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Décisions

CA Colmar, 3e ch. civ. A, 30 juin 2014, n° 14/0565

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Euromoving (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Litique

Conseillers :

Mme Wolf, Mme Fabreguettes

Avocats :

Me d'Ambra, Me Heichelbech

JEX de Mulhouse, du 21 déc. 2012

21 décembre 2012

Exposé des faits

Vu le rapport ;

Monsieur Christophe V. a conclu en octobre 2008 avec la société EUROMOVING un contrat d'entreposage et de gardiennage d'effets mobiliers dans un garde meuble, moyennant paiement d'un loyer mensuel de 244,69 euros. Aucun écrit n'a été rédigé.

Monsieur V. a assigné la société EUROMOVING devant le juge de l'exécution de Mulhouse aux fins de se voir autoriser à reprendre possession de documents divers, sous contrôle et en présence d'un huissier de son choix.

Il fait valoir qu'il n'a pas régulièrement payé les loyers dus, en raison de difficultés financières puisqu'il est bénéficiaire du RSA ; qu'un accord avait été conclu avec la défenderesse, qu'il a respecté ; que cependant, la société EUROMOVING est revenue sur cet accord et lui demande de payer toutes les sommes dues ; qu'il craint la vente aux enchères de ses affaires, dans lesquelles figurent notamment de nombreux documents auxquels il tient et qui sont dépourvus de valeur marchande. Il précise qu'il est gérant d'une société commerciale active dans le domaine cinématographique ; que dans ce cadre, il entend agir en contrefaçon à l'encontre d'un autre producteur/réalisateur ; que les éléments nécessaires à la preuve de l'antériorité de ses droits se trouvent dans ses effets personnels gardés par la défenderesse.

La société EUROMOVING s'est opposée à la demande, faisant valoir que le demandeur a accumulé d'importants arriérés de loyers ; qu'elle l'a mis en demeure de régler sa dette sous peine de solliciter l'autorisation de faire vendre ses effets aux enchères publiques pour se payer sur le prix ; que Monsieur V. a déjà fait des demandes qui ont été rejetées. Elle fait valoir que la dette, d'un montant de 4 384,71 euros, est incontestable ; qu'elle a tenu compte de tous les versements effectués par le demandeur; qu'actualisée, elle s'élève à 5 779,62 euros et correspond à deux ans de loyers impayés ; qu'elle dispose d'un droit de rétention prévu à l'article 1948 du code civil, qui n'est pas divisible ; qu'il importe peu que certains biens soient dépourvus de valeur marchande, tous les biens déposés pouvant être retenus ; qu'elle a en vain tenté de rechercher une solution amiable, offrant de libérer les biens mobiliers contre paiement d'une somme de 2 600 euros ; que Monsieur V. n'a donné aucune suite à cette proposition qui contenait abandon d'une partie importante de sa créance.

Par jugement du 21 décembre 2012, le juge de l'exécution de Mulhouse a débouté Monsieur Christophe V. de ses demandes et a rejeté la demande au titre des frais non compris dans les dépens.

Monsieur Christophe V. a interjeté appel de cette décision le 10 janvier 2013.

Par dernières écritures du 14 octobre 2013, il a sur le fondement de l'article 1 du protocole 1er de la Convention européenne des Droits de l'Homme conclu à l'infirmation du jugement déféré et demande qu'il soit constaté que l'exercice du droit de rétention par la SARL EUROMOVING est infondé et abusif, que soit ordonnée la mainlevée de la mesure de rétention portant sur les biens meubles lui appartenant et qu'il soit autorisé à reprendre sans délai des biens listés dans ses écritures. Il sollicite condamnation de l'intimée à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir essentiellement que le dépositaire ne peut en l'espèce exercer son droit de rétention, sa créance n'étant pas certaine ; que cette rétention lèse gravement ses intérêts, car des éléments de preuve d'actes de contrefaçon se trouvent dans les objets retenus.

Par écritures du 18 novembre 2013, la SARL EUROMOVING a conclu à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et demande condamnation de Monsieur V. à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle reprend les arguments développés en première instance et fait valoir que la dette est aujourd'hui de 7 154,53 euros TTC ; que le droit de rétention dont elle dispose n'est pas contraire à l'article 1 du protocole n° 1 de la convention européenne des droits de l'homme puisqu'il n'a pas pour objet de priver le propriétaire de son droit sur le bien retenu, mais simplement d'en disposer librement ; que ce droit n'est pas tributaire de la nature des biens entreposés. A titre subsidiaire, elle relève que Monsieur V. ne rapporte pas la preuve du dépôt effectif des biens dont il réclame la restitution.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 21 janvier 2014.

Motifs

#1 MOTIFS

Vu les conclusions déposées par les parties, auxquelles la Cour se réfère pour plus ample exposé des prétentions ;

Les parties ne contestent pas avoir conclu un contrat de dépôt par lequel la SARL EUROMOVING a accepté de conserver en garde meubles des biens appartenant à Monsieur V., entreposés dans un conteneur, moyennant le paiement d'un loyer trimestriel qui, au vu des factures, était d'abord de 734,07 euros par trimestre, ce montant se décomposant en frais de garde du conteneur et en frais d'assurance, en l'espèce une garantie basée sur une valeur de 30.000 euros, puis a été réduit à compter de juillet 2011 au montant de 464,97 euros qui se limite aux frais de garde.

#2 Il n'est pas non plus contestable, bien que Monsieur V. ait discuté un temps le décompte produit par l'intimée, que l'appelant n'a pas été en mesure de payer tous les loyers et qu'il a même cessé tout paiement à compter d'octobre 2011, le dernier décompte produit par la SARL EUROMOVING faisant état d'un solde restant du par l'appelant d'un montant de 6 709,56 euros au 2 janvier 2013. L'appelant ne peut soutenir que l'intimée ne serait pas titulaire d'une créance certaine, alors que les versements dont il justifie ont été déduits des montants réclamés. Il lui appartient par ailleurs, conformément aux dispositions de l'article 1315 alinéa 2 du code civil, de rapporter la preuve de versements supplémentaires qui n'auraient pas été pris en compte.

A défaut de paiement complet de la créance, l'intimée, dépositaire, est en droit d'opposer à l'appelant un droit de rétention. Ce droit ne peut être considéré comme étant contraire à l'article 1 du protocole N°1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme dès lors qu'il ne porte pas atteinte au droit de propriété du déposant mais institue seulement une garantie particulière en faveur du dépositaire pour le paiement de sa créance, comparable à un droit de gage ou à une saisie conservatoire. Ce droit porte sur tous les biens entreposés, quelle que soit leur nature. Le droit de rétention étant indivisible, l'intimée peut à juste titre refuser de restituer les biens jusqu'au paiement total de sa créance.

Il sera relevé enfin que Monsieur V. ne rapporte aucune preuve du contenu déposé dans des cartons dans les locaux de la société EUROMOVING et il n'importe pas pour la régularité de l'exercice du droit de rétention que ces objets aient ou non une valeur marchande, la dépositaire n'ayant pas le droit sans autre autorisation de faire procéder à la vente des biens retenus.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté l'appelant de sa demande en restitution des effets déposés.

Succombant en la procédure, l'appelant sera condamné aux dépens de l'instance d'appel ainsi qu'à verser à l'intimée la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement entrepris,

CONDAMNE Monsieur Christophe V. à payer à la SARL EUROMOVING la somme de 600 euros (six cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur Christophe V. aux dépens de l'instance d'appel.