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Décisions

Cass. com., 4 octobre 2011, n° 10-15.790

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Le Griel, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Rennes, du 26 janv. 2010

26 janvier 2010

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 26 janvier 2010), que M. et Mme X... ont, suivant protocole d'accord du 22 avril 2005, promis de céder à une société à constituer le contrôle de la société Hydrotech moyennant une certaine somme fixée au regard de la situation comptable arrêtée au 30 mars 2005 ; qu'ils ont, le 20 juin 2005, cédé à la société L2B la totalité des parts de la société Hydrotech pour la même somme révisable à la baisse en fonction de la variation des capitaux propres de cette dernière entre le 1er avril 2005 et le 30 juin 2005 ; que la société L2B, prétendant avoir été trompée sur la situation de la société Hydrotech, en état de cessation des paiements et privée de concours bancaires au jour de la cession, a assigné M. et Mme X... en annulation de la cession de parts sociales ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir annulé l'acte de cession des parts sociales de la société Hydrotech du 20 juin 2005 et d'avoir condamné M. et Mme X... à la restitution du prix, alors, selon le moyen :

1°/ que, sauf circonstances particulières et volonté contraire des parties, la promesse de cession vaut cession dès lors que les parties sont d'accord sur la chose et sur le prix ; qu'en conséquence, l'intégrité du consentement des parties s'apprécie à la date de la promesse, peu important la réitération ultérieure par un nouvel acte ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la promesse synallagmatique de vente du 22 avril 2005 avait été réitérée par acte de cession du 20 juin 2005, le prix de 225 000 euros étant demeuré inchangé sur la base de la situation comptable arrêtée au 31 mars 2005 (article 3 du protocole, art. 3-1 de l'acte de cession) ; qu'en considérant, cependant, que l'intégrité du consentement de la société L2B devait être appréciée à la date de l'acte de cession du 20 juin 2005 et non à celle de la promesse synallagmatique de cession du 22 avril 2005 par cela seul que l'acte réitératif, sans modifier le prix convenu, avait introduit une clause de révision de ce prix en fonction du montant des capitaux propres de l'entreprise cédée et spécifié qu'il annulait et remplaçait le protocole du 22 avril 2005, la cour d'appel a violé les articles 1116 et 1589 du code civil ;

2°/ subsidiairement que l'article 3-1 de l'acte de cession stipulait que "le prix de cession des 3 250 parts sociales est fixé globalement et provisoirement à la somme de 225 000 euros. Ce prix a été déterminé en fonction du montant des capitaux propres figurant au passif de la situation comptable de la société Hydrotech arrêtée à la date du 31 mars 2005 et qui s'élevait à la somme de 104 336,61 euros après résultat négatif de 50 810,76 euros pour la période du 1er juillet 2004 au 31 mars 2005" ; qu'une révision de ce prix provisoire n'était prévue que dans l'hypothèse où le montant des capitaux propres de l'entreprise au 30 juin 2005 aurait été inférieur à 79 000 euros ; qu'il en résultait que les parties avaient convenu que, jusqu'à la conclusion de l'acte définitif de cession, les négociations avaient été menées en fonction de la situation au 31 mars 2005 ; qu'en considérant cependant qu'il convenait de mettre à la charge du cédant une obligation de communiquer les éléments comptables de la période courant du 1er avril 2005 au 20 juin 2005 et de révéler notamment l'état de cessation des paiements et le retrait des encours bancaires survenus après le 31 mars 2005, la cour d'appel a ignoré la loi des parties et a violé les articles 1116 et 1134 du code civil ;

3°/ en tout état de cause que, tenu de respecter le principe du contradictoire, le juge du fond ne peut soulever d'office un moyen sans inviter les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'occurrence, la société L2B se plaignait de ce que M. X... ne l'ait pas informée de l'état de cessation des paiements et ait affirmé une gestion en bon père de famille ; qu'en reprochant à M. X... de n'avoir pas informé la société L2B de la diminution de l'actif net et du retrait des concours bancaires sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°/ que le dol ne peut justifier l'annulation de l'acte juridique que si le cocontractant victime, en son absence, n'aurait pas contracté aux conditions convenues ; qu'en l'état de la détermination du prix en fonction du seul montant des capitaux propres, l'existence des concours bancaires et le rapport entre l'actif disponible et le passif exigible étaient clairement demeurés étrangers à cette fixation du prix ; qu'en considérant cependant que la délivrance des informations relatives à ces données aurait dissuadé les cessionnaires de contracter aux conditions convenues, la cour d'appel a violé les articles 1116 et 1134 du code civil ;

5°/ que l'état de cessation des paiements et sa date exacte ne sont pas nécessairement connus du cédant de parts sociales hors intervention d'un expert ou d'un juge ; qu'en reprochant à M. X... d'avoir déclaré que la société cédée n'était pas en état de cessation des paiements et, dès lors, d'avoir menti, puis de ne pas être revenu sur cette précision avant le 20 juin 2005, sans rechercher s'il était en mesure, au moment des faits, de connaître cet état révélé seulement par le rapport d'expertise déposé en 2006 et par le jugement du tribunal de commerce du 26 avril 2006, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;

6°/ que la seule détention d'une information utile ne suffit pas à caractériser l'élément intentionnel de la réticence dolosive ; qu'en affirmant que M. et Mme X... avaient dissimulé la dégradation des résultats de la société ainsi que le retrait de concours bancaires déterminants sans préciser les éléments lui permettant de retenir une rétention intentionnelle de ces informations en vue de tromper leur cocontractant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;

7°/ enfin que nul ne peut se plaindre d'une erreur provoquée par le défaut de révélation d'un événement s'il était en mesure de prévoir celui-ci ; qu'en ne recherchant pas si, disposant des éléments comptables au 31 mars 2005 établissant la situation délicate de la société, et assistée d'un conseil spécialisé, la société L2B ne pouvait pas légitimement craindre et supposer que, dans les semaines suivantes, les concours bancaires seraient retirés, l'état de cessation des paiements caractérisé et l'actif net comptable diminué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir relevé que le protocole d'accord du 22 avril 2005 contenant promesse synallagmatique de cession avait été réitéré par un second acte du 20 juin 2005 qui modifiait substantiellement les conditions de la cession en introduisant une clause de révision de prix et en spécifiant expressément qu'il annulait et remplaçait les actes antérieurs, notamment le protocole du 22 avril 2005, l'arrêt retient exactement que la validité du consentement du cessionnaire doit être appréciée, non au jour de la signature de ce protocole, mais à la date de l'acte de cession ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant constaté que la société L2B avait consenti à la cession du 20 juin 2005 sur la base d'une situation comptable arrêtée au 30 mars 2005 et au regard de déclarations des cédants affirmant notamment que la société Hydrotech bénéficiait d'une autorisation de découvert bancaire et n'était pas en état de cessation des paiements, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, et sans encourir les griefs contradictoires des cinquième et septième branches, que la cour d'appel a estimé que M. et Mme X... avaient trompé la société cessionnaire en ne lui communiquant pas les éléments comptables de la période postérieure au 30 mars 2005 et en ne lui révélant pas l'état de cessation des paiements ainsi que le retrait des encours bancaires survenus après cette date ;

Et attendu, en troisième lieu, que la cour d'appel n'était pas tenue d'inviter les parties à présenter leurs observations sur un moyen qui était dans le débat ;

D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses cinquième et septième branches, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.