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Décisions

CE, 5e et 4e sous sect. réunies, 14 novembre 2011, n° 343908

CONSEIL D'ÉTAT

Arrêt

Annulation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. de Casanova

Rapporteur :

Mme Duval-Arnould

Rapporteur public :

M. Thiellay

Avocat :

Me Foussard

CE n° 343908

13 novembre 2011

Vu le pourvoi, enregistré le 20 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour PARIS HABITAT-OPH, dont le siège est au 21 bis rue Claude Bernard à Paris Cedex (75253) ; le requérant demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0708742/6 du 24 juillet 2010 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 628,85 euros avec intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2007, en réparation des préjudices qu'elle a subis en raison du refus du préfet de police de lui accorder le concours de la force publique pour l'exécution de la décision de justice prononçant l'expulsion des occupants d'un logement situé 10 rue Général Humbert à Paris ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande devant le tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Domitille Duval-Arnould, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de Me Foussard, avocat de la SOCIETE PARIS HABITAT-OPH,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Foussard, avocat de la SOCIETE PARIS HABITAT-OPH ;

Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution : " L'Etat est tenu de prêter son concours à l'exécution des jugements et des autres titres exécutoires. Le refus de l'Etat de prêter son concours ouvre droit à réparation " ; qu'il résulte des articles 17, 18 et 19 de cette loi que l'huissier de justice chargé de l'exécution peut requérir le concours de la force publique, qu'il peut procéder à l'exécution forcée et qu'il a la responsabilité de la conduite des opérations d'exécution ; que l'article 50 du décret du 31 juillet 1992, pris pour l'application de cette loi, dispose : " Si l'huissier de justice est dans l'obligation de requérir le concours de la force publique, il s'adresse au préfet. / La réquisition (...) est accompagnée d'un exposé des diligences auxquelles l'huissier de justice a procédé et des difficultés d'exécution (...) " ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative est normalement tenue d'accorder le concours de la force publique en vue de l'exécution d'une décision de justice revêtue de la formule exécutoire et rendue opposable à la partie adverse ; que, s'il en va autrement dans le cas où l'exécution forcée comporterait un risque excessif de trouble à l'ordre public, un refus justifié par l'existence d'un tel risque, quoique légal, engage la responsabilité de l'Etat à l'égard du bénéficiaire de la décision de justice ; que les dispositions de l'article 50 du décret du 31 juillet 1992, prévoyant que la réquisition est accompagnée d'un exposé des diligences auxquelles l'huissier a procédé et des difficultés d'exécution, ont pour objet non d'habiliter le préfet à porter une appréciation, qui n'appartient qu'à l'huissier, sur la nécessité de demander le concours de la force publique, mais de l'éclairer, le cas échéant, sur la situation et sur les risques de troubles que l'expulsion peut comporter ; que, d'une part, l'existence d'une tentative matérielle d'exécution du jugement d'expulsion de la part de l'huissier à l'issue du délai donné par le commandement de quitter les lieux aux occupants n'est pas une condition légale de l'octroi de la force publique et que, d'autre part, l'absence de mention des diligences faites par l'huissier dans la demande de concours de la force publique pour obtenir le départ des occupants sans titre n'a pas pour effet de rendre irrégulière la réquisition ; qu'en revanche, conformément aux dispositions de l'article 62 de la loi du 9 juillet 1991, l'administration ne peut être régulièrement saisie d'une demande de concours qu'à l'expiration du délai de deux mois suivant la notification qui lui a été faite de la copie du commandement de quitter les lieux antérieurement signifié à l'occupant et lorsque ce commandement est resté sans effet ;

Considérant que, pour rejeter, par le jugement attaqué, la demande de l'Office Public d'Aménagement et de Construction de Paris, au droit duquel vient PARIS HABITAT-OPH, tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer les préjudices résultant du refus du préfet de police de lui accorder le concours de la force publique pour l'exécution d'un jugement ordonnant l'expulsion des occupants d'un logement situé 10 rue Général Humbert à Paris, le tribunal administratif de Paris a jugé que la réquisition adressée au préfet de police par l'huissier mandaté par l'office, plus de deux mois après lui avoir été notifié une copie du commandement d'avoir à quitter les lieux adressé aux occupants sans titre de ce logement, était incomplète, faute d'être accompagnée de l'exposé des diligences de l'huissier et des difficultés d'exécution auxquelles il se serait heurté en procédant à une tentative d'expulsion ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que, ce faisant, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; que par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son jugement doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à PARIS HABITAT-OPH au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 24 juillet 2010 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Paris.

Article 3 : L'Etat versera à PARIS HABITAT-OPH la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à PARIS HABITAT-OPH et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.