CA Pau, 1re ch., 28 mai 2013, n° 12/00752
PAU
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Sopavia (SA)
Défendeur :
M. Cauchard (és qual.), Garantie Mutuelle des Fonctionnaires (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pons
Conseillers :
M. Castagne, M. Billaud
Avocats :
SCP Casadebaig - Petit, Me Tucoo Chala, SCP Schnerb
M. Régis Cauchard est propriétaire d'un véhicule Mercedes C220 immatriculé 3022 WG 64 assuré auprès de la compagnie GMF.
Le moteur de ce véhicule a été endommagé le 10 février 2005 par un phénomène de combustion pour lequel, en suite d'une expertise amiable, la GMF a notifié le 24 février 2005 à M. Cauchard un refus de prise en charge.
Par arrêt du 28 avril 2009, infirmant un jugement du tribunal de grande instance de Pau du 19 décembre 2007, la Cour a notamment condamné la GMF à payer à M. Cauchard la somme de 3 131,09 € au titre des réparations du véhicule et déclaré irrecevables les demandes, non chiffrées, de M. Cauchard tendant à la prise en charge des frais de gardiennage et à la réparation du préjudice subi du fait de l'immobilisation du véhicule.
Par arrêt du 30 décembre 2009, la Cour a rejeté une requête en rectification d'erreur matérielle présentée par M. Cauchard et portant sur la déclaration d'irrecevabilité de la demande en paiement d'indemnités.
Par acte d'huissier de justice des 19 et 21 avril 2011, M. Cauchard a fait assigner la SA Sopavia (qui avait réalisé les premières réparations d'urgence du véhicule, depuis remisé dans l'enceinte de son garage de Lons) et la GMF en paiement :
- de la somme de 25 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du trouble de jouissance du fait de l'immobilisation du véhicule depuis le 11 février 2005 et de la perte de valeur vénale du véhicule,
- des frais de gardiennage du véhicule pour la période du 11 février 2005 au 20 août 2008 que pourrait solliciter la SA Sopavia, ses droits à cet égard étant expressément réservés,
- de la somme de 15 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la dégradation du véhicule constatée par procès-verbal d'huissier de justice du 21 août 2008.
Par jugement du 18 janvier 2012, le tribunal de grande instance de Pau a :
- fait droit à la fin de non-recevoir soulevée par la GMF du chef de l'autorité de chose jugée attachée aux arrêts des 28 avril et 31 décembre 2009 quant au remboursement des frais d'immobilisation et de gardiennage du véhicule,
- déclaré irrecevables les demandes formées par M. Cauchard contre la GMF,
- dit que la SA Sopavia a failli dans ses obligations de dépositaire du véhicule de M. Cauchard,
- fixé le préjudice de M. Cauchard à la somme de 10 000 €,
- condamné la SA Sopavia à payer à M. Cauchard la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts,
- déclaré recevable la demande reconventionnelle de la SA Sopavia et condamné M. Cauchard à lui payer la somme de 3 131,09 € TTC,
- ordonné la compensation de ces créances réciproques,
- condamné la SA Sopavia à payer à M. Cauchard la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
La SA Sopavia a interjeté appel de cette décision selon déclaration enregistrée au greffe de la Cour le 2 mars 2012.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état en date du 17 décembre 2012.
Dans ses dernières conclusions déposées le 6 septembre 2012, la SA Sopavia demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. Cauchard à lui payer la somme de 3 131,09 € TTC et, le réformant pour le surplus, de débouter M. Cauchard de toutes ses demandes et de condamner toute partie succombante à lui payer la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Elle soutient en substance :
- qu'elle a été amenée dans le cadre des opérations d'expertise à effectuer diverses interventions sur le véhicule ayant donné lieu à émission d'une facture que l'arrêt du 28 avril 2009 a condamné la GMF à rembourser à M. Cauchard qui ne l'a lui-même jamais acquittée,
- qu'en marge du contrat d'entreprise l'ayant liée à M. Cauchard, elle était également tenue des obligations d'un dépositaire pour avoir accueilli le véhicule dans l'enceinte de son garage mais qu'elle n'a fait qu'exercer son droit légitime de rétention demeurant le non-paiement de sa facture d'intervention,
- que le premier juge ne pouvait allouer à M. Cauchard une indemnité de 10 000 € pour un véhicule qui n'a plus aucune valeur marchande, indépendamment de la manière dont il a pu être conservé et des obligations du dépositaire, alors même qu'elle ne sollicite de frais de gardiennage que jusqu'au 31 décembre 2006,
- qu'elle n'a commis aucun manquement à ses obligations de dépositaire, n'ayant nullement l'obligation d'entreposer le véhicule dans un endroit abrité, alors même que la perte de valeur du véhicule est exclusivement imputable à la faute de M. Cauchard qui a refusé de régler le prix des prestations et de reprendre le véhicule.
Dans ses dernières conclusions déposées le 30 juillet 2012, M. Cauchard, formant appel incident, demande à la Cour :
- de condamner la GMF à lui payer la somme de 25 000 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi en raison du trouble de jouissance lié à l'immobilisation de son véhicule depuis le 11 février 2005 et de la perte de valeur vénale de ce dernier,
- de donner acte à la SA Sopavia de ce qu'elle ne facture pas les frais de gardiennage postérieurs au 31 décembre 2006,
- de condamner en tant que de besoin la GMF à lui payer les frais de gardiennage du véhicule du 11 février 2005 au 31 décembre 2006,
- de condamner en tant que de besoin la SA Sopavia à prendre en charge le montant des frais de gardiennage du véhicule pour la période du 11 février 2005 au 31 décembre 2006,
- de débouter la SA Sopavia de ses demandes à son encontre et de la condamner à lui payer la somme de 15 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la dégradation de son véhicule,
- de condamner la GMF et la SA Sopavia à lui payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Il soutient pour l'essentiel :
- que l'irrecevabilité prononcée par la Cour dans son arrêt du 28 avril 2009 ne préjudicie pas au bien-fondé de ses demandes au titre des frais de gardiennage, du trouble de jouissance et de la perte de valeur vénale du véhicule,
- que c'est la GMF qui a pris l'initiative de déposer le véhicule au garage Sopavia et qu'elle ne s'est que tardivement acquittée de la facture de réparation d'un véhicule qui n'est plus économiquement réparable,
- que la SA Sopavia a refusé de restituer le véhicule malgré sommation du 21 août 2008.
Dans ses dernières conclusions déposées le 29 octobre 2012, la Garantie Mutuelle des Fonctionnaires conclut à la confirmation du jugement entrepris et sollicite la condamnation de M. Cauchard à lui payer les sommes de 5 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Elle soutient en substance que la Cour dans ses arrêts d'avril et décembre 2009 a débouté M. Cauchard de ses demandes de prise en charge des frais de gardiennage et d'immobilisation et de perte de valeur vénale du véhicule et que ces décisions ont autorité de chose jugée.
MOTIFS
I - Sur l'action principale de M. Cauchard :
1 - Sur les demandes formées contre la GMF :
Dans le dernier état de ses conclusions, M. Cauchard sollicite la condamnation de la GMF :
- à lui payer la somme de 25 000 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi d'une part en raison du trouble de jouissance du fait de l'immobilisation du véhicule depuis le 11 février 2005 et d'autre part en raison de la perte de valeur vénale du véhicule,
- à prendre en charge les frais de gardiennage du véhicule pour la période du 11 février 2005 au 31 décembre 2006.
Outre la circonstance que le caractère global et indifférencié de la demande indemnitaire ne permet pas de déterminer le montant des réclamations formées au titre de chacun des postes de préjudice dont il sollicite réparation, force est en toute hypothèse de constater que ces prétentions se heurtent à l'autorité de chose jugée par les arrêts précités des 28 avril et 30 décembre 2009.
C'est en en effet à bon droit que le premier juge (après avoir rappelé les dispositions des articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil et énoncé que les décisions rendues 'en l'état' ont l'autorité de la chose jugée et ne laissent pas la possibilité aux parties d'engager une nouvelle instance aux mêmes fins, même dans l'hypothèse où elles produiraient des preuves complémentaires) a déclaré irrecevables les demandes formées par M. Cauchard contre la GMF dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins (remboursement des frais de gardiennage et indemnisation des préjudices résultant de l'immobilisation du véhicule) et sont dirigées contre la même partie que dans l'instance initiale.
2 - Sur les demandes dirigées contre la SA Sopavia :
M. Cauchard sollicite la condamnation de la SA Sopavia à lui payer la somme de 15 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi en raison de la dégradation de son véhicule.
Le garagiste qui a reçu un véhicule en dépôt pour le réparer n'est pas libéré de ses obligations de dépositaire par la réalisation des travaux commandés et il demeure, sur le fondement de l'article 1927 du code civil, garant du sort du véhicule même pendant la période où il exerce sur celui-ci un droit de rétention en raison du non-paiement par son propriétaire des travaux de réparation.
Cette responsabilité doit, en l'espèce, être appréciée, par application de l'article 1928 du code civil, de manière plus rigoureuse puisque le contrat de dépôt du véhicule accessoire au contrat principal de réparation présente un caractère onéreux ainsi que l'établit la facturation de frais de gardiennage par la SA Sopavia.
Or il résulte du procès-verbal de constat du 21 août 2008 qui ne fait l'objet d'aucune contestation de la SA Sopavia que le véhicule de M. Cauchard était remisé à l'extérieur, à l'arrière de la concession, portières ouvertes, capot avant non fermé, soulevé et simplement reposé, le moteur étant recouvert de rameaux, de feuilles mortes et de toiles d'araignées, que l'essuie-glace et son mécanisme ainsi que l'insigne Mercedes, les clignotants avant droit et gauche, l'autoradio et le calculateur ont disparu et qu'un mécanicien - qui n'a pu retrouver la clé du véhicule - a indiqué à l'huissier que ces dégradations sont imputables 'à des gitans qui viennent de nuit piller les véhicules stationnés à l'arrière du bâtiment'.
Ces constatations établissent un manquement manifeste de la SA Sopavia à son obligation - de moyens - renforcée de dépositaire rémunéré dont elle ne peut prétendre s'exonérer sur la seule base d'une attestation d'une société de gardiennage datée de juin 2012, indiquant que le site est équipé d'un système de détection intrusion relié à un PC de télésurveillance, composé de détecteurs volumétriques intérieurs, protégeant les différents chemins d'accès du rez-de-chaussée et qu'une barrière protège l'accès au parking du site alors même :
- qu'il n'est pas établi que ce dispositif de sécurité, concernant au demeurant l'intérieur du bâtiment d'exploitation et non le parc de stationnement, existait antérieurement au constat du 21 août 2008,
- que la SA Sopavia ne justifie d'aucune disposition sécuritaire préventive et/ou démarche particulière, notamment auprès de son assureur ou des services de police, relativement aux agissements délictueux, par elle présentés comme récurrents, auxquels elle impute les dégradations du véhicule lequel était dans un état normal d'entretien à la date de l'expertise amiable et ne pouvait être considéré comme une épave destinée à la casse et ne justifiant pas une surveillance et une protection minimales.
La perte de valeur vénale du véhicule ne peut cependant être exclusivement imputée aux dégradations et aux conditions de stationnement dans l'enceinte du garage Sopavia dès lors que l'immobilisation prolongée du véhicule, objet d'une rétention légitime par suite du non-paiement de la facture de première intervention de la SA Sopavia, et qui n'a pas fait l'objet des travaux de remise en état évalués par l'expert judiciaire à 5 900 €, est manifestement un facteur d'aggravation et d'accélération de son inéluctable décote sur le marché de l'occasion.
Compte tenu de l'ancienneté du véhicule mis en circulation en 1998, de son kilométrage (177 000 kms), de la nécessité de procéder à des travaux importants pour assurer sa remise en marche, la Cour, réformant le jugement déféré de ce chef, évaluera la diminution de sa valeur vénale imputable aux manquements de la SA Sopavia à ses obligations de dépositaire sera évaluée à la somme de 5 000 €.
II - Sur la demande reconventionnelle de la SA Sopavia :
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné M. Cauchard à payer à la SA Sopavia la somme de 3 131,09 € montant de la facture d'intervention et garde du véhicule du 28 décembre 2006, la réalité des travaux facturés n'étant pas contestable au vu des éléments versés aux débats (et spécialement du rapport d'expertise judiciaire établi par M. Meret), les manquements de la SA Sopavia à ses obligations ci-dessus constatés ne la privant pas du droit à rémunération de son intervention, compensable avec la créance indemnitaire réciproque dont M. Cauchard a été reconnu titulaire.
III - Sur les demandes accessoires :
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une quelconque des parties, tant en ce qui concerne les frais irrépétibles exposés en première instance que ceux exposés en cause d'appel.
La SA Sopavia sera condamnée aux entiers dépens d'appel et de première instance.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Pau en date du 18 janvier 2012,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :
- déclaré irrecevables les demandes formées par M. Régis Cauchard contre la GMF,
- condamné M. Cauchard à payer à la SA Sopavia la somme de 3 131,09 € TTC (trois mille cent trente et un euros et neuf centimes) au titre de la facture 310121 du 28 décembre 2006,
- dit que la SA Sopavia a failli dans ses obligations de dépositaire du véhicule de M. Cauchard,
Réformant le jugement entrepris sur le montant de la créance indemnitaire de M. Cauchard, condamne la SA Sopavia à payer à celui-ci la somme de 5 000 € (cinq mille euros) à titre de dommages-intérêts,
Ordonne la compensation des créances réciproques entre M. Cauchard et la SA Sopavia,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une quelconque des parties tant en ce qui concerne les frais irrépétibles exposés en première instance que ceux exposés en cause d'appel,
Condamne la SA Sopavia aux entiers dépens d'appel et de première instance,
Autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.
Le présent arrêt a été signé par Mme Pons, Président, et par Mme Peyron, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.