Cass. crim., 3 octobre 1974, n° 73-93.259
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Combaldieu
Rapporteur :
M. Gagne
Avocat général :
M. Davenas
Avocat :
Me Jolly
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION, COMMUN AUX DEUX DEMANDEURS, ET PRIS DE LA VIOLATION PAR REFUS D'APPLICATION DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 1741 DU CODE GENERAL DES IMPOTS, ENSEMBLE DE L'ARTICLE 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, CONTRADICTION ENTRE LES MOTIFS ET LE DISPOSITIF, MANQUE DE BASE LEGALE, " EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE PRONONCE LA RELAXE D'UN PREVENU ASSUJETTI, EN SA QUALITE D'AVOUE, A L'IMPOT SUR LE REVENU DANS LA CATEGORIE DES BENEFICES NON COMMERCIAUX SELON LE REGIME OBLIGATOIRE DE LA DECLARATION CONTROLEE, AINSI QU'ACCESSOIREMENT A LA TAXE COMPLEMENTAIRE, ET RENVOYE DEVANT LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE DU CHEF DU DELIT DE FRAUDE FISCALE PAR DISSIMULATION VOLONTAIRE DE SOMMES SUJETTES A L'IMPOT DANS DES PROPORTIONS EXCEDANT LA TOLERANCE LEGALE, AU MOTIF DE DROIT QUE LES SANCTIONS PENALES EDICTEES PAR L'ARTICLE 1741 DU CODE GENERAL DES IMPOTS SERAIENT SUBORDONNEES A L'EXISTENCE DE MOYENS FRAUDULEUX NON DEMONTRES EN LA CIRCONSTANCE DU MOMENT OU N'A ETE RAPPORTEE CONTRE LE PREVENU LA PREUVE D'AUCUNE MANOEUVRE ;
" ALORS, D'UNE PART, QUE L'ARTICLE 1741 DU CODE GENERAL DES IMPOTS, LEQUEL VISE QUICONQUE S'EST FRAUDULEUSEMENT SOUSTRAIT A L'ETABLISSEMENT OU AU PAYEMENT TOTAL OU PARTIEL DE L'IMPOT, INCRIMINE A CE TITRE ET D'UNE MANIERE CLAIRE ET PRECISE LE FAIT D'AVOIR DISSIMULE UNE PART DES SOMMES SUJETTES A L'IMPOT AUX SEULES CONDITIONS QUE LA DISSIMULATION AIT ETE COMMISE VOLONTAIREMENT ET QU'ELLE EXCEDE SOIT LE DIXIEME DE LA SOMME IMPOSABLE, SOIT LA SOMME DE MILLE FRANCS, D'OU IL SUIT QUE, SOUS PRETEXTE D'INTERPRETATION, LES JUGES DU FOND ONT RESTREINT ARBITRAIREMENT LA PORTEE DU TEXTE LEGAL PAR L'ADJONCTION D'EXIGENCES QU'IL NE COMPORTE PAS ;
" ET ALORS, D'AUTRE PART, QU'IL RESULTE DES CONSTATATIONS DE L'ARRET LUI-MEME QUE, POUR L'ETABLISSEMENT DES IMPOTS FRAPPANT LES REVENUS DE SON ETUDE D'AVOUE DES ANNEES 1968 A 1970, INCLUSES DANS LA PERIODE NON COUVERTE PAR LA PRESCRIPTION PENALE, LE PREVENU N'AVAIT PAS TENU COMPTE DES RENTREES ET SORTIES EFFECTIVES D'ARGENT INSCRITES SUR LES LIVRES DE L'ETUDE, MAIS SIMPLEMENT DU NOMBRE DE PLACETS DEPOSES CHAQUE ANNEE AU GREFFE DU TRIBUNAL, AUQUEL AVAIT ETE APPLIQUE UN COEFFICIENT DONT LE CHOIX AURAIT ETE FORT ARBITRAIRE, ET QUE DU RESULTAT AINSI OBTENU IL AVAIT DEDUIT LE TOTAL DES FRAIS PROFESSIONNELS EFFECTIFS ;
QUE LES VERIFICATIONS EFFECTUEES PERMIRENT DE METTRE EN EVIDENCE UNE MINORATION DE RECETTE DE L'ORDRE DE 17 % EN 1968 EN 1969 ET DE 24% EN 1970, D'OU RESULTAIT UNE INSUFFISANCE DE DECLARATION DES BENEFICES IMPOSABLES DE L'ORDRE DE CENT MILLE FRANCS POUR CHACUNE DE CES ANNEES ET UNE MINORATION D'IMPOSITIONS ATTEIGNANT 193 240 FRANCS POUR LES TROIS ANNEES ;
D'OU IL SUIT QUE LA COUR D'APPEL NE POUVAIT, SANS CONTRADICTION, RELEVER L'EXISTENCE D'UNE CASCADE DE MINORATIONS PORTANT, POUR DES SOMMES EXCEDANT LARGEMENT LA TOLERANCE LEGALE, SUR LES RECETTES, LES BENEFICES ET L'IMPOT, LESQUELLES CARACTERISENT UNE VERITABLE MISE EN SCENE PAR L'UTILISATION DE MOYENS FRAUDULEUX ET IMPLIQUENT L'INTENTION DE REDUIRE ARTIFICIELLEMENT LA MATIERE IMPOSABLE ET, D'AUTRE PART, DECLARER LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DU DELIT DE FRAUDE FISCALE NON ETABLI EN LA CIRCONSTANCE " ;
VU LESDITS ARTICLES ;
ATTENDU QUE L'ARTICLE 1741 DU CODE GENERAL DES IMPOTS PUNIT DES PEINES QU'IL SPECIFIE, " QUICONQUE S'EST FRAUDULEUSEMENT SOUSTRAIT OU A TENTE DE SE SOUSTRAIRE FRAUDULEUSEMENT A L'ETABLISSEMENT OU AU PAIEMENT TOTAL OU PARTIEL DES IMPOTS VISES DANS LA PRESENTE CODIFICATION, SOIT QU'IL AIT VOLONTAIREMENT OMIS DE FAIRE SA DECLARATION DANS LES DELAIS PRESCRITS, SOIT QU'IL AIT VOLONTAIREMENT DISSIMULE UNE PART DES SOMMES SUJETTES A L'IMPOT, SOIT QU'IL AIT ORGANISE SON INSOLVABILITE OU MIS OBSTACLE PAR D'AUTRES MANOEUVRES AU RECOUVREMENT DE L'IMPOT, SOIT EN AGISSANT DE TOUTE AUTRE MANIERE FRAUDULEUSE " ;
ATTENDU QUE X... ANTONY, QUI EXERCAIT LA PROFESSION D'AVOUE ET ETAIT, A CE TITRE, SOUMIS, PAR APPLICATION DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 100 DU CODE GENERAL DES IMPOTS, AU REGIME DE LA DECLARATION CONTROLEE, A ETE POURSUIVI, SUR PLAINTE DE L'ADMINISTRATION DES IMPOTS, POUR S'ETRE FRAUDULEUSEMENT SOUSTRAIT A L'ETABLISSEMENT ET AU PAIEMENT PARTIEL DE L'IMPOT SUR LE REVENU DES PERSONNES PHYSIQUES, AU TITRE DES ANNEES 1968, 1969 ET 1970, ET DE LA TAXE PROPORTIONNELLE, AU TITRE DES ANNEES 1968 ET 1969, EN DISSIMULANT VOLONTAIREMENT UNE PART DES SOMMES SUJETTES A CES IMPOTS ET TAXE, LA DISSIMULATION EXCEDANT TANT LE DIXIEME DES SOMMES IMPOSABLES QUE LE MINIMUM DE 1000 FRANCS ;
ATTENDU QUE L'ARRET ATTAQUE, QUI POUR L'EXPOSE DES FAITS SE REFERE A LA DECISION DES PREMIERS JUGES, ENONCE QUE, " LORS DE SES DECLARATIONS DEPOSEES EN 1969, 1970 ET 1971 POUR L'ETABLISSEMENT DE SES IMPOTS DIRECTS SUR CHACUNE DES ANNEES PRECEDENTES ", LE PREVENU " AVAIT DONNE DES RENSEIGNEMENTS INEXACTS ET INCOMPLETS " ;
- QU'IL AVAIT PROCEDE " DE MANIERE EMPIRIQUE, EN SUBSTITUANT A UNE DECLARATION EXACTE DE SES RECETTES BRUTES, FONDEE SUR LES RENTREES ET SORTIES EFFECTIVES D'ARGENT, INSCRITES SUR SES LIVRES COMPTABLES, UNE DECLARATION FORFAITAIRE OBTENUE EN APPLIQUANT SYSTEMATIQUEMENT UN COEFFICIENT, DONT LE CHOIX AVAIT ETE ARBITRAIRE, AU NOMBRE DE PLACETS DEPOSES CHAQUE ANNEE AU GREFFE DU TRIBUNAL ;
- QU'ENSUITE, " DU RESULTAT AINSI OBTENU, IL AVAIT DEDUIT LE TOTAL DE SES FRAIS PROFESSIONNELS EFFECTIFS " ;
- QUE LA COUR PRECISE QUE LES CONTROLES DE L'ADMINISTRATION AVAIENT MIS EN EVIDENCE DES MINORATIONS DE RECETTES DE L'ORDRE DE 27 % EN 1968 ET 1969, ET DE 24 % EN 1970 ET QU'IL EN EST RESULTE DES INSUFFISANCES DE DECLARATION, DONT L'ARRET SOULIGNE L'IMPORTANCE, ET QUI AVAIENT ABOUTI A DES MINORATIONS D'IMPOSITIONS DONT LE MONTANT TOTAL S'ETAIT ELEVE, POUR LES TROIS ANNEES CONSIDEREES, A 193 240 FRANCS ;
- QU'ENFIN, LES JUGES DU FOND ECARTENT, COMME NON FONDEES, LES CONCLUSIONS DU DEMANDEUR SELON LESQUELLES " IL LUI AURAIT ETE MATERIELLEMENT IMPOSSIBLE DE TROUVER LE TEMPS NECESSAIRE A DES OPERATIONS DE COMPTABILITE SCRUPULEUSEMENT EXACTES ", ET SOULIGNENT QUE CET OFFICIER MINISTERIEL AVAIT DEJA ETE " MIS EN DEMEURE ", A L'OCCASION DE PRECEDENTES VERIFICATIONS DE L'ADMINISTRATION PORTANT SUR LA PERIODE 1958 A 1964, " DE CESSER D'AVOIR RECOURS A DES PRATIQUES IRREGULIERES " IDENTIQUES A CELLES QUI ONT ETE RELEVEES PAR LA PREVENTION ;
ATTENDU QU'EN L'ETAT DE CES ENONCIATIONS ET CONSTATATIONS, QUI CARACTERISENT LE PRINCIPE ET L'IMPORTANCE DES DISSIMULATIONS OPEREES PAR LE PREVENU, ET DESQUELLES IL RESULTE NECESSAIREMENT QUE CES DISSIMULATIONS ONT ETE VOLONTAIRES, LA COUR D'APPEL NE POUVAIT RELAXER LE DEMANDEUR COMME ELLE L'A FAIT, AU MOTIF QUE " L'INCRIMINATION DE L'ARTICLE 1741 DU CODE GENERAL DES IMPOTS NE LUI ETAIT PAS APPLICABLE DU MOMENT OU N'ETAIT PAS RAPPORTEE CONTRE LUI LA PREUVE D'AUCUNES MANOEUVRES " DESTINEES A TROMPER L'ADMINISTRATION DES IMPOTS ;
ATTENDU, EN EFFET, QU'EN DECIDANT AINSI, ET EN SUBORDONNANT L'APPLICATION DE L'ARTICLE 1741 A L'EXISTENCE DE " MANOEUVRES FRAUDULEUSES ", LA COUR D'APPEL A MECONNU LE SENS ET LA PORTEE DUDIT ARTICLE ;
- QUE CELUI-CI, LORSQU'IL VISE LE CONTRIBUABLE QUI S'EST " FRAUDULEUSEMENT SOUSTRAIT A L'ETABLISSEMENT OU AU PAIEMENT DE L'IMPOT ", QUALIFIE A LA FOIS LE FAIT REPREHENSIBLE CONSTITUANT L'ELEMENT MATERIEL DE L'INFRACTION ET L'INTENTION DE FRAUDE DU CONTRIBUABLE;
- QUE CE MEME TEXTE, EN FIXANT ENSUITE LES CAS, LIMITATIVEMENT ENUMERES, DANS LESQUELS LA FRAUDE SE TROUVE REALISEE, DETERMINE LES DIVERSES MODALITES DE PERPETRATION DU DELIT, ET, NOTAMMENT, COMME EN L'ESPECE, " LA DISSIMULATION VOLONTAIRE DES SOMMES SUJETTES A L'IMPOT " ;
- QU'EN AUCUN DE CES CAS, LEDIT ARTICLE N'EXIGE COMME L'EXIGEAIT ANTERIEUREMENT L'ARTICLE 146 DU CODE DES IMPOTS DIRECTS, ABROGE EN 1948, QUE LE CONTRIBUABLE AIT EMPLOYE DES " MANOEUVRES FRAUDULEUSES " DANS LE DESSEIN DE TROMPER L'ADMINISTRATION DES IMPOTS ;
D'OU IL SUIT QUE LA CASSATION EST ENCOURUE ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE L'ARRET DE LA COUR D'APPEL DE REIMS DU 8 NOVEMBRE 1973, ET, POUR ETRE A NOUVEAU STATUE CONFORMEMENT A LA LOI : RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA COUR D'APPEL DE LYON.