Cass. com., 4 novembre 2020, n° 18-17.614
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Rapporteur :
Mme de Cabarrus
Avocat général :
M. Debacq
Avocats :
SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Foussard et Froger
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 22 décembre 2017), par acte du 31 mai 2007, M. M... a cédé à M. G... quinze des parts qu'il détenait dans le capital de la société Agri Sud Loire (la société Agri Sud). Par acte du 1er juin 2007, M. M..., Mme N... M... et Mme I... M... (les consorts M...) ont encore cédé à M. G... quarante-cinq parts de cette société. Enfin, par acte du 9 décembre 2008, M. G... a acquis des consorts M... les quarante dernières parts du capital de la société. A l'occasion de cette cession, les consorts M... et M. G... ont signé une convention de garantie de passif exclusivement fiscal et social, à proportion des quarante parts sociales cédées, l'ensemble des postes d'actifs de la société étant exclus de la garantie.
2. Entre le 24 juillet 2007 et le 22 juin 2009, M. G... et son épouse, Mme G..., se sont rendus cautions de plusieurs emprunts souscrits par la société Agri Sud auprès de différentes banques.
3. A l'occasion de l'établissement du bilan de l'exercice 2008, l'association de gestion et de comptabilité Asartis développement (l'association Asartis) a signalé à M. G... que des factures d'achats d'un montant d'environ 130 000 euros n'avaient pas été prises en compte, ce qui avait faussé les comptes de l'exercice 2006-2007. M. G..., estimant avoir été trompé sur la situation financière de la société Agri Sud, et cette dernière, ont assigné les consorts M... en responsabilité.
4. Mme G... est intervenue volontairement à l'instance et a demandé, avec M. G..., la condamnation solidaire de l'association Asartis, de la MAAF, son assureur, et des consorts M... à leur payer des dommages-intérêts au titre des préjudices financiers subis du fait des procédures engagées, ainsi qu'en garantie des condamnations prononcées ou à intervenir en leurs qualités de cautions, de sous-cautions de Mme M... et d'emprunteurs auprès d'une banque pour les deux prêts ayant servi à l'acquisition des parts sociales, ainsi qu'au titre de leur préjudice moral.
5. La société Agri Sud a été mise en redressement puis en liquidation judiciaires et M. L..., désigné en qualité de liquidateur, a repris l'instance.
Examen des moyens
Sur les premier, troisième et cinquième moyens, ce dernier pris en ses première et troisième branches, ci-après annexés
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur les deuxième et cinquième moyens, ce dernier pris en ses deuxième et quatrième branches, réunis
Enoncé des moyens
7. M. et Mme G... font grief à l'arrêt de rejeter la demande formée par M. G... contre l'association Asartis et M. et Mme M..., s'agissant des marges, alors :
« 1°/ qu'à supposer qu'eu égard à sa position, M. G... ait disposé du temps suffisant ou encore des moyens pour apprécier la situation financière exacte de la société, de toute façon il n'a pas été constaté par les juges du fond que M. G... avait la connaissance effective de cette situation, quand seule cette circonstance aurait pu exclure un droit à réparation à l'encontre de l'association Asartis ; qu'à cet égard, l'arrêt est privé de base légale au regard de l'article 1382 du code civil (devenu l'article 1240) ;
2°/ qu'à supposer que M. G..., eu égard à sa position, n'ait pas été suffisamment diligent et vigilant de manière à avoir une connaissance de la situation financière, de toute façon ce comportement, en admettant même qu'il ait été fautif, ne pouvait que conduire à un partage de responsabilités dès lors qu'une faute avait été commise par l'association Asartis ; qu'en décidant le contraire, pour exclure par principe la responsabilité de l'association Asartis, les juges du fond ont violé l'article 1382 du code civil (devenu l'article 1240).
3°/ qu'en l'absence de faute prouvée à l'égard de M. G..., et notamment de constatations quant à la connaissance que ce dernier pouvait avoir des anomalies affectant les comptes, un droit à réparation devait être constaté à l'encontre de Mme M... ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 1147 du code civil (devenu article 1231-1) ;
4°/ que le comportement de M. G..., s'agissant de la demande formée par Mme G..., ne pouvait en aucune façon être pris en compte, dès lors que le fait du tiers, réserve faite du cas où il constitue une force majeure, ne peut pas affecter le droit à réparation de la victime à l'encontre de l'auteur du dommage ; qu'à cet égard, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 1382 du code civil. »
Réponse de la Cour
8. L'arrêt constate que M. G... s'était déjà engagé dans le processus d'acquisition de la société lorsque les comptes arrêtés au 31 octobre 2007 ont été déposés et en déduit que ces comptes ne peuvent avoir influé sur sa décision d'acheter les soixante premières parts de la société. Il relève que, quand il a acquis les parts restantes, en décembre 2008, M. G... était déjà associé majoritaire et avait en charge la cogérance depuis le 1er juin 2007 et la gérance totale de la société depuis le 30 septembre 2008 et qu'il n'est pas établi de dissimulation ou de rétention de documents comptables par Mme M... lorsqu'elle gérait la société. Il en déduit que M. G... était en mesure d'apprécier la situation financière de la société Agri Sud et de ses seuils de rentabilité, de sorte qu'il ne peut soutenir que les anomalies des comptes de l'exercice 2006-2007 ont influé sur sa décision d'acquérir les parts sociales restantes, près de huit mois après l'approbation des comptes critiqués. En l'état de ces constatations et appréciations, dont elle a pu déduire que le lien de causalité entre les erreurs affectant les comptes critiqués et les préjudices invoqués par M. et Mme G... n'était pas établi, la cour d'appel, qui n'a pas retenu de faute commise par M. G..., a légalement justifié sa décision.
9. Par conséquent, les moyens, pour partie inopérants, ne sont pas fondés pour le surplus.
Et sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
10. M. et Mme G... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes dirigées contre M. et Mme M..., alors :
« 1°/ que les juges du fond, s'agissant de l'association Asartis, ont écarté l'existence d'une faute en considération de la mission de contrôle qui lui était confiée ; que les motifs concernant l'association Asartis étaient dès lors dépourvus de pertinence s'agissant de M. et Mme M... ; que fondés sur des motifs dépourvus de pertinence, l'arrêt encourt la censure, s'agissant de M. G..., pour violation des articles 1137 et 1147 anciens du code civil (articles 1197 et 1240-1 nouveaux du code civil) ;
2°/ les juges du fond, s'agissant de l'association Asartis ont écarté l'existence d'une faute en considération de la mission de contrôle qui lui était confiée ; que les motifs concernant l'association Asartis étaient dès lors dépourvus de pertinence s'agissant de M. et Mme M... ; que fondés sur des motifs dépourvus de pertinence, l'arrêt encourt la censure, s'agissant de Mme G..., pour violation de l'article 1382 du code civil (devenu article 1240) ;
3°/ que si les juges du fond ont remis en cause certaines approches de l'expert pour contester les effets des erreurs qu'il avait constatées, ils n'ont pas relevé qu'aucune des erreurs retenue par l'expert ne pouvait être retenue ; qu'en écartant par principe le droit à réparation de M. G..., les juges du fond ont violé les articles 1137 et 1147 du code civil (articles 1197 et 1240-1 nouveaux du code civil) ;
4°/ que si les juges du fond ont remis en cause certaines approches de l'expert pour contester les effets des erreurs qu'il avait constatées, ils n'ont pas relevé qu'aucune des erreurs retenue par l'expert ne pouvait être retenue ; qu'en écartant par principe le droit à réparation de Mme G..., les juges du fond ont violé les articles 1382 du code civil (devenue 1240 du code civil). »
Réponse de la Cour
11. Par des motifs vainement critiqués par le deuxième moyen et le cinquième moyen, pris en ses deuxième et quatrième branches, la cour d'appel a retenu l'absence de lien de causalité entre les erreurs affectant les comptes arrêtés au 31 octobre 2007 et les préjudices invoqués par M. et Mme G....
12. Par conséquent, le moyen, qui critique des motifs surabondants, relatifs aux fautes reprochées à M. et Mme M... qui seraient à l'origine des erreurs affectant ces comptes, est inopérant.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.