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Décisions

Cass. com., 23 janvier 1990, n° 88-11.644

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Defontaine

Rapporteur :

M. Hatoux

Avocat général :

M. Jeol

Avocats :

Me Choucroy, Me Boullez

Grenoble, du 10 déc. 1987

10 décembre 1987

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Grenoble, 10 décembre 1987) que M. Claude Y..., agissant tant en son nom personnel que pour le compte de membres de sa famille, a signé avec M. Henri X... un accord définissant les conditions de la cession par celui-ci d'un certain nombre d'actions de la société Veuve Roux et compagnie (la société) ; qu'il était stipulé que le prix des actions serait déterminé, notamment en fonction du bilan qui serait établi au 31 décembre 1975 ; que par avenant du 6 janvier 1976, il a été stipulé en outre que serait inscrite par le moyen d'une passation d'écritures dans les comptes de la société une provision pour créances douteuses dont le montant serait débité du compte courant de M. X..., le solde de ce compte étant remboursé en trois annuités ; qu'après une sommation en date du 6 mai 1976, M. X... a par acte du 20 janvier 1983 assigné les consorts Y... pour avoir paiement du solde restant dû sur le prix des actions cédées et de celui de son compte courant ; qu'à titre reconventionnel les consorts Y... ont demandé l'annulation de la cession et le remboursement de l'acompte versé ;

Sur le premier moyen pris en ses diverses branches :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt infirmatif d'avoir annulé la cession d'actions aux motifs que le prix n'en était ni déterminé ni déterminable et d'avoir condamné M. X... à restituer aux consorts Y... les sommes versées à titre d'acompte, alors selon le pourvoi, d'une part que le protocole d'accord du 29 décembre 1975 stipulait : "Il sera procédé à un inventaire des marchandises de vente courantes à leur prix de revient" et ajoutait : "Quant à celles qui ne peuvent être vendues au prix courant, leur valeur sera déterminée d'un commun accord entre les parties et, à défaut d'entente, à dire d'expert", de sorte que dénature ces termes clairs et précis de la convention des parties, en violation des dispositions de l'article 1134 du Code civil, l'arrêt attaqué qui énonce, de façon générale, que selon cette convention la valeur des marchandises en stock devait être déterminée d'un commun accord entre les parties et à défaut à dire d'expert, alors, d'autre part, qu'en ce qui concernait les marchandises ne pouvant être vendues au prix courant, le protocole d'accord du 29 décembre 1975 stipulait que "leur valeur sera déterminée d'un commun accord entre les parties et, à défaut d'entente, à dire d'expert", qu'une telle estimation par un tiers décidée par la convention des parties rendait le prix des marchandises visées déterminable, de sorte que viole les dispositions de l'article 1129 du Code civil l'arrêt attaqué qui déclare le contraire en refusant de désigner l'expert sollicité par M. X..., alors de troisième part, que se contredit dans ses explications, en violation des dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt attaqué qui, dans un premier temps, reconnait que M. Claude Y..., agissant en son nom aussi bien qu'en représentation de Mme Claude Y... et de M. Gilles Y..., avait donné son accord pour retenir les marchandises composant le stock au "prix de revient", et déclare, dans un deuxième temps, que l'inventaire du stock, pour l'année 1975, fait en présence de M. Claude Y... n'a pas été suivi d'un accord de sa part alors que le coût du transport, par exemple, et l'existence de marchandises difficiles à vendre ou dépréciées, ont donné lieu à contestation, alors de quatrième part, que l'avenant du 6 janvier 1976 au protocole d'accord du 29 décembre 1975, signé notamment par M. Claude Y..., stipulait que "le solde du compte courant de M. X... sera remboursé à concurrence du tiers le 31 décembre 1977, d'un autre tiers le 31 décembre 1979 et le troisième tiers le 31 décembre 1980é, que rien dans l'avenant n'indiquait que M. Claude Y... serait intervenu autrement qu'à titre personnel et en représentation de son fils et de son épouse, de sorte que manque de base légale au regard des dispositions des articles 1129 et 1134 du Code civil, 5 de la loi du 24 juillet 1966, l'arrêt attaqué qui, pour déclarer indéterminable le prix de cession des actions de la société, retient que n'auraient pas été déterminés les engagements personnels des consorts Y... à l'égard de M. X..., alors qu'en outre se contredit dans ses explications, en violation des dispositions de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt attaqué qui déclare que n'aurait pas été déterminé le montant du solde du compte courant de M. X... après avoir relevé "que le compte courant de l'ancien directeur général de la société dans les écritures de celle-ci, arrêtées au 31 décembre 1975, représentait une somme de 132 735 francs au crédit de son compte, dont la société était débitrice à son égard, à cette date", et alors enfin que le protocole d'accord du 29 décembre 1975 prévoyait l'existence d'une provision pour tenir compte des pertes probables sur les créances, que l'avenant à ce protocole, en date du 6 janvier 1976, a fixé cette provision à la somme de 80 000 francs, de sorte que manque de base légale au regard des dispositions des articles 1129 et 1134 du Code civil l'arrêt attaqué qui déduit le caractère indéterminable du prix de cession des actions de la société Veuve Roux et compagnie, de ce qu'aucun accord ne serait intervenu entre les parties quant au montant de la provision pour créances douteuses ;

Mais attendu que l'arrêt a constaté que pour déterminer la valeur des actions cédées, les signataires de l'accord avaient introduit dans la convention, à côté de données non discutables, tels les éléments incorporels du fonds de commerce évaluées à 250 000 francs et la référence au prix de revient pour estimer les marchandises en stock, d'autres données nécessitant un accord ultérieur des parties dès lors que celles-ci avaient entendu non pas se référer à un bilan proprement dit approuvé par les actionnaires et qui leur aurait été opposable sans contestation possible, mais à une situation comptable établie par elles-mêmes, ce dont il résultait qu'elle pouvait donner lieu à discussion, ainsi que cela s'est produit pour la prise en compte des créances douteuses et du solde du compte courant de M. X..., et l'existence de marchandises difficiles à vendre ou dépréciées ; que la cour d'appel a pu en déduire qu'en l'absence d'accord sur une partie des éléments destinés à permettre le calcul du prix des actions et à défaut de désignation par les parties elles-mêmes, seules habiles à le faire, d'un expert aux fins d'évaluer les marchandises en stock, le prix de la cession envisagée n'était ni déterminé ni déterminable, de sorte que cette cession devait être annulée ; et, qu'abstraction faite de tous autres motifs surabondants, a ainsi, hors toute dénaturation et sans contradiction de motifs légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt d'avoir débouté M. X... de sa demande en paiement du solde de son compte courant, alors selon le pourvoi que l'avenant du 6 janvier 1976 au protocole d'accord du 29 décembre 1975 stipule en particulier "que le solde du compte courant de M. X... sera remboursé à concurrence du tiers le 31 décembre 1977, d'un autre tiers le 31 décembre 1979 et le troisième tiers le 31 décembre 1981", que cet engagement était pris par M. Claude Y..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant de son fils et de son épouse, que rien dans ce document n'indiquait que M. Claude Y... aurait pu agir en qualité de représentant de la société, que la détention par un actionnaire de la majorité des actions d'une société anonyme ne suffit pas à en faire un mandataire de cette société, de sorte que manque de base légale au regard des dispositions tant de l'article 1134 du Code civil que de l'article 5 de la loi du 24 juillet 1966 l'arrêt attaqué qui, en l'état, considère que l'acceptation de M. Claude Y... de rembourser le compte-courant de M. X... aurait engagé la société elle-même ;

Mais attendu qu'en constatant que l'avenant du 6 janvier 1976 consacrait l'accord des parties sur l'inscription dans les comptes de la société d'une provision pour créances douteuses, à débiter du compte courant de M. X..., le solde de ce compte devant, après réajustements éventuels, être remboursé en trois termes, et que si les engagements résultant de cet accord avaient une incidence indiscutable sur le prix des actions objet de la cession, rien ne permettait d'en déduire l'existence d'un engagement personnel des consorts Y... à l'égard de M. X..., la cour d'appel, qui n'a fait qu'appliquer la convention, et abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par le moyen, a légalement justifié sa décision ; que ce moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.