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Décisions

CA Chambéry, ch. civ. sect. 1, 9 juin 2020, n° 18/01627

CHAMBÉRY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

FLA Automobiles (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ficagna

Conseillers :

Mme Fouchard, Mme Real del Sarte

TGI de Thonon les Bains, du 23 mars 2018…

23 mars 2018

EXPOSÉ DU LITIGE

M. A X a acquis le 4 novembre 2011 un véhicule d'occasion de marque Z B modèle 159 JTD, auprès d'une société en Italie, pour le prix de 11.590 euros. Le véhicule présentait un kilométrage de 113.683 km.

M. X a confié le véhicule à la société Fla Automobiles une première fois le 30 novembre 2011 pour un problème de bruit anormal du moteur. Des réparations ont été réalisées et M. X a récupéré son véhicule.

En janvier 2012, en raison de l'apparition d'un nouveau bruit anormal, M. X a confié son véhicule à la société Fla Automobiles qui a émis un devis de réparation de plus de 6.500 euros. M. X a alors fait intervenir son assureur qui a missionné le cabinet d'expertise Carvex.

Ensuite du rapport d'expertise, la société Fla Automobiles a effectué des réparations consistant au remplacement des 16 soupapes, la culasse moteur ayant été confiée à l'entreprise Savoie Culasse pour contrôle et rectification. Le véhicule était restitué à M. X le 25 avril 2012, après réparations facturées par la société Fla Automobiles pour 1.766,26 euros. Le kilométrage était alors de 114.521 km.

Le 31 mars 2014, alors que M. X circulait en Suisse, le moteur du véhicule s'est brutalement arrêté, et n'a pu être redémarré.

Le véhicule a été soumis à une deuxième expertise du cabinet Carvex qui a réalisé un premier examen unilatéral le 12 mai 2014, puis un examen contradictoire le 11 juin 2014 dans les locaux de la société Fla Automobiles où le véhicule avait été transporté. Le kilométrage était à cette date de 155.042 km.

L'expert mandaté par l'assureur de M. X a établi un rapport le 8 octobre 2014 dans lequel il considère que le désordre mécanique résulte d'une non-conformité d'une soupape d'admission livrée par la société Fla Automobiles lors de l'intervention réalisée en avril 2012. M. X estimant la responsabilité de la société Fla Automobiles engagée, une réparation équivalente à la valeur vénale du véhicule et à son immobilisation de 6.940 euros lui a été demandée le 2 décembre 2014.

Faute d'avoir obtenu satisfaction, par acte délivré le 23 septembre 2015, M. X a fait assigner la société Fla Automobiles devant le tribunal de grande instance de Thonon Les Bains pour obtenir sa condamnation, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à lui payer une somme globale de 25.178,68 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des divers préjudices subis, outre une indemnité pour frais irrépétibles.

La société Fla Automobiles s'est opposée aux demandes en contestant toute responsabilité et a formé une demande reconventionnelle en paiement de la somme de 11.730 euros au titre des frais de gardiennage à la date du 10 mars 2016, à parfaire selon la date à laquelle M. X fera enlever le véhicule resté dans ses locaux. Le garage a également sollicité la condamnation de M. X à venir récupérer son véhicule sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ainsi qu'une indemnité procédurale.

Par jugement contradictoire rendu le 25 mars 2018, le tribunal de grande instance de Thonon Les Bains a :

Débouté M. X de toutes ses demandes indemnitaires dirigées à l'encontre de la société Fla Automobiles,

• condamné M. X à venir récupérer le véhicule Z B immatriculé DH-989- DT dans les locaux de la société Fla Automobiles dans le délai d'un mois à compter de la date à laquelle le jugement sera devenu définitif,

• dit qu'à défaut d'avoir récupéré le véhicule dans le délai fixé, M. X sera redevable envers la société Fla Automobiles d'une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard pendant une durée maximale de six mois,

• condamné M. X à payer à la société Fla Automobiles la somme de 7.390 euros au titre des frais de gardiennage pour la période du 15 mars 2016 à la date du présent jugement, débouté la société Fla Automobiles de sa demande au titre des frais de gardiennage pour d'autres périodes,

• condamné M. X à payer à la société Fla Automobiles la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

• condamné M. X aux dépens de l'instance, dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration du 6 août 2018, M. X a interjeté appel de ce jugement.

L'affaire a été clôturée à la date du 16 mars 2020 et renvoyée à l'audience du 30 mars 2020. Cette audience ayant été annulée en raison de la crise sanitaire, l'affaire a fait l'objet d'un avis de procédure sans audience le 16 avril 2020, en application de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304. En l'absence d'opposition manifestée à cette procédure dans les 15 jours de l'avis, l'affaire a été mise en délibéré à la date du 9 juin 2020.

Par conclusions notifiées le 19 avril 2019, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. X demande en dernier lieu à la cour de :

Vu les articles 1134, 1787 et 1147 du code civil,

Vu les articles 143, 144 et 378 du code de procédure civile,

A titre principal, infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, dire et juger que la société Fla Automobiles a manqué à son obligation de résultat pesant sur elle relativement à la réparation du véhicule de M. X,

• dire et juger que la responsabilité contractuelle de la société Fla Automobiles est parfaitement caractérisée,

• condamner la société Fla Automobiles à verser à M. X la somme de 36.427,06 euros à titre de dommages et intérêts se décomposant de la manière suivante :

- 2.700 euros TTC au titre de la valeur vénale du véhicule,

- 28.560 euros à parfaire au titre de l'immobilisation et des frais de gardiennage du véhicule,

- 900,80 euros à parfaire au titre du paiement de l'assurance obligatoire relative au véhicule immobilisé,

- 1.766,26 euros au titre du remboursement de la facture n° 651131 émise par la société Fla Automobiles en date du 25 avril 2012 pour la réparation du moteur,

- 2.500 euros au titre du préjudice de jouissance, débouter la société Fla Automobiles de l'intégralité de ses demandes, condamner la société Fla Automobiles à payer à M. X la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance,

A titre subsidiaire, ordonner une expertise judiciaire, désigner tel expert qu'il plaira à la juridiction avec la mission suivante :

- examiner le véhicule,

- décrire précisément les désordres affectant le véhicule, en rechercher l'origine et en déterminer la cause,

- indiquer les travaux propres à remédier à ces désordres et aux conséquences dommageables, en évaluer le coût,

- dire si les désordres rendent le véhicule impropre à sa destination,

- donner au tribunal tous les éléments afin d'apprécier les préjudices de toute nature subis par le demandeur et de déterminer les responsabilités encourues, surseoir à statuer sur l'intégralité des demandes de M. X jusqu'au dépôt du rapport d'expertise,

En tout état de cause, condamner la société Fla Automobiles à payer à M. X la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel,

• ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, condamner la société Fla Automobiles aux entiers dépens comprenant notamment les frais d'expertise amiable.

Par conclusions notifiées le 2 février 2019, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société Fla Automobiles demande en dernier lieu à la cour de :

Vu les articles 1134 et suivants du code de procédure civile (sic),

Vu les articles 1147 et suivants du code de procédure civile (sic),

A titre principal, confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a limité le montant des frais de gardiennage à la somme de 10 euros par jour à compter du 15 mars 2016 et jusqu'à la date du jugement soit la somme de 7.390 euros,

• en conséquence, dire et juger que M. X ne rapporte pas la preuve que la société Fla Automobiles aurait commis une faute contractuelle,

• dire et juger que la responsabilité contractuelle de la société Fla Automobiles ne saurait être engagée,

• débouter M. X de toutes ses demandes, dire et juger l'appel incident de la société Fla Automobiles recevable et bien fondé, et statuant à nouveau,

• condamner M. X à verser à la société Fla Automobiles les frais de gardiennage de son véhicule qui s'élèvent à la somme totale de < 18.700 euros à ce jour, somme qui sera à parfaire en fonction de la date à laquelle M. X récupérera son véhicule,

A titre subsidiaire, si la cour devait juger que la société Fla Automobiles a engagé sa responsabilité contractuelle, dire et juger que les demandes en paiement formulées par M. X en réparation de ses différents préjudices sont infondées,

• en conséquence, le débouter de toutes ses demandes,

En tout état de cause, condamner M. X sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, à récupérer son véhicule Alpha Roméo 159, qui est immobilisé au sein de la société Fla Automobiles depuis le mois d'avril 2014 et dont il est toujours propriétaire,

• condamner M. X à payer à la société Fla Automobiles la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Motifs

#1 MOTIFS ET DÉCISION

1/ Sur l'appel principal

En application de l'article 1147 du code civil, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable en l'espèce, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Le garagiste qui intervient sur un véhicule pour effectuer une réparation est soumis à une obligation de résultat. Le client qui entend engager la responsabilité de son garagiste sur le fondement contractuel doit ainsi rapporter la preuve de ce que la défaillance du véhicule dont il se plaint résulte d'une pièce ou d'un élément qui a fait l'objet de l'intervention de son garagiste. Si cette preuve est rapportée, il pèse sur le professionnel une présomption de responsabilité et, pour pouvoir s'en exonérer, c'est à ce dernier de prouver qu'il n'a commis aucune faute.

Enfin, une expertise réalisée à la demande d'une partie ne peut, à elle seule, fonder la décision du juge et les conclusions d'une telle expertise, pour être retenues comme probantes, doivent être étayées par d'autres éléments.

Ainsi, c'est à juste titre et par des motifs pertinents que la cour approuve que le tribunal a souligné que les expertises réalisées par le cabinet Carvex, à la seule demande de M. X et de son assureur, ne peuvent être considérés comme parfaitement impartiales, quand bien même partie des opérations ont été menées de manière contradictoire. Leurs conclusions ne peuvent donc être prises en compte que si elles sont étayées par d'autres éléments de preuve.

En l'espèce, l'expert du cabinet Carvex indique en page 5 de son rapport de 2014:

«Les investigations mises en oeuvre attestent que le conducteur n'a pas commis de faute ou d'erreur de conduite. Le dysfonctionnement interne au moteur subsiste. De ce fait, la présomption de responsabilité reste opposable au garage FLA dernier intervenant».

Il conclut encore page 8: « nous considérons que le désordre mécanique résulte bien de la non conformité d'une soupape d'admission livrée par les Ets FLA».

#2 Il s'agit là d'affirmations péremptoires qui ne sont étayées ni par les investigations de l'expert dont la nature technique n'est pas précisée, ni par d'autres éléments de preuve.

En effet, l'expert a simplement constaté les dégradations de la soupape admission du 4ème cylindre, sans expliquer leur origine. Il a exclu l'hypothèse d'un sur régime du moteur, émise par le garagiste, sans toutefois démontrer pourquoi.

Le véhicule examiné est par ailleurs décrit dans un état particulièrement dégradé (pare brise fendu, lunette arrière brisée, 2 pneumatiques avant HS, pare choc avant rayé, hayon et aile arrière droite déformés), il a parcouru plus de 40.000 km depuis la dernière intervention de la société Fla Automobiles, deux ans auparavant. Cette circonstance permet de douter qu'aucune intervention d'un tiers n'ait été réalisée sur le moteur pendant toute cette période.

M. X ne produit aucun autre élément de nature à étayer les conclusions de son expert.

Il ne peut être fait droit à la demande d'expertise de M. X, celle ci ne présentant aucun intérêt pour la solution du litige compte tenu de l'ancienneté de la panne, le véhicule étant stationné chez la société Fla Automobiles depuis près de six ans, de sorte que son état s'est nécessairement dégradé, ce qui ne peut que rendre des investigations sur une réparation effectuée il y a plus de huit ans tout à fait aléatoire.

Aussi, c'est à bon droit et par des motifs que la cour adopte que le tribunal a jugé qu'il n'est pas établi que la panne serait imputable à l'intervention de la société Fla Automobiles en avril 2012 et a rejeté toutes les demandes de M. Y

2/ Sur l'appel incident

Il est constant que le véhicule appartenant à M. X est entreposé dans les locaux de la société Fla Automobiles depuis le mois de mars 2014.

La société Fla Automobiles fait grief au jugement d'avoir limité sa demande au titre des frais de gardiennage à compter de la demande faite en 2016.

M. X pour sa part soutient qu'aucun contrat de dépôt ne s'est formé.

En application de l'article 1917 du code civil, le dépôt proprement dit est un contrat essentiellement gratuit.

En l'espèce, le dépôt résulte du transfert, à la demande de M. X, de son véhicule chez la société Fla Automobiles pour les besoins de l'examen technique de celui ci, puisque les opérations d'expertise se sont déroulées en dernier lieu dans ce garage qui disposait du plateau technique nécessaire aux investigations.

#3 Aussi, ce dépôt, qui n'est pas l'accessoire d'un contrat d'entreprise puisque aucun contrat de réparation n'a été conclu entre les parties, est nécessairement gratuit, sauf pour la société Fla

Automobiles à rapporter la preuve de son caractère onéreux.

Or, outre que le tarif des frais de gardiennage de 17 euros par jour qu'elle prétend avoir affiché dans son établissement n'est pas justifié par la société Fla Automobiles, qui ne produit aucune pièce aux débats, il est constant que cette dernière n'a pris aucun soin particulier du véhicule qui est simplement resté stationné dans ses locaux.

Par ailleurs, la société Fla Automobiles ne s'est jamais manifestée auprès de M. X avant l'introduction de l'instance pour lui réclamer des frais de gardiennage, ni même pour obtenir l'évacuation du véhicule.

Aussi, il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal a condamné M. X au paiement des frais de gardiennage de son véhicule et la société Fla Automobiles sera déboutée de cette demande.

M. X ne peut évidemment prétendre obtenir lui même le paiement de tels frais, qu'il n'a jamais payés.

#4 La société Fla Automobile ne peut être contrainte de conserver indéfiniment le véhicule dans ses locaux et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné M. X à le récupérer sous astreinte. Toutefois, le montant de l'astreinte sera porté à la somme de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, pour assurer l'exécution effective de la décision. L'astreinte courra pour une durée maximale de six mois.

3/ Sur les autres demandes

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Fla Automobiles la totalité des frais exposés, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de lui allouer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. X, qui succombe en son appel, supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Déboute M. A X de sa demande d'expertise,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Thonon Les Bains le 23 mars 2018, sauf en ce qu'il a :

Condamné M. A X à venir récupérer le véhicule Z B immatriculé DH-989- DT dans les locaux de la société Fla Automobiles dans le délai d'un mois à compter de la date à laquelle le jugement sera devenu définitif,

• dit qu'à défaut d'avoir récupéré le véhicule dans le délai fixé, M. A X sera redevable envers la société Fla Automobiles d'une astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard pendant une durée maximale de six mois,

• condamné M. A X à payer à la société Fla Automobiles la somme de 7.390 euros au titre des frais de gardiennage pour la période du 15 mars 2016 à la date du présent jugement,

Réformant sur ces seuls points et statuant à nouveau,

Déboute la société Fla Automobiles de sa demande au titre des frais de gardiennage,

Condamne M. A X à faire évacuer le véhicule Z B immatriculé DH-989- DT des locaux de la société Fla Automobiles dans le délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard, pour une durée maximale de six mois,

Y ajoutant,

Condamne M. A X à payer à la société Fla Automobiles la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel,

Condamne M. A X aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Ainsi prononcé publiquement le 09 juin 2020 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Michel FICAGNA, Président et Sylvie LAVAL, Greffier.