Cass. com., 19 décembre 2006, n° 05-10.199
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 20 octobre 2004), que M. Z... et Mme A..., épouse Z... (M. et Mme Z...) ont consenti à la Société coopérative d'approvisionnement Paris Est (la société Scapest), centrale régionale d'achat du groupe Leclerc, une promesse unilatérale de cession des actions qu'ils détenaient dans le capital de la société Sonedis qui exploitait un hypermarché sous l'enseigne Leclerc ; qu'après que la société Scapest eut levé l'option, cette société, ainsi que la société Lunedis, qu'elle s'était substituée, ont demandé en justice que soit constatée la cession d'actions et que M. et Mme Z... soient condamnés sous astreinte à effectuer toutes formalités nécessaires ainsi qu'à leur payer des dommages-intérêts ; que M. et Mme Z... ayant ultérieurement cédé ces mêmes actions à la société ITM Entreprises, les sociétés Lunedis et Scapest ont demandé que la décision à intervenir soit rendue opposable à cette société ; que le tribunal, également saisi par M. Z... d'une demande, dirigée contre la société Lunedis et MM. X... et Y..., tendant à l'annulation d'une délibération du conseil d'administration de la société Sonedis, a joint les procédures ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que les sociétés Scapest et Lunedis et MM. X... et Y... font grief à l'arrêt d'avoir déclaré nulle la promesse de cession d'actions et d'avoir en conséquence rejeté les demandes des sociétés Scapest et Lunedis alors, selon le moyen :
1 / que même si aucun document ne recensait les règles en usage dans le mouvement Leclerc pour l'évaluation de fonds de commerce ou de droits sociaux que les tiers évaluateurs devaient suivre, la clause ne restreignait pas leur faculté de consulter tout document relatif aux cessions de fonds ou de titres intervenues dans le mouvement ainsi que toute personne ayant été impliquée dans de telles opérations ; qu'en affirmant que la clause ne leur permettait pas de déterminer le prix de façon indépendante de la volonté du cessionnaire dans la mesure où la consultation des structures créées pour assurer la solidarité du mouvement Leclerc influencerait leur appréciation dans un sens favorable au cessionnaire, sans expliquer pourquoi les tiers estimateurs ne seraient pas en mesure de rechercher les informations relatives aux cessions intervenues et de les analyser pour en dégager les règles d'évaluation appliquées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1591 et 1592 du code civil ;
2 / qu'il résulte des constatations de l'arrêt selon lesquelles les pénalités sont applicables aux sociétés quittant prématurément la centrale nationale de référencement et les coopératives régionales d'approvisionnement du mouvement Leclerc, à la suite d'un retrait anticipé ou d'une exclusion, que ces pénalités ne sont susceptibles d'affecter que le prix d'un fonds de commerce cédé à un tiers extérieur au mouvement mais ne s'appliquent pas aux cessions réalisées à l'intérieur du mouvement, la société cédée restant alors, par hypothèse, membre de ces structures ; qu'en décidant cependant que dans la mesure où les tiers estimateurs devraient tenir compte des cessions réalisées par des adhérents quittant prématurément ces structures et où le prix des actions cédées aurait été injustement minoré du fait de la rétention des ristournes, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé les articles 1591 et 1592 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que MM. X... et Y... ne sont pas recevables à critiquer des dispositions de l'arrêt qui ne leur font pas grief ;
Et attendu, en second lieu, qu'après avoir relevé que la promesse de cession d'actions stipulait qu'en l'absence d'accord des parties, le prix de cession serait déterminé par un collège de tiers désignés selon les prévisions des articles 1592 et 1843-4 du code civil et précisait que ceux-ci devraient respecter les "règles en usage au sein du mouvement Leclerc" et, pour l'évaluation du fonds de commerce, du droit au bail et autres éléments incorporels, faire application des "règles posées par le mouvement Leclerc", l'arrêt retient que la seule référence à ces règles est dépourvue de précision suffisante et ne garantit pas que le prix sera estimé en fonction d'éléments extérieurs à la volonté du cessionnaire dès lors que ni la promesse de cession d'actions ni aucun document existant au plus tard à la date de la promesse, même versé ultérieurement, ne précise la consistance des règles posées par le mouvement Leclerc en matière d'évaluation des fonds de commerce ou plus généralement d'évaluation de droits sociaux ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, desquelles il résulte que les tiers chargés de fixer le prix avaient reçu mission de le faire par référence à des règles qui n'étaient pas déterminées, et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche inopérante visée par la première branche, a légalement justifié sa décision et décidé à bon droit que le prix n'était pas déterminable ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en ce qu'il est soutenu par MM. X... et Y..., n'est pas fondé pour le surplus ;
Et sur le second moyen du même pourvoi :
Attendu que les sociétés Scapest et Lunedis et MM. X... et Y... font encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :
1 / que l'article 20 de la promesse de cession d'actions stipulait que si au moment de la levée d'option, un agrément par la société était nécessaire, les promettants, s'ils ont le droit de statuer sur cet agrément, s'obligent à formuler un avis favorable et s'engagent à faire tout ce qui sera en leur pouvoir pour faciliter cet agrément et que "le défaut d'agrément ne peut fonctionner qu'en tant que condition résolutoire de la cession projetée, l'intention des parties étant en effet que la cession produise tous ses effets dès l'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception même s'il n'a pas encore été statué sur l'agrément" ;
qu'en décidant cependant que l'obtention de l'agrément du conseil d'administration préalablement à la levée d'option était une condition de validité de celle-ci, la cour d'appel a fait une fausse application du contrat et ainsi violé l'article 1134 du code civil ;
2 / que, si la cour d'appel a considéré que le bénéficiaire de la promesse devait, à défaut d'avoir obtenu l'agrément avant la levée de la cession, avoir mis en demeure le promettant d'exécuter son engagement de faciliter l'octroi de l'agrément, elle a relevé d'office ce moyen tiré de la nécessité d'une démarche du bénéficiaire auprès du promettant antérieurement à la levée d'option, les intimés ayant uniquement soutenu que l'obtention préalable de l'agrément du conseil d'administration était une condition de validité de la levée d'option ; qu'en s'abstenant de provoquer les explications préalables des parties, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire et violé l'article 16 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt étant justifié par les motifs que critique vainement le premier moyen, les griefs du second moyen, qui s'adressent à des motifs surabondants, ne peuvent être accueillis ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident éventuel :
REJETTE le pourvoi.