Cass. 1re civ., 27 février 2013, n° 12-15.828
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gridel
Avocats :
Me Copper-Royer, SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Monod et Colin
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., avocat associé en SCP, a notifié son retrait à ses coassociés, MM. Y... et Z... qui l'ont accepté dans le principe ; qu'en l'absence d'accord sur les conditions de la cession ou du rachat des parts, la SCP a sollicité une expertise pour faire évaluer les droits sociaux, mesure qui a été ordonnée par le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés, et le retrayant a soumis à l'arbitrage du bâtonnier une demande en paiement de diverses provisions ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la SCP et les associés en exercice reprochent à l'arrêt attaqué de rejeter leur demande de renvoi devant une cour d'appel située dans un ressort limitrophe, alors, selon le moyen :
1°/ que tout jugement doit être motivé, à peine de nullité, en sorte que le juge ne peut se prononcer au visa de documents sans procéder à leur analyse, même sommaire ; que, pour débouter la SCP de sa demande fondée sur l'article 47 du code de procédure civile, la cour d'appel a énoncé qu'après examen des pièces du dossier et compte tenu de l'avis de la Cour de cassation en date du 23 mai 2011 la procédure spéciale de règlement des différends entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel, instituée aux articles 21 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971 et 179-1 à 179-7 du décret 91-1197 du 27 novembre 1991, échappait aux dispositions de l'article 47 du code de procédure civile ; qu'en statuant ainsi, sans procéder à une analyse, même sommaire, des documents qui lui étaient soumis, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en se bornant, pour débouter la SCP de sa demande fondée sur l'article 47 du code de procédure civile, à se référer à un avis rendu par la Cour de cassation sans justifier sa décision par aucune considération propre à l'affaire, la cour d'appel a encore méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que c'est à bon droit que l'arrêt énonce que la procédure spéciale de règlement des différends entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel, instituée aux articles 21 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée et 179-1 à 179-7 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié, échappe par nature aux dispositions de l'article 47 du code de procédure civile ; que le moyen est dénué de tout fondement ;
Sur le troisième moyen, pris en ses trois premières branches :
Attendu que la SCP et les associés en exercice font encore grief à l'arrêt de les condamner au paiement de diverses provisions, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte des dispositions d'ordre public de l'article 1843-4 du code civil que dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible ; qu'en confirmant le mode d'évaluation des indemnités provisionnelles faites par la décision du 21 juillet 2010 et en condamnant solidairement M. Y..., M. Z... et la SCP à payer à M. X... la somme de 180 000 euros à titre de provision sur le prix des parts, la somme de 50 000 euros à titre de provision sur la valorisation des dossiers en cours et la somme de 17 000 euros à titre de provision sur les bénéfices 2010, la cour d'appel a anticipé la valorisation des droits sociaux du retrayant quant à l'évaluation desdits droits quand il lui appartenait de renvoyer au président du tribunal de grande instance de Pontoise qui avait, par une ordonnance de référé du 6 octobre 2010, retenu sa compétence pour ordonner une expertise aux fins de déterminer la valeur des droits sociaux ; qu'elle a ainsi violé le texte susvisé ;
2°/ qu'en fixant le montant de la provision sur la valorisation des dossiers en cours sans rechercher, comme elle y était invitée, si la valorisation des encours ne formait pas un tout indivisible avec la valorisation des droits sociaux de sorte qu'il fallait, au préalable, faire déterminer la valeur des droits sociaux par un expert selon les dispositions de l'article 1843-4 du code civil pour pouvoir déterminer le coefficient de valorisation des encours et évaluer ces derniers et donc surseoir à statuer dans l'attente de l'expertise ordonnée par le président du tribunal de grande instance de Pontoise aux fins de déterminer la valeur des droits sociaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard dudit article ;
3°/ qu'en fixant à la somme de 17 000 euros le montant des provisions sur les bénéfices 2010 sans rechercher, comme elle y était invitée, si les comptes sociaux de la SCP A... Y... Z... X... de l'exercice 2010 dressés par l'expert-comptable et visés par l'ANAAFA n'établissaient pas que M. X... avait perçu la totalité de ce à quoi il pouvait prétendre au titre de cet exercice compte tenu de ce qu'il n'apportait plus à la SCP A... Y... Z... X... le produit de son industrie depuis le 8 avril 2010, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1843-4 du code civil ;
Mais attendu, d'abord, que les dispositions de l'article 1843-4 du code civil n'interdisent pas à la juridiction des référés d'accorder une provision à l'associé retrayant lorsque celui-ci est créancier d'une obligation dont l'existence n'est pas sérieusement contestable ; qu'ensuite, la cour d'appel a, par motifs adoptés, constaté que la SCP avait, dans des lettres du 23 décembre 2009 et du 18 mars 2010, accepté l'application d'un coefficient de 0, 5 pour la valorisation des dossiers en cours, faisant ainsi ressortir l'absence de contestation sérieuse sur ce point ; qu'enfin, la provision allouée par le juge du fond au titre des bénéfices de l'exercice 2010 a été calculée au vu des résultats réalisés au cours du seul premier trimestre de cette année ; que le moyen est mal fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que le moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur la quatrième branche du troisième moyen :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt condamne MM Y... et Z..., solidairement avec la SCP A... Y... Z... X..., à payer à M. X... la somme de 17 000 euros à titre de provision à valoir sur les bénéfices de l'exercice 2010 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que pour ce chef de demande, seule la condamnation de la SCP était sollicitée, la cour d'appel a modifié l'objet du litige en violation du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne MM. Y... et Z..., solidairement avec la SCP A... Y... Z... X..., à payer à M. X... la somme de 17 000 euros à titre de provision à valoir sur les bénéfices de l'exercice 2010, l'arrêt rendu le 21 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.