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Décisions

CA Reims, ch. civ. sect. 1, 29 novembre 2022, n° 21/02202

REIMS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

DT Line (SARL), DTA (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mehl-Jungbluth

Conseillers :

Mme Maussire, Mme Mathieu

Avocats :

Me Rolland, Me Riou-Jacques

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de …

2 novembre 2021

EXPOSE DU LITIGE

Suivant devis accepté le 3 septembre 2013, Monsieur [P] [M] et Madame [F] [B], son épouse, ont commandé à la Sarl Dt Line la fourniture et la pose d'une piscine, en ce compris les travaux de terrassement, moyennant un prix de 33.900 euros ttc.

La coque de la piscine a été fournie à la Sarl Dt Line par la société Alliances Piscines, accompagnée d'un certificat de garantie, et les travaux réalisés au cours du premier semestre 2014 ont donné lieu à une facture d'un montant de 33.900 euros éditée le 8 avril 2014.

Se plaignant de fissures apparues sur la coque de la piscine, les époux [M] ont obtenu du juge des référés du tribunal de grande instance de Charleville-Mézières l'organisation d'une mesure d'expertise judiciaire, par une ordonnance rendue le 21 juin 2018 au contradictoire de la Sarl Dt Line, de la société DTA et des sociétés Lea composites Est et Elite Insurance Company.

Le juge des référés a également enjoint à la Sarl DT Line d'avoir à communiquer aux époux [M], dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'ordonnance, une attestation d'assurance justifiant de ce qu'elle est assurée au titre de la garantie décennale.

Par actes huissier en date du 4 mai 2020, les époux [P] [M] ont fait assigner les Sarl DT Line et DTA, devant le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières, sur le fondement des articles 1792 et 1382 ancien du code civil en responsabilité et en paiement de diverses sommes en réparation de leurs préjudices.

Par jugement rendu le 2 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières a :

-débouté les Sarl DT Line et DTA de leur demande tendant à voir prononcer la nullité du rapport d'expertise judiciaire,

-déclaré la Sarl DT Line responsable de plein droit sur le fondement de l'article 1792 du code civil des désordres affectant la piscine des époux [P] [M],

-déclaré la Sarl DTA responsable de plein droit sur le fondement de l'article 1241 du code civil de ces mêmes désordres,

-condamner in solidum les Sarl DT Line et DTA à payer aux époux [M] les sommes de :

-67.987,40 euros au titre du préjudice matériel,

-4.000 euros au titre du trouble de jouissance,

-2.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles,

Ainsi qu'aux dépens.

Par un acte en date du 10 décembre 2021, les sociétés DT Line et DTA ont interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées par la voie électronique le 3 février 2022, les sociétés DT Line et DTA concluent à l'infirmation du jugement déféré et demandent à la cour de :

-prononcer la nullité du rapport d'expertise judiciaire,

-débouter les époux [M] de leurs demandes,

-subsidiairement, ramener à de plus justes proportions les sommes sollicitées.

Elles réclament en outre le paiement à chacune de la somme de 2.500 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Sur la forme, elles soutiennent que le fait de ne pas mentionner dans le rapport d'expertise le dire de l'une des parties et de ne pas tenir compte de ses observations, est sanctionné par la nullité dudit rapport. Selon elles, l'expert n'aurait apporté aucune réponse claire et précise aux dires qu'elles ont formulés le 6 janvier 2020 et aurait refusé la tenue d'une nouvelle réunion d'expertise. De plus elle souligne que le rapport définitif a été déposé deux jours plus tard, ce délai étant insuffisant pour prendre en compte le dire transmis. Elles indiquent qu'en l'absence de débat technique sur les questions qu'elles ont soulevées, c'est l'élément de preuve essentiel du litige qui a été écarté par l'expert, soit la nécessité de déterminer précisément l'origine des désordres affectant la piscine.

Au fond, elles font valoir que l'impropriété de l'ouvrage n'est pas établie et que les conditions de la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle ne sont pas réunies, notamment la preuve d'un lien de causalité entre l'inexécution et le dommage.

Elles soulignent que l'expert qui a relevé l'existence de poussées hydrostatiques entraînant la déformation des parois n'a établi aucun lien entre les non-conformités constatées et les désordres. Elles indiquent qu'à défaut d'avoir réalisé une étude de sol, il n'y a aucune certitude sur la composition précise du sous-sol et notamment sur la présence éventuelle d'une nappe phréatique. Elles relèvent que les directives techniques piscines (DTP) établies par la fédération des professionnels de la piscine font état de plusieurs conditions pour garantir la stabilité du bassin, celui-ci devant notamment être rempli d'eau en permanence et construit en tenant compte du niveau des nappes aquifères de la région.

Elles affirment qu'il n'est pas justifié du bon entretien de la piscine et ajoutent que les montants réclamés sont disproportionnés par rapport au coût initial de la prestation.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées électroniquement le 3 mai 2022, les époux [M] concluent à l'infirmation partielle du jugement déféré et demandent à la cour de condamner in solidum les sociétés DT Line et DTA à leur payer les sommes de':

-90.629,20 euros outre les intérêts à compter de la délivrance de l'assignation du 4 mai 2020, au titre des travaux de démolition/reconstruction,

-4.374 euros outre les intérêts à compter de la délivrance de l'assignation du 4 mai 2020, au titre du coût de l'étude de sol,

-3.600 euros par an pour les années 2018, 2019, 2020 et 2021, au titre du préjudice de jouissance outre les intérêts à compter de la délivrance de l'assignation du 4 mai 2020 et jusqu'à la réalisation intégrale des travaux,

-7.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Ils exposent que Monsieur [A], gérant des sociétés DT Line et DTA était présent et accompagné de son conseil lors de la première réunion d'expertise et que les notes d'étape ont été transmises aux deux sociétés. Ils précisent que l'expert a répondu à tous les dires même transmis hors délai et a pris en considération les avis techniques transmis.

Ils soutiennent que la Sarl DT Line, réputée constructeur de l'ouvrage en application du contrat, est responsable de plein droit à leur égard au titre de la garantie décennale dans la mesure où les désordres relevés, d'une part, compromettent la solidité de l'ouvrage, et d'autre part, le rendent impropre à sa destination. Ils ajoutent que la Sarl DTA, qui reconnaît avoir procédé aux travaux défectueux et facturé la sous-traitance de la pose de l'ouvrage, a engagé sa responsabilité délictuelle au titre des malfaçons, non façons et manquements aux règles de l'art relevés par l'expert. Ils précisent qu'une étude de sol préalable aurait dû être préconisée par l'installateur au titre de son devoir de conseil.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

*Sur la validité du rapport d'expertise

A titre liminaire, il convient de relever que les sociétés DT Line et DTA présentent le même argumentaire que celui développé devant le tribunal. Or, la cour estime que le premier juge par des motifs pertinents qu'elle adopte a fait une exacte appréciation des faits qui lui étaient soumis et des éléments de la cause.

Ainsi, en application de l'article 16, alinéa 1, du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire. Ce principe s'applique à toutes les procédures de preuve et, en particulier, aux mesures d'instruction exécutées par un technicien, et sa violation entraîne la nullité de l'expertise réalisée non contradictoirement, sans que la partie qui l'invoque n'ait à justifier d'un grief.

En l'espèce, il est constant qu'une première réunion d'expertise s'est déroulée le 13 mars 2019 en présence des parties et de leurs conseils, laquelle a donné lieu à une note d'étape n°1 constatant la déformation du bassin et la rupture de la coque, et mettant en cause des poussées hydrostatiques comme étant à l'origine des désordres, outre la mention de la présence d'une nappe phréatique et de terres argileuses.

ll ressort également des pièces qu'à l'occasion de la seconde réunion qui s'est tenue le 10 juillet 2019, le représentant des sociétés DT Line et DTA ainsi que leurs conseil, étaient absents.

Toutefois, il n'est pas contesté qu'un pré-rapport établi le 30 octobre 2019 a été transmis par voie électronique aux parties et à leurs conseils respectifs, étant laissé à ces derniers un délai de transmission des dires expirant au 2 décembre 2019.

Le rapport définitif ainsi que les écritures des parties relèvent que Me [D], en cours de procédure, est venu succéder à Me [T] pour assister les sociétés DTA et DT Line, de sorte qu'un délai supplémentaire pour présenter des observations leur a été accordé, lequel arrivait à expiration le 6 janvier 2020.

ll est à ce titre établi par les sociétés DT Line et DTA qu'elles ont adressé un dire à expert par voie électronique le 6 janvier 2020, dans lequel elles ont sollicité, sur la base de l'avis technique formule par M. [V] [S], expert en piscine, la tenue d'une nouvelle réunion d'expertise aux fins de déterminer la ou les causes des désordres.

ll ressort toutefois du rapport définitif établi le 8 janvier 2020 que, d'une part, le dire transmis par les sociétés DT Line et DTA le 6 janvier 2020 a été reproduit en page 30 du rapport définitif, et que, d'autre part, Mme [H] [X], expert judiciaire, y a expressément répondu en réagissant, point par point, à l'avis technique annexé au dire, et en précisant qu'une nouvelle réunion d'expertise ne permettrait aucunement de faire la preuve du défaut de vidage de la piscine en hiver tel qu'allégué par les sociétés DT Line et DTA.

Il est ainsi démontré que les sociétés DT Line et DTA, contrairement à leurs affirmations, ont été mises en mesure d'assister aux opérations d'expertises, ont bénéficié d'un délai supplémentaire en suite de leur changement de conseil, ont pu présenter leurs observations, lesquelles ont été intégrées au rapport définitif et ont également reçu une réponse de l'expert judiciaire.

Dans ces conditions, constatant que le principe de la contradiction a été respecté lors des opérations d'expertise menées par Madame [X], en conséquent, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les sociétés DT Line et DTA de leur demande tendant à voir prononcer la nullité du rapport d'expertise.

*Sur la responsabilité de la SARL DT Line

En application de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses elements constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

L'article 1792-1 du même code précise qu'est réputé constructeur de l'ouvrage :

1° Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ;

2° Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire ;

3° Toute personne qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage.

Dès lors que les désordres relèvent de la garantie décennale et que n'est pas constatée l'existence d'une cause étrangère de nature à limiter la responsabilité du maître d'oeuvre, celle-ci est engagée de plein droit et pour le tout.

La cour estime que c'est par des motifs pertinents qu'elle adopte que le premier juge a fait une exacte appréciation des éléments de la cause.

Ainsi, il ressort du bon de commande en date du 3 septembre 2013 à l'en-tête «'DT Line» que les époux [P] [M] ont contracté pour obtenir les prestations suivantes': terrassement, fourniture de la coque, filtration complète, matériel d'entretien, fourniture margelles et PVC, préparation du sol, mise en place du bassin, réglage des niveaux, montage pièce à sceller, fourniture gravillons et béton, remblais des parois, raccordement hydraulique, ceinture béton, pose des margelles et installation du système de filtration.

Les travaux ont été réalisés au cours du premier semestre 2014.

ll est établi qu'au cours de l'hiver 2018, la coque de la piscine a subi des fissurations, gonflements et déformations.

Aux termes de son rapport rédigé le 8 janvier 2020, Mme [H] [X], expert judiciaire, relève notamment que «' Le fond du bassin présente un relèvement bombé d'une hauteur de 30 cm environ au centre. Les parois (étayées pour éviter l'aggravation) sont également bombées. Dans un angle, on constate une fissure de 40 cm environ et une rupture de la coque. Par ce trou, jaillit une eau claire à une allure importante. Sans pompage, le bassin se remplit rapidement ».

Il ressort des débats que c'est après plusieurs saisons que les désordres précités sont apparus postérieurement à la réception l'ouvrage, et qu'ils n'étaient donc ni apparents ni réservés à cette dernière date.

S'agissant d'une piscine à usage de loisirs, dont l'imperméabilité et l'intangibilite constituent des caractères primordiaux, et dans laquelle le niveau et la qualité de l'eau ont vocation à être sous le contrôle des usagers, les constats réalisés par l'expert judiciaire établissent que, d'une part, l'ouvrage est compromis dans sa solidité conformément à l'article 1792-2 du code civil du fait des fissurations, déformations et gonflements de la coque, et d'autre part, celui-ci est rendu impropre à sa destination du fait des échanges d'eau s'opérant entre le bassin et la nappe phréatique, en alternance entre les pertes et les remontées d'eau, en fonction de la pluviométrie de la région.

ll résulte de ces éléments que les désordres litigieux relèvent de la garantie décennale.

Par ailleurs, la Sarl DT Line, réputée constructeur de l'ouvrage par application de l'article 1792-1, 1°, du code civil, ne démontre pas l'existence d'une cause étrangère susceptible de l'exonérer de sa responsabilité.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la Sarl DT Line responsable de plein droit des dommages subis par les époux [P] [M] découlant de la construction de la piscine litigieuse.

*Sur la responsabilité de la Sarl DTA

La Sarl DTA qui a le même gérant que la Sarl DT Line s'est vue confier par cette dernière la sous-traitance de la pose de la piscine litigieuse

En application de l'article 1241 du code civil, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

De jurisprudence constante, si les conventions n'ont en principe d'effet qu'entre les parties contractantes, le manquement par l'une d'elle a une obligation contractuelle est de nature à constituer un fait illicite à l'égard d'un tiers au contrat, lequel peut obtenir l'indemnisation de son préjudice s'il établit un lien de causalité entre le manquement et le dommage qu'il subit.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise que la piscine, installée au dessus d'une nappe phréatique, ne présente pas de réseau de drainage périphérique et souterrain, et que le puits de décompression a été installé à une profondeur insuffisante, soit à 1,35 m pour une piscine profonde de 1,60 m, et sans pompe de relevage.

ll ressort à ce titre des directives techniques piscines établies par la fédération des professionnels de la piscine, aujourd'hui reprises par la norme AFNOR ACP90-328, que le bassin doit être implanté dans un sol stable, cohérent, homogène, exempt d'eau et d'une portance suffisante, étant précise qu'en cas d'incertitude, il est fortement conseillé d'effectuer un sondage (tranchée, tarière, forage) à l'emplacement même de l'ouvrage.

Ce même document indique, d'une part, que les qualités de stabilité et de cohérence du sol conditionnent l'importance du remblaiement à effectuer et qu'une attention particulière devra être portée sur la qualité du sous-sol ainsi qu'au drainage des eaux autour de la piscine, des plages et des escaliers, et que, d'autre part, en présence d'eau ou de nappe phréatique, sont indispensables la création d'un réseau de drainage ainsi que la pose sous le niveau de fond de fouille du terrassement d'un ou plusieurs puits d'équilibre en liaison avec le drainage périphérique.

Le document mentionne enfin que les sols argileux, dont la limite de liquidité est supérieure à 40 ne peuvent recevoir de bassin sans étude de sol et précaution particulières, et que les bassins reposant sur une nappe phréatique doivent être remplis d'eau en permanence, étant souligné que par rapport au fond du bassin, le plus haut niveau de la nappe aquifère connu dans la région doit être inferieur au niveau d'eau dans la piscine.

Aux termes de son rapport, l'expert énonce que les désordres proviennent d'une exécution défectueuse et d'une non-conformité aux normes techniques du fabricant de la coque Alliance Piscines :

Non-respect des travaux de drainage, pressiomètre non conforme, absence de réseau de drainage

Non-conformité du matériau de drainage (mauvaise granulométrie)

Non-conformité du dallage alentour non armé.

Madame [X] conclut': «'Les désordres constatés proviennent d'un défaut de mise en oeuvre dans un milieu à risque tel qu'un terrain avec la présence d'une nappe phréatique. Pour assurer la pérennité de l'ouvrage il apparaît indispensable de faire réaliser une étude de sol a'n de pouvoir garantir la compatibilité du type de bassin à poser. La réalisation de l'étude de sol est à la charge du maître d'ouvrage, cependant tout installateur devrait au titre du devoir de conseil préconiser celle-ci ».

Il résulte de ces éléments que la Sarl DTA a commis une faute, consistant, dans un milieu à risque, en une exécution des travaux défectueuse et non conforme aux normes du fabricant de la coque ainsi qu'aux directives techniques piscines établies par la fédération des professionnels de la piscine.

Cette faute d'exécution grossière au vu du nombre important de manquements mis en exergue par l'expert judiciaire, est en lien de causalité directe avec le préjudice subi par les époux [P] [M] qui ne peuvent plus utiliser leur piscine.

Dans ces conditions, il convient de retenir la responsabilité délictuelle de la Sarl DTA dans le dommage subi par les époux [P] [M], et par conséquent de confirmer le jugement déféré de ce chef.

*Sur l'indemnisation des préjudices

ll ressort du rapport d'expertise judiciaire que la réparation partielle du bassin ne saurait suffire à réparer le dommage dans la mesure où, d'une part, aucun prestataire ne pourra garantir la pérennité de l'ouvrage, et où, d'autre part, il est nécessaire de créer un réseau de drainage sous et autour de la piscine, d'installer un puits de décompression avec une pompe de relevage, et de procéder à la pose d'une nouvelle coque non déformée.

L'expert relève en outre que le dallage péripherique de la piscine n'a pas été armé, que la dépose des margelles ne permettra pas leur réemploi du fait de la casse prévisible, et que le gravier employé pour le remblai et le drainage n'est pas conforme aux prescriptions du fabricant, de sorte que des travaux de démolition et d'évacuation sont nécessaires avant de procéder aux travaux d'installation d'une piscine de même dimension comprenant un réseau de drainage conforme aux règles de l'art ainsi qu'un dallage périphérique en béton armé.

Sur la base de devis transmis par la société Arden Piscines et Abris Concept, l'expert chiffre le coût total de ces travaux à la somme de 90.629,20 euros TTC, dont 5.900 euros au titre des travaux de dépose et repose des abris de piscine, 28.187,40 au titre des travaux de démolition et 56.541 ,80 euros au titre des travaux de reconstruction.

A la différence du tribunal, la cour estime, qu'au vu de l'amateurisme général qui a gouverné la réalisation de ce chantier et dont les conséquences sont irrémédiables s'agissant de l'impropriété de l'ouvrage et de la nécessité de tout refaire plus de 8 ans après la réception, aucun argument sérieux ne permet de minorer le chiffrage préconisé par l'expert. En effet, il ne peut être reproché aux époux [M] d'avoir refusé au cours des opérations d'expertise de procéder à une étude de sol, dans la mesure où ce sont eux qui ont fait l'avance des frais d'expertise dès le début et qu'à ce jour il n'est justifié par les sociétés DT Line et DTA d'aucune assurance. Le chiffrage des travaux en 2022 ne peut être identique à celui de 2013, mais cet état de fait n'est pas imputable aux époux [M].

Dès lors, le préjudice matériel sera évalué à la somme de 90.629,20 euros ttc.

Le poste de préjudice lié à la réalisation d'une étude de sol sera en revanche écarté, comme l'a fait le tribunal, dans la mesure où il ne correspond à aucuns travaux réparatoires, étant rappelé qu'il appartenait aux époux [M] de la mettre en oeuvre et d'en supporter le coût antérieurement à la réalisation de l'ouvrage.

Enfin, s'agissant d'une piscine recouverte d'un abri et pouvant dès lors être utilisée toute l'année et 9 mois par an selon les déclarations des époux [M] et ces derniers étant privés de son utilisation depuis l'année 2018, il convient de chiffrer leur préjudice de jouissance à la somme globale de 5.000 euros.

Dans ces conditions, les sociétés DT Line et DTA ayant engagé leur responsabilité respective sur le fondement de la garantie décennale pour la première et de la responsabilité délictuelle pour la seconde, dans la survenance des préjudices subis par les époux [P] [M], il convient de les condamner in solidum à leur payer les sommes de' :

-90.629,20 euros ttc en réparation du préjudice matériel,

-5.000 euros en réparation du préjudice de jouissance, le tout avec intérêts au taux légale à compter de la délivrance de l'assignation en date du 4 mai 2020 et par conséquent d'infirmer partiellement le jugement déféré du chef du montant des sommes allouées.

* Sur les autres demandes

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, les Sarl DT Line et DTA succombant, elles seront tenues in solidum aux dépens d'appel.

Les circonstances de l'espèce commandent de condamner in solidum les Sarl DT Line et DTA à payer aux époux [P] [M] la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles exposés en appel et de débouter celles-ci de leurs demandes en paiement sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement rendu le 2 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Charleville-Mézières, en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés DT Line et DTA à payer à Monsieur [P] [M] et à Madame [F] [B], épouse [M] les sommes de :

-67.987,40 euros au titre du préjudice matériel,

-4.000 euros au titre du trouble de jouissance,

Et statuant à nouveau,

Condamne in solidum les sociétés DT Line et DTA à payer à Monsieur [P] [M] et à Madame [F] [B], épouse [M] les sommes de :

-90.629,20 euros au titre du préjudice matériel,

-5.000 euros au titre du trouble de jouissance, le tout avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation en date du 4 mai 2020.

Le confirme pour le surplus.

Y ajoutant,

Condamne in solidum les Sarl DT Line et DTA à payer à Monsieur [P] [M] et à Madame [F] [B], épouse [M], la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Les déboute de leurs demandes en paiement sur ce même fondement.

Condamne in solidum in solidum les Sarl DT Line et DTA aux dépens d'appel et autorise la Scp Ledoux Ferri Riou-Jacques Touchon Mayolet, avocats, à les recouvrer directement dans les formes et conditions de l'article 699 du code de procédure civile.