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Décisions

Cass. com., 23 novembre 2022, n° 21-18.105

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Vaissette

Rapporteur :

Mme Brahic-Lambrey

Avocat général :

Mme Guinamant

Avocat :

SAS Buk Lament-Robillot

Paris, du 15 avr. 2021

15 avril 2021


Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [B] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la procureure générale près la cour d'appel de Paris.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 avril 2021), la société ACMB, dont M. [B] était le dirigeant, a été mise en liquidation judiciaire le 24 février 2016, la société [D] Daudé étant désignée liquidateur.

3. Le liquidateur a assigné M. [B] en paiement de l'insuffisance d'actif et prononcé d'une sanction personnelle.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

4. M. [B] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société [D] Daudé, en qualité de liquidateur de la société ACMB, la somme de 1 217 216 euros, alors « que la responsabilité d'un dirigeant pour insuffisance d'actif suppose que soit caractérisé un lien de causalité entre chaque faute de gestion retenue et le préjudice de la société constitué par l'insuffisance d'actif ; qu'en énonçant, pour condamner M. [B] à verser au liquidateur judiciaire de la société ACMB la somme de 500 000 euros, que M. [B] avait commis une faute de gestion en consentant un prêt de 1 900 000 euros à la société [B] Finance et que cette faute de gestion avait contribué pour la somme de 500 000 euros à l'insuffisance d'actif de la société ACMB, après avoir pourtant constaté que ce prêt avait été totalement remboursé un mois avant la déclaration de cessation des paiements et n'avait pas été directement à l'origine de l'insuffisance d'actif de la société ACMB, ce dont il résultait qu'il n'existait aucun lien de causalité entre l'octroi du prêt à la société [B] Finance et le préjudice subi par la société ACMB constitué par l'insuffisance d'actif, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 651-2 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 651-2 du code de commerce :

5. Selon ce texte, la faute de gestion, pour permettre d'engager la responsabilité pour insuffisance d'actif du dirigeant, doit avoir contribué à l'insuffisance d'actif.

6. Pour condamner M. [B] au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif, l'arrêt retient que le prêt de 1 900 000 euros consenti par la société ACMB à la société [B] finance, sa société mère dont M. [B] est l'associé unique, excédait notablement les gains de la société pour les années 2012 et 2013 et que le prêt a été partiellement remboursé par les dividendes payés par la société ACMB à la société mère lesquels résultaient de l'absence de provision suffisante, dans la comptabilité de la société ACMB, au regard du litige l'opposant à la société Star Trading, puis relève que le prêt a été totalement remboursé un mois avant la déclaration de cessation des paiements. Il en déduit que ce prêt n'a pas été directement à l'origine de l'insuffisance d'actif de la société ACMB, mais que la distribution de dividendes l'a été.

7. En se déterminant ainsi, sans caractériser le lien de causalité entre la faute de gestion qu'elle retenait, tenant à l'octroi d'un prêt de 1 900 000 euros par la société ACMB à la société [B] finance, sa société mère, et l'insuffisance d'actif de la société ACMB, faute d'expliquer en quoi la distribution des dividendes, qui lui aurait été consécutive, aurait contribué à l'insuffisance d'actif, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le moyen pris en sa huitième branche

Enoncé du moyen

8. M. [B] fait le même grief à l'arrêt, alors « que dans ses conclusions d'appel, M. [B] faisait valoir que si une condamnation avait abouti contre la société ACMB, c'était en l'occurrence sur le fondement de demandes nouvelles qui avaient été formulées seulement à la fin du mois d'avril 2015 et avaient été chiffrées au cours du mois de mai 2015 mais aucunement sur les demandes qui avaient été soutenues initialement par la société Star Trading, lesquelles avaient, en l'occurrence, été rejetées ; qu'en se bornant à énoncer que la société aurait, en tout état de cause, pu utiliser les fonds distribués à titre de dividendes pour dédommager la société Star Trading lorsque ses demandes ne s'élevaient qu'à 582 000 euros, sans attendre le résultat de la procédure arbitrale au terme de laquelle elle avait été condamnée à payer plus de 2 000 000 euros, sans répondre au moyen opérant précité selon lequel les demandes initiales de la société Star Trading, qui s'élevaient à la somme de 582 000 euros, ayant été rejetées, la société ACMB avait, à juste titre, refusé d'y faire droit, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

9. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Un défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

10. Pour condamner M. [B] à payer une partie de l'insuffisance d'actif, l'arrêt statue par les motifs reproduits au paragraphe 6 et retient encore qu'en tout état de cause, la société aurait pu utiliser les dividendes distribués pour dédommager la société Star Trading lorsque ses demandes ne s'élevaient qu'à 582 000 euros, sans attendre le résultat de la procédure arbitrale au terme de laquelle elle a été condamnée à payer plus de 2 000 000 euros.

11. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. [B] qui faisait valoir que les fonds ne devaient pas être employés à cette fin avant le résultat de la procédure arbitrale, les demandes initiales de la société Star Trading ayant été rejetées et la condamnation de la société ACMB n'étant intervenue que sur d'autres demandes formulées en avril 2015 et chiffrées en mai 2015, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

12. La condamnation à supporter l'insuffisance d'actif ayant été prononcée en considération de plusieurs fautes de gestion, la cassation encourue à raison de l'une d'entre elles entraîne, en application du principe de proportionnalité, la cassation de l'arrêt de ce chef.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que confirmant le jugement entrepris, il condamne M. [B] au titre de sa responsabilité pour insuffisance d'actif et l'infirmant sur le montant de la condamnation à l'insuffisance d'actif et statuant à nouveau sur ce point il le condamne à payer à la société [D] Daudé, en qualité de liquidateur de la société ACMB, la somme de 1 217 216 euros, l'arrêt rendu le 15 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.