Cass. soc., 23 octobre 2019, n° 18-14.012
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Leprieur
Avocats :
SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1411-1 et L. 1411-4 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. M...-V... et Y... B... ont été, le premier, salarié de la société CPR intermédiation et, le second, de la société Banque de financement et de trésorerie, sociétés aux droits desquelles est venue la société Crédit agricole Corporate Investment Bank (CACIB) ; qu'ils ont été licenciés pour faute lourde respectivement les 25 et 28 octobre 1996 et ont saisi la juridiction prud'homale pour contester leur licenciement ; que, sur plaintes avec constitutions de partie civile des sociétés employeurs, une information judiciaire a été ouverte le 30 mai 1997 ; que, renvoyés devant le tribunal correctionnel des chefs d'abus de confiance, les salariés ont été définitivement relaxés par arrêt de la cour d'appel du 6 mars 2014 devenu définitif ; que, par arrêt devenu irrévocable du 27 septembre 2005, la cour d'appel a jugé le licenciement de M. M...-V... fondé sur une faute grave ; que, par arrêt du 27 octobre 2015 devenu irrévocable de ce chef, le licenciement de Y... B... a été jugé dénué de cause réelle et sérieuse ; que, le 24 mars 2016, les salariés ont assigné la société CACIB devant le tribunal de grande instance sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil pour obtenir sa condamnation à leur payer diverses sommes ; qu'à la suite du décès de Y... B..., l'instance a été reprise par ses ayants-droit, Mmes H... B... et F... B..., ainsi que MM. J... et T... B... (les consorts B...) ; que la société CACIB a soulevé l'incompétence de la juridiction saisie au profit de la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour juger le tribunal de grande instance compétent pour statuer sur les demandes de M. M...-V... et des consorts B..., l'arrêt retient que si le conseil de prud'hommes est compétent pour connaître des litiges qui résultent de faits commis durant l'exécution du contrat de travail, il ne l'est pas pour connaître des litiges qui résultent d'événements postérieurs à la rupture du contrat ; qu'en l'espèce, les salariés ont saisi le tribunal de grande instance d'une action en responsabilité pour obtenir l'indemnisation des préjudices matériels et moraux qu'ils auraient subis en raison des plaintes pénales déposées contre eux postérieurement à la rupture de leurs contrats de travail pour des faits qualifiés d'escroquerie, abus de confiance, abus de bien social et de pouvoir, complicité de recel ; qu'ils estiment que leurs anciens employeurs et la société venant à leurs droits s'étaient rendus coupables de dénonciations fautives à leur égard et avaient dissimulé des preuves déterminantes, en refusant de communiquer notamment la retranscription des ordres passés par eux pendant la période de prévention ; que si les demandes indemnitaires visent des postes de préjudice qui peuvent être reliés directement aux conséquences de la rupture des contrats de travail, ou si ces demandes ont déjà pu être examinées dans le cadre du procès prud'homal, en tout état de cause, le bien-fondé des demandes devra être apprécié par le juge du fond au regard des seules fautes alléguées résultant des plaintes pénales déposées et des préjudices pouvant en découler, sans que puisse être retenue une quelconque conséquence des mesures de licenciement dont les salariés ont fait l'objet ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'action en responsabilité fondée sur l'allégation de la dénonciation fautive d'infractions commises au cours de l'exécution des contrats de travail était née à l'occasion desdits contrats de travail, ce dont il résultait que la juridiction prud'homale était compétente pour en connaître, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.