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Décisions

Cass. crim., 3 décembre 2008, n° 08-83.532

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dulin

Avocat :

Me Blondel

Papeete, du 17 avr. 2008

17 avril 2008

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 131-27, 432-12 et 432-17 du code pénal, ensemble violation des articles préliminaire et 593 du code de procédure pénale, violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, violation du principe de l'égalité des armes et des droits de la défense :

" en ce que le prévenu a été déclaré coupable du délit de prise illégale d'intérêt et en répression condamné à douze mois de prison avec sursis et à une amende de 3 000 000 FCP ayant été prononcée à titre de peine complémentaire l'interdiction des droits civiques, civils et de famille pour une durée d'une année ;

" aux motifs propres que les faits reprochés à Emile X... nécessitent, d'une part, que celui-ci ait été présent lors de l'examen du dossier le concernant par le conseil des ministres et, d'autre part, qu'en participant à la délibération du conseil des ministres chargé d'approuver un projet d'arrêté autorisant l'occupation du domaine public maritime qu'il sollicitait, il ait, de ce fait, contribué à l'administration ou à la surveillance de cette opération dans laquelle il avait un intérêt ; que la présence d'Emile X... au conseil des ministres du 28 septembre 2005, non contestée par le prévenu, n'est pas à elle seule de nature à participer à la réalisation de infraction, l'examen du projet d'arrêté ayant été reporté à une date ultérieure ; que la lecture du relevé des décisions prises relatif à la séance du conseil des ministres du 5 octobre 2005 fait apparaître la présence d'Emile X... et mentionne que le projet d'arrêté portant autorisation d'occupation temporaire d'un emplacement du domaine public à son profit est approuvé ; qu'il convient de noter que sur ce même relevé figure la mention de ce que le Ministre des petites et moyennes entreprises, a, lui, quitté la salle des délibérations du conseil ;

" aux motifs, encore, que les auditons et les témoignages recueillis tant lors de l'enquête de gendarmerie que lors des débats devant le premier juge font apparaître des hésitations de la part du prévenu qui, dans un premier temps a affirmé qu'il était sorti, comme il est normal de le faire lorsqu'un ministre est personnellement concerné par un dossier, sans préciser qu'il y ait été invité par un autre membre du gouvernement alors qu'ensuite, devant le tribunal il avait affirmé que Jacqui Y..., lui avait demandé de sortir et qu'Oscar E... était venu le chercher après adoption du projet ; que le seul témoin qui ait affirmé sa certitude qu'Emile X... était bien sorti lors de l'évocation du projet le concernant le 5 octobre 2005 est Hirohiti F..., alors ministre du gouvernement, qui n'a pas confirmé devant le tribunal qu'Emile X... soit sorti à la demande de Jacqui Y... ce qu'il avait affirmé dans une attestation établie le 22 février 2007 ; qu'il a déclaré au tribunal être allé le rechercher après examen du dossier sans avoir évoqué ce point dans son attestation, ce qui est en contradiction avec l'affirmation du prévenu selon laquelle Oscar E... était venu le chercher ; qu'enfin le témoin a également déclaré qu'Emile X... avait quitté le conseil des ministres du 28 septembre 2005 lors de l'évocation de son dossier, alors que le prévenu, tant lors de l'enquête que devant le tribunal, affirme être resté ce jour là ; que l'exactitude des souvenirs du témoin apparaît, dès lors, très incertaine et son témoignage peu probant ;

" aux motifs que peut être observé la même incertitude dans les témoignages successifs de Gilles Z..., également ministre en 2005, appartenant en 2005 et début 2006 au même parti politique qu'Emile X..., ce qui n'était plus le cas lors de audience du tribunal ; qu'en revanche, il résulte de tous les autres éléments du dossier : relevé des décisions du conseil des ministres, qui n'est pas un procès-verbal des réunions, auditions du secrétaire général du gouvernement, Etienne A..., du chef du secrétariat du conseil des ministres Jean-Gérard B..., qu'Emile X... a été présent aux deux conseils des ministres les 28 septembre et 5 octobre 2005 et qu'il n'a pas quitté celui du 5 octobre 2005 ; que la présence d'Emile X... lors de l'examen du projet le concernant le 5 octobre 2005, établi par les éléments écrits et déclarations ou témoignages, n'est contredite par aucun élément incontestable permettant d'en douter, que la cour l'a considérée, dès lors comme acquise ;

" aux motifs, aussi, qu'il est constant qu'au moment des faits, Emile X... était depuis le 7 mars 2005 titulaire du poste de Ministre des postes des télécommunications et des sports au sein du gouvernement de la Polynésie Française formé par Oscar E... ; que le fait pour un ministre de participer au conseil des ministres qui délibère sur un projet dans lequel il a un intérêt personnel vaut surveillance ou administration au sens de l'article 432-12 du code pénal, la seule présence du requérant étant de nature à influer directement sur une décision qui ne fait pas l'objet d'un vote secret, d'autant que l'avis défavorable donné par la commission du domaine public et la déclaration du maire de la commune concernée, font apparaître l'intérêt qu'y portaient Emile X... et, à l'époque, Gilles Z..., ministre des affaires foncières ; que, dès lors, les éléments constitutifs de l'infraction étant réunis il convient de confirmer la décision déférée sur la culpabilité, même si la cour ne peut manquer d'observer qu'il est regrettable et surprenant que ni le secrétaire général du gouvernement, dont c'est l'un des rôles ni le président n'aient jugé bon de faire appliquer une règle, habituellement suivie, et se soient abstenus de demander à Emile X... de sortir ; que, par ailleurs, l'infraction a été commise dans une période où le prévenu, appelant d'une décision du tribunal correctionnel de Papeete du 31 août 2004, l'ayant condamné pour prise illégale d'intérêt, appel non encore débattu devant la cour, aurait dû porter une attention particulière à ne pas être à nouveau en situation d'être poursuivi étant encore observé que cette infraction est cependant d'une ampleur limitée, l'inaction du prévenu ayant pu se trouver confortée par l'inattention des organes du conseil des ministres qui auraient du veiller à la régularité des débats ;

" et aux motifs à les supposer adopter des premiers juges, que le relevé relatif à la séance du 5 octobre 2005 mentionne la présence d'Emile X... et fait apparaître que le projet d'arrêté portant autorisation d'occupation temporaire d'un emplacement du domaine public au profit du sus-nommé est approuvé ;

" et aux motifs encore, que le fait pour un ministre de participer à un organe délibérant du gouvernement lorsque la délibération porte sur une affaire dans laquelle il a un intérêt personnel vaut surveillance ou administration au sens de l'article 432-12 du code pénal ; qu'en prenant part à deux reprises, en sa qualité de ministre du gouvernement de la Polynésie Française aux deux séances du conseil des ministres lui accordant sur sa demande, une autorisation d'occupation d'une parcelle du domaine public maritime, Emile X... a pris un intérêt patrimonial direct dans une entreprise dont il avait, au temps de l'acte – même si cette décision était partagée avec d'autres – la surveillance ou l'administration au sens de l'article 432-12 du code pénal sans que le fait allégué qu'il se soit absenté le 5 octobre 2005 au moment du vote par le conseil des ministres puisse faire obstacle à sa condamnation si bien qu'en l'état de ces constatations et énonciations les éléments constitutifs de l'infraction de prise illégale d'intérêt reprochée au prévenu sont caractérisés ;

" alors que, d'une part, Emile X..., dans ses conclusions d'appel précisait qu'il avait produit les attestations notamment de Louis C..., de Natacha D... et de Patrick B... qui tous ont certifié qu'Emile X... a été invité à quitter la salle lorsque le dossier le concernant a été évoqué « ce qu'il a immédiatement accepté de faire », Patrick B... ajoutant que, par ailleurs, cette absence d'Emile X... ne fut que de très courte durée, ce qui peut expliquer que certaines personnes ne se soient pas aperçues qu'il s'était absenté et aient fournis un témoignage inverse (cf p. 8 alinéa 1 et 2 des conclusions) ; qu'en ne tenant aucun compte de ces témoignages, ni mentionnés et encore moins analysés, la Cour méconnaît les exigences d'une motivation suffisante et celle d'un procès à armes égales où doivent être examinés et analysés – au besoin succinctement, les éléments de preuve à décharge susceptibles d'être générateurs d'un doute ;

" alors que, d'autre part, et en toute hypothèse, la seule présence du prévenu au conseil des ministres du 5 octobre 2005 ne pouvait, sauf circonstances particulières pertinentes non relevées par la cour, être de nature à influencer d'une manière ou d'une autre la décision en cause et ce d'autant que le prévenu insistait sur le fait qu'à supposer que la cour juge qu'il ait été présent il n'aurait en rien participé à la décision résultant de la délibération en cause, la seule présence taisante étant sans emport (cf p. 7 des conclusions) ; qu'en jugeant le contraire sans en dire davantage, la cour viole de plus fort les textes et principes cités au moyen " ;

Attendu que, pour déclarer coupable de prise illégale d'intérêts Emile X..., ministre des postes, des télécommunications et des sports du gouvernement de Polynésie française, l'arrêt énonce qu'il résulte des écrits, des déclarations et des témoignages recueillis, qui ne sont contredits par aucun élément incontestable, que celui-ci a été constamment présent lors du conseil des ministres du 5 octobre 2005 au cours duquel a été approuvé le projet d'arrêté faisant droit à sa demande d'occupation d'une partie du domaine public maritime ;

Attendu qu'en l'état de ces constatations procédant de son appréciation souveraine, et dès lors que serait-elle exclusive de tout vote, la participation du prévenu à une délibération portant sur une affaire dans laquelle il a un intérêt vaut surveillance ou administration au sens de l'article 432-12 du code pénal, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;