Cass. com., 4 décembre 2007, n° 06-13.913
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Avocat :
SCP Piwnica et Molinié
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Denis X..., fondateur de la société Etablissements Denis X... a organisé, en prévision de sa retraite, la transmission de son entreprise au personnel et à son neveu François-Xavier X... en mettant en place une structure de trois sociétés : la société anonyme X... (la société X...) qui a acheté le fonds, la société civile financière Arues constituée entre M. Denis X... et les cadres de la société X... dont Mme Z..., épouse Y... (Mme Y...), et, enfin, la société à responsabilité Chatillonnaise de participation, holding détenant 97,87 % du capital de la société X... et ayant pour associés M. François-Xavier X... et la société civile financière Arues ; que l'article 10 des statuts de la société Arues précisait que seuls pouvaient être associés de cette société les personnes salariées de la société X... remplissant certaines conditions d'ancienneté et de catégorie professionnelle ; que l'article 11 énonçait que les parts devraient être obligatoirement cédées lorsque l'associé ne remplissait plus les conditions prévues à l'article 10 ; que l'article 12, enfin, prévoyait que chaque année la valeur nominale des parts serait déterminée par expert et qu'à défaut de contrepartie d'achat des parts d'un associé sortant, la société X... s'engageait à les racheter à un prix calculé sur la base d'un certain taux appliqué au montant nominal ; qu'à la suite du licenciement de Mme Y... par la société X... et de la démission de M. Denis X... de ses fonctions de gérant de la société Arues, il leur a été proposé de céder leurs parts à la société X... au prix déterminé en application de l'article 12 des statuts ; que Mme Y... et M. Denis X... ont refusé cette offre ; que par une ordonnance du 4 octobre 2000 le juge des référés, saisi par Mme Y... et M. Denis X..., a ordonné une expertise pour évaluer la valeur des parts ; qu'à la suite du dépôt du rapport de l'expert la société X..., rappelant le mode d'évaluation fixé par les statuts, a refusé d'acquérir les parts au prix fixé par l'expert ; que Mme Y... et M. Denis X... ont alors poursuivi la société Arues et la société X... en demandant essentiellement, d'une part, à être autorisés à se retirer de la société Arues pour justes motifs en application de l'article 1689 du code civil, d'autre part, que le prix de cession des parts soit fixé à la valeur retenue par l'expert ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1843-4 du code civil ;
Attendu qu'aux termes de ce texte dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible ;
Attendu que pour rejeter la demande de Mme Y... tendant à voir juger que l'article 12 des statuts prévoyant la fixation du prix du rachat des parts de l'associé retrayant lui soit déclaré inopposable et que soit retenu le prix fixé par l'expert, l'arrêt retient que dès lors que Mme Y... est exclue en application des dispositions statutaires et que les statuts comportent une clause d'évaluation des droits sociaux, les règles statutaires l'emportent sur l'article 1843-4 du code civil ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 1869, alinéa 2, et 1843-4 du code civil ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, l'associé qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux, fixée à défaut d'accord amiable, conformément à l'article 1843-4 du code civil ; qu'il résulte du second, que la valeur de ces droits est déterminée par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. Denis X... tendant à voir juger que l'article 12 des statuts prévoyant la fixation du prix du rachat des parts de l'associé retrayant lui soit déclaré inopposable et que soit retenu le prix fixé par l'expert, l'arrêt retient que l'article 12 qui fixe le prix auquel les parts seront rachetées en l'absence de cession de gré à gré s'applique à M. Denis X..., retrayant volontaire, la fixation de la valeur des parts par expert n'intervenant qu'en l'absence d'accord amiable ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que M. Denis X... contestait l'estimation des droits à céder et qu'en conséquence cette évaluation devait être fixée par un expert, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le troisième moyen :
Vu l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu que pour écarter l'expertise la cour d'appel retient que l'ordonnance de désignation de l'expert, à défaut d'avoir été rendue en la forme des référés et sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil, est dénuée d'autorité de chose jugée ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que l'expertise avait été demandée par M. Denis X... et Mme Y... sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil et que les sociétés Arues, X... et Chatillonnaise de participation ne s'étaient pas opposées à la désignation de l'expert, exposant qu'elle était conforme aux dispositions de ce texte, la cour d'appel qui s'est fondée sur des motifs contradictoires, a méconnu les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 avril 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée.