Cass. com., 12 avril 2016, n° 14-29.483
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Waquet, Farge et Hazan
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un protocole du 23 août 2005, les sociétés Eiffage construction et Eiffage construction Nord Aquitaine ont cédé à la société Pyramide la totalité des parts représentant le capital de la société Dagand ; qu'une assemblée générale extraordinaire de la société Dagand du 15 juin 2008 a décidé la dissolution de cette société, entraînant la transmission universelle de son patrimoine à la société Pyramide ; qu'un arrêt correctionnel, devenu définitif, a déclaré un préposé de la société Dagand coupable de participation frauduleuse à des ententes illicites et l'a condamné au paiement de dommages-intérêts, in solidum avec la société Pyramide, venue aux droits de la société Dagand, en sa qualité de civilement responsable ; qu'une décision de l'Autorité de la concurrence a prononcé une condamnation contre la société Pyramide pour des griefs en relation avec la procédure pénale ; que reprochant aux sociétés Eiffage construction et Eiffage construction Nord Aquitaine de lui avoir, lors de la cession, volontairement dissimulé l'existence de ces procédures, la société Pyramide les a assignées en paiement de dommages-intérêts pour réticence dolosive ; que la cour d'appel a retenu la responsabilité des sociétés Eiffage construction et Eiffage construction Nord Aquitaine et accueilli partiellement les demandes de la société Pyramide ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Pyramide fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la réparation de son préjudice d'image alors, selon le moyen :
1°/ que la résonance négative professionnelle et médiatique de procédures judiciaires pour faits de corruption et d'ententes illicites crée nécessairement un préjudice moral pour la société victime de ces procédures et étrangère aux faits poursuivis ; que la cour d'appel a retenu que la société Pyramide a dû affronter la résonance négative professionnelle et médiatique des procédures judiciaires en cours auprès des partenaires de la société Dagand ; qu'en concluant pourtant à l'absence de démonstration d'un préjudice, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
2°/ qu'en refusant d'indemniser le préjudice moral subi par la société Pyramide, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale, ensemble l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'il résulte des conclusions d'appel de la société Pyramide qu'elle s'était bornée à demander la réparation du préjudice commercial qu'elle prétendait avoir subi du fait de la résonance professionnelle et médiatique des procédures en cours ; que le moyen manque en fait ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande de réparation du préjudice lié à l'implication du gérant de la société Pyramide dans le traitement du contentieux, l'arrêt retient qu'il entre dans les fonctions du dirigeant, non seulement la mission d'assumer la gestion courante de son entreprise, mais celle de veiller à prendre toutes les décisions utiles à la défense de ses intérêts lorsque ceux-ci sont menacés par des actions en justice, comme d'en contrôler leur exécution ; qu'il en déduit que cette implication n'ouvre droit à aucune réparation financière supplémentaire ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'obligation pour le dirigeant de consacrer du temps et de l'énergie au traitement de procédures contentieuses au détriment de ses autres tâches de gestion et de développement de l'activité de la société cause un préjudice à cette dernière, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme de 146 070 euros au titre des préjudices subis par la société Pyramide la condamnation solidaire des sociétés Eiffage construction et Eiffage construction Nord Aquitaine, l'arrêt rendu le 5 septembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen.