Cass. com., 4 février 1992, n° 90-15.668
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Nicot
Avocat général :
Mme le Foyer de Costil
Avocats :
SCP Lemaitre et Monod, Me Foussard
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que, selon un connaissement émis à Monrovia (Libéria) par le capitaine du navire Hilaire Maurel, armé par la Société navale chargeurs Delmas-Vieljeux (le transporteur maritime), un conteneur renfermant des balles de textile et des fûts de peinture a été transporté de ce port à celui de Konakry (Guinée) pour être livré à Mme X..., destinataire ; que le connaissement contenait une clause faisant référence à la convention internationale de Bruxelles du 25 août 1924, laquelle n'a été ratifiée ni par le Libéria, ni par la Guinée, Etats dans lesquels sont situés les ports de chargement et de destination, et lui soumettant la détermination de la responsabilité du transporteur, ainsi que la limitation de l'indemnisation en cas de pertes ou d'avaries ; que, toutefois, la même clause du connaissement écartait les stipulations de la Convention désignant la livre sterling or comme unité de compte pour y substituer la livre sterling monnaie courante ; qu'à l'arrivée à destination, des manquants ont été constatés ; que Mme X... a assigné le transporteur maritime en réparation du dommage par elle subi du fait des manquants ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme X... reproche à l'arrêt de lui avoir déclaré opposable la clause du connaissement dérogeant aux dispositions de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 relatives à la limitation de responsabilité, alors, selon le pourvoi, qu'une clause dérogatoire aux dispositions impératives de la convention de Bruxelles, choisie par le transporteur maritime comme loi d'autonomie, n'est opposable qu'à la partie qui en a eu connaissance et qui l'a acceptée au moment de la formation du contrat ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué qui a déclaré la clause V 4 du connaissement litigieux opposable à Mme X... du seul fait qu'elle a demandé l'application au litige de certaines des clauses de ce connaissement, postérieurement à la formation du contrat, a violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que Mme X... demandait elle-même l'application de certaines des clauses du connaissement et notamment de celle qui soumettait aux dispositions de la convention internationale de Bruxelles du 25 août 1924 la détermination des conditions dans lesquelles la responsabilité du transporteur maritime pouvait être engagée, l'arrêt a ainsi fait ressortir que le moyen tiré de l'inopposabilité de ces clauses à Mme X... était inopérant et se trouve justifié du chef critiqué ; qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 4, 5 et 9 de la convention internationale de Bruxelles du 25 août 1924 ;
Attendu que les parties qui conviennent de soumettre le contrat qu'elles concluent à une Convention internationale ne peuvent écarter celles de ses prescriptions auxquelles, si la Convention internationale était applicable de plein droit, il ne saurait être dérogé à peine de nullité ;
Attendu que, pour décider qu'après avoir fait référence à la convention internationale de Bruxelles du 25 août 1924, inapplicable de plein droit, les parties au contrat de transport litigieux avaient valablement écarté ses dispositions faisant référence à la livre or comme unité de compte, la cour d'appel a retenu que ne pouvaient être " transgressées ou remaniées " les limites que les parties avaient contractuellement fixées à l'application de ces dispositions au transport litigieux ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les dispositions de la Convention internationale du 25 août 1924 susvisées ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé à la contre-valeur en francs français de la somme de 4 200 livres sterling, le montant de l'indemnité allouée à Mme X..., l'arrêt rendu le 9 janvier 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.