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Décisions

Cass. com., 6 février 2007, n° 05-21.271

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

M. Petit

Avocat général :

M. Main

Avocats :

Me Le Prado, Me Spinosi, SCP Baraduc et Duhamel

T. com. Paris, 22e ch., du 19 févr. 1999…

19 février 1999

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 septembre 2005), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 4 février 2004, Bull. 2004, IV, n° 23), que la SARL Fabricants indépendants a cédé à la société Guyomarc'h alimentaire Sagal les parts de la SNC Fabricants indépendants dont elle était titulaire ; que les parties sont convenues, conformément aux dispositions de l'article 1592 du code civil, de confier la détermination du prix de cession à l'arbitrage d'un collège d'experts composé des sociétés Expertise Galtier, AEG finances et Ricol, Lasteyrie et associés ; que la société cédante, alléguant des irrégularités et des erreurs ayant conduit à une sous-évaluation des parts, a demandé que les tiers évaluateurs soient condamnés à réparer le préjudice résultant, selon elle, des fautes commises et consistant dans la différence entre la valeur véritable des parts et le prix fixé ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la SARL Fabricants indépendants fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté cette demande, alors, selon le moyen, que l'aveu judiciaire peut résulter de la reconnaissance d'un fait par une partie dans ses conclusions écrites ; que ne pouvant être révoqué, il ne saurait l'être du fait qu'ayant été contenu dans des conclusions d'appel, il ne se trouve pas dans les dernières écritures ; qu'en jugeant cependant, au cas présent, que l'affirmation que les experts avaient cherché un prix de compromis au lieu de déterminer la valeur de la SNC Fabricants indépendants conformément à la convention des parties résultait d'une lecture des conclusions des sociétés AEG finances et Ricol, Lasteyrie et associés dans une rédaction antérieure à celles récapitulatives du 31 mars 2005, lesquelles avaient abandonné toute référence à la détermination d'une valeur de compromis, la cour d'appel a violé l'article 1156 du code civil ;

Mais attendu qu'examinant le reproche, adressé au collège des experts, d'avoir recherché un prix de compromis et non déterminé la valeur des parts cédées, l'arrêt retient qu'une telle affirmation, qui ne résulte que d'une "lecture" des conclusions des sociétés AEG finances et Ricol, Lasteyrie et associés dans une rédaction antérieure à celle des conclusions récapitulatives, se trouve contredite par les termes mêmes du rapport de mission établi par les experts ; qu'en l'état de cette appréciation exclusive de la constatation d'un aveu judiciaire, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait sans encourir le grief du moyen ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la SARL Fabricants indépendants fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en relevant que la lettre du 25 octobre 1996, dans laquelle étaient fixées les lignes de conduite des opérations d'expertise et l'engagement, en particulier, de respecter le principe de la contradiction, émanait de la seule société Ricol, Lasteyrie et associés et non des trois experts, cependant que, dans leurs conclusions récapitulatives d'appel, les sociétés AEG finances et Ricol Lasteyrie et associés reconnaissaient qu'il s'agissait d'une obligation que le collège d'experts s'était lui-même imposée, la cour d'appel a violé l'article 4 du nouveau code de procédure civile ;

2°/ que la société Fabricants indépendants rappelait que le collège des experts s'était expressément engagé, dans la lettre du 25 octobre 1996, à communiquer aux parties les travaux et documents réalisés dans le cadre de sa mission afin de susciter leurs observations avant le dépôt de l'évaluation définitive des parts de la société ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si le fait que ces travaux et documents n'aient pas été transmis à la société Fabricants indépendants ne caractérisait pas une faute, à son égard, du collège des experts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu qu'examinant le reproche, adressé au collège des experts, d'avoir méconnu la méthodologie définie par lui en accord avec les parties et fondée sur le principe du contradictoire, l'arrêt retient que la lettre du 25 octobre 1996, invoquée en ce sens, ne vise qu'une partie étroite de la mission et relève que, s'agissant de celle-ci, une équipe d'auditeurs a été constituée à laquelle participait un cabinet d'expertise comptable missionné par la SARL Fabricants indépendants, que ce travail a été réalisé contradictoirement par les experts-comptables et que la société Fabricants indépendants a pu faire valoir ses observations ; qu'en l'état de ces constatations et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la SARL Fabricants indépendants fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'en se bornant à retenir que la SARL Fabricants indépendants ne formulait que des critiques d'ordre général sur le travail des experts et ne précisait pas le comportement fautif qui leur serait imputable, sans apprécier, comme elle y était pourtant invitée, si le fait pour le collège des experts de ne pas s'être livré à un diagnostic approfondi de l'entreprise à évaluer, de ne jamais s'être rendu dans ses locaux et de ne pas en avoir évalué la valeur patrimoniale comme celle de sa filiale ne caractérisait pas un manque de diligence fautif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu qu'examinant les reproches adressés au collège des experts quant aux méthodes d'évaluation mises en oeuvre, l'arrêt, loin de se borner a retenir que la SARL Fabricants indépendants ne formule à cet égard que des critiques d'ordre général, écarte successivement les critiques relatives aux méthodes utilisées et aux appréciations retenues quant à la valorisation de la filiale espagnole INA, à la détermination des actifs mobiliers et immobiliers de la SNC Fabricants indépendants et à l'incidence du contrat de location-gérance ainsi que de la valorisation de l'établissement italien ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le quatrième moyen :

Attendu que la SARL Fabricants indépendants fait toujours le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que l'expert chargé de déterminer objectivement le prix de parts sociales doit s'appuyer sur des données certaines dont il lui appartient de vérifier personnellement l'exactitude tant qu'il n'est pas dessaisi de sa mission par le dépôt de son rapport définitif ; que, s'il procède à une évaluation sur la base d'une simple estimation fournie par un tiers, il lui incombe de s'assurer de sa justesse dès lors qu'il est en mesure de disposer de l'information certaine avant la date du dépôt de son rapport ; que, au cas présent, en jugeant qu'il n'y avait pas de faute de la part du collège des experts à retenir, à l'époque où il a procédé à la valorisation de la société INA, une simple estimation du PER pour le mois de juin 1996 fournie par une société spécialisée, cependant qu'il lui incombait, pour satisfaire à sa mission avec vigilance, de vérifier cette estimation auprès des autorités boursières espagnoles dans la mesure où le PER officiel, connu en janvier 1997, était accessible avant la date de dépôt du rapport d'expertise en mai 1997, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant retenu que lorsque les experts ont procédé à leur mission de valorisation de la société INA, les résultats des sociétés cotées pour l'exercice 1996 n'étaient pas connus, en sorte que seuls des résultats estimés ou probables pouvaient être retenus pour le calcul des ratios PER et relevé que la SARL Fabricants indépendants ne rapportait pas la preuve qu'en juin 1996, le marché de la bourse de Madrid prévoyait un PER autre que 11,50 pour ce type d'entreprise, la cour d'appel a pu en déduire, sans encourir le grief du moyen, que le choix de ce chiffre par le collège d'experts ne constituait pas une faute ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.