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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 2 novembre 2010, n° 09/01744

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Holding Orgueil (Sté)

Défendeur :

Unigrains Diversification (Sté), Unigrains (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Maestracci

Conseillers :

Mme Moracchini, Mme Delbes

Avoués :

SCP Fisselier - Chiloux - Boulay, SCP Guizard, Me Huyghe, Me Teytaud

Avocats :

Me Dacharry, Me Legras, Me Weisz, Me Lalance

TGI Paris, du 26 nov. 2008, n° 05/17880

26 novembre 2008

Par jugement du 26 novembre 2008, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Paris a :

- condamné in solidum Monsieur et Madame O. et l. à payer à la société FRANCE UNICONSERVES la somme de 477.393,65 € avec intérêts contractuels au taux de 8% en paiement du prix des actions du GROUPE XAVIER G. SA. ;

- condamné Monsieur O. et l. à payer à la société FRANCE UNICONSERVES la somme de 96.836,69 € au titre de la rémunération du portage ;

- condamné Madame O. à payer à la Société FRANCE UNICONSERVES la somme de 211.769,59 € avec intérêts contractuels au taux de 13% et indemnité contractuelle de remboursement anticipé au titre de son engagement de caution ;

- condamné in solidum Monsieur et Madame O. et l. à payer à la Société FRANCE U. d'une part et à UNIGRAINS d'autre part la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté les autres demandes.

Par acte du 26 janvier 2009, Monsieur Patrick O., Madame Geneviève L. divorcée O. et la Société HOLDING ORGUEIL ont interjeté appel de cette décision.

La société UNIGRAINS et ses filiales, dont la société FRANCE UNICONSERVES, devenue depuis la Société UNIGRAINS DIVERSIFICATION, sont des sociétés financières spécialisées dans le financement des sociétés agro-alimentaires et agro-industrielles.

La société GROUPE XAVIER G. avait pour activité la fabrication et la distribution de pâtisseries surgelées. Son capital était détenu par Monsieur O. à hauteur de 0,16%, par Madame O. à hauteur de 0,32% et par la HOLDING O. à hauteur de 80,13%. La HOLDING ORGUEIL était, quant à elle, détenue à 100% par la famille O. : Monsieur O., Madame L. et leur fils Vincent.

En décembre 2000, Monsieur O., gérant de la HOLDING ORGUEIL et PDG du GROUPE XAVIER G. SA, s'est rapproché de la société UNIGRAINS afin de financer l'acquisition de nouvelles Sociétés.

Le 22 mai 2001, Monsieur O. a adressé une offre de reprise à la société de droit britannique GOURMET INTERNATIONAL.

Le 12 septembre 2001, le cabinet HAARMANN & HEMMELRATH, conseil de la HOLDING O., a adressé à la Société UNIGRAINS le calendrier des opérations nécessaires à l'acquisition par le GROUPE GOURMET SA de 51% des actions de G. INTERNATIONAL. Le projet prévoyait les opérations suivantes :

- une prise de participation de la société FRANCE UNICONSERVES dans le capital du GROUPE XAVIER G. SA par la cession de 40.995 actions, représentant 5% du capital pour le prix de 495.000 € ;

- la mise à disposition immédiate de cette somme à la société GROUPE XAVIER G. SA ;

- un prêt en compte courant d'actionnaire consenti par la Société FRANCE UNICONSERVES, devenue actionnaire, pour un montant de 345.000 €, relayé par l'émission d'obligations convertibles au 28 juin 2002 ;

- le remboursement du prêt en compte courant par compensation, lors de la souscription par la société FRANCE U. à l'émission des obligations convertibles en action de la société GROUPE XAVIER G. SA.

Le 14 novembre 2001, le conseil d'administration de la HOLDING O. a autorisé la cession d'actions du GROUPE XAVIER G. SA à la Société FRANCE UNICONSERVES et le rachat de ces titres pour le prix de 495.000 € avec intérêts au taux de 13% l'an, en deux étapes par une convention de portage.

Le 26 novembre 2001, la société FRANCE U. a conclu avec Monsieur O. et la société HOLDING ORGUEIL un protocole de cession d'actions qui prévoyait :

- une promesse d'achat et de vente de 40.995 actions en deux opérations, l'une portant sur 20. 497 actions le 30 novembre 2005 pour le prix de 247.398,79 €, l'autre portant sur 20.498 actions le 30 novembre 2006 pour le prix de 247.410,86 €,

- un prêt en compte courant d'actionnaire consenti par la société FRANCE UNICONSERVES pour un montant de 345.000 €, relayé par l'émission d'obligations convertibles au 28 juin 2002,

- une convention de portage au profit de société FRANCE UNICONSERVES déterminée par application au prix d'acquisition d'un taux d'intérêt annuel de 13%, cette rémunération pouvant être diminuée, sans jamais pouvoir devenir négative, du montant des dividendes servis par le GROUPE XAVIER G. SA et les cessionnaires étant codébiteurs solidaires du paiement de cette rémunération,

- une clause pénale prévoyant que le taux d'intérêt est porté à 15%.

Au début de l'année 2002, les parties ont été informées des mauvais résultats de la société GROUPE XAVIER G. dont la prévision de déficit s'élevait, en juin 2002, à 235.210 €.

Le 25 juin 2002, le commissaire aux comptes du GROUPE XAVIER G. SA a confirmé devant l'assemblée générale des actionnaires les mauvais résultats du groupe. Son rapport indiquait que sur la base des comptes consolidés du groupe, la formule de conversion d'obligations, telle qu'elle avait été approuvée le 26 novembre 2001, était négative, donc inapplicable de sorte que la société FRANCE UNICONSERVES pouvait exiger le remboursement immédiat et anticipé des obligations.

Par courrier du 28 juin 2002, la société FRANCE U. a confirmé qu'elle ne souscrirait pas aux obligations convertibles et que le remboursement du prêt serait différé au 30 septembre 2002.

Par acte sous seing privé du 30 septembre 2002, intitulé convention de réaménagement de prêt en compte d'actionnaire n°46F', un échéancier a été mis en place pour le remboursement du prêt de 345.000 € en 22 échéances trimestrielles remboursables à compter du 31 mars 2003.

Par acte du 4 octobre 2002, Monsieur et Madame O. se sont ... solidaires de ce prêt.

L'échéance du 30 septembre 2004 n'ayant pas été réglée, et une mise en demeure étant restée sans effet, la société FRANCE U. a prononcé, le 20 novembre 2004, la déchéance du terme et en a informé les cautions.

Le 10 mai 2004, à la suite du non-paiement de plusieurs échéances de rémunération du portage, les parties ont convenu de réaménager le protocole conclu le 26 novembre 2001 de la manière suivante :

- cession des actions en novembre 2005, 2006 et 2007 pour le même prix global,

- rémunération de la société FRANCE UNICONSERVES réduit à 8% à compter du 30 novembre 2003,

- versement de la rémunération mensuelle à terme échu, le dernier jour du mois ouvré à compter du 30 juillet 2004 et jusqu'au novembre 2007,

- taux majoré de 10%,

- en cas de non-respect, le cédant pourra demander au cessionnaire la réalisation immédiate de la cession de la totalité des actions du groupe XAVIER GOURMET SA.

Le 14 octobre 2004, la société FRANCE U. a mis en demeure Monsieur O. et l. de régler la somme de 7.916,95 € correspondant à la rémunération du portage d'août à septembre 2004.

Par jugement rendu le 9 novembre 2005 par le tribunal de commerce de Rennes, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard du GROUPE XAVIER G. SA. Celle-ci a été convertie en liquidation judiciaire le 13 janvier 2006.

C'est dans ces conditions que, le 14 novembre 2005, la société FRANCE U. a assigné d'une part Madame Geneviève L., en sa qualité de caution d'un prêt en compte d'actionnaire du GROUPE XAVIER G. SA à payer la somme de 211.769,59 € augmentée des intérêts au taux de 13% l'an, et d'autre part Monsieur O. et l. en paiement de la somme de 505. 473,05 €, correspondant à la rémunération du portage.

Le 7 novembre 2006, Monsieur et Madame O. et l. ont assigné en intervention forcée la société UNIGRAINS afin de la voir condamner in solidum avec la société FRANCE U. à leur payer la somme de 8.000.000 € à titre de dommages et intérêts et 200.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a fait droit à la demande de la société FRANCE UNICONSERVES, au regard de la convention du 26 novembre 2001, modifiée le 10 mai 2004 et de l'acte de caution du 4 octobre 2002.

Il a en revanche estimé qu'aucune faute contractuelle ou délictuelle ne pouvait être retenue à l'encontre de la société UNIGRAINS et de la société FRANCE UNICONSERVES.

Par conclusions signifiées le 6 septembre 2010, Monsieur Patrick O. et la société HOLDING ORGUEIL demandent à la cour :

- à titre principal, de dire que le protocole de cession d'actions signé le 26 novembre 2001 et modifié le 10 mai 2004 est nul, les appelants ayant été victimes d'une contrainte économique exercée sur eux par la société UNIGRAINS et la société FRANCE U. ;

- à titre subsidiaire, de dire que les sociétés UNIGRAINS et FRANCE U. se sont rendues coupable d'une rupture de pourparlers et en conséquence les débouter de leurs demandes ou au moins ordonner la compensation avec les sommes mises à leur charge par les conventions ;

- de dire que les sociétés UNIGRAINS et FRANCE U. ont manqué à leur devoir de conseil et les condamner en conséquence à réparer le préjudice subi, pour la société HOLDING O. à hauteur de 8M € , pour Monsieur O. à hauteur de 415.784 € correspondant aux sommes réclamées en principal à titre de caution et 262.210 € correspondant à sa perte de revenus depuis novembre 2005 ;

- de condamner solidairement les sociétés UNIGRAINS et FRANCE U. à verser à Monsieur O., d'une part, et à la société HOLDING O., d'autre part, la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées 7 septembre 2010, Madame L. demande à la cour de réformer le jugement entrepris, de constater que les premiers juges ont statué ultra petita à son égard dès lors qu'elle n'est pas signataire de la convention du 26 novembre 2001, de dire que l'engagement de caution qu'elle a souscrit est nul, de débouter la société UNIGRAINS DIVERSIFICATION, venue aux droits de la société FRANCE UNICONSERVES, de l'ensemble de ses demandes et de condamner celle-ci à lui payer la somme de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions signifiées le 25 mars 2010, l'UNION FINANCIÈRE POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L'ECONOMIE CÉRÉALIÈRE UNIGRAINS SA demande à la cour de constater que Madame O. ne formule aucune demande à son égard, de juger que la société HOLDING O. n'a pas intérêt à agir, faute de préjudice direct distinct de celui de la société XAVIER GOURMET, de juger qu'elle n'a commis aucune faute, de confirmer en conséquence le jugement dans toutes ses dispositions et, y ajoutant, de condamner Monsieur O. et la société HOLDING O. à lui verser la somme de 50.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 3 septembre 2010, la Société UNIGRAINS DIVERSIFICATION, venue aux droits de la Société FRANCE UNICONSERVES, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne les condamnations mises à la charge de Madame O. et de condamner celle-ci à lui verser la somme de 211.769,59 € augmentée des intérêts au taux de 13% conformément à l'article 7 de la convention du 30 septembre 2002 jusqu'à parfait règlement, augmenté de l'indemnité de remboursement anticipé, visée à l'article 11 de la dite convention, avec capitalisation des intérêts. Elle demande à la cour de condamner les appelants à lui verser la somme de 15.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

Sur la recevabilité des demandes reconventionnelles de la société HOLDING ORGUEIL

Monsieur O. et la société HOLDING ORGUEIL font valoir que cette dernière a vocation à réclamer l'indemnisation d'un préjudice distinct de celui de la Société dont elle est le principal associé, dès lors, d'une part que la société GROUPE XAVIER G. n'a pas subi un amoindrissement mais un anéantissement de l'actif, et d'autre part qu'elle a fait l'objet d'une liquidation judiciaire pour insuffisance d'actifs, le 20 avril 2009, de sorte que l'article 1844-9 du code civil est applicable. Ils font valoir que la valorisation de la participation de la HOLDING dans le capital de la société GROUPE XAVIER G. peut être estimée à 8 M € (valeur 2001) et que cette somme correspond donc à la perte subie.

La société UNIGRAINS conclut à l'irrecevabilité de la demande de la société HOLDING O..

Une société ne peut se substituer à sa filiale, sauf à méconnaître la règle nul ne plaide par procureur, pour intenter, en ses lieu et place, une action judiciaire visant à la réparation d'un préjudice personnel prenant sa source dans le préjudice subi par sa seule filiale. En l'espèce, la société HOLDING ORGUEIL, qui demande la réparation d'un préjudice personnel, ne démontre pas qu'elle a subi un préjudice distinct de celui de la société XAVIER GOURMET.

Elle ne peut davantage fonder son action sur l'article 1844-9 du code civil, dès lors que, même si la clôture de la liquidation de la société XAVIER GOURMET est effectivement intervenue, un indivisaire ne pourrait agir qu'à la condition que la créance soit certaine et corresponde à un élément d'actif ignoré, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Il s'ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu'il a jugé l'action de la société HOLDING ORGUEIL irrecevable.

Sur la convention du 26 novembre 2001 révisée le 10 mai 2004

Aux termes de la convention intitulée protocole de cession d’actions conclue le 26 novembre 2001, la société FRANCE U. s'est engagée à acquérir 40.995 actions de la société XAVIER GOURMET, pour un prix fixé à 494.809,65 €. Monsieur O. et la société HOLDING ORGUEIL devaient rémunérer le portage par application au prix d'acquisition d'un intérêt annuel de 13%. Par un avenant du 10 mai 2004, les modalités de la cession d'action ont été réaménagées, un nouvel échéancier a été établi et le taux de rémunération du portage a été réduit de 13 à 8%.

C'est sur le fondement de cette convention modifiée que les appelants ont été assignés et condamnés, d'une part à rembourser les frais de portage et d'autre part à payer le prix des actions de la société GROUPE XAVIER G..

Il n'est pas contesté que Madame L. n'était pas partie à la convention du 26 novembre 2001 de sorte qu'elle n'était tenue à aucune obligation sur ce fondement. Le jugement sera en conséquence réformé de ce chef.

Monsieur O. et la société HOLDING ORGUEIL soulèvent la nullité de la convention du 26 novembre 2001, au visa de l'article 1111 du code civil, au motif que leur consentement a été vicié par la violence économique dont ils ont été victimes. Ils exposent d'une part que le délai entre la première évocation du portage le 12 novembre 2001 et la signature de la convention a été extrêmement court, et d'autre part, qu'ils ne pouvaient refuser de signer au risque de faire échouer l'opération de rachat de la société anglaise GOURMET INTERNATIONAL.

La société UNIGRAINS DIVERSIFICATION réplique que les appelants ne rapportent pas la preuve d'une quelconque violence économique qui aurait vicié leur consentement ; qu'ils ont d'ailleurs commencé à exécuter les conventions dont ils demandent l'annulation ; qu'ils étaient parfaitement au courant de la vie des affaires ; que Monsieur O. était assisté de ses propres conseils, et notamment le cabinet d'avocat HAARMANN HEMMELRATH qui a examiné les conventions qu'il a signées, qu'il avait en conséquence une complète connaissance de la convention de portage et de sa rémunération.

Il résulte des pièces produites que le 12 septembre 2001, le cabinet HAARMANN et HEMMELRATH, conseil de la HOLDING O., a adressé à la société UNIGRAINS un calendrier des opérations nécessaires à l'acquisition par le groupe XAVIER GOURMET de 51% du capital social de XAVIER G.I., que ce calendrier correspondait pour l'essentiel aux points qui seront repris dans la convention signée le 26 novembre 2001, que par courrier électronique daté du 12 novembre 2010, la société UNIGRAINS a adressé le projet de convention au cabinet HAARMANN et HEMMELRATH pour observations ; que le 14 novembre 2001, le conseil d'administration de la société XAVIER GOURMET a approuvé cette convention ; que par décision unanime du même jour, les associés de la société XAVIER G. ont autorisé le gérant à signer le protocole de cession d'action.

Il se déduit de ce qui précède que, d'une part, le 12 novembre 2001, au plus tard, Monsieur O. était parfaitement informé du contenu de la convention litigieuse sur laquelle il n'a d'ailleurs fait aucune observation, que d'autre part, il a été assisté, dans toutes les phases de la négociation, par un cabinet d'avocat expérimenté.

Monsieur O. n'apporte aux débats aucun élément permettant de démontrer l'existence de faits de violence économique susceptibles d'avoir vicié son consentement, les courriers produits à l'appui de ses affirmations (P23 et 24), qui démontrent seulement que des négociations sont en cours avec la partie anglaise, n'établissant nullement des pressions ou une quelconque contrainte.

Il s'ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Monsieur O. et la société HOLDING O. à payer à la société UNIGRAINS DIVERSIFICATION les sommes de 96.838,69 € au titre de la rémunération de portage et de 477.393,65 € au titre du paiement des actions.

Sur la responsabilité délictuelle des sociétés UNIGRAINS et UNIGRAINS DIVERSIFICATION

Monsieur O. et la société HOLDING ORGUEIL reprochent à la société UNIGRAINS d'avoir eu un comportement fautif, d'une part, en se substituant la Société FRANCE UNICONSERVES après 11 mois de négociation, d'autre part, en rompant des pourparlers. Ils font valoir que cette rupture fautive est établie dès lors qu'ils se sont vu imposer, à un moment où ils ne pouvaient plus revenir en arrière, une convention en contradiction avec les modalités d'intervention sur lesquelles ils s'étaient mis d'accord auparavant.

Les sociétés intimées font valoir qu'aucune faute ne peut leur être reprochée, que rien n'empêchait la société UNIGRAINS de se substituer la société FRANCE UNICONSERVES, sa filiale à 100%, que le fait que la convention ait été signée le 26 novembre 2001 démontre que les pourparlers n'ont pas été rompus ; que les appelants ont eu connaissance de la convention de portage au moins à partir du 12 novembre 2001 et non pas, au dernier moment, comme ils le prétendent; qu'en tout état de cause ils n'apportent pas la preuve que les négociations portaient sur des projets différents de ceux qui ont été signés.

Il n'est pas contesté que les pourparlers ont abouti à la signature de la convention du 26 novembre 2001, de sorte qu'il ne peut être sérieusement soutenu qu'ils ont été rompus.

Il ne peut davantage être affirmé que Monsieur O. s'est vu imposer, au dernier moment, des modalités d'intervention très différentes de celles qui ont finalement été adoptées. Le calendrier des opérations transmis le 12 septembre 2001 par le cabinet d'avocat HAARMANN et HEMMELRATH mentionne l'ensemble des points qui figurent dans la convention du 26 novembre 2001, à l'exception de la convention de portage qui figure néanmoins dans le projet de convention transmis le 12 novembre 2001, sans avoir suscité aucune observation ni de Monsieur O., ni de ses conseils.

Le comportement fautif de la société UNIGRAINS ne peut davantage être déduit du fait qu'elle s'est substituée sa filiale à 100%, la société UNICONSERVES, dès lors que cette substitution n'a jamais été contestée et que les appelants ne démontrent pas en quoi il s'agit d'un comportement fautif qui leur a porté préjudice.

Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef.

Sur le manquement à l'obligation de conseils des sociétés UNIGRAINS et UNIGRAINS DIVERSIFICATION

Au soutien de leur appel, Monsieur O. et l. font valoir que la société UNIGRAINS, qui se présente comme un conseil professionnel en investissement, était tenue à leur égard d'une obligation de conseil pour laquelle elle a perçu une rémunération importante composée, d'une part, des frais de dossiers de 23.000 € , et d'autre part, d'un sur revenu de 8%, ce qui représente sur une période de 5 ans une somme totale de 340.000 € ; que la société UNIGRAINS a joué un rôle important dans le montage de l'opération d'acquisition de G. INTERNATIONAL, que c'est bien parce que Monsieur O. n'avait pas les compétences requises, contrairement à ce qu'indique UNIGRAINS, qu'il s'est adressé à la société UNIGRAINS ; que compte tenu de la situation de la société XAVIER GOURMET, la société UNIGRAINS n'aurait jamais dû conseiller à Monsieur O. de procéder à une opération de développement par acquisition, ainsi que le note le rapport MAZARS, et encore moins de choisir pour cible la société GOURMET INTERNATIONAL qui réalise 100% de son activité dans le transport aérien, alors que les attentats du 11 septembre venaient de se produire.

La société UNIGRAINS réplique qu'elle n'est débitrice d'aucune obligation contractuelle à l'égard des appelants ; qu'elle s'est toujours présentée en tant qu'investisseur potentiel ; qu'elle n'a pas été associée à la rédaction de la lettre d'intention adressée le 22 mai 2001 par Monsieur O. à la société GOURMET INTERNATIONAL, que contrairement à ce que prétendent les appelants, ce n'est pas sur les instructions de Monsieur T. que cette lettre d'intention a été envoyée. La société UNIGRAINS et la société FRANCE UNICONSERVES soutiennent que Monsieur O. est un professionnel averti, lui-même entouré de professionnels ; qu'il était assisté d'un cabinet d'avocat d'affaire à tous les stades de la négociation ; que la société UNIGRAINS n'a pas eu accès à toutes les informations détenues par Monsieur O. et que le rapport du cabinet MAZARS n'est d'aucune utilité dans la mesure où il n'est fondé que sur les éléments communiqués par Monsieur O.. Elles soutiennent en outre que les appelants ne justifient d'aucun préjudice ni d'aucun lien de causalité entre le préjudice allégué et les fautes invoquées, la déconfiture de la Société XAVIER G. ne pouvant être imputée à la société UNIGRAINS.

Les appelants, qui soutiennent que la société UNIGRAINS a perçu une rémunération au titre de son obligation de conseil, n'en rapportent pas la preuve. Si le compte rendu d'entretien du 29 janvier 2001 fait état de Frais de dossiers (100-150.000 F)', cette mention figure à la fin d'un paragraphe précédé de la mention peut-être qui décrit sous forme hypothétique les conditions d’intervention de la société UNIGRAINS sans qu'aucun autre élément ne permette de déduire que cette hypothèse s'est réalisée.

Si le rapport du cabinet MAZARS, dont il faut rappeler qu'il a été établi à la demande des appelants et à partir des seules informations fournies par eux, indique que Toute opération de croissance externe (acquisition d'une entreprise pour accélérer la croissance) impliquait un renforcement préalable des capitaux propres : l'entreprise n'avait pas la possibilité de financer une croissance externe par emprunts, dans la mesure ou le ratio emprunts sur capitaux propres excédait déjà 1. Et,'que la lettre d'intention engageant irrévocablement le groupe dans l'acquisition de la cible en Grande-Bretagne aurait dû s'appuyer sur des conditions de financement définitives et non pas sur des assurances implicites’, aucun élément ne permet d'imputer cette erreur stratégique à un défaut de conseil ou un comportement fautif de la société UNIGRAINS ou de la société FRANCE UNICONSERVES.

La chronologie de la négociation conduite pour acquérir la société XAVIER GOURMET INTERNATIONAL, telle qu'elle résulte des pièces produites, montre que Monsieur O. est bien à l'origine de la lettre d'intention du 22 mai 2001, qu'il avait une expérience des relations d'affaires, et qu'il a toujours été assisté de conseils avertis.

Il s'ensuit que Monsieur O. ne démontre ni l'existence d'une obligation de conseils à la charge de la société UNIGRAINS et de la société FRANCE UNICONSERVES ni celle d'un comportement fautif de celles-ci de sorte que le jugement, qui l'a débouté de ses demandes, sera également confirmé de ce chef.

Sur le remboursement du prêt par Madame L.O. en sa qualité de caution

Il sera rappelé que Monsieur O. n'a pas été assigné en paiement en qualité de caution, dans le présent dossier, une instance étant en cours sur ce fondement devant le tribunal de grande instance de Grenoble.

Il est constant que :

- le 26 novembre 2001, la société FRANCE UNI CONSERVES a conclu avec la société XAVIER GOURMET, représentée par son PDG, Patrick O., un prêt en compte d'actionnaires portant sur la somme de 345.000 € dans l’attente de sa souscription à une émission d’obligations convertibles en actions de la Société GROUPE XAVIER G. SA devant intervenir au plus tard le 28 juin 2002. Ce prêt était remboursable, en une échéance unique fixée au 28 juin 2002, et portait intérêt au taux de 8,5% l'an, payable le 28 juin 2002. A ce contrat, était annexé un contrat d'émission d'obligations convertibles qui serait souscrit entre le 2 mai et le 28 juin 2002. L'obligataire avait la faculté de demander la conversion des obligations en actions à compter du 1er juillet 2005 et l'article 8 de la convention prévoyait une exigibilité anticipée du remboursement de la valeur minimale des obligations à défaut de règlement à la bonne date d'une seule des échéances. Le bénéfice de l'exigibilité restant acquis à l'obligataire nonobstant toutes offres ou consignations ultérieures.

- Dans un rapport du 25 juin 2002, le commissaire aux comptes a indiqué que la conversion d'obligations n'était pas applicable, la valeur de la société calculée sur la base des comptes consolidés au 31 décembre 2001, étant négative.

- Le même jour, Monsieur O. a été informé que la société FRANCE UNICONSERVES ne souscrirait pas les obligations. Il lui a été proposé de rembourser le prêt au 30 septembre 2002.

- Le prêt a été réaménagé par convention du 30 septembre 2002 signée entre la société FRANCE UNICONSERVES et la société XAVIER GOURMET. Monsieur et Madame O. étaient également signataires de cet acte en qualité de caution avec la mention manuscrite Bon pour cautionnement solidaire à concurrence de 345.000 € en principal plus intérêts calculés aux taux stipulés à l'article 3 (8% l'an) et à l'article 7 (13% l'an sans pouvoir être inférieur à L'EURIBOR 3 mois majoré de 5%) de la présente convention, commissions, pénalités, frais et accessoires.

- Par un courrier du 4 octobre 2002, Monsieur et Madame O. ont confirmé leur accord ferme et irrévocable pour cautionner personnellement et solidairement les obligations que la Société GROUPE XAVIER G. pouvait avoir envers la Société FRANCE UNICONSERVES au titre du remboursement d'un prêt en compte courant d'actionnaire d'un montant en principal de 345.000 € accordé le 26 novembre 2001...'.

Madame L. soutient que l'engagement de caution doit être annulé au motif :

- que son consentement sur cet engagement de caution a été vicié dès lors qu'elle a dû signer dans un délai de 24h sous la menace de l'exigence d'un remboursement anticipé qui risquait de mettre la société XAVIER GOURMET SA dans une situation financière catastrophique.

- que la société UNIGRAINS a manqué à son obligation de conseils, en retenant des informations dont elle disposait sur la situation financière de la société XAVIER GOURMET, notamment le rapport d'audit réalisé par Monsieur M. en juillet 2002, et en ne la mettant pas en garde de sorte qu'elle ne s'est pas engagée en toute connaissance de cause.

- que compte tenu de son parcours professionnel, elle n'était pas en mesure d'analyser les informations financières pertinentes et qu'elle n'était donc pas un co-contractant averti ; qu'elle n'a pas suivi les négociations et n'était pas impliquée dans la direction de l'entreprise.

- que le créancier a encore commis une faute en ne veillant pas à évaluer la proportionnalité entre l'engagement de caution et le patrimoine dont celle-ci disposait.

La société UNIGRAINS DIVERSIFICATION réplique que Madame L. était parfaitement au courant des affaires de la société XAVIER GOURMET, impliquée et assistée ; qu'elle était présentée comme numéro 2 de la Société et que sa fiche de paie mentionnait la qualité de dirigeante ; qu'en cette qualité, elle avait eu connaissance et avait approuvé les opérations litigieuses et les projets de conventions lors du conseil d'administration du 14 novembre 2001; qu'elle avait été informée lors de l'assemblée générale du 28 juin 2002 du rapport du commissaire aux comptes et donc de l'impossibilité de la conversion des obligations ; qu'elle a donc bien pris part aux décisions stratégiques.

Elle fait valoir que Madame L. ne rapporte pas la preuve qu'elle a signé l'engagement de caution sous la pression et sans l'assistance d'un conseil. Elle soutient enfin que Madame L. ne peut se prévaloir d'une disproportion entre son engagement et son patrimoine dès lors qu'elle a organisé son insolvabilité en procédant à diverses donations à ses enfants, ainsi qu'en témoigne un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 11 juin 2008 qui a rendu inopposable à la société UNIGRAINS DIVERSIFICATION ces donations effectuées en fraude de ses droits.

Il n'est pas contesté que Madame L. faisait partie de l'équipe de direction de la société XAVIER GOURMET en qualité de directrice commerciale à l’export , qu elle était également administratrice de la cette société, que si elle ne détenait que 0,32 % du capital de celle-ci, 80,13% des parts étaient détenues par la société HOLDING ORGUEIL dont elle possédait avec son mari et son fils la totalité du capital, qu'elle était présente au conseil d'administration du 14 novembre 2001 qui a approuvé les conventions qui seront conclues le 26 novembre 2001 et qu'elle a également signé la décision unanime approuvant la signature du protocole de cession d'actions et les conditions de son financement, qu'elle était également présente lors de l'assemblée générale du 28 juin 2002 au cours de laquelle le commissaire aux comptes a indiqué que sur la base des comptes 2001, la valeur de la Société était négative et que la conversion d’obligation n’était pas applicable.

Il se déduit de ce qui précède que même si Madame L. n'avait pas de pouvoir de décision stratégique ainsi que le relèvent les attestations versées aux débats, elle était néanmoins associée à ces décisions et qu'elle ne pouvait ignorer en conséquence l'évolution de ce dossier.

Le fait, d'ailleurs non avéré, que Madame L. n'ait pas eu connaissance du rapport réalisé par Monsieur M. à la demande de la société UNIGRAINS, est sans conséquence, dès lors que les informations contenues dans ce rapport, notamment sur les difficultés financières de la Société et la situation très tendue de la trésorerie, avaient déjà été portées à sa connaissance, notamment, par le rapport du commissaire aux comptes.

Madame L. ne démontre pas davantage l'existence de pressions et de violences susceptibles d'avoir vicié son consentement, alors qu'il est établi par un courrier du 4 octobre 2002, qu'elle était assistée du cabinet d'avocat HARMANN HEMMELRATH. Le seul fait que l'engagement de caution ait été jugé nécessaire par la société FRANCE UNICONSERVES pour permettre le réaménagement du prêt, ne peut en effet suffire à caractériser la violence alléguée.

L'appelante ne peut enfin sérieusement soutenir que la société FRANCE U. a commis une faute en ne veillant pas à la proportionnalité de l'engagement de caution avec son patrimoine dès lors qu'il résulte du jugement rendu, le 11 juin 2008, par le tribunal de grande instance de Paris qui a déclaré inopposables à la société FRANCE UNICONSERVES les donations faites à ses enfants, qu'elle disposait déjà, au moment de l'engagement de caution, d'un patrimoine immobilier résultant de la succession de son père, même si ce patrimoine est resté dans l'indivision jusqu'à la clôture de la succession de sa mère, intervenue en 2004.

Il s'ensuit que le jugement sera également confirmé de ce chef.

Sur les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Les demandes de Monsieur O., de Madame L. et de la société HOLDING ORGUEIL seront rejetées compte tenu de la solution donnée au litige.

Monsieur O., Madame L. et la société HOLDING ORGUEIL seront solidairement condamnés au paiement de la somme de 5.000 € à la société UNIGRAINS d'une part et à la société UNIGRAINS DIVERSIFICATION, anciennement dénommée FRANCE U., d'autre part.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré l'action de la société HOLDING ORGUEIL irrecevable, en ce qu'il a condamné Monsieur O. et l. à payer à la société FRANCE UNICONSERVES, devenue depuis la société UNIGRAINS DIVERSIFICATION, la somme de 96.836,69 € au titre de la rémunération du portage, en ce qu'il a condamné Madame L. divorcée O. à payer à la société FRANCE UNICONSERVES la somme de 211.769,59 € outre intérêts contractuels de 13% et indemnité contractuelle de remboursement anticipé au titre de son engagement de caution, en ce qu'il a condamné in solidum Monsieur et Madame O. et la société HOLDING O. à verser à la société FRANCE UNICONSERVES la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a débouté les parties de leurs autres demandes.

Le réformant pour le surplus et statuant à nouveau,

Condamne in solidum Monsieur O. et la société HOLDING O. à payer à la société UNIGRAINS DIVERSIFICATION, anciennement dénommée FRANCE U., la somme de 477.393,65 € avec intérêts contractuels au taux de 8% en paiement du prix des actions du GROUPE XAVIER G. SA.

Y ajoutant,

Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière, conformément à l'article 1154 du code civil sur la somme de 211.769,59 € que Madame L. a été condamnée à payer à la société FRANCE UNICONSERVES.

Condamne solidairement Monsieur O., Madame L. et la société HOLDING O. à payer à la société UNIGRAINS DIVERSIFICATION, anciennement dénommée FRANCE U., d'une part, et à la Société UNIGRAINS, d'autre part, la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette toute autre demande des parties.

Condamne solidairement Monsieur O., Madame L. et la société HOLDING O. aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés selon les modalités prévues par l'article 699 du code de procédure civile.