Livv
Décisions

Cass. ass. plén., 16 décembre 2022, n° 21-23.719

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soulard

Rapporteur :

M. Seys

Avocat général :

M. Lecaroz

Avocats :

SCP Ohl et Vexliard, SCP Melka-Prigent-Drusch

Paris, du 20 oct. 2021

20 octobre 2021

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 20 octobre 2021), sur renvoi après cassation (Com., 14 octobre 2020, pourvoi n° 18-15.840), un juge des libertés et de la détention a, sur le fondement de l'article L. 621-12 du code monétaire et financier, autorisé des enquêteurs de l'Autorité des marchés financiers (AMF), en charge d'une enquête ouverte par son secrétaire général portant sur l'information financière et le marché du titre de la société Marie Brizard Wine & Spirits (la société MBWS), à procéder à une visite au siège social de cette société, à l'occasion de la tenue de son prochain conseil d'administration, et à saisir toute pièce ou document susceptible de caractériser la communication et/ou l'utilisation d'une information privilégiée au sens de l'article 621-1 du règlement général de l'AMF, sur tout support, notamment les ordinateurs portables et téléphones mobiles des représentants de la société Diana holding participant à ce conseil d'administration, dont Mme [Z].

2. Mme [Z] a relevé appel de l'ordonnance d'autorisation de visite et saisies et exercé un recours contre le déroulement des opérations, réalisées le 25 avril 2017 ; la société Diana Holding est intervenue volontairement à la procédure.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Énoncé du moyen

4. Mme [Z] et la société Diana Holding font grief à l'ordonnance de confirmer celle rendue par le juge des libertés et de la détention et de déclarer régulières les opérations de visite et saisies effectuées le 25 avril 2017 dans les locaux de la société MBWS, alors « que l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée et de la correspondance que constitue la saisie de données électroniques n'est tolérée que si elle est prévue par la loi, poursuit un but légitime et est nécessaire, dans une société démocratique, pour atteindre ce but ; que seuls sont saisissables, lors d'une visite domiciliaire par les enquêteurs de l'AMF autorisée par le juge des libertés et de la détention, les documents et supports d'information qui appartiennent ou sont à la disposition de l'occupant des lieux, soit la personne qui occupe, à quelque titre que ce soit, les locaux dans lesquels la visite est autorisée ; que la simple présence passagère d'une personne au siège social d'une société où se déroule une visite domiciliaire, fût-ce pour une raison professionnelle telle que la tenue d'un conseil d'administration, ne lui confère pas la qualité d'occupant des lieux, quels que soient les liens juridiques que cette personne entretient avec la société et quelle que soit la fréquence de sa présence dans les lieux ; qu'en retenant néanmoins, pour décider que le juge des libertés et de la détention avait valablement autorisé la saisie des documents détenus par Mme [Z], que "Mme [X] [Z], administratrice de la société MBWS, en plein exercice de ses fonctions professionnelles lors de la tenue du conseil d'administration, [devait] être de toute évidence considérée comme "occupant des lieux" et susceptible de faire l'objet de saisies "et qu'elle ne justifiait pas" à quelle fréquence elle était présente dans les locaux pour exercer ses fonctions d'administratrice de la société MWBS", le premier président a violé les articles L. 621-12 du code monétaire et financier et 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article L. 621-12 du code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1107 du 22 juin 2017, le juge des libertés et de la détention peut autoriser les enquêteurs de l'AMF à effectuer des visites en tous lieux et à procéder à la saisie de documents pour la recherche des infractions définies aux articles L. 465-1 à L. 465-3-3 du même code et des faits susceptibles d'être qualifiés de délit contre les biens et d'être sanctionnés par la commission des sanctions de l'AMF en application de l'article L. 621-15 de ce code.

6. Il en résulte que sont saisissables les documents et supports d'information qui sont en lien avec l'objet de l'enquête et se trouvent dans les lieux que le juge a désignés ou sont accessibles depuis ceux-ci, sans qu'il soit nécessaire que ces documents et supports appartiennent ou soient à la disposition de l'occupant des lieux.

7. Ce texte, ainsi interprété, qui poursuit un but légitime, à savoir la protection des investisseurs, la régulation et la transparence des marchés financiers, est nécessaire dans une société démocratique pour atteindre cet objectif. Il ne porte pas une atteinte excessive au droit de toute personne au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance dès lors, d'une part, que les opérations de visite et de saisies ont préalablement été autorisées par un juge qui s'est assuré du bien-fondé de la demande, qu'elles s'effectuent sous son autorité et son contrôle, en présence d'un officier de police judiciaire, chargé de le tenir informé de leur déroulement, et de l'occupant des lieux ou de son représentant, qui prennent connaissance des pièces avant leur saisie, qu'elles ne peuvent se dérouler que dans les seuls locaux désignés par ce juge, que l'occupant des lieux et les personnes visées par l'ordonnance sont informés, par la notification qui leur en est faite, de leur droit de faire appel à un avocat de leur choix et que ces opérations peuvent être contestées devant le premier président de la cour d'appel par toutes les personnes entre les mains desquelles il a été procédé à de telles saisies, d'autre part, que seuls les éléments nécessaires à la recherche des infractions précitées peuvent être saisis, ceux n'étant pas utiles à la manifestation de la vérité devant être restitués.

8. Le moyen, qui conteste la qualité d'occupant des lieux de Mme [Z], est dès lors inopérant.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.