Cass. crim., 14 juin 2017, n° 16-80.856
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guérin
Rapporteur :
Mme de la Lance
Avocat général :
M. Le Baut
Avocats :
SCP Foussard et Froger, SCP Lyon-Caen et Thiriez
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 80, 203, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler la convocation par l'officier de police judiciaire (OPJ) de M. X... devant le tribunal correctionnel pour y répondre du délit de fraude fiscale ;
" aux motifs que le 19 décembre 2011, le procureur de la République a ouvert une information à l'encontre de M. X... pour escroquerie, fraude aux allocations versées par les organismes de protection sociale, et blanchiment dans le cadre d'une opération de placement, de dissimulation, de conversion du produit direct ou indirect de fraude fiscale et d'escroquerie, faits commis de 2007 jusqu'au 6 décembre 2011 ; qu'il n'est nullement démontré que ces faits soient les mêmes que ceux objets de la prévention ; que bien au contraire, la simple lecture de celle-ci permet de se persuader du contraire et il résulte des pièces versées aux débats que le juge d'instruction n'a pas été saisi des faits de fraude fiscale ; que par voie de conséquence, l'argumentation relative à " l'incompétence du procureur de la République de l'officier de police judiciaire " est sans objet ; que le seul fait pour le procureur de faire délivrer une convocation par un officier de police judiciaire à une personne afin qu'elle soit jugée par une juridiction ne peut à l'évidence constituer une atteinte au principe de la présomption d'innocence ; qu'aux termes d'une argumentation particulièrement alambiquée et difficilement compréhensible, il semble être soutenu par le prévenu qu'un officier de police judiciaire ayant enquêté sur les faits aurait fait preuve de partialité ce qui constituerait une violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme qui dispose que " toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement " ; que toutefois, aucun élément sérieux ne vient appuyer ces allégations ; qu'en tout état de cause, l'officier de police judiciaire en question pouvait parfaitement enquêter sur les différents aspects du dossier ;
" et aux motifs que l'avocat du prévenu a cru pouvoir faire parvenir à la cour ce qui apparaît être une note en délibéré ainsi que diverses pièces sans autorisation ni sollicitation de la cour si bien que les documents en question seront écartés des débats ;
" 1°) alors que le magistrat instructeur est saisi de l'ensemble des faits visés dans le réquisitoire aux fins d'informer du procureur de la République ; que par ailleurs, la saisine du magistrat instructeur est irrévocable ; que dans ses conclusions, le prévenu soutenait qu'en 2011, le procureur de la République avait requis l'ouverture d'une information judiciaire notamment pour des faits d'escroquerie et de blanchiment d'escroquerie et de fraude fiscale à l'encontre de M. X..., que les faits portant ces qualifications étaient les mêmes que ceux qui avaient donné lieu aux poursuites pour fraude fiscale, par la convocation par Officier de police judiciaire délivrée en 2013 et à tout le moins indivisibles de ceux dont le magistrat instructeur était saisi et entraient de ce fait dans le cadre de sa saisine et qu'une telle convocation devait être annulée pour violation de l'irrévocabilité de la saisine du magistrat instructeur ; qu'en se contentant d'affirmer que les faits n'étaient pas les mêmes, sans préciser ceux dont était saisi le magistrat instructeur, particulièrement alors que celui-ci était nécessairement saisi de faits de fraude fiscale, condition préalable pour établir le blanchiment d'un tel délit dont elle relevait que le magistrat instructeur en était saisi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des principes sus-énoncés ;
" 2°) alors que toute personne a droit à un procès équitable ; qu'il en résulte que les faits ayant un caractère indivisible doivent donner lieu à une seule procédure ; qu'en outre, toute personne est présumée innocente tant que sa culpabilité n'est pas légalement établie ; qu'en refusant de rechercher si les faits de fraude fiscale pour lesquels le prévenu était convoqué devant le tribunal correctionnel n'étaient pas indivisibles de ceux d'escroquerie au préjudice de la caisse générale de sécurité sociale, quand elle a condamné le prévenu pour fraude fiscale pour avoir indûment pratiqué des honoraires majorés pour permanence de soins, ce qui supposait que soit d'abord constaté la culpabilité du prévenu pour l'application indue des tarifs majorés, faits dont étaient irrévocablement saisis les magistrats instructeurs, la cour d'appel a méconnu le droit à un procès équitable et la présomption d'innocence tels que garantis par l'article 6, paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
" 3°) alors qu'enfin, en refusant de recevoir le réquisitoire aux fins de non-lieu du 29 septembre 2015, établi dans la procédure dans laquelle M. X... était mis en examen, pour escroquerie et blanchiment, aux motifs qu'elle n'avait pas autorisé une telle communication, quand ce réquisitoire était postérieur à l'audience des débats, ce qui ne permettait pas d'anticiper son éventuelle communication, et quand il aurait permis d'apprécier l'étendue de la saisine du magistrat instructeur et de déterminer si la convocation par OPJ portant sur des faits à tout le moins indivisibles de cette instruction devait être annulée, la cour d'appel a encore méconnu le droit à un procès équitable tel que garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme " ;
Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches :
Attendu que, pour refuser de prononcer l'annulation de la convocation par officier de police judiciaire délivrée le 17 septembre 2013 pour des faits de fraude fiscale, sollicitée par le prévenu au motif qu'elle porterait sur les mêmes faits que ceux dont un juge d'instruction aurait déjà été saisi, l'arrêt retient que le 19 décembre 2011, une information a été ouverte à l'encontre de M. X... pour escroquerie, fraude aux allocations versées par les organismes de protection sociale et blanchiment du produit direct ou indirect de fraude fiscale et d'escroquerie, qu'il n'est pas démontré que ces faits soient les mêmes, la simple lecture de la prévention établissant le contraire et qu'il résulte des pièces versées aux débats que le juge d'instruction n'a pas été saisi des faits de fraude fiscale ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision sans porter atteinte au principe conventionnel invoqué ;
Sur le moyen, pris en sa troisième branche :
Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que l'arrêt a écarté la note et les pièces produites en délibéré par son avocat, dès lors que la cour d'appel n'en avait pas autorisé l'envoi et que la suite susceptible de leur être réservée relève de son appréciation souveraine ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 151 ter et 1741 du code général des impôts, L. 227 du livre des procédures fiscales, L. 6315 du code de la santé publique, devenu l'article L. 6314-1 dudit code entré en vigueur le 1er juillet 2006, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de fraude fiscale au titre des déclarations de revenus portant sur les années 2008 et 2009, et l'a condamné à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 20 000 euros ;
" aux motifs que M. X... a omis de déclarer certaines recettes, en se prévalant de l'application d'une exonération fiscale inapplicable à sa situation ; que pour minorer ses bénéfices, et même recevoir au titre de l'année 2008 une " prime pour l'emploi ", il a indiqué que les revenus qu'il avait perçus étaient exonérés d'impôt par application de l'article 151 ter du code général des impôts ; que dans sa version applicable du 1er janvier 2006 au 3 avril 2008, l'article 151 ter du code général des impôts disposait : " La rémunération perçue au titre de la permanence des soins exercée en application de l'article L. 6315-1 du code de la santé publique par les médecins ou leurs remplaçants installés dans une zone définie en application de l'article L. 162-47 du code de la sécurité sociale est exonérée de l'impôt sur le revenu à hauteur de soixante jours de permanence par an ; que " Dans sa version applicable du 3 avril 2008 au 21 avril 2010, l'article 151 ter disposait : " La rémunération perçue au titre de la permanence des soins exercée en application de l'article L. 6314-1 du code de la santé publique par les médecins ou leurs remplaçants installés dans une zone définie en application de l'article L. 162-47 du code de la sécurité sociale est exonérée de l'impôt sur le revenu à hauteur de soixante jours de permanence par an ; qu'en vertu de cette disposition, les médecins libéraux inscrits au tableau de permanence des soins d'un secteur comprenant au moins une commune d'une zone rurale ou déficitaire en soins (ce qui est le cas de Cayenne) n'ont pas à comprendre dans leurs recettes imposables à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, les rémunérations perçues au titre des astreintes et les majorations spécifiques à la permanence des soins à hauteur de 60 jours par an ; que M. X... s'est prévalu de cette disposition, pour bénéficier d'une exonération, non pas des rémunérations qu'il aurait perçues au titre d'astreintes ou de majorations spécifiques à la permanence des soins, mais de la majorité des honoraires qu'il a perçus au titre des années 2008 et 2009 ; que l'article 151 ter du code général des impôts, ne prévoit pas que tous les honoraires des médecins, notamment les honoraires perçus pour les actes réalisés en dehors des heures d'ouverture classique d'un cabinet médical, sont exonérés d'imposition ; qu'au contraire, il est clairement prévu, notamment par le bulletin officiel du 25 avril 2007, que cette exonération ne porte que sur les rémunérations d'astreintes et les majorations spécifiques à la permanence des soins ; que les honoraires qui ont été perçus par M. X... ne correspondent pas à ce type de rémunération et ne pouvaient donc pas être exonérés ; que, par ailleurs, l'arrêté préfectoral de Guyane du 24 avril 2006 relatif à la sectorisation du dispositif de permanence des soins médicaux libéraux en Guyane précise, notamment en son paragraphe 4 que " à la fin de chaque mois, les médecins adressent un tableau récapitulatif des astreintes effectuées aux organismes intéressés " et que " les médecins qui assurent la permanence des soins doivent se réguler par le centre 15 " ; que renseignements pris auprès de la caisse générale de sécurité sociale de Guyane, il s'est avéré que M. X... n'avait effectué aucune garde en 2008 et n'avait accompli que deux gardes en 2009 : que M. X... a donc minoré son bénéfice et son revenu imposable dans des proportions importantes ; qu'en effet, au titre de l'année 2008, il a déclaré un résultat de 103 580 euros, alors qu'il s'élevait en réalité à la somme de 463 705 euros et a déclaré un revenu imposable de 71 213 euros alors qu'il s'élevait en réalité à la somme de 431 338 euros ; qu'il a donc dissimulé une base imposable de 333 616 euros, ce qui correspond à un montant de droits éludés de 118 345 euros ; qu'au titre de l'année 2009, M. X... a déclaré un résultat de 211 223 euros, alors qu'il s'élevait en réalité à la somme de 478 331 euros ; que ce faisant, il a déclaré un résultat imposable à l'impôt sur le revenu de 179 227 euros alors qu'il s'élevait en réalité à la somme de 446 335 euros ; qu'ainsi, il a éludé une base imposable de 231 598 euros, ce qui correspond d'un montant de droits dus et visés pénalement de 92 644 euros ; qu'aux termes de l'article 1741 du code général des impôts, le délit de fraude fiscale est réalisé soit par omission volontaire de déclaration dans les délais prescrits, soit par dissimulation d'une part des sommes sujettes à l'impôt excédant le 10ème de la somme imposable ou le chiffre de 153 euros, ce qui est bien le cas en l'espèce ; que compte tenu de ce qui précède, l'élément matériel de la fraude est caractérisé ; que l'importance des dissimulations opérées par M. X... démontre à elle seule le caractère intentionnel de l'infraction ; qu'en outre, M. X... a fait l'objet d'une précédente vérification de comptabilité, qui s'est soldée par des redressements très importants en 2003, 2004 et 2005 ; qu'au surplus, il avait tenté de se prévaloir du dispositif Scellier au titre d'un investissement locatif, alors qu'il ne pouvait pas s'appliquer ; qu'enfin, au titre de la période visée par la prévention, M. X... avait la qualité de vice-président de l'union régionale des médecins libéraux de Guyane ; qu'à ce titre, il connaissait parfaitement les modalités d'exonération des prestations effectuées dans le cadre de la permanence de soins en zone déficitaire, et il ne peut arguer de son ignorance ou de son absence de compréhension des dispositions légales ; qu'il le peut d'autant moins qu'il a invoqué spontanément devant les services de police le bulletin officiel des impôts 5G207 du 25 avril 2007, qui explique de manière précise les rémunérations susceptibles d'être exonérées fiscalement et porte la mention que l'exonération porte sur les rémunérations d'astreintes et les majorations spécifiques à la permanence des soins ;
" 1°) alors qu'il résulte de l'article 151 ter du code général des impôts que la « rémunération » perçue au titre de la permanence de soins exercée en vertu de l'article L. 6315-1 du code de la santé publique, devenu l'article L. 6314-1 dudit code entré en vigueur le 1er juillet 2006, est exonérée de l'impôt sur le revenu dans la limite de soixante jours de permanence par an ; que la cour d'appel a déclaré le prévenu coupable de fraude fiscale pour n'avoir pas déclaré au titre de ses recettes, l'ensemble des rémunérations perçues au titre de la permanence de soins, en estimant que l'exonération prévue par l'article 151 ter du code général des impôts ne s'appliquait qu'aux majorations d'honoraires des médecins de permanence, et non aux honoraires eux-mêmes ; qu'elle a ainsi méconnu ledit article, qui prévoit une exonération fiscale des « revenus » perçus au titre de telles permanence, et non seulement des majorations pratiquées ;
" 2°) alors que toute personne a droit à la présomption d'innocence tant que sa culpabilité n'est pas établie ; qu'en déclarant le prévenu coupable de fraude fiscale pour avoir appliqué des tarifs majorés indus pour permanence de soins et avoir, par voie de conséquence, exonéré indûment les honoraires perçus dans ce cadre, la cour d'appel qui a nécessairement porté une appréciation sur des faits qui entraient dans le cadre de l'instruction ouverte pour escroquerie au préjudice de la Caisse de sécurité sociale, a violé le droit à la présomption d'innocence, tel que garanti par l'article 6, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l'homme ;
" 3°) alors que l'exonération de l'article 151 ter du code général des impôts s'applique aux revenus perçus au titre de la permanence de soins dans les conditions prévues par l'article L. 6315-1 devenu L. 6314-1 du code de la santé publique dans la limite de soixante jours de permanence par an ; que la cour d'appel a également retenu la fraude fiscale résultant du fait d'avoir appliqué indument l'exonération des revenus résultant de l'application indue d'honoraires majorés au titre de la permanence de soins, sans en remplir les conditions ; que, dans ses conclusions, M. X... soutenait qu'ayant adhéré par contrat au dispositif destiné à lutter contre les déserts médicaux prévu par l'annexe n° 20 à la Convention nationale des médecins généralistes et des médecins spécialistes, il était tenu de participer à la permanence des soins, hors des heures d'ouverture du cabinet, ce qu'il avait fait et qu'il pouvait dès lors déduire les consultations et visites pratiquées hors des heures d'ouverture du cabinet, au regard de sa situation particulière d'adhérent obligatoire à la permanence de soins, même s'il n'entrait pas dans la catégorie des médecins de garde ou des médecins réquisitionnés ; qu'en ne répondant pas à ce chef péremptoire de conclusions invoquant la particularité de sa situation au regard du contrat passé sur le fondement de l'annexe n° 20 à la Convention nationale des médecins généralistes et des médecins spécialistes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 4°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que le délit de fraude fiscale est établi si son auteur avait conscience de l'inexactitude des déclarations faites à l'administration ; que la cour d'appel a déduit l'intention coupable du prévenu du fait qu'il avait dissimulé des sommes importantes à l'administration fiscale ; que dans les conclusions du prévenu, il était soutenu qu'il avait toujours attiré l'attention de l'administration sur les honoraires qu'il excluait de ses revenus au titre de l'article 151 ter du code général des impôts ; qu'en ne se prononçant pas sur ce chef péremptoire de conclusions invoquant le défaut de dissimulation et en ne recherchant pas si le prévenu avait inscrit ses revenus exonérés dans sa déclaration n° 2035, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 5°) alors qu'en ne se prononçant pas sur le fait que, le prévenu avait pu croire pouvoir procéder à l'exonération des revenus que lui avaient valu les versements au titre de la permanence de soins, dès lors que, d'une part, il avait bénéficié de l'indemnité forfaitaire due aux médecins ayant passé contrat pour lutter contre les déserts médicaux, du fait du respect de ses obligations, dont celle lui imposant de participer à la permanence des soins et que, d'autre part, appelé à s'expliquer auprès de l'administration fiscale sur ses revenus de 2007, comportant déjà une telle exonération, il n'avait fait l'objet d'aucun redressement ou rectification, la cour d'appel qui a retenu une dissimulation par exonération irrégulière des tarifs majorés pour permanence de soins, n'a pas justifié sa décision ;
" 6°) alors qu'en estimant que le prévenu savait qu'il ne pouvait procéder aux exonérations fiscales des revenus perçus au titre de l'article 151 ter du code général des impôts, du fait de sa qualité de vice-président de l'union régionale des médecins libéraux de Guyane et de sa connaissance de l'instruction du 24 avril 2007 « invoquée » devant les enquêteurs, alors que le prévenu contestait les limites de l'exonération posées par cette instruction, en ce qu'elle était plus restrictive que l'article 151 ter du code général des impôts qu'elle était censée interpréter, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 7°) alors que la cour d'appel déduit également l'intention coupable du prévenu du fait qu'il avait déjà subi des redressements ; qu'en ne constatant pas que les redressements concernaient des déductions de revenus, au titre de l'application indue de l'exonération fiscale de l'article 151 ter du code général des impôts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741 du code général des impôts, L. 227 du livre des procédures fiscales et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de fraude fiscale au titre des déclarations de revenus portant sur les années 2008 et 2009, et l'a condamné à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 20 000 euros ;
" aux motifs que M. X... a anormalement majoré certaines charges ; que, selon l'article 93-1 du code général des impôts, le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession ; que pour pouvoir constituer des charges déductibles, les dépenses doivent être nécessaires à l'exercice de la profession et être justifiées ; qu'il apparaît que M. X... a anormalement majoré certaines des charges déductibles, notamment des frais forfaitaires de véhicule qu'il n'a pas été en mesure de justifier ; qu'il a ainsi fait état d'un kilométrage parcouru de 27 300 kilomètres en 2008 et de 26 000 kilomètres en 2009, sans produire de pièces justificatives ; qu'il y a lieu de souligner que pour les années antérieures à la période visée par la prévention, M. X... avait déjà majoré les kilomètres parcourus avec l'un de ses véhicules ; qu'il a été établi que, compte tenu du nombre de kilomètres affichés au compteur, et de la date d'acquisition du véhicule, M. X... parcourait une distance annuelle moyenne de 12 410 kilomètres par an (utilisation privée comprise), c'est à dire un kilométrage très inférieur à celui déclaré ;
" alors que les juges doivent répondre aux chefs péremptoires des conclusions ; que le prévenu a été déclaré coupable de fraude fiscale pour avoir majoré les frais kilométriques pour usage d'un véhicule professionnel ; que la cour d'appel a déclaré le prévenu coupable de fraude fiscale pour avoir déduit de ses revenus des frais de véhicule indus ; que dans ses conclusions, le prévenu soutenait qu'il utilisait plusieurs véhicules pour les besoins de son activité et que l'administration fiscale avait refusé de retenir le kilométrage de l'un d'eux pour tardiveté de la présentation des justificatifs, ce qui n'établissait aucunement l'inexactitude de ce justificatif ; qu'en se contentant de constater que le kilométrage du véhicule utilisé par le prévenu, ne permettait pas de justifier des dépenses ayant donné lieu à déduction, sans se prononcer sur le fait allégué que le prévenu utilisait un second véhicule pour les besoins de son activité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu, qui exerce l'activité de médecin à titre libéral, coupable de fraude fiscale et retenir qu'il a anormalement majoré certaines charges et omis de déclarer certaines recettes en se prévalant de l'application d'une exonération fiscale inapplicable à sa situation, l'arrêt énonce que pour pouvoir constituer des charges déductibles, les dépenses doivent être nécessaires à l'exercice de la profession et être justifiées, que le prévenu a, notamment, déduit des frais forfaitaires de véhicule qu'il n'a pu justifier, que compte tenu du nombre de kilomètres affiché au compteur et de la date d'acquisition du véhicule, la distance annuelle moyenne parcourue, utilisation privée comprise, était très inférieure à celle déclarée ; que, pour minorer ses bénéfices, le prévenu s'est prévalu de l'article 151 ter du code général des impôts qui disposait que la rémunération perçue au titre de la permanence de soins, exercée par les médecins dans une zone déficitaire en soins, comme Cayenne, était exonérée de l'impôt sur le revenu à hauteur de soixante jours par an, et l'a appliqué à la majorité de ses honoraires perçus au titre des années 2008 et 2009, que ce texte ne prévoit pas que tous les honoraires versés pour les actes réalisés hors des horaires d'ouverture classique d'un cabinet médical sont exonérés d'imposition et ne vise que les rémunérations perçues au titre des astreintes et des majorations spécifiques à la permanence des soins, que les honoraires déduits par le prévenu ne correspondaient pas à ce type de rémunération, qu'il a ainsi minoré son bénéfice et son revenu imposable dans des proportions importantes, qu'en déclarant en 2008 un résultat de 103 580 euros au lieu de 431 338 euros, et en 2009 de 211, 223 euros au lieu de 478 331 euros, son calcul fait apparaître un montant de rémunérations proprement impossible en soixante jours et que l'élément matériel de la fraude est en conséquence caractérisé ;
Que les juges ajoutent que l'importance des dissimulations démontre le caractère intentionnel de l'infraction, que le prévenu a déjà fait l'objet d'une précédente vérification de comptabilité suivie de redressements très importants entre 2003 et 2005, s'étant prévalu d'un dispositif fiscal non applicable, et qu'en sa qualité de vice-président de l'union régionale des médecins libéraux de Guyane, il ne peut arguer de son ignorance ou de son absence de compréhension des modalités d'exonération des prestations effectuées dans le cadre de la permanence de soins en zone déficitaire ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui n'a pas retenu que le prévenu avait appliqué des tarifs majorés indus pour permanence de soins, faits pouvant relever d'une autre qualification pénale, et qui a, sans insuffisance ni contradiction répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était régulièrement saisie et caractérisé, en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, la fraude fiscale reprochée, a justifié sa décision et n'a méconnu aucun des textes visés aux moyens ;
Que, dès lors, les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.