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Décisions

Cass. crim., 16 juin 2004, n° 03-85.746

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

Mme de la Lance

Avocat général :

M. Chemithe

Avocat :

Me Spinosi

Paris, 12e ch., du 24 juin 2003

24 juin 2003

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 et 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, 66 de la Constitution, 8.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 432- 8 du Code pénal, 21 de la loi n 91-650 du 9 juillet 1991 portant reforme des procédures civiles d'exécution, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé la société Loiselet & Daigremont des fins d'une poursuite pour recel de la violation du domicile de Paul X... par Me Y..., huissier de justice ;

"aux motifs que Paul X... a été condamné à la suite d'une procédure de recouvrement de charges et que le syndicat des copropriétaires a été conduit à procéder à l'exécution forcée, qu'un procès-verbal de saisie-vente avait été dressé et que Paul X... ayant saisi le juge de l'exécution, il avait été débouté ;

qu'il ressort de l'arrêt rendu par la cour d'appel (en date du 30 septembre 1999 ayant statué sur l'appel interjeté par Paul X... du jugement du juge de l'exécution) que l'acte de saisie-vente avait été remis à Mme Z..., employée de maison qui était présente sur les lieux (et) qui avait ouvert la porte à l'huissier de justice ; qu'il est établi par les éléments de la procédure qu'il n'y a pas eu de violation de domicile, dans la mesure où l'huissier de justice a opéré en présence d'un tiers qui lui avait ouvert la porte ; que, contrairement aux affirmations de Paul X..., la revue des huissiers de justice précise que la remise des clés ne saurait dispenser l'huissier de la présence de témoins, à moins que le voisin ou le gardien ne puisse être considéré comme le représentant légal ou le mandataire (du) débiteur ; que l'huissier de justice a, dans le cas d'espèce, considéré que l'employée de maison pouvait être "le mandataire" en raison de sa présence sur les lieux ; que, dès lors, il ne peut être soutenu qu'il y a eu violation de domicile ;

"alors, d'une part, que commet le délit de violation de domicile l'huissier de justice instrumentaire qui s'introduit dans le domicile d'autrui en l'absence de celui-ci hors les cas prévus par la loi ; que le premier alinéa de l'article 21 de la loi du 9 juillet 1991 lui impose, en cas d'absence de l'occupant dans les lieux, de requérir la présence de l'un des dépositaires de l'autorité publique que ce texte énumère de manière limitative, ou, à défaut, de deux témoins majeurs ; que, par suite, la cour d'appel, dont les constatations de faits démontrent que l'occupant était absent de chez lui lors de l'intervention dudit huissier, ne pouvait légalement décider que ce dernier ne s'était pas rendu coupable de violation de domicile au seul motif que l'employée de maison du demandeur, elle-même qualifiée par l'arrêt attaqué de tiers et non de mandataire ou de représentant légal du demandeur, avait volontairement ouvert la porte audit huissier ; que, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a ajouté une condition que l'article 21 de la loi précitée n'a pas prévue ;

"alors, d'autre part, que la cour d'appel, ne pouvait, sans se contredire, affirmer tout à la fois que seule la présence d'un voisin ou du gardien de l'immeuble pouvait permettre à l'huissier de justice de considérer ceux-ci comme les représentants légaux ou les mandataires de l'occupant absent et attribuer en l'espèce cette qualité à l'employée de maison du demandeur ;

"alors, enfin, que, dans ses conclusions d'appel, le demandeur faisait valoir que son employée avait laissé l'huissier entrer dans les lieux en raison de la crainte que lui avait inspiré ses fonctions ; que la cour d'appel n'a pas répondu à ce chef de conclusions pourtant péremptoire, dès lors que le délit de violation de domicile par un dépositaire de l'autorité publique est encore constitué lorsque l'huissier de justice instrumentaire se fait ouvrir la porte et pénètre dans les lieux en usant de ses fonctions et de la crainte que celles-ci peuvent légitimement inspirer à celui qui y est présent" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 321-1, 321-2 et 321-12 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé la société Loiselet & Daigremont des fins d'une poursuite pour recel de la violation du domicile de Paul X... par Me Y..., huissier de justice, comme tel dépositaire de l'autorité publique ;

"aux motifs que, de plus, à supposer que le délit ait été établi, le syndicat des copropriétaires ne pouvait être receleur de ce délit, la faute éventuelle incombant à l'huissier de justice et non au syndicat des copropriétaires ;

"alors que, d'une part, le délit de recel suppose une infraction initiale commise par un tiers, les qualifications de receleur et d'auteur du délit principal étant incompatibles ; que, par conséquent, la cour d'appel ne pouvait exclure l'existence de tout délit de recel de violation de domicile commis par le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic, prévenu, au seul motif, manifestement inopérant, que la violation de domicile invoquée par la partie civile ne pouvait être imputée qu'au seul huissier de justice mandaté par le syndicat, et non audit syndicat ;

"alors que, d'autre part, le délit de recel de violation de domicile par un dépositaire de l'autorité publique est constitué par le seul fait de bénéficier en connaissance de cause et par tous moyens du produit d'un crime ou d'un délit commis par un tiers ; que la cour d'appel a laissé sans réponse le chef péremptoire des conclusions de la partie civile qui faisait valoir que, pour éviter la vente de son mobilier, il avait réglé sans tarder son arriéré de charges de copropriété, démontrant par la même que le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic, prévenu, avait bénéficié du délit commis par l'huissier de justice par lui mandaté pour procéder à un tel recouvrement" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour relaxer la société Loiselet et Daigremont du chef de recel de violation de domicile par un huissier de justice, les juges du second degré prononcent par les motifs repris aux moyens ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que le délit d'origine allégué n'est pas constitué, l'huissier de justice, muni d'un titre exécutoire, ayant pu pénétrer au domicile de Paul X... en raison de l'ouverture de la porte par l'employée de maison présente sur les lieux et celle-ci ayant assisté aux opérations de saisie, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, 2, 3, 388, 392, 472, 515, 520, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a reçu la société Loiselet & Daigremont en son action fondée sur l'article 472 du Code de procédure pénale et a en conséquence condamné Paul X... à lui payer une somme de 500 euros à ce titre ;

"aux motifs que le préjudice étant établi par la citation directe devant le tribunal correctionnel de la société Loiselet & Daigremont du chef de recel de violation de domicile, cette citation était de nature à porter un préjudice à l'image de cette société auprès de ses clients ; qu'il convient de réparer celui-ci ;

"alors que la partie civile qui a mis en mouvement l'action publique ne peut être condamnée à des dommages-intérêts que s'il est constaté qu'elle a agi de mauvaise foi ou de manière abusive ou téméraire ; qu'une telle faute ne peut se déduire du seul exercice de son droit de citation directe ; que la cour d'appel ne pouvait déduire le préjudice de la prévenue relaxée du seul exercice de ce droit par le demandeur, sans jamais caractériser un quelconque abus dans cet exercice" ;

Attendu que la cour d'appel, qui a confirmé le jugement entrepris ayant caractérisé l'abus de constitution de partie civile commis par Paul X..., a justifié, par des motifs procédant de son appréciation souveraine, la condamnation de celui-ci à verser la somme de 500 euros à la société Loiselet et Daigremont au titre de l'article 472 du Code de procédure pénale ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 475-1, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné Paul X..., partie civile, à payer à la société Loiselet & Daigremont une somme de 300 euros sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

"alors que seul le prévenu peut être condamné au paiement des frais visés par l'article 475-1 du Code de procédure pénale" ;

Attendu que la cour d'appel, qui a condamné Paul X..., partie civile, à payer à la société Loiselet et Daigremont la somme de 300 euros au titre des frais non payés par l'Etat et exposés par celle-ci, a justifié sa décision au regard de l'article 800-2 du Code de procédure pénale ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.