philae Développement ne démontrait pas détenir des droits sur la marque « Philae Services Funéraires », susceptibles d’être transmis à un sous-licencié, et condamné l’intéressée à rembourser à Madame [X] les frais d’entrée dans le réseau d’exploitants.
Elle ajoute que Madame [X] a pris l’initiative de mettre fin au contrat de licence de second rang conclu le 29 mai 2018 un mois et demi après sa signature, en s’estimant insatisfaite des délais de réponse de la société Philae Développement, alors que celle-ci prenait le soin de traiter ses demandes et que la mise en place « d’un contrat de ce type » nécessitait un délai plus long.
Elle a conclu par ce motif à ce qu’il plaise rejeter la demande subsidiaire de résolution judiciaire du contrat.
Par conclusions récapitulatives notifiées le 16 avril 2021, Madame [S] [X] sollicite, au visa des articles L.714-1 et R.714-4 du code de la propriété intellectuelle, 1104, 1112-1, 1129, 1130, 1132 et 1178 du code civil, qu’il plaise :
— déclarer la société Philae Développement irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, et l’en débouter,
— confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a condamné la société Philae Développement à lui payer la somme de 10.200 euros TTC,
— la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident,
— réformer la décision déférée en ce qu’elle l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts et de toutes demandes plus amples,
à titre subsidiaire :
— prononcer la résolution du contrat de licence du 29 mai 2018,
en conséquence :
— condamner la société Philae Développement à payer à Madame [S] [X] la somme de 10.200 euros en remboursement des sommes versées au titre des droits d’entrée,
en tout état de cause :
— condamner la société Philae Développement à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,
— condamner la société Philae Développement à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamner la société Philae Développement aux entiers dépens.
Madame [X] fait valoir qu’aux termes du contrat de licence litigieux, la société Philae Développement s’est déclarée « détentrice des droits sur la marque Philae Services Funéraires », alors qu’il ressort du registre de l’INPI que la marque appartient en réalité à Monsieur [I] [D].
Elle ajoute que le contrat de licence exclusive prétendument conclu entre Monsieur [D] et la société Philae Développement, produit pour la première fois à hauteur de cour, demeure dépourvu de date certaine, à défaut d’enregistrement auprès de l’INPI ou de l’administration fiscale. Elle rappelle également qu’il n’a pas été mentionné dans le contrat de licence non exclusive conclu avec la société Philae Développement.
Elle estime que l’adage selon lequel nul ne peut se constituer un titre à lui-même ferait obstacle à ce que le contrat de licence exclusive bénéficiant à la société Philae Développement lui soit opposé et commanderait au contraire de l’écarter des débats.
Elle en déduit qu’à défaut de justifier de droits sur la marque « Philae Services Funéraires », la société Philae Développement n’a pu lui concéder de licence d’exploitation et conclut par ce motif à la nullité du contrat litigieux.
Madame [X] se prévaut en second lieu d’un défaut d’information pré-contractuel, au visa des articles 1112-1, 1130 et 1132 du code civil. Elle soutient qu’en l’état des informations « succinctes, voire inexistantes » communiquées par la SASU PHILAE en amont de la signature du contrat de licence et de sa « présentation trompeuse », l’appelante l’aurait tenue dans l’ignorance « d’éléments déterminants pour la réalisation de l’étude de faisabilité du projet, la préparation du business plan et la bonne expression de son consentement » et aurait faussé sa perception « de la situation réelle du réseau, de la société Philae Développement et de la nature du contrat sur lequel elle s’engageait ». Elle explique en particulier que la communication assurée par la société Philae Développement présentait celle-ci en tant que coordinatrice et dirigeante d’un réseau de franchise, assurant un accompagnement poussé de ses partenaires commerciaux, si bien qu’elle avait cru s’engager en tant que franchisée, plutôt que simple licenciée non exclusive.
Elle affirme que ce défaut d’information pré-contractuel et l’erreur sur la nature du contrat en étant issue représentent une seconde cause d’annulation du contrat.
Elle rappelle que l’annulation du contrat, pour quelque cause que ce soit, doit donner lieu à restitution de l’acompte versé.
Madame [X] conclut en troisième lieu et subsidiairement à la résolution judiciaire du contrat, pour manquement de la société Philae Développement à son obligation de délivrance. Elle lui reproche à cet égard de n’avoir pas fourni le site internet et les « PLV du magasin » qu’elle s’était obligée à réaliser par contrat, non plus que le logiciel de gestion et les services mentionnés sur son site internet. Elle ajoute qu’en s’abstenant de lui communiquer les informations qu’elle sollicitait, la société Philae Développement l’aurait également privée de la possibilité d’exploiter la marque « Philae Services Funéraires ».
Elle fait valoir qu’en application de l’article 1229 du code civil, la résolution judiciaire du contrat doit conduire à la restitution de l’acompte, les prestations échangées ne pouvant trouver leur utilité que par l’exécution complète de cette convention.
Madame [X] conclut en dernier lieu à la réformation du jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts, en faisant valoir qu’elle a engagé du temps et des frais dans son projet de création d’agence.
Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l’instruction par ordonnance du 25 mai 2021 et l’affaire a été appelée à l’audience du 08 septembre 2022, pour être mise en délibéré au 20 octobre 2022.
MOTIFS
Sur la demande en répétition de la somme de 10.200 euros en tant que fondée sur l’absence de droit de la société Philae Développement sur la marque française Philae Services Funéraires :
En vertu de l’article L 714-1 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2001-670 du 25 juillet 2001, les droits attachés à une marque peuvent faire l’objet, en tout ou partie d’une concession de licence d’exploitation exclusive ou non exclusive ainsi que d’une mise en gage.
En application de l’article R. 714-1 du même Code, les actes modifiant la propriété d’une marque ou la jouissance des droits qui lui sont attachés, tels que cession, concession d’un droit d’exploitation, constitution ou cession d’un droit de gage ou renonciation à ce droit, saisie, validation et mainlevée de saisie, sont inscrits à la demande de l’une des parties à l’acte ou, s’il n’est pas partie à l’acte, du titulaire du dépôt au jour de la demande d’inscription.
L’absence de publication d’un acte modifiant la propriété ou la jouissance des droits y attachés n’affecte pas sa validité, mais prive son bénéficiaire de la possibilité de l’opposer aux tiers.
La société Philae Développement se prévaut en l’espèce d’un acte sous seing privé conclu le 10 avril 2018, par lequel Monsieur [I] [D] lui a conféré licence exclusive d’exploitation de la marque « Philae Services Funéraires » sur le territoire français.
Le fait que cet acte ait été consenti, pour chacun des contractants, par Monsieur [D], en sa double qualité de titulaire concédant et de président de la société concessionnaire, ne contrevient point à l’adage selon lequel « nul ne peut se constituer un titre à lui-même », dès lors que les parties au contrat demeurent juridiquement distinctes.
Madame [X] ne prétend par ailleurs qu’il constituerait un faux et ne peut en conséquence soutenir qu’il se trouverait dépourvu de date certaine, alors que la date de sa souscription s’y trouve expressément indiquée.
Elle ne démontre enfin en quoi l’absence de publication du contrat de licence exclusive conclu entre Monsieur [D] et la société Philae Développement l’aurait empêchée d’exploiter la marque ou de l’opposer aux tiers dans le cadre de sa sous-licence d’exploitation, l’ensemble de ses difficultés d’exploitation étant imputé à une toute autre cause, tenant à la pauvreté des informations communiquées par la société Philae Développement relativement au modèle économique des franchisés.
Il s’en évince :
— que la société Philae Développement établit tirer ses droits sur la marque française « Philae Services Funéraires » d’une licence exclusive d’exploitation consentie le
10 avril 2018 par le titulaire [D],
— que l’absence de publication de cette licence au registre des marques n’a aucune incidence sur sa validité,
— qu’elle n’a jamais privé la société concédante de la capacité de consentir une sous-licence d’exploitation à Madame [X],
— qu’elle n’a point été source d’une impossibilité d’exploiter au détriment de celle-ci,
— que le contrat de licence non exclusive conclu avec Madame [X] ne se trouve point dépourvu de cause.
La demande de restitution de l’acompte versé sur le droit d’entrée ne peut donc prospérer en tant que fondée sur l’absence de droits de la société Philae Développement sur la marque française « Philae Services Funéraires » et l’absence corrélative de cause de la licence de second rang consentie au profit de Madame [X].
Sur la demande en répétition de la somme de 10.200 euros en tant que fondée sur l’erreur sur les qualités essentielles de la prestation due, provoquée par l’absence ou l’insuffisance alléguée de l’information pré-contractuelle :
Conformément à l’article 1130 du code civil, l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné
En vertu de l’article 1132 du même code, l’erreur de droit ou de fait est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant, à moins qu’elle ne soit inexcusable.
L’article 1178 du même code dispose enfin qu’un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d’un commun accord. Le contrat annulé est censé n’avoir jamais existé et les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9 du code civil. Indépendamment de l’annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle.
La plaquette commerciale diffusée par la société Philae Développement témoigne en l’espèce de ce que l’appelante présente « Philae Services Funéraires » comme un réseau de franchisés indépendants, offrant aux professionnels affiliés un accompagnement permanent comprenant la fourniture d’un logiciel de gestion, d’une formation aux techniques de vente, une information juridique, une animation de réseau et un partenariat avec des fournisseurs références du secteur funéraire.
Le site internet de Philae Développement reprend et détaille cette présentation, en mettant l’accent sur l’accompagnement offert aux franchisés et l’effet d’échelle d’une adhésion à un réseau national.
L’annonce promotionnelle de Philae Développement sur le site internet www.funéraire-info.fr insiste sur l’aide apportée aux franchisés du réseau « Philae Services Funéraires », en précisant que l’accompagnement offert au franchisé s’opère également en amont de l’installation : « Philae Services Funéraires vous accompagnera également dans votre installation, à toutes les étapes de l’ouverture de votre point de vente. Y compris une fois que votre point de vente sera ouvert et que vous aurez réellement débuté votre activité de franchisés ».
L’annonce promotionnelle diffusée sur le site www.toute-la-franchise.com opère une présentation similaire aux précédentes, en ajoutant que le franchisé bénéficiera d’un appui dans l’élaboration de son plan de développement financier « Nous étudierons avec la plus grande attention la partie financière du projet ».
Au vu de ces différents documents, dont elle déclare qu’ils ont été déterminants dans sa décision de prendre attache avec la société Philae Développement, Madame [X] a pu croire légitimement que l’appelante lui offrait de rejoindre un réseau de franchisés, via la souscription d’un contrat de franchise.
Cette croyance s’est trouvée entretenue par la remise, lors de la prise de contact avec Monsieur [D], d’une étude commerciale portant sur la démographie de la commune d'[Localité 7] et les perspectives de développement d’une agence funéraire y située. La remise d’un tel document est caractéristique en effet de la conclusion d’un contrat de franchise, alors qu’elle n’est point commune en matière de licence de marque.
Telles sont les circonstances dans lesquelles Madame [X] a conclu l’engagement litigieux, concédant à Madame [X] une licence non exclusive d’exploitation de la marque « Philae Services Funéraires », avec obligation pour la société Philae Développement de lui fournir « l’ensemble des PLV du magasin, un site internet franchisé » et d’assumer « la publicité nationale ».
Ce contrat ne reprend pas l’ensemble des engagements promis par la société Philae Développement sur les supports de communication précédemment énumérés. Il n’oblige en particulier l’appelante à fournir un logiciel de gestion, une formation aux techniques de vente, une information juridique, une animation de réseau et un partenariat avec des fournisseurs références du secteur funéraire. D’une manière plus générale, ce contrat n’emporte pas transmission du savoir-faire de la société Philae Développement à sa cocontractante, alors que ce transfert constitue l’une des caractéristiques essentielles des contrats de franchise.
Il ne constitue donc pas un contrat de franchise.
Force est de constater toutefois que Madame [X] a payé tribut à l’erreur. La correspondance échangée entre les parties postérieurement à la souscription du contrat de licence témoigne en effet de ce que l’intimée s’est comportée comme la bénéficiaire d’un contrat de franchise et de ce qu’elle a revendiqué le bénéfice des prestations liées à la souscription d’une telle convention, énumérées sur les supports de communication de la société Philae Développement.
Ainsi a-t-elle sollicité, par courriel du 24 juin 2018, la transmission d’un tableau d’investissement, avec indication de son besoin en fond de roulement, dans le cadre de l’appui dans l’élaboration du plan de développement financier vanté dans l’annonce promotionnelle diffusée sur le site www.toute-la-franchise.com.
Elle a également demandé, le même jour communication des bilans comptables des « différents points de vente de franchisés du réseau », en s’inscrivant manifestement dans le cadre de l’appui à l’élaboration du plan de développement financier évoqué ci-dessus. La cour juge que la référence au « points de vente franchisés du réseau » est particulièrement révélatrice du cadre dans lequel Madame [X] croyait opérer.
Madame [X] a sollicité encore transmission d’une étude de marché, prestation évoquée dans la communication commerciale de la société Philae Développement, caractéristique des contrats de franchise, mais non prévue dans la convention régularisée le 29 mai 2018.
Par courriel du 13 juillet 2018, Madame [X] a demandé à la société Philae Développement si le prix du logiciel de gestion était inclus dans le droit d’entrée et la redevance contractuels, alors pourtant que la fourniture d’un logiciel de gestion, constitutive d’une prestation caractéristique des contrats de franchise, dûment annoncée dans la communication promotionnelle de Philae Développement, ne participait pas des prestations prévues dans le contrat de licence souscrit le 29 mai 2018. Cette demande révèle une nouvelle fois sa croyance dans le fait d’avoir souscrit un contrat de franchise incorporant l’ensemble des prestations vantées dans la promotion commerciale de l’appelante.
Aux termes de ce courriel, Madame [X] a sollicité enfin communication de la liste des fournisseurs avec lesquels Philae Développement avait négocié un tarif préférentiel, alors que cette prestation, une nouvelle fois caractéristique des contrats de franchise et mentionnée à ce titre dans les supports promotionnels de l’appelante, ne figurait pas au nombre des prestations prévues au contrat.
Il en résulte la preuve suffisante de ce que Madame [X] a cru, sur la foi de la communication promotionnelle de Philae Développement, souscrire un contrat de franchise plutôt qu’une simple licence de marque, et qu’elle a commis ce faisant une erreur sur l’étendue exacte des engagements de l’appelante, ainsi que la nature même de la convention. Une telle erreur porte sur les qualités essentielles de la prestation due par Philae Développement et caractérise un vice du consentement au sens de l’article 1130 du code civil.
La SAS Philae Développement ne soutient pas que cette erreur revêtirait un caractère inexcusable.
Les demandes pressantes et réitérées adressées par Madame [X] à Monsieur [D] relativement au montage financier de son projet ou à la communication de la liste des fournisseurs préférentiels, puis l’abandon du projet ensuite de la rupture des relations contractuelles, révèlent que l’intimée ne s’estimait pas en mesure de mener celui-ci à terme sans l’assistance attendue de Philae Développement dans le cadre d’un contrat de franchise.
Il y a lieu en conséquence de retenir :
— que Madame [X] n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes, si son erreur sur la nature et la portée des engagements de Philae Développement ne l’avait déterminée à croire qu’elle allait bénéficier d’une telle assistance dans le cadre du contrat signé le 29 mai 2018,
— que le contrat du 29 mai 2018 est nul à raison du vice de consentement ainsi caractérisé.
La nullité de ce contrat justifie la restitution de l’acompte sur le droit d’entrée versé par Madame [X] et il convient de confirmer le jugement entrepris, en ce qu’il a condamné la société Philae Développement à payer à l’intimée la somme de 10.200 euros.
Sur la demande de dommages et intérêts :
L’article 1178 du code civil dispose qu’indépendamment de l’annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle.
Ces conditions tiennent à la démonstration d’une faute en relation causale avec un dommage.
Madame [X] affirme en l’espèce que son erreur sur la nature et la portée des engagements de la société Philae Développement trouverait sa cause dans l’insuffisance ou l’inexistence de l’information précontractuelle délivrée par la société Philae Développement, ainsi que dans le caractère trompeur de sa communication promotionnelle.
Il a été précédemment retenu que Philae Développement promettait aux professionnels du secteur funéraire d’intégrer un réseau de franchisés leur permettant de bénéficier d’un panel étendu de prestations et services offertes par l’appelante.
Or, la nature du contrat offert Madame [X] et les prestations y attachées sont différentes de ceux proposés sur les supports de communication promotionnelle de l’appelante.
En faisant souscrire à Madame [X] un contrat d’une nature et d’un contenu différents de ceux vantés sur ses supports publicitaires, sans appeler préalablement son attention sur l’existence et l’importance de cette différence, la société Philae Développement a manqué à l’obligation de négocier et contracter de bonne foi prévue à l’article 1104 du code civil, ainsi qu’à l’obligation d’information précontractuelle prévue à l’article 1112-1 du code civil.
Ces fautes de nature quasi-délictuelle ont déterminé Madame [X] à s’engager auprès de la société Philae Développement et l’ont conduite ultérieurement à exposer des frais en lien avec l’accomplissement de son projet.
Madame [X] justifie par la production d’une attestation de formation émanant de la société Vocation Formations FG, avoir suivi une formation spécifique à la gestion d’entreprise du secteur funéraire du 02 au 06 juillet 2018, dont elle indique qu’elle a généré des frais d’hébergement et de transport.
C’est à juste titre cependant que le tribunal judiciaire de Lyon a retenu que Madame [X] est une professionnelle du secteur funéraire, que la formation suivie en juillet 2018 pourra servir sa carrière future et qu’il n’est donc résulté de dommage du fait de l’avoir effectuée, nonobstant l’abandon de son projet d’ouverture sur la commune de Hendaye.
Madame [X] affirme par ailleurs avoir exposé des frais auprès d’un expert-comptable, mais n’en justifie pas.
Elle soutient encore avoir engagé un courtier en prêts pour les besoins de son financement, et explique que la révocation de la mission de ce professionnel générera des frais. Si la lettre de mission par laquelle Madame [X] s’est attaché les services de ce courtier prévoit le paiement d’une indemnité de 2.000 euros en cas de rupture anticipée du contrat, Madame [X] ne justifie pas avoir rompu ce contrat ni s’être vue réclamer cette indemnité. Le préjudice ainsi allégué ne revêt qu’un caractère hypothétique et ne peut donner lieu à indemnisation.
Il est certain en revanche que Madame [X] a investi beaucoup de temps dans un projet finalement avorté du fait de son erreur sur la portée et la nature du contrat souscrit avec Philae Développement, elle-même provoquée par les fautes de l’appelante.
Le préjudice moral né de cet investissement réalisé en pure perte constitue un dommage en lien avec les fautes précédemment caractérisées, qu’il convient d’indemniser à hauteur de 2.000 euros.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts de Madame [X] et la société Philae Développement sera condamnée à payer la somme de 2.000 euros à l’intimée, à titre de dommages et intérêts.
L’intérêt au taux légal court de plein droit sur le montant de cette condamnation, à compter de la date du présent arrêt.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
La société Philae Développement succombe à l’instance. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée aux dépens de première instance et au paiement d’une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Il y a lieu par le même motif de la condamner à supporter les dépens de l’instance d’appel.
L’équité commande enfin de la condamner à verser la somme de 2.000 euros en indemnisation des frais non répétibles exposés à hauteur de cour.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :
— condamné la société Philae Développement à payer à Madame [X] la somme de 10.200 euros,
— condamné la société Philae Développement à payer à Madame [X] la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamné la société Philae Développement aux dépens de première instance ;
L’Infirme en ce qu’il a débouté Madame [S] [X] de sa demande de dommages et intérêts ;
statuant à nouveau, dans les limites de l’appel :
Condamne la société Philae Développement à payer à Madame [S] [X] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts à compter du 04 mars 2020 ;
et y ajoutant :
Condamne la société Philae Développement à payer à Madame [S] [X] la somme de 2.000 euros en indemnisation des frais irrépétibles exposés en deuxième instance ;
Condamne la société Philae Développement aux dépens de l’instance d’appel.