Cass. com., 12 février 2008, n° 06-18.414
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Avocats :
SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Piwnica et Molinié
Attendu, selon les arrêts attaqués, que le 23 décembre 1996, M. X... a cédé à son épouse, Mme Y..., mille actions de la société anonyme Maeva, ayant pour objet l'exploitation d'un bar et d'une discothèque, et a signé un ordre de mouvement ; que M. X... a assigné Mme Y... en paiement de la somme de 3 000 000 francs, alléguant que le prix de la cession s'élevait à cette somme et qu'il ne l'avait pas perçue ; que Mme Y... a soutenu que le prix, fixé selon elle à la somme de 40 000 francs, avait été payé, se prévalant, pour preuve de sa libération, de la remise de l'ordre de mouvement relatif aux actions cédées ; qu'elle a, subsidiairement, sollicité une expertise pour déterminer le prix des actions ; que par arrêt avant dire droit du 17 mai 2004, la cour d'appel a accueilli la demande en désignation d'un expert ; qu'après dépôt du rapport de l'expert, la cour d'appel a fixé le prix de cession des actions à la somme de 175 950 euros ;
Sur la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 17 mai 2004, relevée d'office, après avertissement délivré aux parties :
Vu l'article 978, alinéa 1er, du code de procédure civile ;
Attendu que Mme Y... s'est pourvue en cassation le 21 août 2006 contre l'arrêt rendu le 16 mai 2006 en même temps qu'elle s'est pourvue contre l'arrêt avant dire droit rendu le 17 mai 2004 ;
Attendu qu'aucun des moyens contenus dans le mémoire n'étant dirigé contre l'arrêt rendu le 17 mai 2004, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre cette décision ;
Sur le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 16 mai 2006 :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer une certaine somme pour la cession de mille actions de la société Maeva le 26 décembre 1996, augmentée des intérêts au taux légal, alors, selon le moyen, que conformément à l'article 1282 du code civil, la remise volontaire du titre original sous signature privée par le créancier fait preuve de sa libération ; qu'en l'espèce, M. X..., en remettant à Mme Y..., son épouse, l'ordre original de transfert de mille actions de la société Maeva a admis, de manière irréfragable, avoir reçu le prix convenu avec son épouse ; qu'en décidant que la remise volontaire de l'ordre de mouvement des actions de la société Maeva à Mme Y... par M. X... ne valait pas reconnaissance de paiement du prix convenu et que ce dernier n'avait pas été rempli de ses droits mais qu'il était encore en droit de réclamer le prix des actions transférées au prix évalué par l'expert judiciaire en sus de la somme de 40 000 francs versée par Mme Y..., la cour d'appel a violé la disposition susvisée ;
Mais attendu que l'arrêt retient à bon droit qu'un ordre de mouvement délivré par le cédant à la société émettrice ne constitue pas un titre au sens de l'article 1282 du code civil ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, qui est recevable :
Vu l'article 1591 du code civil ;
Attendu que pour condamner Mme Y... à payer à M. X... la somme de 175 950 euros au titre du prix de cession de mille actions de la société Maeva, l'arrêt retient que l'expert judiciaire a, pour chiffrer la valeur des actions cédées à 195 500 euros, procédé à une évaluation patrimoniale de la société et à une évaluation fondée sur la rentabilité pour arriver à une valeur moyenne et que le juge n'étant pas lié par les avis des experts qu'il commet, les critiques présentées par Mme Y... sur les travaux de l'expert permettent, pour tenir compte de la répartition du chiffre d'affaire entre les deux activités de bar et de discothèque, de diminuer de 10 % le montant de l'évaluation faite par l'expert ;
Attendu qu'en statuant ainsi, en se substituant aux parties pour leur imposer une méthode de détermination du prix qui n'avait pas recueilli leur accord, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CONSTATE la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt rendu le 17 mai 2004 par la cour d'appel de Pau ;
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 mai 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.