Livv
Décisions

Cass. com., 21 avril 2022, n° 20-20.619

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Mollard

Rapporteur :

M. Ponsot

Avocats :

SCP Gouz-Fitoussi, SCP Thouin-Palat et Boucard

TGI Bayonne, du 5 avr. 2018, n° 14/00976

5 avril 2018

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° A 20-20.619 et Q 21-10.355 sont joints.

Désistement partiel

2. Il est donné acte à la société Imagerie médicale Euska-B de son désistement de pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 19 mai 2020.

Faits et procédure

3. Selon les arrêts attaqués ([Localité 5], 6 décembre 2019 et 19 mai 2020), M. [P], associé au sein de la Selarl Issadi-Inaraja-[P], devenue Imagerie médicale Euska-B (la société), en a été exclu par décision de l'assemblée générale du 23 juillet 2012, en raison de l'exercice d'activités annexes en contravention avec les statuts.

4. Un désaccord étant apparu entre les parties sur la valeur des droits sociaux, un expert a été désigné, en la personne de M. [D], par ordonnance d'un président de tribunal de grande instance, sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil.

5. Par un jugement avant dire droit, le tribunal statuant au fond a écarté le rapport d'expertise pour erreur grossière, et a désigné un nouvel expert, en la personne de M. [V].

6. Au vu du rapport établi par ce dernier, le tribunal a condamné la société à verser à M. [P] une certaine somme.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi n° Q 21-10.355, qui est préalable

7. M. [P] fait grief à l'arrêt du 6 décembre 2019 de rejeter le moyen tendant à voir déclarer non avenu l'article 13, alinéa 2, des statuts de la société et de le débouter de sa demande d'annulation de la résolution ayant prononcé son exclusion suivant assemblée générale extraordinaire du 23 juillet 2012 comme prise en vertu d'une clause statutaire réputée non écrite, alors « que doit être réputée non écrite la clause qui prévoit que l'exclusion d'un associé est décidée par les associés à la majorité calculée en excluant le vote de l'intéressé ; qu'en décidant que l'article 13 des statuts qui prévoyait que "cette exclusion est décidée par les associés à la majorité prévue pour les décisions extraordinaires, calculée en excluant, outre l'intéressé, les associés ayant fait l'objet d'une sanction pour les mêmes faits ou pour des faits connexes, l'unanimité des autres associés exerçant au sein de la société et habilités à se prononcer en l'espèce devant être recueillie" ne devait pas être réputée non écrite dès lors que l'associé exclu avait le droit de participer au vote, peu important que son vote ne soit pas pris en compte dans le calcul, la cour d'appel a violé les articles 1844 et 1844-10 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1844 et 1844-10 du code civil :

8. Il résulte du premier de ces textes que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et que les statuts ne peuvent déroger à ces dispositions que dans les cas prévus par la loi. Il résulte du second que toute clause statutaire contraire est réputée non écrite.

9. Pour rejeter la demande d'annulation de la résolution du 23 juillet 2012 excluant M. [P] de la société, l'arrêt, après avoir exactement énoncé les principes susvisés, retient qu'en l'espèce, la clause litigieuse n'a pas pour objet de priver l'associé exclu de son droit de participer à la décision et au vote, mais seulement de ne pas prendre en compte son vote dans le calcul des voix, ce qui ne contrevient à aucune disposition légale d'ordre public. Elle constate, en outre, que M. [P] avait reçu une convocation l'invitant à participer à l'assemblée générale, pour s'expliquer contradictoirement sur les faits qui lui étaient reprochés et délibérer sur la résolution unique touchant à son exclusion, et retient que sa non-participation au vote est donc de son fait.

10. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait qu'aux termes de l'article 13 des statuts, sur le fondement duquel la résolution du 23 juillet 2012 avait été prise, l'exclusion est décidée par les associés à la majorité prévue pour les décisions extraordinaires, calculée en excluant l'intéressé, ce dont il résultait que l'associé concerné se voyait privé de son droit de vote, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.

Et sur le troisième moyen du pourvoi n° Q 21-10.355

Enoncé du moyen

11. M. [P] fait grief à l'arrêt du 19 mai 2020 de déclarer irrecevable la demande de distribution de dividendes depuis l'année 2012 par lui formée pour la première fois en appel, alors « que selon l'article 625 du code de procédure civile, la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu, à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; que l'arrêt attaqué du 19 mai 2020 étant dans un lien de dépendance nécessaire avec l'arrêt du 6 décembre 2019, la cassation de l'arrêt du 6 décembre 2019 entraînera l'annulation par voie de conséquence de l'arrêt du 19 mai 2020 par application des dispositions de l'article 625 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile :

12. Selon ce texte, la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

13. La cassation de l'arrêt du 6 décembre 2019 entraîne la cassation de l'arrêt du 19 mai 2020, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus les 6 décembre 2019 et 19 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.