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Décisions

Cass. com., 16 septembre 2014, n° 13-16.524

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Avocats :

SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Vincent et Ohl

Paris, du 21 févr. 2013

21 février 2013

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société MyCO2 et la société CDC climat (la société CDC) ont signé un protocole en vue d'étudier, dans une première phase, les possibilités d'exploitation de travaux préliminaires dans le cadre d'une étude de faisabilité, en vue de développer ensuite ensemble, dans une deuxième phase, à travers une prise de participation majoritaire de la société CDC dans le capital de la société MyCO2, l'offre commerciale de cette dernière, d'abord en France puis à l'international ; que la société CDC, invoquant une perte de confiance à l'égard de son partenaire résultant d'une réticence dolosive relative aux liens entretenus avec une société mise en cause dans des activités frauduleuses, a dénoncé le protocole sans attendre que l'étude de faisabilité ait atteint son terme et refusé de régler le deuxième appel de fonds prévu au protocole ; que la société MyCO2 a fait assigner la société CDC aux fins d'obtenir le financement convenu et l'indemnisation des préjudices résultant de cette résiliation abusive et brutale ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société CDC fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société MyCO2 la somme de 750 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice d'image, alors, selon le moyen :

1°/ que le caractère brutal et fautif de la rupture d'un protocole d'accord n'est pas la cause du préjudice d'image subi par le cocontractant ; que seule la publicité dont l'auteur de la rupture a entouré celle-ci est de nature à causer un préjudice d'image ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que la société CDC n'était pas à l'origine de la publicité ayant entouré la rupture du protocole d'accord : « si ce retentissement négatif de la rupture a été amplifié par la médiatisation qui y a été apportée, il n'est pas démontré que cette amplification serait imputable à la société CDC » ; qu'il en résultait nécessairement que la faute imputée à la société CDC, consistant en la brutalité et au défaut de justification de la rupture, à la supposer même établie, n'avait pas causé le préjudice d'image allégué par la société MyCO2 ; qu'en condamnant pourtant la société CDC à verser à la société MyCO2 une somme de 750 000 euros au titre de son prétendu préjudice d'image, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et violé l'article 1147 du code civil ;

2°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en réparation de son prétendu préjudice d'image, la société MyCO2 sollicitait que la société CDC soit condamnée à lui verser « la somme de 500 000 euros sur le fondement de l'article 1134 du code civil » et « la somme de 1 million d'euros sur le fondement de l'article 1382 du code civil » ; que la cour d'appel, au titre du prétendu préjudice d'image, a cependant alloué à la société MyCO2 « sur le fondement contractuel » une somme de 750 000 euros ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant, d'un côté, retenu dans l'exercice de son pouvoir souverain, un préjudice d'image résultant de la rupture brutale et fautive du protocole par la société CDC, dont elle a apprécié le retentissement négatif particulièrement important au regard de l'environnement restreint des spécialistes des questions du carbone, et de l'autre, limité son étendue en excluant l'amplification du retentissement négatif résultant de la médiatisation qui y a été apportée et dont il n'était pas démontré qu'elle serait imputable à la société CDC, la cour d'appel a satisfait les exigences de l'article 1147 du code civil ;

Et attendu, d'autre part, que sous le couvert d'une méconnaissance des termes du litige, le moyen reproche en réalité à la cour d'appel d'avoir accordé à la société MyCO2 plus qu'elle ne réclamait sur le fondement contractuel ; que cette irrégularité, qui ne peut être réparée que selon la procédure prévue aux articles 463 et 464 du code de procédure civile, n'ouvre pas la voie de la cassation ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa seconde branche, n'est pas fondé en sa première branche ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu que pour indemniser la perte de chance d'aboutir à la réalisation du projet prévu au protocole, l'arrêt constate que si les parties avaient la possibilité de renoncer à mettre en oeuvre le projet, alors même que l'étude en aurait montré la faisabilité, cette faculté ne pouvait être exercée avant que l'étude n'ait été menée à son terme ; qu'il retient que la décision de ne pas mettre en oeuvre le projet ne peut pas, en tant que telle, être fautive, mais que le fait de rompre de manière injustifiée la phase d'étude, en contradiction avec les termes du protocole, a pour conséquence l'absence de négociation de bonne foi des suites à y apporter concernant la mise en oeuvre du projet et pour corollaire une perte de chance pour la société MyCO2 d'aboutir à la réalisation du projet ;

Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que l'article 2 du Protocole précisait que la signature de ce dernier ne comportait aucun engagement de mettre en oeuvre le projet mais traduisait la seule volonté des parties d'étudier sa faisabilité et viabilité et de négocier de bonne foi, ce dont il résultait que la rupture intervenue au cours de la phase d'étude ne pouvait être à l'origine d'une perte de chance d'aboutir au projet définitif, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société CDC climat à payer à la société MyCO2 la somme de 1 000 000 euros à titre de dommages-intérêts pour la perte de chance de réaliser le projet définitif, l'arrêt rendu le 21 février 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi.