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Décisions

Cass. 1re civ., 1 mars 1988, n° 86-18.038

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fabre

Rapporteur :

M. Grégoire

Avocat général :

Mme Flipo

Avocats :

SCP Waquet, SCP Riché, Blondel et Thomas-Raquin

Rennes, du 12 juin 1986

12 juin 1986

Sur le pourvoi formé par la société anonyme AGUEDA "LE FOX X...", dont le siège social est ... (Loire atlantique),

en cassation d'un arrêt rendu, le 12 juin 1986, par la cour d'appel de Rennes (6e Chambre, 2e Section), au profit de la SOCIETE DES AUTEURS-COMPOSITEURS ET EDITEURS DE MUSIQUE (SACEM), dont le sioège social est ... à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine),

défenderesse à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ; 

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que la société Agueda "Le Fox-Trot", qui exploite une discothèque, fait grief à l'arrêt attaqué (Rennes, 12 juin 1986), statuant en référé, de l'avoir condamnée à payer une provision à la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) pour des faits de contrefaçon ayant consisté à diffuser au moyen de disques, sans l'autorisation de ladite société, des oeuvres de son répertoire et du répertoire de sociétés dont elle est mandataire ; qu'elle soutient, d'une part, que la SACEM, à qui les droits des auteurs n'ont été ni cédés ni apportés, est un simple mandataire à qui la cour d'appel ne pouvait, sans violer l'article 43 de la loi du 11 mars 1957 et l'article 32 du nouveau Code de procédure civile, reconnaître qualité pour agir en réparation du préjudice causé soit à ses membres soit aux auteurs étrangers, et ce, au mépris du principe selon lequel nul ne plaide par procureur ; et alors, encore, que l'article 65 de la loi susvisée n'a pour objet que la défense des intérêts collectifs de ses membres, à l'exclusion du recouvrement des droits particuliers de ceux-ci et des droits des auteurs étrangers, qui ne sont pas membres de ladite société ;

Mais attendu qu'en conférant aux organismes professionnels d'auteurs visés à l'alinéa 2 de l'article 43 de la loi du 11 mars 1957 la "qualité pour ester en justice pour la défense des intérêts dont ils ont statutairement la charge", l'alinéa 2 de l'article 65 du même texte leur a donné le pouvoir d'exercer l'action en contrefaçon, alors même qu'ils ne sont pas cessionnaires des droits des auteurs, en cas de reproduction ou de représentation, sans leur consentement des oeuvres qui constituent leur répertoire ou celui des sociétés d'auteurs dont ils ont reçu mandat pour agir aux mêmes fins ; D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen, que la diffusion publique d'un phonogramme constituait une reproduction et non une représentation de l'oeuvre et que l'autorisation de reproduction implique celle d'utiliser le phonogramme aux fins de diffusion de l'oeuvre au public, et alors qu'en toute hypothèse, les restrictions apportée par l'auteur à son autorisation seraient inopposables aux tiers acquéreurs des phonogrammes ; qu'en conséquence, la cour d'appel a violé les articles 27 et 28 de la loi du 11 mars 1957 et 1165 du Code civil ; Mais attendu que la représentation, telle que définie par l'article 27 de la loi du 11 mars 1957, implique seulement la présence d'un public et peut consister en une communication de l'oeuvre par un procédé quelconque et en particulier par le disque, de sorte que chaque audition du disque par le public constitue une représentation de l'oeuvre ; Attendu, en outre, que les droits de l'auteur sur ses oeuvres étant opposables à tous, il en va de même, en cas de transmission de ces droits, des limites apportées, conformément à l'article 31 de la loi du 11 mars 1957, au domaine d'exploitation des droits cédés quant à sa destination ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le troisième moyen, pris en ses trois branches :

Attendu, enfin, que la société Agueda fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée, en violation des articles 1134 du Code civil, 31 de la loi du 11 mars 1957 et 1382 du Code civil, à l'exécution d'un contrat qu'elle n'a pas conclu et qui seul aurait permis une fixation forfaitaire des redevances dues à la SACEM sans référence aux oeuvres réellement diffusées, de sorte que l'évaluation ainsi faite du préjudice prétendument causé aux auteurs est demeuré purement arbitraire ; Mais attendu que la cour d'appel a souverainement fixé, à partir des éléments d'appréciation qui lui étaient soumis, la provision qui représente le montant non sérieusement contestable du préjudice causé à la SACEM par des actes de contrefaçon commis en dehors de toute convention ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.