Livv
Décisions

Cass. com., 14 novembre 2018, n° 16-28.778

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

SCP Alain Bénabent, SCP Foussard et Froger

Paris, du 28 oct. 2016

28 octobre 2016

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 octobre 2016), que quatre cents salariés ou anciens salariés de la société Atrixo (les cédants) ont vendu à la société Vivescia industries les parts qu'ils détenaient dans le capital de la société Atrixo ; que le protocole de cession des titres prévoyait un prix principal, assorti de deux compléments dont le paiement dépendait de l'issue de procédures engagées par l'Autorité de la concurrence contre la société mère de la société Atrixo ; qu'à la suite d'un arrêt de la cour d'appel de Paris réduisant la sanction prononcée par l'Autorité de la concurrence dans l'une des procédures et après l'abandon des poursuites dans la seconde procédure, les cédants ont assigné la société Vivescia industries en paiement des compléments de prix ;

Attendu que les cédants font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de paiement des compléments de prix relatifs à la première procédure alors, selon le moyen :

1°/ que les décisions de justice qui tranchent dans leur dispositif tout ou partie du principal ont l'autorité de la chose jugée dès leur prononcé ; qu'après avoir rappelé en l'espèce que l'accord, rédigé par des professionnels du droit, révélait la volonté des parties de prendre les termes « autorité et force de chose jugée » dans leur acception juridique, les juges du fond énoncent qu'« une décision de justice ayant autorité de chose jugée s'entend ainsi d'une décision qui n'est plus susceptible d'une remise en cause, qui est donc devenue irrévocable », pour ajouter que « tel n'est pas le cas de l'arrêt du 20 novembre 2014, en ce qu'étant déféré à la Cour de cassation, il est susceptible de faire l'objet d'une cassation avec renvoi » ; qu'en se prononçant de la sorte, la cour d'appel a violé les articles 480 et 481 du code de procédure civile, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce ;

2°/ qu'une décision de justice est définitive lorsque, contrairement aux dispositions avant dire droit ou provisoires, elle tranche le fond du litige et épuise de ce chef le différend dont le juge se trouve saisi ; que le caractère définitif d'une décision ne fait pas obstacle à l'exercice des voies de recours ordinaires ou extraordinaires ; qu'au contraire, est irrévocable la décision qui n'est plus susceptible d'être remise en cause par l'exercice d'une voie de recours ordinaire ou extraordinaire ; qu'à ce titre, un arrêt d'appel est une décision définitive revêtue de l'autorité de la chose jugée, peu important qu'elle puisse faire l'objet d'un pourvoi en cassation et ne soit donc pas irrévocable ; qu'en décidant en l'espèce que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 novembre 2014 n'était pas non plus une décision définitive pour cette raison qu'elle aurait fait l'objet d'un pourvoi en cassation, la cour d'appel a également violé les articles 480 et 481 du code de procédure civile, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce ;

3°/ que, subsidiairement, est de toute façon définitif le jugement passé en force de chose jugée comme n'étant plus susceptible de faire l'objet d'une voie de recours ordinaire ; qu'en retenant en l'espèce que l'arrêt du 20 novembre 2014, bien que passé en force de chose jugée, ne répondait cependant pas à la qualification de jugement définitif, la cour d'appel a à nouveau violé les articles 480 et 481 du code de procédure civile, ensemble l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce ;

4°/ que, plus subsidiairement, dans l'hypothèse où les parties empruntent une notion légale que consacre un texte ou la jurisprudence, les juges du fond sont tenus de se décider en considération de cette notion légale, sauf à expliquer pour quelle raison, tout en empruntant à cette notion, les parties auraient néanmoins entendu s'écarter de son sens commun ; qu'en l'espèce, il n'a pas été constaté que, après avoir fait référence à un jugement définitif ayant autorité et force de chose jugée, les parties aient entendu s'écarter de la notion légale de jugement définitif ou revêtu de l'autorité de la chose jugée ; qu'en décidant néanmoins que cette expression devait se comprendre comme renvoyant à l'idée de décision irrévocable, la cour d'appel a à tout le moins privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce, ensemble les articles 480 et 481 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'ajout de la mention « décision de justice définitive » confortait l'intention des parties d'attendre une issue définitive à la procédure de paiement de complément de prix et que la clause relative à la réserve d'ajustement avait été prévue pour corriger les effets de la fixation et du paiement d'un complément de prix avant l'intervention d'une décision irrévocable sur le montant de la sanction, c'est par une interprétation souveraine exclusive de dénaturation, de l'article 3.2.1 du protocole de cession de titres du 12 juillet 2012 que l'ambiguïté de ses termes rendait nécessaire, que la cour d'appel a retenu que l'exigibilité du complément de prix n° 1 était subordonnée à l'intervention d'une décision de justice irrévocable ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.