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Décisions

Cass. crim., 23 février 2011, n° 10-88.068

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dulin

Rapporteur :

M. Rognon

Avocat général :

M. Mathon

Avocat :

Me Foussard

Versailles, du 21 oct. 2010

21 octobre 2010

CASSATION et désignation de juridiction sur le pourvoi formé par Antonio X..., contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 21 octobre 2010, qui, pour fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité, l'a condamné à trois mois d'emprisonnement, 30 000 euros d'amende, trois ans d'interdiction professionnelle, a ordonné la publication et l'affichage de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile ;

Vu le mémoire personnel, le mémoire en défense et les observations complémentaires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 551 du code de procédure pénale :

Attendu qu'il résulte de l'arrêt confirmatif attaqué et des pièces de procédure que l'entreprise générale du bâtiment exploitée en la forme individuelle par M. X... a fait l'objet d'une vérification de comptabilité et l'exploitant d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle ; qu'à l'issue de ces contrôles, l'entrepreneur, qui encaissait ses recettes sur un compte personnel après délivrance de factures mentionnant un numéro d'immatriculation inexact, est poursuivi à la requête du ministère public, sur la plainte du directeur départemental des services fiscaux des chefs de fraude fiscale et d'omission d'écritures en comptabilité ; qu'aux termes de la citation délivrée au prévenu le 4 décembre 2009, il lui est reproché de s'être frauduleusement soustrait à l'établissement et au paiement, d'une part, de la taxe sur la valeur ajoutée due au titre des périodes du 1er janvier au 31 décembre 2003, en s'abstenant de déposer la déclaration annuelle de régularisation des taxes sur le chiffre d'affaires, applicable au régime simplifié d'imposition, et du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005, en omettant de déposer les déclarations mensuelles du chiffre d'affaires taxable selon le régime réel normal d'imposition, tout en obtenant le remboursement de crédits de taxe, d'autre part, de l'impôt sur le revenu, dû pour les années 2003, 2004 et 2005, en s'affranchissant de l'obligation de souscrire, pour chacune de ces années, la déclaration de revenus catégoriels des bénéfices industriels et commerciaux, correspondant à l'activité de l'entreprise, et pour l'année 2005, la déclaration de l'ensemble de ses revenus ; qu'enfin, il lui est fait grief d'avoir omis de tenir les documents, comptes et livres comptables obligatoires ;

Attendu que, pour écarter l'exception de nullité de la citation, l'arrêt retient que cet acte précise la nature et la date des impositions éludés, notamment au regard des principes d'annualité de l'impôt sur le revenu et du reversement mensuel de la TVA encaissée, ainsi que le montant des droits fraudés et les textes réprimant les soustractions frauduleuses ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui établissement qu'aucune atteinte n'a été portée aux droits du demandeur, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens de cassation, pris de l'inconstitutionnalité des dispositions de l'article L. 230 du livre des procédures fiscales et de la violation de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme :

Les moyens étant réunis ;

Attendu que ces moyens sont devenus inopérants par suite de l'arrêt de la Cour de cassation, en date du 23 février 2011, disant n'y avoir lieu à transmettre au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité des dispositions de l'article L. 230 du livre des procédures fiscales ;

Mais sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 7 et 8 du code de procédure pénale, L. 230 du livre des procédures fiscales :

Vu lesdits articles ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que le délai triennal de la prescription des délits prévus par les articles 1741 et 1743 du code général des impôts, qui ne court qu'à partir du 31 décembre suivant la date à laquelle les déclarations fiscales ont été ou auraient dû être déposées et les écritures comptables ont été ou auraient dû être reportées au livre d'inventaire, ne peut être interrompu que par un acte d'instruction ou de poursuite ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt et des pièces de procédure que, la commission des infractions fiscales ayant été saisie le 29 octobre 2007 pour rendre son avis le 12 mars 2008, la prescription des faits commis au cours des années 2003, 2004 et 2005 était respectivement acquise les 15 mai 2008, 2009 et 2010 ;

Attendu que, pour écarter la prescription, prise de ce qu'au titre des deux premières de ces années, aucun acte n'a interrompu le délai avant la date de la citation délivrée le 4 décembre 2009, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que la plainte de l'administration fiscale est datée du 9 avril 2008 ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans s'expliquer, pour les infractions commises au titre des années 2003 et 2004, sur la nature des actes d'instruction ou de poursuite ayant pu interrompre le délai de prescription avant que celle-ci ne soit acquise, alors que la plainte de l'administration fiscale ne constitue ni un acte de poursuite ni un acte d'instruction, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle sera totale en raison de l'indivisibilité existant entre la déclaration de culpabilité et la décision sur les peines ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 21 octobre 2010, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.