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Décisions

Cass. crim., 1 décembre 2021, n° 20-83.969

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Rapporteur :

Mme Fouquet

Avocat général :

M. Petitprez

Avocats :

SCP Foussard et Froger, SCP Piwnica et Molinié

Paris, du 29 juin 2020

29 juin 2020

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 14 août 2013, après avis conforme de la commission des infractions fiscales, le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 2] a porté plainte à l'encontre de M. et Mme [H], pour des faits de fraude fiscale, commis en souscrivant des déclarations minorées, en matière d'impôt sur le revenu, au titre des années 2009 à 2012, d'impôt de solidarité sur la fortune, au titre des années 2010 à 2013, et de contribution exceptionnelle sur la fortune au titre de l'année 2012.

3. A l'issue d'une information judiciaire, Mme [K] et M. [H] ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel du chef de fraude fiscale. M. [H] a également été poursuivi du chef de blanchiment de fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale aggravée.

4. Par jugement en date du 15 février 2018, les premiers juges, après avoir rejeté les exceptions de nullité soulevées, ont reconnu les prévenus coupables des faits qui leur étaient reprochés et ont condamné M. [H] à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et Mme [K] à un an d'emprisonnement avec sursis. Les premiers juges ont ordonné la confiscation de la somme de 6 000 euros saisie et statué sur les intérêts civils.

5. Les prévenus, le procureur de la République, la direction générale des finances publiques ainsi que l'Etat français ont formé appel de cette décision.

Examen de la demande de sursis à statuer

6. La Cour de cassation juge que même lorsque le prévenu de fraude fiscale justifie de l'existence d'une procédure pendante devant le juge de l'impôt tendant à une décharge de l'imposition pour un motif de fond, le juge pénal n'est pas tenu de surseoir à statuer jusqu'à ce qu'une décision définitive du juge de l'impôt soit intervenue. Par exception, il peut prononcer, dans l'exercice de son pouvoir souverain, le sursis à statuer en cas de risque sérieux de contrariété de décisions, notamment en présence d'une décision non définitive déchargeant le prévenu de l'impôt pour un motif de fond (Crim., 11 septembre 2019, pourvoi n° 18-81.980, publié au bulletin).

 


7. En l'espèce, il ne résulte pas des éléments de la procédure qu'il existerait un risque sérieux de contrariété entre les décisions des juridictions pénales et administratives, dès lors que d'une part, le tribunal administratif a débouté Mme [K] et M. [H] de leurs demandes tendant à être déchargés de l'impôt, d'autre part, ils ne produisent, ni même n'allèguent aucun élément de nature à établir l'existence d'un tel risque.

8. Par ailleurs, le renvoi à la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle concernant la compatibilité avec le droit de l'Union du cumul des poursuites et des sanctions pénales et fiscales portant sur de mêmes faits (Crim., 21 octobre 2020, pourvoi n° 19-81.929) ne saurait justifier qu'il soit sursis à statuer dans la présente affaire jusqu'à la décision de cette juridiction dès lors que l'imposition sur le revenu et sur la fortune n'entre pas dans le champ d'application du droit de l'Union.

9. En conséquence, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième, troisième, quatrième et sixième moyens

10. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le cinquième moyen

Enoncé du moyen

11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [H] coupable de fraude fiscale et de blanchiment, alors « que des faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elle concomitantes ; qu'en déclarant M. [H] coupable non seulement de fraude fiscale mais encore de blanchiment, tout en constatant que les fonds qu'elle lui reproche de ne pas avoir déclarés à l'administration fiscale avaient été dissimulés à celle-ci moyennant leur versement sur des comptes qu'il avait prétendument ouverts auprès d'une banque suisse sous des identités d'emprunt, la cour d'appel a méconnu le principe ne bis in idem et les articles 6 de la convention européenne des droits de l'homme, 1741 du code général des impôts, 324-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

 


Réponse de la Cour

12. Pour déclarer M. [H] coupable de fraude fiscale, l'arrêt attaqué, après avoir exposé les éléments permettant de lui imputer la possession de plusieurs comptes ouverts dans les livres de la banque [1] en Suisse sous couvert de sociétés écrans, relève que son épouse et lui-même n'ont pas déclaré les revenus tirés des fonds dissimulés en Suisse, comme ils n'ont pas déclaré au titre de l'impôt sur la fortune le montant desdits fonds. Il énonce qu'ils ont donc intentionnellement souscrit des déclarations d'impôt minorées, éléments matériel et moral constitutifs du délit de fraude fiscale.

13. Pour déclarer le prévenu également coupable de blanchiment de fraude fiscale, les juges retiennent qu'il a ouvert et géré des comptes bancaires en Suisse en interposant des sociétés off shore situées au Panama et aux Iles Vierges Britanniques pour recevoir des fonds, ce qui constitue un acte de dissimulation, le recours aux dites sociétés permettant d'occulter le nom du réel bénéficiaire.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas méconnu le principe Ne bis in idem.

15. En effet, les déclarations de culpabilité des chefs de fraude fiscale et de blanchiment sont fondées sur des faits dissociables, la première infraction étant constituée par l'absence de référence dans les déclarations faites par le prévenu à l'administration fiscale des avoirs placés sur les comptes détenus auprès de la banque suisse [1], ouverts au nom de sociétés écran, ainsi que des revenus tirés de ces avoirs, tandis que la seconde est caractérisée par des opérations successives de dissimulation du produit de cette fraude, réalisées au travers de l'ouverture et du fonctionnement de ces comptes.

16. Ainsi, le moyen doit être écarté.

17. Par ailleurs l'arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois.