Cass. 1re civ., 12 novembre 1974, n° 73-10.850
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bellet
Rapporteur :
M. Voulet
Avocat général :
M. Boucly
Avocat :
Me Copper-Royer
SUR LE PREMIER MOYEN, PRIS EN SES PREMIERE ET DERNIERE BRANCHES :
ATTENDU QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE QUE, PAR ACTE SOUS SEING PRIVE DU 15 DECEMBRE 1966, LE CREDIT SUISSE A VENDU A LA CGII LES 49 700 ACTIONS QU'IL DETENAIT DANS LE CAPITAL DE LA SOCIETE ANONYME NEUILLY-ANCELLE CONSTITUEE EN VUE DE LA CONSTRUCTION D'UN IMMEUBLE A USAGE DE LOCATION DE BUREAUX ;
QUE CETTE CESSION ETAIT FAITE MOYENNANT 1) LE VERSEMENT COMPTANT D'UNE SOMME DE 19 880 000 FRANCS, 2) LA PRISE EN CHARGE DU PASSIF DE LA SOCIETE NEUILLY-ANCELLE S'ELEVANT A 21 371 000 FRANCS, 3) LE PAIEMENT DIFFERE D'UNE SOMME SUPPLEMENTAIRE QUI SERAIT FONCTION DE L'EXCEDENT DES LOYERS BRUTS ENCAISSES PENDANT DIX ANS A COMPTER DE LA TERMINAISON DES CONSTRUCTIONS PAR LA LOCATION DE L'IMMEUBLE AU-DELA D'UN LOYER DE BASE ;
QUE CE LOYER DE BASE ETAIT LUI-MEME DETERMINE PAR APPLICATION D'UN TAUX DE 12% L'AN AU PRIX DE L'OPERATION ENVISAGEE;
QUE, LE 24 SEPTEMBRE 1968, LA SOCIETE ANONYME NEUILLY-ANCELLE A ETE TRANSFORMEE EN SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE ;
QUE LE 31 OCTOBRE 1968, LE CREDIT SUISSE A CEDE A LA SOCIETE SEQUANA LA CREANCE EVENTUELLE QU'IL DETENAIT CONTRE LA CGII MOYENNANT LE PRIX DE 50 000 000 FRANCS PAYE COMPTANT ;
QUE L'IMMEUBLE AYANT ETE ACHEVE FIN 1969, LA COMPAGNIE SEQUANA, PUIS LE CREDIT SUISSE ONT ASSIGNE LA CGII EN NULLITE DE LA CONVENTION DU 15 DECEMBRE 1966, POUR INDETERMINATION DU PRIX, SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 1591 DU CODE CIVIL ;
ATTENDU QU'IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR DECLARE RECEVABLE L'ACTION EN NULLITE DE VENTE POUR INDETERMINATION DU PRIX INTENTE PAR LE CREDIT SUISSE ET LA SOCIETE SEQUANA, AUX MOTIFS, D'APRES LE MOYEN, QUE LA CGII AURAIT RENONCE AUX FINS DE NON-RECEVOIR OPPOSEES A L'ACTION DE SES ADVERSAIRES, ALORS, QUE L'IRREVABILITE POUR DEFAUT D'INTERET EST D'ORDRE PUBLIC, INDEPENDANTE DE LA VOLONTE DES PLAIDEURS ET PEUT ETRE SOULEVEE D'OFFICE PAR LE JUGE ;
QU'EN L'ESPECE LE CREDIT SUISSE ETAIT IRRECEBABLE SOIT, PARCE QU'AYANT RECU L'INTEGRALITE DE CE QUI LUI ETAIT DU, IL N'A PLUS DE DROIT DE CREANCE A FAIRE VALOIR CONTRE LA CGII, SOIT PARCE QU'AYANT INTRODUIT SCIEMMENT LA CLAUSE LITIGIEUSE DANS LE CONTRAT, IL NE PEUT SE PREVALOIR DE SON INTENTION DOLOSIVE ET DE SA PREVOYANCE FRAUDULEUSE ;
QUE LA SOCIETE SEQUANA ETAIT EGALEMENT IRRECEVABLE N'AYANT PAS ETE PARTIE AU CONTRAT, NE POUVANT AVOIR PLUS DE DROITS QUE LE CREDIT SUISSE ET NE BENEFICIANT QUE D'UNE PARTIE DE LA CREANCE ORIGINELLE ;
MAIS ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL CONSTATE QUE LA CGII A DECLARE RENONCER AUX MOYENS D'IRRECEVABILITE QU'ELLE AVAIT SOULEVES EN PREMIERE INSTANCE A L'ENCONTRE DES ACTIONS EN NULLITE DE LA SEQUANA ET DU CREDIT SUISSE ;
QU'IL NE SAURAIT ETRE FAIT GRIEF A LA COUR D'APPEL DE NE PAS LES AVOIR EXAMINES D'OFFICE, ET QUE LA CGII NE PEUT LES REPRENDRE DEVANT LA COUR DE CASSATION ;
QU'ILS SONT, EN EFFET, NOUVEAUX, ET QUE MELANGES DE FAIT ET DE DROIT, ILS SONT IRRECEVABLES ;
SUR LE PREMIER MOYEN, PRIS EN SA SECONDE BRANCHE ET SUR LE DEUXIEME MOYEN : ATTENDU QUE LA CGII FAIT ENCORE GRIEF A LA COUR D'APPEL D'AVOIR FAIT DROIT A CETTE DEMANDE ALORS QUE, SELON LE MOYEN, LE PRIX, AU MOMENT DE L'ASSIGNATION EN NULLITE SERAIT DETERMINE ;
QU'IL N'Y A PRIX INDETERMINE QUE SI SON MONTANT DEPEND D'ELEMENTS NON PRECISES AU CONTRAT OU DE LA VOLONTE D'UNE PARTIE ;
QUE TEL NE SERAIT PAS LE CAS EN L'ESPECE, OU LE MONTANT DU PRIX DEPENDAIT D'ELEMENTS OBJECTIFS STIPULES DANS UN CONTRAT CREANT DES OBLIGATIONS RECIPROQUES AUX PARTIES ;
QU'AINSI SE TROUVERAIT REALISEE LA DETERMINATION DU PRIX PAR DES ELEMENTS OBJECTIFS ET LE CONTROLE RECIPROQUE DES PARTIES PAR LE DROIT DE FAIRE RESPECTER LES OBLIGATIONS STIPULEES ET ACCEPTEES ;
QUE LA CONSTATATION DE CES ELEMENTS ET DE CE CONTROLE EXCLURAIT UN POUVOIR DISCRETIONNAIREDE L'UNE OU DE L'AUTRE PARTIE POUR LA DETERMINATION DE LEURS ENGAGEMENTS ;
QU'UNE DEFAILLANCE DANS LE RESPECT DE CES OBLIGATIONS NE CONSTITUERAIT PAS UNE CONDITION DE LA VALIDITE DU CONTRAT MAIS UNE FAUTE CONTRACTUELLE DANS L'EXECUTION DE BONNE FOI DE LA CONVENTION ;
MAIS ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL, APRES AVOIR RAPPELE QUE LE COMPLEMENT DE PRIX PREVU AU CONTRAT ETAIT CONSTITUE PAR LA DIFFERENCE ENTRE LES LOYERS BRUTS ET LE LOYER DE BASE, RELEVE QUE LES LOYERS BRUTS ENCAISSES DEPENDAIENT A LA FOIS DE LA SURFACE DES LOCAUX ET DU MONTANT DES LOYERS PAR UNITE DE SURFACE ;
QU'EN CE QUI CONCERNE LA SURFACE DES LOCAUX, CELLE-CI D'APRES LES PLANS PRIMITIFS ANTERIEURS A LA CONVENTION LITIGIEUSE ETAIT DE 54 122 M2 ;
QUE LE CONTRAT PREVOYAIT QUE LA CGII "S'ENGAGEAIT A UTILISER AU MAXIMUM LES POSSIBILITES DU PERMIS DE CONSTRUIRE";
QUE LA COUR D'APPEL RETIENT QUE CETTE INDICATION ETAIT TROP VAGUE POUR EXCLURE TOUTE INFLUENCE DE LA CGII QUANT A LA SURFACE DES LOCAUX ET QU'EFFECTIVEMENT L'IMMEUBLE CONSTRUIT S'ETENDAIT SEULEMENT SUR 49 654 M2 ;
QUE LA COUR D'APPEL RELEVE ENCORE QU'EN CE QUI CONCERNE LE MONTANT DES LOYERS, SI LA CONVENTION STIPULAIT QUE LE CEDANT DISPOSAIT D'UN MOIS POUR PROPOSER UN AUTRE LOCATAIRE QUE CELUI PRESSENTI PAR LA CGII, LA PREFERENCE NE DEVAIT ETRE DONNEE AU CANDIDAT DU CREDIT SUISSE QUE S'IL PRESENTAIT UNE SOLVABILITE INDENIABLE ;
QUE, DES LORS, LA POSSIBILITE D'INTERVENTION DU CREDIT SUISSE ETAIT SUSCEPTIBLE DE LIMITER LA LIBERTE D'ACTION DE LA CGII, MAIS NE LA SUPPRIMAIT PAS COMPLETEMENT PUISQU'ELLE RESTAIT JUGE DE LA SOLVABILITE DU CANDIDAT PRESENTE PAR LE CREDIT SUISSE ET CONTINUAIT A FIXER LES CONDITIONS DU CONTRAT DE BAIL, CE QUI LUI DONNAIT LA POSSIBILITE D'EVINCER LES CANDIDATS DU CEDANT AU PROFIT DES SIENS "ET DONC DE DECIDER EN DERNIER RESSORT DU PRIX DU LOYER" ET QU'EN FAIT, LA CGII A ENTENDU PROFITER AU MAXIMUM DES DROITS QUE LUI DONNAIT A CET EGARD LE CONTRAT ;
QU'ENFIN, LA COUR D'APPEL RETIENT QU'EN CE QUI CONCERNE LE PRIX DE REVIENT DE L'IMMEUBLE SUR LEQUEL ETAIT FONDE LE LOYER DE BASE, LA CGII EN ACCEPTANT UN PRIX DE REVIENT PLUS OU MOINS ELEVE SELON LES MARCHES PASSES ET LES AMENAGEMENTS DES LIEUX, AVAIT LA POSSIBILITE D'INFLUER EN FIN DE COMPTE SUR LE SUPPLEMENT DU PRIX ET POUVAIT AGIR POSTERIEUREMENT A LA CONCLUSION DU CONTRAT SUR LA SURFACE UTILISABLE, SUR LE PRIX DE REVIENT DE LA CONSTRUCTION, TOUS ELEMENTS DONT DEPENDAIT LE MONTANT DU PRIX ;
QUE CELUI-CI NE POUVAIT DONC ETRE DETERMINE INDEPENDAMMENT DU JEU DE LA VOLONTE DE LA CGII ;
QUE LA COUR D'APPEL A PU DEDUIRE DE CES APPRECIATIONS SOUVERAINES QUE LA CONVENTION LITIGIEUSE ETAIT NULLE PAR APPLICATION DE L'ARTICLE 1591 DU CODE CIVIL ;
SUR LE TROISIEME MOYEN, PRIS EN SES DEUX BRANCHES : ATTENDU QU'IL EST ENCORE FAIT GRIEF A LA COUR D'APPEL D'AVOIR ANNULE LA CONVENTION LITIGIEUSE, ALORS QUE LES PARTS D'UNE SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE ONT UNE NATURE MOBILIERE, QUE LES PORTEURS DE PARTS NE SONT PROPRIETAIRES NI DU SOL NI DES CONSTRUCTIONS, QUE LES DECISIONS RELATIVES A L'UTILISATION DE LA SURFACE ET AU PRIX DE REVIENT SONT DONC L'OEUVRE DE LA SOCIETE PROPRIETAIRE ET NON DU PORTEUR DE PARTS, QUE LES VARIATIONS DES ELEMENTS DE PRIX ETAIENT L'OEUVRE D'UN TIERS ET NON DE L'ACQUEREUR, ET ALORS EN SECOND LIEU, A L'EGARD DE LA FIXATION DES LOYERS, QUE SI LA CGII POUVAIT DECIDER DES LOCATIONS A ACCORDER CE N'ETAIT JAMAIS SANS UNE PREALABLE DISCUSSION AVEC LE CREDIT SUISSE OU LA SEQUANA QUI ONT TOUJOURS PU EXERCER UN DROIT DE PREFERENCE PAR RAPPORT AU CANDIDAT PRESENTE ;
QUE L'ARRET ATTAQUE AURAIT DONC DENATURE LE CONTRAT ;
MAIS ATTENDU TOUT D'ABORD, QUE, DEVANT LES JUGES DU FOND, LA CGII N'A PAS SOUTENU QUE LES DECISIONS RELATIVES A L'UTILISATION DE LA SURFACE ET AU PRIX DE REVIENT ETAIENT L'OEUVRE DE LA SOCIETE NEUILLY-ANCELLE ET NON D'ELLE-MEME ;
QUE CE MOYEN EST NOUVEAU, ET QUE, MELANGE DE FAIT ET DE DROIT, IL EST IRRECEVABLE ;
ATTENDU, EN SECOND LIEU, QUE C'EST SANS DENATURER LE CONTRAT QUE LA COUR D'APPEL A DECIDE QUE LA CGII AVAIT, PAR APPLICATION DE LA CONVENTION, LA POSSIBILITE D'EVINCER LES CANDIDATS DU CEDANT AU PROFIT DES SIENS ;
QUE LE MOYEN, IRRECEVABLE EN SA PREMIERE BRANCHE, EST MAL FONDE EN SA SECONDE ;
SUR LE QUATRIEME MOYEN : ATTENDU QU'IL EST REPROCHE A LA COUR D'APPEL D'AVOIR ANNULE UNE VENTE PORTANT SUR DES ACTIONS D'UNE SOCIETE ANONYME ET ORDONNE LA RESTITUTION DE PARTS D'UNE SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE, ALORS QU'UNE RESTITUTION EN NATURE NE PEUT ETRE ORDONNEE QUE SI LES CHOSES SONT DEMEUREES ENTIERES, QU'ELLES ONT GARDE UNE IDENTITE ET LEURS QUALITES SPECIFIQUES, QUE TEL N'EST PAS LE CAS LORSQUE LA CHOSE VENDUE EST CONSTITUEE PAR LES ACTIONS D'UNE SOCIETE PROPRIETAIRE D'UN TERRAIN NU, DONNANT DROIT A UNE PARTICIPATION A UN CAPITAL ET A UN PATRIMOINE SOCIAL, MAIS NE POUVANT DONNER DROIT NI A LA JOUISSANCE EXCLUSIVE DE LOCAUX NI A LA VOCATION DE LA PLEINE PROPRIETE DESDITS LOCAUX D'UN IMMEUBLE QUI N'EXISTE PAS, ET QUE LA CHOSE RESTITUEE CONSISTE EN DES PARTS D'UNE SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE DONNANT DROIT A UNE PARTICIPATION AU CAPITAL, AU PATRIMOINE SOCIAL, ET A LA JOUISSANCE EXCLUSIVE DE PARTIE DES LOCAUX D'UN IMMEUBLE, ET, A LA VOCATION A LA PLEINE PROPRIETE DESDITS LOCAUX, QUE TEL N'EST PAS LE CAS, LORSQUE L'OBJET DE LA VENTE ETAIT UN TERRAIN NU DE 6 717 M2 ET QUE L'OBJET DE LA RESTITUTION EST UN IMMEUBLE BATI DE 49 654 M2 ;
MAIS ATTENDU QUE CE MOYEN N'A PAS ETE SOUTENU DEVANT LES JUGES DU FOND ;
QU'IL EST NOUVEAU, ET QUE MELANGE DE FAIT ET DE DROIT, IL EST IRRECEVABLE ;
SUR LE CINQUIEME MOYEN : ATTENDU ENFIN, QUE C'EST SANS CONTRADICTION QUE LA COUR D'APPEL A RECONNU QUE LES LOYERS ETAIENT LA REMUNERATION DES SOMMES AVANCEES PAR LA CGII ET A CEPENDANT DECIDE QUE LES LOYERS SERAIENT VERSES ENTRE LES MAINS D'UN SEQUESTRE ;
D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN N'EST PAS FONDE ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 22 NOVEMBRE 1972 PAR LA COUR D'APPEL DE PARIS.