Cass. crim., 25 mai 2022, n° 22-80.147
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soulard
Rapporteur :
Mme Fouquet
Avocat général :
Mme Mathieu
Avocat :
SCP Foussard et Froger
1. La première question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions combinées des articles 1729 et 1741 du Code Général des Impôts, telles qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans ses décisions du 24 juin 2016 n° 2016-545 et n° 2016-546 QPC, portent-elles atteintes aux dispositions combinées de l'article 34 de la Constitution et de l'article 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789, en tant que le législateur s'est abstenu :
- d'une part, de définir lui-même les critères permettant d'identifier les cas les plus graves de fraude fiscale qui peuvent donner lieu à un cumul des poursuites et des sanctions fiscales et pénales ;
- d'autre part, de définir de manière suffisamment précise les critères permettant d'identifier les cas les plus graves de fraude fiscale qui peuvent donner lieu à un cumul des poursuites et des sanctions fiscales et
pénales ? »
2. Par une décision n° 445035 du 19 juillet 2021, le Conseil d'État, statuant au contentieux a refusé d'admettre le pourvoi formé par le ministre de l'économie, des finances et de la relance contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de [Localité 1] du 6 août 2020 prononçant, pour un motif d'irrégularité de la procédure d'imposition, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. [Y] a été assujetti au titre des années 2012 et 2013 et des majorations dont ces cotisations avaient été assorties sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts. M. [Y] n'est donc plus susceptible de faire l'objet, à ce titre, d'un cumul de sanctions administratives et pénales.
3. Il s'en suit que la réserve d'interprétation des articles 1729 et 1741 du code général des impôts, posée par le Conseil constitutionnel dans les motifs et le dispositif des décisions n° 2016-545 et n° 2016-546 QPC du 24 juin 2016 et n° 2016-556 QPC du 22 juillet 2016, qui dispose que le texte pénal ne peut s'appliquer qu'aux cas les plus graves de dissimilation frauduleuse de sommes soumises à l'impôt, sur laquelle porte la question, n'est pas applicable au litige.
4. En conséquence, il n'y a pas lieu de transmettre la question posée au Conseil constitutionnel.
5. La seconde question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :
« Les dispositions combinées des articles L. 9 du Code de
Justice Administrative et 1741 du Code Général des impôts, tels qu'interprétés respectivement par le Conseil d'État et par le Conseil constitutionnel dans ses décisions n° 2016-545 et n° 2016-546 QPC du 24 juin 2016, portent-elles atteintes au principe d'égalité devant la justice en ce qu'un contribuable déchargé de l'impôt par une décision devenue définitive fondée sur un motif de procédure, dont l'examen par le juge de l'impôt a dispensé ce dernier de l'analyse des moyens de fond soulevés par l'intéressé, en vertu du principe dit de « I' économie des moyens », alors qu'un contribuable qui a été déchargé de l'impôt par une décision juridictionnelle devenue définitive pour un motif de fond, après le rejet des moyens par lesquels ce dernier a critiqué la régularité de la procédure d'imposition, ne peut pas être condamné pour fraude
fiscale ? »
6. Il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que son contrôle
ne peut porter sur une combinaison de textes en tant que telle (Cons. Const.
7 juillet 2017, n° 2017-642 QPC et 2017-643/650).
7. Par conséquent, les conditions tenant à l'applicabilité au litige des dispositions critiquées, à leur nature et à l'absence de déclaration antérieure de conformité doivent être examinées pour chacune de ces dispositions prise isolément.
8. Les articles L. 9 du code de justice administrative et 1741 du code
général des impôts sont applicables à la procédure.
Sur l'interprétation jurisprudentielle de l'article L. 9 du code de justice administrative
9. Tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à une disposition législative, à la condition qu'une telle interprétation ait été soumise à la Cour suprême compétente.
10. Il n'existe pas en l'état d'interprétation jurisprudentielle constante du Conseil d'Etat de l'article L. 9 du code de justice administrative, permettant, comme le soutient la question posée, au juge administratif statuant en matière fiscale de se dispenser discrétionnairement de l'examen des moyens de fond soulevés devant lui, en vertu du principe dit de « I'économie des moyens ».
11. En conséquence, la première question posée est irrecevable en ce qu'elle porte sur l'article L. 9 du code de justice administrative tel qu'interprété par le Conseil d'Etat.
Sur les dispositions de l'article 1741 du code général des
impôts
12. Les dispositions de l'article 1741 du code général des impôts, dans leur version applicable aux faits de l'espèce ont été déclarées conformes à la Constitution, sous trois réserves d'interprétation, dans les motifs et le dispositif des décisions n° 2016-545 et n° 2016-546 QPC du 24 juin 2016 et n° 2016-556 QPC du 22 juillet 2016 du Conseil constitutionnel.
13. La réserve émise au paragraphe 13, et reprise au paragraphe 23, sur laquelle porte la première question posée, dispose qu'un contribuable qui a été déchargé de l'impôt par une décision juridictionnelle devenue définitive pour un motif de fond ne peut être condamné pour fraude fiscale.
14. Aucun changement de circonstances de droit ou de fait n'est intervenu depuis ces décisions.
15. En conséquence il n'y a pas lieu de renvoyer la question posée au Conseil constitutionnel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité.