CA Paris, Pôle 5 ch. 10, 10 février 2010, n° 08/07945
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Société Alphonse Charpiot et Compagnie (SAS)
Défendeur :
Société Walter Meier ’Climat France’ (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Giroud
Conseillers :
Mme Blum, Mme Guilguet-Pauthe
Avoués :
SCP Taze-Bernard - Belfayol-Broquet, SCP Petit Lesenechal
Avocats :
Me Le Bourgeois, Me Tantin
Vu le jugement rendu le 11 mars 2008 par le Tribunal de commerce de Bobigny qui a:
- reçu la société Axair en sa demande principale, et y a fait partiellement droit,
- dit la société Alphonse Charpiot et Cie responsable et tenue à l'encontre de la société Axair,
- reçu Alphonse Charpiot et Cie en ses moyens, et les a dit partiellement fondés,
- condamné Alphonse Charpiot et Cie à payer à la société Axair Îa somme de 100.404,16 euros augmentée des intérêts légaux à compter du 21/11/2006,
- ordonné la capitalisation des intérêts,
- débouté Axair de son appel en garantie contre la société Gen#rali IARD,
- rejetë comme inopërantes ou mal fondées toutes demandes contraires ,
-condamné Alphonse Charpiot et Cie au paiement à Axair de la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- condamné Axair au paiement à Generali IARD de la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ,
- ordonné l'exécution provisoire ,
- condamné Alphonse Charpiot et Cie aux dépens;
Vu l'appel relevé par la société Alphonse Charpiot et compagnie qui, par ses dernières conclusions signifiées et déposées le 5 octobre 2009 demande à la cour do :
- réformer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
- dire qu'elle n'a pas commis de faute lourde en qualité de dépositaire,
- dire en conséquence que le montant maximum susceptible d'étre mis ä sa charge s'établit à 34,638 euros ou ä titre très subsidiaire à 50.000 euros en application de ses conditions générales de vente O)3pOsab1es à lil SOCidté Walter Meier,
- à titre infiniment Subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu'il a limité l'indemnité susceptible d'ètre allouée i la société Walter Meier à la somme de 100,404,16 euros,
- en tout état de cause, ordonner à la société Walter Meier, qui a refusé abusivement leur reprise, de reprendre les 186 colis encore entreposés dans ses locaux et ce, sous astreinte définitive de 50 euros par jour de retard dans les 8 jours de la signification de l'arrêt à intervenir,
- condamner la société Walter Meier à lui payer la somme de 10,000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Walter Meier aux dëpens de première instance et d'appel;
Vu les dernières conclusions signifiées 8t dépOSéCs IC 10 février 2009 par la société Walter Meler 'climat France’ anciennement dénommée Axair, par lesquelles elle demande à la cour de :
- déclarer la société Alphonse Charpiot et compagnie mal fondée en son appel et de l'en débouter,
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit la société Alphonse Charpiot et compagnie responsable et tenue à paiement à son profit avec intérêts, capitalisation, frais irrépétibles et dépens,
- infirmer le jugement en ses dispositions relatives au chiffrage de la somme accordée en principal,
Statuant à nouveau,
- dire que la société Alphonse Charpiot et compagnie a commis une faute lourde,
- dire que la société Alphonse Charpiot et compagnie ne saurait, en tout état de cause, se prévaloir
d'une quelconque limitation de sa responsabilité,
- condamner la société Alphonse Charpiot et compagnie à lui payer la somme de 166.555,30 euros,
-dire que cette somme sera augmentée des intérêts légaux à compter du 21 novembre 2006, date de la mise en demeure ,
-aAonne la capitalisation des intérêts cOnformément à l'article 1154 du code civil,
Subsidiairement,
- dire que la somme qui lui sera allouée en principal ne saurait ëtre inférieure à celle de 100.404,16 euros accordée par le tribual, quantifiés et reconnue par la société Alphonse Charpiot et Compagnie , avec intérêts , capitalisation, frais irrépétibles et dépens,
En tout êtat de cause,
- condamner la société Alphonse Charpiot et compagnie à lui payer une somme complémentaire de
5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile venant s'ajouter ä celle accordée en premiére instance,
- condamner la société Alphonse Charpiot et compagnie aux dépens d'appel;
SUR CE LA COUR
Considérant que la société Axair a confié à la société Alphonse Charpiot et compagnie le stockage de matériels de traitement de l'air et de climatisation; que la société Alphonse Charpiot et compagnie a déposé dans les locaux de la société STBF entre le 2 février et le 7 mars 2006, du matériel Axair qu'elle a ultérieurement récupéré; que fin aoùt 2006, un inventaire contradictoire a été effœtué et a révélé que de nombreux produits avaient dispani ; que les parties étant en désaccord sur l’étendue de la réparation à laquelle la société Axair pouvait prétendre, celle-ci a saisi le tribunal aux fins de voir condamner la société Alphonse Charpiot et compagnie et la société Generali assurances IARD ä lui payer , notamment, la somme de 166.555,30 euros sauf ä parfaire, outre les intërëts au taux légal;
que le tribmal a statué dans les termes précités;
COIlSÎdérant qu’au soutien de l'appel, la société Alphonse Charpiot et compagnie expose qu'elle ne conteste pas sa responsabilité en l’espèce puisque par lettre du 18 octobre 2006, elle a accepté d’endosser, en tant que "victime des disparitions de colis chez son sous-triiitant STBF"la responsabilité des pertes alléguées par la société Axair , mais soutient que n’ayant pas commis de faute au sens des articles 1927, 1932 et 1933 du code civil , elle ne saurait se voir imputer une faute "lourde" susceptible de faire échec aux limitaöons d'indemnisation conventionnelles; qu'elle oppose à l’intimée ses conditions générales, indiquant que celles-ci figurent au verso des documents contractuels et notamment de ses factures et rappelant qu’en leur article 1, ces conditions générales prévoient que toute opération avec elle vaut acceptaÔon sans réserve par le donneur d'ordre des dites coiiditions, acceptation maintes fois réitérée par la société Axair au cours de leurs vingt années de relations ; qu'elle ajoute, très subsidiairement, que c'est au déposant qui prétend que le dépositaire a manqué à son obligation de restitution d'en justifier en établissant que les manquants allégués correspondent à des marchandises initialement confiées au dépositaire et que la société Axair n’est pas en mesure de justifier des marchandises qui auraient dû se trouver , selon elle, en stock dans ses eotrepòts à )a date de l’irtvcnta¡rc dgs 21 et 22 ao8t 2006;
Considérant que la socíété Walter Meier "climat Franco", anCiennement dénommée Axair réplique qu'en sa qualité de dépositaire tenu d'apporter à la garde des marchandises confiées les mèmes soins qu'à ses biens propres, la société Alphonse Charpiot et compagnie devait s’assurer de la qualité du
$OUS-traitant choisi et veiller à cc qu’un contróle des entrées/sorties soit effectué, que la société Alphonse Charpiot et compagnie a pris le risque en pleine connaissance de cause de sons-traiter en février et mars 2006 les marchandises qui lui avaient été remises en dépót à une société STBF en difficulté puisqu’clle était en cessation de paiement depuis le 28 janvier 2005 et que son gérant était incarcéré et qu'en tout état de eause, elle a fait preuve d'une extréme légèreté en sous-traitant 1065 colis de marchandises sensibles (climatiseurs) à une société qu’elle savait ne pas ètre un professionnel de l'entreposage mais un affréteur et organisateur de transports, que la récupération des colis s'est effectuée sans qu'aucun responsable ne soit présent , que ces faits démontrent l'incurie du dépositaire et de son sons-traitant et sont constitutifs d'une faute lourde, interdisant à la société Alphonse Charpiot et compagnie de se prévaloir d'une quelconque limitation de responsabilité ; qu'elle indique encore que, quoiqu'il en soit, la société Alphonse Charpiot et compagnie ne saurait revendiquer l’application dcs !imitations issues de ses conditions générales de vente; qu'elle soutient enfin qu'elle a légitiment évalué son préjudice à la somme de 156.555,30 euros car les pièces volées ont dépareillé les appareils de climatisation los rendant inutilisables dans leur ensemble et affirme que le défaut de livraison consécutif au sinistre a entrainé une perte de cbiffre d'affaires et des conséquences nuisibles aux relations commerciales, cc qui justifie sa demanda en paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intéréts ;
Considérant que les circonstances exactes dans lesquellcs le matériel appartenant à la société Axair , nouvellement dénommée Walter Meier "climat France"a disparu n'ont pu étre déterminées mais que la société Alphonse Charpiot et compagnie ne conteste pas, dans son principe, le droit à indemnisation de sa cocontractante; qu'elle lui oppose toutefois ses conditions générales de vente qui prévoient ä l’article 7.2 des limitations d'indemnités;
Considémnt que la société Alphonse Charpiot et compagnie affirme que les conditions générales de vente figurent sur ses documents contractuels et notamment sur ses factures ; que l’intimée admet que les conditions générales sont mentionnées au verso des factures mais se prévaut de leur caractère
peu lisible et du fait que les limitations d'indemnités sont "noyées dans un ensemble de dispositions";
Mais considérant que les conditions générales de vente dont il s'agit , qui sont énoncées en treize articles tenant sur une seule page, bien qu’écrites en petits caractères, n'en sont pas moins lisibles , chaque rubrique étant mise en exergue par l’emploi de caractères gras et des interlignes séparant le contenu de chaque article; que l’intimée, qui selon les allégations non critiqufes de la société Alphonse Charpiot et compagnie , entretenait avec celle-ci des relations d'affaires depuis de nombreuses années, ne peut soutenir que ces conditions générales ne lui sont pas opposables alors au surplus qu’elle ne les a jamais discutées;
Considérant dès lors que les limitations d'indemnités prévues à l'article 7.2 prëcitë des conditions générales ne peuvent étre écartées que s'il est démontré que la société Alphonse Charpiot et compagnie a commis une faute lourde;
Considérant qu’il est constant que la société Alphonse Charpiot et compagnie a stocké dans les locaux de la société STBF un certain nombre de colis contenant du matériel Axair ; que si l'intimée prétend qu'elle n’avait pas été informée que le stock objet du litige avait été sous-traité , ce que conteste la société Alphonse Charpiot et compagnie, elle ne déduit pas de ce seul fait l'existence d'une faute lourde de l'appelante ; qu’elle reproche en effet à celle-ci de ne pas s’être assurée de la qualité du sous-traitant choisi et de n’avoir pas fait d'inventaire précis lors de la récupération des colis;
Mais considérant que la société Alphonse Charpiot et compagnie indique, sans que ses allégations sur ce point ne soient critiquées, que bien qu'ayant pris en location auprès de la soci"eté STBF une surface supplémentaire de stockage , elle continuait à faire assurer par son personnel les manutentions et la gestion du stock géographiquement délocalisé; que si l'intimée qualifie de “sensible” sa marchandise, elle ne prétend pas que celle-ci nécessitait des conditions de stockage spécifique; qu'il n’est pas démontré que la société Alphonse Charpiot et compagnie avait connaissance des éventuelles difficultés de la société STFB lorsqu’elle lui a remis , entre le 2 février 2006 et le 7 mars 2006, 1065 colis contenant des climatiseurs , aucune preuve à cet égard ne pouvant être tirée du fait que le tribunal de commerce, en ouwant une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de cette société par jugement du 28 juillet 200d , ait fixé provisoirement au 28 janvier 2005 la date de cessation des paiements; qu'il n’est pas non plus démontré que le gérant de la société STBF aurait fait l'objet de poursuites pénales à la même époque;
Et considérant qu’il apparaît qu'informé par un tiers de ce que la société STBF était en cessation de paiement et invité par le gérant de celle-ci à récupérer au plus vite les objets confiés , le directeur de la société Alphonse Charpiot et compagnie a fait reprendre la marchandise dans les locaux de la société STBF ; que s'il est avéré qu'aucun inventaire n’a alors été effectué , aucun responsable de la société STBF n’étant présent sur les lieux, cette circonstance est indifférente en l’espèce dès lors qu'il n'est pas contesté que les disparitions relevées , dont la soci"eté Alphonse Charpiot et compagnie a admis la réalité, ont eu lieu chez le sous-traitant ;
Considérant en définitive que les éléments ci-dessus mentionnés ne permettent pas de retenir à la charge de la société Alphonse Charpipt et compagnie une faute lourde;
Considérant qu’il résulte de l’article 7.2 des conditions générales de vente que la responsabilité de la société Alphonse Charpiot et Compagnie est strictement limitée dans tous les cas où les dommages à la marchandise ou toutes les conséquences pouvant en résulter ne sont pas dues à l'opération de transport , à 14 euros par kilogramme de poids brut de marchandises manquantes sans pouvoir excéder, quels que soient le poids, le volume, les dimensions, la nature ou la valeur de la
marchandise concernée, me somme supérieure au produit du poids brut de la marchandise exprimé en tonnes multiplié par 2.300 euros avec un maximum de 50.0t30 euros par événement; que la facture émise le ler septembre 2006 par la société Axair au titre des marchandises manquantes, mentionne un poids brut de 15.060,650 kilogramines ; que la société Alphonse Charpiot et Compagnie sera en conséquence condamnée à payer ä la société Walter Meier "climat France" la somme de 15,060650 X 2.300 - 34.639,50 euros; que cette somme portera intérêts au taux légal ä compter du 26 novembre 2006, date de la mise en demeure, ces intérêts étant capitalisés dans les conditions fixées par l'article 1154 du code civil;
Considérant qu'il sera ordonné à la société Walter Meier "climat France" de reprendre les 186 colis entreposés dans les locaux de la société Alphonse Charpiot et Compagnie mais qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette obligation d’une astreinte ;
Considérant, vu l'article 700 du code de procédure civile , que les dispositions du jugement à ce titre seront confirmées mais que les parties seront dëboutées de leurs demandes formées en appel sur ce fondement;
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société Alphonse Charpiot et Compagnie à payer à la société Axair devenue société Walter Meier "climat France" la somme de 100.404,16 euros avec intérets au taux légal è compter du 21 novembre 2006,
Statuant à nouveau sur cs chef,
Condamne la société Alphonse Charpiot et Compagnie à payer ä la soci’eté Walter Meior "climat France" la somme de 34.639,50 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 novembre 2006,
Ordonne ä la société Walter Meier "climat France" de reprendre les 186 colis entreposés dans les locaux de la société Alphonse Charpiot et Compagnie,
Rejette toutes ames demandes,
Dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens d'appel.